jeudi 22 février 2024

Une laïcité religieuse



La chienlit

« Si l'on admet que le phénomène religieux, constitutif de toute civilisation, découle en réalité du besoin qu'ont les hommes, constamment en proie à la violence mimétique, de trouver un bouc-émissaire pour souder leur communauté à l'aide du sacrifice de ce dernier, alors il n'est nul besoin d'avoir recours à la croyance en Dieu. »

De Gaulle avait raison de parler de chienlit à propos de Mai 68, la chienlit c'est certes le désordre mais c'est surtout selon moi cette génération qui a fait Mai 68 et qui par la suite a trahi absolument tous ses idéaux. Trop gentil de Gaulle, trop bienveillant, un amour sincère de son peuple que l'on ne retrouvera chez aucun de ses successeurs. Personne n'était dupe parmi la jeunesse qui a fait Mai 68, de son « autorité » ; les jeunes savaient au fond d'eux-mêmes que ce type n'oserait jamais leur faire de mal, et de fait il n'a jamais osé le faire, car il les aimait comme ses propres enfants. La France d'alors était encore une et indivisible, insouciante et joyeuse, pleine de vie, à l'exact opposé de celle que nous connaissons aujourd'hui en 2024. Il n'y avait pas encore toutes ces fractures mortifères qui sont apparues par la suite avec la montée du néolibéralisme et sa logique atomisante, qui divise la société en autant d'individus isolés qui la composent. Pour entreprendre une « révolution », il faut en réalité se sentir libre et joyeux, à l'exact opposé de ce que ressentent la plupart des Français d'aujourd'hui.

Je distinguerais la plupart des Juifs à qui tout est dû aujourd'hui ayant encore une vision globalement positive du système actuel, du reste de la société française, en vertu du statut privilégié que leur confère le souvenir de la Shoah, par le biais de la laïcité, dans cette société. Autrement on trouve aujourd'hui très peu de Juifs au sein des classes populaires voire même moyennes - je dirais qu'on les trouve majoritairement au sein des classes dominantes et même de moins en moins parmi les agents dominés de la domination -, comme c'était encore la cas dans l'entre-deux-guerres et dans l'immédiat après-guerre. Par un effet mécanique, lié au souvenir de la Shoah, la plupart des Juifs ont su se hisser parmi les classes les plus favorisées de la population, en tant que vaches sacrées intouchables ayant endossé tous les attributs de la sacralité, qui en ont fait de quasis demi-dieux dont rêvait Nietzsche - qui disait déjà en son temps que les Juifs auraient vocation à devenir « les guides et les maîtres de l'Europe », mais sans doute dans d'autres circonstances que le souvenir de la Shoah qu'il n'aurait pu bien sûr imaginer. Ils ne peuvent dont absolument plus ressentir ce que vivent aujourd'hui les classes populaires ou les classes moyennes en voie de déclassement.

Il y a une dichotomie, tragique pour les classes populaires et moyennes en voie d'effondrement, mais dangereuses pour les Juifs, qui se retrouvent à nouveau, enviés, jalousés, en raison de leur richesse, leur célébrité, pour résumé en raison du statut de demi-dieux que le souvenir de la Shoah leur a conférés. Ils pourraient faire les frais d'une nouvelle vague de violence mimétique liée à la recherche de bouc-émissaires. Pour l'instant toutes ces velléités populaires, voire des classes moyennes, sont très durement réprimées, et le pouvoir en place continue constamment à en rajouter une couche dans l'« idolâtrie » des Juifs liée au souvenir de la Shoah, dont l'enseignement se fait par le biais de la laïcité en France (alors qu'il s'agit d'un événement d'une telle ampleur qu'il a pris l'aspect d'un phénomène religieux). C'est bien pour cette raison que l'on peut assimiler aujourd'hui la laïcité à un nouveau veau d'or, une manne incroyable qui semble inépuisable, pour la communauté juive qui n'en retire que des bénéfices. Car les Juifs après tout ne sont que des humains qui ne recherchent que le confort matériel, comme tout le monde, et pas du tout des demi-dieux, n'en déplaise à Nietzsche ; ils sont au fond aussi médiocres que tous les autres hommes mais ont seulement un statut différent (qui les met en danger). Le souvenir de la Shoah est comme un péage sur une route qu'emprunteraient indistinctement Juifs et non-Juifs, mais où l'on rétribuerait les automobilistes juifs, et ponctionnerait tous les autres. Les Juifs riches et célèbres ne se font prendre par la patrouille qu'en cas d'abus patentés, tels Madoff, Polanski, Allen, Epstein, Weinstein, quelques autres, majoritairement ce qui touche aux abus sexuels, voire au trafic d'enfants.

