samedi 15 octobre 2016

La cruauté est-elle une forme de dépassement de soi ?

Quand on songe à la mort de tous les animaux dont nous sommes responsables, par notre alimentation carnivore, et à leurs conditions de vie atroces dans des élevages industriels ! Ce qui est affreux dans l'histoire, c'est que l'homme n'est pas plus mauvais qu'une autre espèce animale, toute autre espèce animale dotée de la même intelligence que l'homme, ferait certainement la même chose, c'est en réalité la nature qui est mauvaise. Il n'y a que la compassion qui soit une attitude supérieure, et qui constitue une sublimation de la nature humaine, chez les saints, certains artistes, quelques moines bouddhistes, bref c'est l'exception, pas la règle.
Dépasser la faiblesse humaine se traduit le plus souvent par un comportement de cruauté, cruauté dont a fait preuve Nietzsche à l'égard de lui-même et qui l'a détruit, cruauté dont ont fait preuve certains régimes politiques se revendiquant à tort ou à raison du même Nietzsche. Il faut au contraire savoir partager la faiblesse d'autrui, et faire don de soi dans la compassion ou pitié, pour tel Bouddha ou Schopenhauer s'en inspirant, trouver la voie du milieu qui mène à l'éveil et la libération de la souffrance : ce dont personnellement je suis incapable bien évidemment. Mais en tout cas l'ego est le pire obstacle, pour atteindre une telle libération : dans nos sociétés occidentales égotistes, nous sommes donc tous prisonniers, à quelques rares exceptions près. Houellebecq me semble être une figure contemporaine du sage, qui s'est libéré en partie, il y en a quelques autres certainement. Le blogue d'Emmanuel Mousset est intéressant car il reste à la surface de la réalité politique sans chercher à approfondir inutilement, ni faire la morale, mais il n'empêche que les hommes politiques sont très majoritairement des personnes ayant un ego surdimensionné, nécessaire à l'exercice de ce métier, donc ils sont tous sur la mauvaise voie, aucune espèce de sagesse à attendre d'eux. Quant à la philosophie occidentale malgré son étymologie trompeuse ("amour de la sagesse"), pour ceux qui recherchent la sagesse, il y a en réalité peu à en attendre, car la philosophie a dépensé l'essentiel de son énergie à la recherche de la vérité théorique et des conditions de validation de la science, et ne se pose aucunement la question de l'équilibre psychique et du rapport adéquat au cosmos, et ceci en rupture avec les Grecs : car le bonheur ou l'équilibre n'ont qu'un rapport lointain avec la vérité scientifique, même si ils constituent dans leur effectuation, la preuve que l'on a atteint une forme de vérité. Enfin on peut encore trouver un peu de tout dans la philosophie, toute les questions qui ont un rapport au langage et au sens ; en rupture trop souvent avec la réalité des émotions vivantes, ce qui en fait une science de neurasthénique.
Les cultures et les civilisations ont vocation à s'épanouir dans un milieu donné, leur pluralité fait leur richesse : c'est ce qu'on pourrait appeler la pluriculture. La philosophie occidentale et sa recherche de la validation de la vérité scientifique, a contribué à relativiser l'importance de la mémoire que revêt chaque culture, le prix à payer de ce relativisme c'est l'uniformisation du monde par le libéralisme économique, le "doux commerce", et la disparition progressive de la mémoire contenue dans des cultures plurielles. Cette uniformisation loin de se faire dans l'harmonie se fait dans un chaos et un conflit qui tendent à se généraliser dans tous les coins du globe. Les gens souffrent de perdre leurs cultures, leurs valeurs, de se retrouver mélangés contre leur consentement, et leur seule consolation est d'ordre matériel pour assez peu d'entre eux, grâce à l'argent : la valeur d'échange, dont la plus grande partie de la population mondiale, privée de culture, de civilisation et de mémoire, est désormais l'esclave démuni. Le prix à payer de ce mélange forcé par l'économie - les guerres et les catastrophes écologiques, ces deux dernières étant elles-mêmes désormais des conséquences du système économique libéral -, c'est encore plus de chaos, de conflit, et de disharmonie généralisée : donc il y aura un prix à payer des migrations actuelles en Europe et en France, ne soyons pas des bisounours. La compassion elle-même est le fruit de la mémoire d'une culture, si la mémoire disparaît, disparaît aussi la compassion, et peut-être même l'instinct maternel. Je défends la pluriculture des milieux de vie contre l'uniformisation du monde, la disparition du milieu de vie, et le multiculturalisme qui est de la poudre aux yeux bobo : le multiculturalisme aboutit partout au communautarisme et aux ghettos, nulle part il ne se réalise dans le consentement, le mélange et l'harmonie. Le cosmopolitisme c'est encore autre chose, c'est aujourd'hui surtout le fait d'une oligarchie déterritorialisée, dont la seule valeur est l'argent, au détriment de toutes les autres valeurs, dont les plus importantes : la compassion, la pitié. Le multiculturalisme le plus souvent, n'est pas un mariage d'amour mais un mariage forcé, les enfants d'une société multiculturelle, sont le plus souvent les bouc-émissaires d'une logique de ghetto.


4 commentaires:

  1. Emmanuel Mousset17 octobre 2016 à 09:23

    Erwan, il vaut mieux un ego surdimensionné que sous-dimensionné.

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  2. On peut se poser la question, quand l'ego surdimensionné s'accompagne le plus souvent d'une extrême cruauté, et fait fatalement des victimes comme 2+2=4. Quand la cruauté se fait par la bouc-émissarition du fruit d'une union, pour qui ne comptait que sexe, argent et estime de soi pour gravir quelques dérisoires marches dans la hiérarchie sociale. Trop de souffrance au final chez le fruit d'une telle union, pousse plutôt vers la recherche du salut par la pitié et la compassion, plutôt que par la cruauté méchante. : il ne s'agit pas non plus d'avoir un ego sous-dimensionné, ou de s'amoindrir le moins du monde, il s'agit d'être soi, il s'agit toujours du fameux principe d'identité.

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  3. Emmanuel Mousset17 octobre 2016 à 10:30

    Arrête la psychologie, fais de la philosophie, et pourquoi pas de la politique, qui t'apprendra, bon gré mal gré, à penser un peu moins à toi et un peu plus aux autres.

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  4. Je n'aimerai jamais assez les autres, ou ne les déteste pas assez, pour faire de la politique autrement que devant un écran d'ordinateur, même si je recommande la compassion et la pitié en toute circonstance.

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