lundi 17 décembre 2018

Le loup dans la bergerie




Emmanuel (professeur de philosophie...) : « Il y a une force propre à l'extrême droite qui ne doit rien au capitalisme. Sinon, on justifie toutes les formes de violence. Cette force, identitaire, nationaliste, autoritaire, antirépublicaine, il faut la combattre en tant que telle. Macron a donné 10 milliards aux Gilets jaunes, ça ne leur suffit pas. Je ne suis pas étonné : ça ne leur suffira jamais. Ce qu'ils veulent, c'est casser le système, non pas capitaliste (ils auraient alors un penchant pour l'extrême gauche, ce qui n'est pas le cas), mais républicain. »

Bien sûr que l'extrême droite ne veut pas casser le système capitaliste, ils sont aussi cupides que les néolibéraux. Par contre ton truc antirépublicain propre à l'extrême droite, « ni droite, ni gauche, l'idéologie fasciste en France », non c'est un mythe aujourd'hui, je n'y crois pas du tout, nous ne sommes plus dans l'entre deux guerre avec Maurras, les croix de feu, l'action française etc. Tout ce folklore largement antisémite est mort, de nouvelles formes formes de populisme apparaissent qui ne sont pas antirépublicaines, qui ne luttent plus culturellement contre un ennemi de l'intérieur qui pourrait être la figure du Juif, mais nationalistes ou anti capitalistes. Par contre pour lutter contre eux on peut par facilité les amalgamer à de l'antirépublicanisme, mais non c'est un mouvement de réaction aux effets du néolibéralisme : immigration de masse, destruction créatrice en matière de mœurs, paupérisation de la classe moyenne, aucun des symptômes qui caractérisaient l'entre deux guerres, même si sur certains points on peut faire des analogies, les deux époques ne sont pas comparables. Il est vrai aussi que la volonté de puissance des minorités en France est très forte, et cela peut faire peur à un « peuple » qui se sent en voie de remplacement et dont on lui dénie même la légitimité à se réclamer de souche (toujours selon moi, d'après le principe de la destruction créatrice qui ne touche plus seulement l'économie, mais des peuples entiers).

Le fond anthropologique de la France a sans doute été irrémédiablement et mortellement atteint, nous ne reviendrons plus en arrière, et c'est le néolibéralisme qui a fait le job depuis que de Gaulle s'est retiré, puisqu'aucun de ses successeurs n'a jugé bon de se préoccuper de l'intérêt de la France et des Français. Si toutefois l'oeuvre de la République est désormais de poursuivre la destruction de la France en faisant pleinement siennes les valeurs du néolibéralisme, alors oui il faut dans ces circonstances particulières, se poser la question de la légitimité de la République. Mais la République n'est pas par essence l'idéologie libérale-libertaire, et c'est cette dernière qu'il faut combattre, il ne faut pas tout confondre.

C'est toute la problématique que soulève Michéa dans son dernier ouvrage, à force de réclamer toujours plus de droits on en arrive à une judiciarisation des rapports humains néfaste : Le loup dans la bergerie, et au final la libéralisation sauvage des mœurs tant qu'elle « ne mange pas de pain », fait le jeu du néolibéralisme économique.... C'est pas pour rien que Bezos est libertarien : dérégulation totale des mœurs, jusqu'à l'éducation, les drogues et la question de l'euthanasie, pourvu que le seul droit inaliénable défendu farouchement par la police payée par l'ensemble des citoyens, soit uniquement la propriété privée. Or le droit ne peut pas tout en matière de mœurs, il est également important de conserver ce qu'Orwell appelle de la décence commune (common decency, George Orwell), ce que nie évidemment quelqu'un comme Bezos (ou Roux de Bézieux, ils sont pratiquement tous interchangeable à partir d'un certain seuil d’enrichissement) qui veut tout détruire pourvu qu'il puisse continuer à s'enrichir et que la police le protège lui et les siens (les grands propriétaires, c'est-à-dire les milliardaires), avec l'argent du contribuable, bien entendu !! Dérégulation totale en matière de mœurs et règlement des problèmes au cas par cas, par le droit : je crois bien que tu es complice de ce penchant et je trouve très inquiétant qu'un notable de province, respecté et écouté, professeur de philosophie, souscrive à une telle tendance.

samedi 15 décembre 2018

Les gilets jaunes sont-ils d'extrême droite ?



Emmanuel M. : « Que chacun assume ce qu'il est, sans aller chercher la cause chez les autres : Avec Macron, l'existence d'une gauche libérale ; avec les Gilets jaunes, ce que tu appelles aimablement le "populisme" et que j'appelle l'extrême droite. »

Moi : « Le problème chez toi, c'est que tout est toujours séparé de tout, kantien peut-être mais sans jugement synthétique a priori car purement analytique, sans aucun souci d'un quelconque lien causalité entre les choses, et pour justifier un tel mode de pensée tu en appelles à la responsabilité et au devoir de chacun évidemment. Ton mode de pensée constitue en réalité ce que Marx appelait une « robinsonnade » pour s'en moquer car il savait bien que l'homme était un animal social avant tout, loin de la mythologie libérale. Tu es certainement dans l'air du temps, conforme aussi à l'idéologie libérale pour laquelle il n'y a pas de société (« No society », le slogan de Thatcher, l'égérie de Macron 40 ans après), mais uniquement des individus atomisés, donc séparés les uns des autres. Une telle conception de la « société » ou d'absence de société, fait évidemment le jeu de ceux qui possèdent tout, car n'oublions pas qu'il y en a, qui triomphent aujourd'hui en toute impunité dans le cadre de la mondialisation de l'économie, des psychopathes en réalité que le système favorise.
Pour mémoire Bezos dont les publicités pour son entreprise destructrice de lien social, des petits commerces de proximité... inondent le petit écran, est à la tête d'une fortune qui est l'équivalent du PIB d'un pays comme la Hongrie. Mais dans un « monde où chacun doit s'assumer sans aller chercher la cause chez les autres », le monde idéal d'un Emmanuel M., ce n'est absolument pas choquant, c'est même la définition du Bien sans doute... D'un point de vue calviniste, ça l'est, béni soit Bezos car il est sauvé !!

Oui Macron est de gauche en matière de droits de l'homme, il est progressiste, héritier de Mai 68 donc libertaire, et en même temps il est libéral économiquement donc antisocial. La gauche n'a jamais été socialiste en réalité, elle est bourgeoise mais non patriarcale comme la droite, elle a toujours trompé le peuple depuis la Commune de Paris, elle est fondamentalement progressiste et elle constitue en réalité le meilleur vecteur du néolibéralisme. C'est pour cela que le peuple avec son bon sens, veut aujourd'hui rompre avec la droite et la gauche en lesquelles il n'a plus confiance. On lui a vendu la camelote Macron qui se prétendait au delà du traditionnel clivage gauche/droite, et il prend conscience actuellement de l'arnaque, en outre Macron constitue un objet marketing dont l'obsolescence politique était programmée. Les programmeurs n'avaient pas prévu que l’obsolescence arriverait si vite...

Une forme de populisme serait aujourd'hui salutaire en France, je préférerais qu'elle soit utopiste et socialiste plutôt que d'extrême-droite. Cependant l'idéologie néolibérale autistique risque de triompher avec la robotisation du monde du travail, et le remplacement du peuple par une population immigrée moins revendicative en matière de droits sociaux : l'armée de réserve du Capital... pour le plus grand confort d'une petite élite bobo des grandes métropoles qui représente environ 15% de la population, et dont certains ont choisi d'être les chiens de garde impitoyables qui pratiquent l'amalgame systématique et outrancier entre le peuple et la bête immonde. Non la France périphérique n'est pas la bête immonde, elle est l'oubliée de la mondialisation, faudra-t-il la traiter comme on traque une bête féroce ou alors fera-t-on l'effort de la considérer dignement ?

250 ans de libéralisme déjà, qui désormais ravage tous les équilibres anthropologiques et écologiques, il faudrait rompre avec un tel paradigme mortifère, mais malheureusement le néolibéralisme triomphant depuis la chute du communisme, ira certainement jusqu'au bout de sa logique exponentiellement dévastatrice pour le genre humain, la faune et la flore... c'est-à-dire l'apocalypse ?
Car il n'y a pas de limites à la volonté de puissance de nos contemporains les plus cupides que notre système favorise, et c'est la véritable cause du nihilisme, que les « bons esprits » comme BHL et consorts dénoncent dans le mouvement des gilets jaunes, en faisant un contresens. Ce mouvement constitue effectivement une réaction aux inégalités sociales que génère par essence le système néolibéral, et que favorise la gauche progressiste et libertaire en matière de mœurs, en réalité dérégulatrice, peut-être encore plus que la droite par définition patriarcale et conservatrice, donc plus soucieuse finalement des équilibres anthropologiques. »

Arnaud : « L'assimilation des GJ au RN est une tactique de l'Elysée : si cette assimilation est réussie, Macron a gagné. Il y a, au sein de ce mouvement de colère populaire, des hommes et des femmes de gauche, du centre, de droite, des abstentionnistes, et, oui, des personnes d'extrême gauche et d'extrême droite : ce n'est PAS le propos de ce mouvement. Mais c'est le propos de la propagande menée par le pouvoir, qui doit discréditer à tout prix ce mouvement dans l'opinion. Pourtant, à force d'en faire un mouvement qui serait manipulé par l'extrême droite, Poutine, les frères musulmans, les black blocks ou un quarteron de vieux généraux, cette propagande, relayée par des médias indignes, se discrédite elle-même auprès de quiconque a un peu de bon sens. Macron, comme Trudeau, et Blair qui a montré la voie, ou encore Di Rupo, sont ultralibéraux au plan socio-économique - la classe moyenne doit à leurs yeux être détruite - et pratiquent à bon compte - ça ne coûte rien et ça séduit la gauche des beaux quartiers - le « libéralisme » au plan « éthique ». C'est la posture dénoncée depuis beau temps par Michéa. »