Quand je parle de la Shoah, que les Juifs aux oreilles délicates ne le prennent surtout pas comme une attaque personnelle, je ne fais que décrire l'événement LE PLUS considérable du XXème siècle qui a pris l'aspect d'un phénomène religieux colossal, par-delà toutes les religions (bien que l'islam y semble rétif, le reproche qu'on ne cesse de lui faire), en ce qu'il a mis en valeur le phénomène du bouc-émissaire dont parle René Girard de façon paroxystique (au point que les 6 millions de victimes juives aient supplanté Jésus-Christ dans l'imaginaire collectif), phénomène religieux dont l'ampleur dépasse de beaucoup l'influence que peut avoir encore le christianisme sur les consciences, et même le judaïsme. C’est pour cela que l’enseignement d’un tel phénomène religieux, qui a pris tout du moins cette place-là dans l’imaginaire occidental, comme l’élément le plus fondamental de la laïcité française, me paraît complètement paradoxal. Laïcité religieuse c'est un oxymore, un paradoxe dont la partie musulmane de la population a bien pris conscience, considérant qu'il s'agit d'une « religion » qui ne la concerne pas.

Plus de colonne vertébrale, plus de libre-arbitre, voilà ce qui caractérise la jeunesse d'aujourd'hui, si bien que selon moi il faut revenir aux fondamentaux si l'on veut cesser de se laisser emporter par le torrent mainstream de la consommation, et de la rivalité mimétique avec son voisin sur la question polémique de qui a la plus grosse voiture, la plus belle maison... Oui quand on pense à tout l'optimisme naïf qui avait porté cette génération que vous évoquez et à laquelle vous vous identifiez pleinement, bien qu'elle n'ait rien su transmettre de son expérience, car plutôt que d'assumer ses responsabilités elle a préféré faire copain/copain avec la génération de ses enfants, ça donne envie de pleurer. Une génération complètement destructurée pour la partie étant née avant 1980, ayant su peut-être trouver un semblant d'équilibre pour ceux qui sont nés après, en raison d'une moralisation du corps social (ayant eu lieu parce qu'elle était indispensable sous peine de dissolution sociale à très brève échéance), qui d'ailleurs aujourd'hui sombre dans la caricature avec le wokisme. Ça donne envie de pleurer, mais il ne faut pas s'apitoyer, c'est triste mais on n'y peut absolument rien, et l'Histoire est toujours tragique, nous n'avons pas atteint la fin de l'Histoire, nous ne l'atteindrons certainement jamais, jamais d'apaisement en perspective, une guerre toujours renouvelée.

Suite à cette génération, la roue a bien tourné depuis, certains de leurs descendants ont « bien » tourné, ont réussi, suivant les critères de la réussite en régime néolibéral (sexe, argent, pouvoir, cocktail bien résumé avec toute sa violence mimétique dans American Psycho de Bret Easton Ellis), et beaucoup d'autres ont sombré dans l'assistanat et une forme de précarité « subventionnée ». Le seul reproche que j'aurais à faire c'est que beaucoup de baby-boomers continuent de s'accrocher bec et ongles aux derniers vestiges du prestige et du pouvoir au sein de la Macronie, Macron lui-même qui n'est qu'une de leur marionnette, sans doute une de leur ultime si ce n'est l'ultime, déjà pratiquement posthume en réalité, puisqu'ils seront bientôt tous morts.

Je doute de la capacité des nouvelles générations post baby-boomers de construire un monde commun et viable, sauf à revenir aux fondamentaux et à renoncer au tout-consumériste. Il en va selon moi de la survie de la civilisation française, et au-delà de l'avenir de l'Europe et même de tout l'Occident. Quand je dis revenir aux fondamentaux, j'entends revenir au phénomène religieux, à savoir inculquer aux enfants que la violence est constitutive de la société et que c'est toujours par le sacrifice d'un bouc-émissaire que la communauté se soude, que cela constitue toujours un drame, une tragédie, et que Jésus s'est sacrifié pour racheter nos « fautes », c'est-à-dire toutes celles qui sont issues de notre violence mimétique.

L'exemple le plus pertinent pour acquérir le libre-arbitre, la liberté de choix, étant le modèle du christianisme, davantage que celui laïcisé de l'enseignement de la Shoah. Selon moi le christianisme n'a pas à se sacrifier, se faire hara-kiri, pour que puisse vivre le judaïsme, c'est selon moi une profonde erreur d'interprétation de beaucoup de Juifs qui pourrait bien se retourner contre eux par le biais de l'islamisme, dans une société privée de toutes ses défenses immunitaires ; et les deux religions sont d'ailleurs parfaitement compatibles au sein de la Double Alliance, telle que prônée par Vatican II.

Mais nul ne peut décider de ce qui revêt le caractère du sacré dans une société par un décret. Nous atteignons certainement le plus grand danger quand des individus de chair et de sang, désirant et jouisseurs, s'arrogent ce statut exclusivement, qu'ils considèrent de plus en plus comme un droit acquis de haute lutte, au détriment des morts et du reste de la communauté nationale !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire