dimanche 10 juillet 2022

Le nihilisme contemporain intégral



Ce qui est sain et malsain... C'est un peu court ! Ce sont les valeurs et donc la morale qui décident en réalité de ce qui est sain et malsain.

C'est l'absence de valeurs qui engendre la névrose voire la psychose. Les gens sains ont des valeurs et Nietzsche va plus loin, il voudrait qu'ils soient créateurs de valeurs. On n'est pas sain ou malade comme ça par hasard ! Nietzsche constate que le christianisme est une machine à inhiber la création. Seulement notre époque est une escroquerie, elle n'est absolument pas créatrice de valeurs et elle a rompu avec celles du christianisme. Résultat : le nihilisme contemporain que Heidegger avait largement anticipé.

Nous vivons une époque de nihilisme intégral, où il n'y a plus de valeurs et où l'on nous fait croire qu'il il y a création de valeurs à travers le consumérisme - les valeurs fausses de la publicité. C'est surtout la publicité qui recycle certains aphorismes de Nietzsche. Ce serait risible si ce n'était pas consternant. La voilà la véritable pathologie. Outre son nihilisme, l'époque se caractérise par son absence totale de pitié et d'humanité, bien plus propice à déclencher le dégoût de la vie que le christianisme. Rousseau et Schopenhauer mettaient la pitié et la compassion au-dessus de tout, pour cette raison ils ne rejettent pas entièrement le christianisme, et ils avaient raison. Nietzsche au contraire rejette toute compassion et pitié, et il vomit le christianisme dont il compare les adeptes à des nains rampants. Les pires interprétations sont alors possibles. On pense au nazisme. Il y a aussi les nietzschéens de gauche, comme Deleuze ou Onfray, ces deux derniers étant très différents l'un de l'autre. On dit d'Onfray qu'il n'est qu'un philosophe d'opinion, ce qui n'est pas le cas de Deleuze qui donne la définition suivante du philosophe : créateur de concepts.

La santé ou la pathologie dépendent des valeurs, de la morale.

Notre époque de nihilisme radical voudrait nous faire croire que tout est neurologique : l'autisme, comme l'intelligence, ou encore la névrose ou la psychose.  Nous vivons une époque du tout génétique, ou du tout congénital. C'est de la foutaise ! Bettelheim en expliquant l'autisme par le comportement de la mère était bien moins nihiliste. Qu'il ait eu tort ou raison, sa démarche est beaucoup moins dépourvue de sens que celle de nos contemporains.

Je pense que l'autisme est au départ, de façon prégnante, un trouble social-affectif engendré par le milieu. Ensuite cela a des répercussions sur l'appareil neurologique dès la petite enfance. Je veux bien qu'il y ait des troubles neurologiques de naissance comme c'est très majoritairement admis aujourd'hui, mais on cherche surtout à déculpabiliser les parents et particulièrement la mère - et a fortiori à déculpabiliser l'époque. Car finalement c'est davantage le nihilisme de l'époque qui engendre l'autisme. L'autisme est une maladie de l'absence de sens. Il y a aujourd'hui une explosion des cas d'autisme détectés. Dans certaines écoles primaires américaines, j'ai lu que 25% des enfants sont désormais obligés par l'administration de prendre des médicaments sous peine de ne pouvoir continuer à être scolarisés. Le tout génétique et le tout médicament, le voilà bien le nihilisme de l'époque.

Les médicaments pour les malades, pour le plus grand profit de Big Pharma, en remplacement des valeurs et de la morale, dont les soixante-huitards se sont affranchis dans l'espoir d'une hypothétique libération, véritables idiots utiles du capitalisme 2.0 qui aliène toujours plus. Le néant en remplacement des valeurs et de la morale, la voilà globalement, la véritable œuvre des baby-boomers, qui majoritairement se sont réclamés de Nietzsche, Marx et Freud. Quel héritage misérable ils nous laissent en réalité !

Le monde actuel est malade. Savoir s'adapter, le maître mot, à ses fausses valeurs consuméristes n'est pas un signe de grande santé. Tout a entièrement dégénéré en une génération toute entière préoccupée par sa jouissance et l'appât du gain, ayant définitivement rompu avec ses valeurs ancestrales pour ne strictement rien construire d'autre en remplacement.

Mais ça ne tiendra pas encore comme ça indéfiniment. Car l'époque produit des malades ou des destructeurs, et aucun créateur. Comparons ne serait-ce qu'avec les années 60/70. Il n'y a absolument plus de création. Nous vivons dans le néant absolu, où les stars sont des milliardaires, des people, ou des voyous.

Ce que je veux dire c'est que les possédants ont su recycler les idées de Marx, mais plus encore celles de Nietzsche et Freud, à leur propre avantage. Le résultat est un nihilisme bien plus prononcé que celui de n'importe quelle époque précédente. Avant le christianisme il y a eu l'Antiquité et son polythéisme fécond. Et je crois bien que c'est cette époque-là que Nietzsche regrettait. Pour ce qui est du reste, l'école, les différentes autorités administratives, médicales ou autres, se contentent d'accompagner le nihilisme ambiant avec ses "gagnants", mais jamais de lutter contre, car ils sont à la fois juge et partie et ont un intérêt vital, viscéral, à ce que le monde actuel perdure. Pas mal de gens arrivent à s'adapter et tirent leur épingle du jeu, en détruisant... les autres, ceux qui sont différents pour une raison x ou y. 

Quand on est obligé de prendre des neuroleptiques parce que l'époque beaucoup plus que soi-même encore, est destructrice, prétendre faire jaillir de soi une étoile dansante, c'est se mentir à soi-même.


samedi 2 juillet 2022

La marchandisation du monde



Il y a eu droite des valeurs et droite du travail au XIXème siècle avec toute la misère prolétarienne que cela a engendré. Puis gauche du travail et droite des valeurs durant les Trente Glorieuses keynésiennes permettant la constitution d'une classe moyenne puissante et nombreuse, ni pauvre ni riche, ni bourgeoise ni prolétaire, mais créatrice et en voie d'accomplissement, de 1945 à 1979. Un formidable vent d'optimisme a soufflé sur l'Occident permettant d'envisager comme possibles toutes les utopies de la jeunesse. La contre-révolution néolibérale (Hayek et Friedman, toute l'école de Chicago, ayant influencé Thatcher et Reagan, et même Pinochet) a imposé depuis les années 80 une droite du travail s'accommodant finalement très bien d'une gauche des valeurs... La gauche de gouvernement a accompagné une telle contre-révolution, qu'avec le recul on pourrait taxer de réactionnaire, car elle s'est accompagnée d'un recul des libertés réelles c'est-à-dire de la liberté d'action.

Je m'explique :

C'est en réalité un retour en arrière sous le prétexte fallacieux du progressisme des droits de l'Homme, et c'est Mai 68 et la naïveté des étudiants qui l'a paradoxalement rendu possible. Les gens se sont laissés duper par des chimères sociétales leur faisant croire en une fausse émancipation, et on ne leur rendra pas tout ce qu'ils ont perdu : la valeur d'usage qu'ils ont troquée contre la valeur d'échange. En perdant leurs valeurs traditionnelles, représentées sous la forme de l'autorité du gaullisme social qui n'était pas un autoritarisme, qu'ils ont foulé aux pieds par bêtise et naïveté, ils ont aussi perdu la valeur d'usage de ce qui faisait leur foyer, leur chez-soi. Désormais tout s'échange et se monnaie au sein d'un univers nomade qui n'a plus d'ancrage, où le monde du travail est sans pitié, en voie d'ubérisation, où l'immobilier est hors de prix et inaccessible pour les jeunes générations (alors que les baby-boomers y ont eu accès pour une bouchée de pain), et où les corps ainsi que les rapports humains se marchandisent. Le néolibéralisme est aux manettes, l'extrême gauche est l'idiot utile avec son wokisme, son islamo-gauchisme, son projet utopique d'émancipation sociétale, et l'extrême droite nous fait entendre un chant des sirènes séduisant mais ne pouvant duper que ceux qui sont assez naïfs pour y croire. Que propose l'extrême droite ? Un retour à l'idée de cohésion nationale. On constate effectivement que lorsqu'il y n'y a plus de communauté religieuse, puis plus de communauté nationale, l'individu se retrouve livré à lui-même, à ses pulsions, à sa plus simple expression. C'est alors que se croyant émancipé, délivré de toute contrainte transcendante, domine dans le monde du travail et jusqu'au sein de la cellule familiale, la guerre de tous contre tous.

La guerre est dans la nature humaine, elle est le propre de l'Homme avec un H majuscule, femmes incluses bien entendu. L'Homme est aujourd'hui bien plus barbare dans la vie civile qu'il ne le fut au temps des grandes communautés religieuses qui se livraient des guerres, parfois fratricides entre elles, puis des grandes communautés nationales qui ont quand même entraîné les deux boucheries que furent les deux guerres mondiales. C'est pour cela que sur bien des aspects, l'extrême droite apparaît bien plus policée et civilisée que l'extrême gauche, où l'Homme se retrouve réduit à sa plus simple expression et à ses pulsions primaires et sexuelles qu'il porte en bandoulière. Mais le danger sous-jacent de l'extrême droite qu'il ne faut jamais oublier, c'est la guerre entre les nations sous le prétexte du nationalisme.

Deux questions : comment s'en sortir ? Faut-il accepter que l'individu soit contraint de prostituer son âme - c'est-à-dire ce qui le relie à la communauté (qu'elle soit religieuse ou nationale) - pour s'adapter à un tel rythme infernal, purement individualiste, en totale contradiction avec tous les équilibres naturels ? Un type comme Rousseau aujourd'hui serait interné d'office à l'hôpital psychiatrique, et plus généralement tous les philosophes des Lumières transposés à notre époque seraient complètement inadaptés et effarés du résultat de leurs plus folles espérances. Seul Voltaire, l’intrigant, sortirait peut-être son épingle du jeu en nouant des alliances avec Attali et Minc, et dans un cadre luxueux bien sûr !

Mes parents se sont enrichis tout à fait par hasard, profitant de la conjoncture favorable des Trente Glorieuses. Mais ils n'avaient aucune des valeurs qui permettent de transmettre. Si la classe dominante est aujourd'hui aussi puissante n’est-ce pas parce qu’elle a ces valeurs qui lui permettent de transmettre ? Des valeurs qu'avaient aussi mes grands-parents. La question est comment une génération globalement accidentellement enrichie, celle des baby-boomers, est-elle devenue aussi égoïste ? Il est vrai que la bourgeoisie n'a en réalité aucune valeur contrairement à l'aristocratie et à mes grands-parents. Dans la bourgeoisie on ne croit qu'à son rang dans la hiérarchie sociale et l'on fait semblant d'avoir de l'honneur.