Moi : « Oui ce que vous appelez le « libéralisme » au plan « éthique », c'est ce que j'appelle moi l'aspect libértaire sur le plan sociétal de l'idéologie libérale-libertaire qui est en réalité une forme de darwinisme appliqué aux sociétés humaines ou « néodarwinisme », ou « darwinisme social », en faisant un contresens sur ce qu'est réellement la théorie de l'Évolution qui s'inscrit dans une phylogénèse et non une ontogénèse ; ou autrement dit se conçoit à l'échelle de l'espèce et non de l'individu. »

mercredi 12 décembre 2018

L'attentat de Stasbourg et le mouvement des gilets jaunes



En vieillissant tout le monde a trahi la « cause du peuple », les anciens maoïstes se sont reconvertis dans le business et la pub, les slogans ont été récupérés par la pub, les « fidèles » à la cause marxiste sont devenus profs c'est-à-dire des ratés, ont vieilli, sont morts. Dans ce cas là il ne reste rien de Mai 68. Or non, les soixante-huitards ont tout simplement évolué avec leur temps et Cohn-Bendit réclame aujourd'hui une vraie libéralisation, voire une ubérisation de la société, le tout business, l'abolition des droits sociaux au profit des droits sociétaux, et dénonce les dérives potentiellement rouges brunes des gilets jaunes.
Un jeune soixante-huitard aujourd'hui c'est devenu un vieux libéral-libertaire qui s'assume, qui souhaite l'ubérisation du monde du travail, la destruction du code du travail, la baisse des dépenses publiques, la croissance et l'innovation, et qui milite pour l'obtention de plus de droits sociétaux comme le mariage pour tous, la PMA ou la GPA, et l'absence de toute entrave aux flux migratoires ratifiée par le traité de Marrakech, génial !!
Avec ce traité les élites sécessionnistes passent à la vitesse supérieure, elles organisent le remplacement de la population européenne de base par une population africaine de base ou tout du moins très largement métissée en Europe, car il faut être réaliste la démographie des pays d'Afrique explose, et il faudra bien accueillir une population chassée par les guerres et les dérèglements climatiques qui pourra servir de main d'oeuvre exploitables à bon marché dans une économie ubérisée. L'immigration est l'armée de réserve du Capital.
Pendant ce temps les élites sécessionnistes, c'est-à-dire la nomenklatura issue de Mai 68 - et en ce sens ce fut finalement une révolution réussie, avec à terme le remplacement d'une élite patriarcale plutôt de droite, par une élite libertaire de gauche beaucoup plus festive donc mieux adaptée au néolibéralisme - passée de Marx à Adam Smith sans aucun problème de conscience, pense que grâce à son enrichissement et sa position de force culturelle et financière dans les grandes métropoles, bien à l'abri dans les immeubles haussmanniens bunkérisés des beaux quartier, elle échappera au chaos du monde, et se fout comme de ses premières chaussettes de la France périphérique. Cette dernière a encore des sentiments patriotiques que la nomenklatura mondialiste n'a plus, comme le montre le mouvement des gilets jaunes.

Evidemment l'attentat de Strasbourg tombe à pic pour occulter cette réalité...

lundi 10 décembre 2018

Les gilets jaunes sont-ils les héritiers de Mai 68 ?


Emmanuel : « "Les gens sont globalement plus malheureux que jamais", écrit Erwan Blesbois. Très relatif, ce jugement. Matériellement, le bien être est supérieur à autrefois, sans avoir à remonter très loin. En revanche, moralement, la misère est grande. A force de tout miser sur les biens de consommation (automobile, électro-ménager, audio-visuel, vacances, divertissement), la frustration est terrible, le fameux « pouvoir d'achat » n'arrive plus à satisfaire les désirs. Le fond du problème est là. »

Moi : « C'est très exactement ce que je dis, en termes de bien être matériel il y a progrès si j'ose dire bien que je déteste ce vocable. Pour le reste je dirais même qu'il y a une régression en croyant s'émanciper de quelque chose, je ne sais même pas trop bien de quoi au juste ou plutôt si : de tout ce qui pouvait permettre de faire société, que l'on vit désormais comme une contrainte insupportable. Donnez leur 2000 euros par mois aux smicards, ils risquent d'être toujours aussi malheureux. Je ne sais pas quel seuil de fortune matérielle il faut atteindre pour réellement échapper à la frustration, mais il doit se situer très haut, et il n'existe peut-être pas.
Pour ma part et peut-être naïvement parce que c'est mon expérience existentielle fondamentale, j'en attribue sociétalement la responsabilité à la génération de sales gosses qui a fait Mai 68 et qui a souhaité s'émanciper de toutes les tutelles, pour in fine se vautrer dans le matérialisme le plus prosaïque, et idéologiquement à la doctrine du libéralisme depuis ses fondations au XVIIIème siècle, aussi bien d'un point de vue économique que politique. Finalement l'un et l'autre, politique et économie libérales, s'alimentent réciproquement, font le jeu l'un de l'autre. Et comme le dit Michéa, la gauche progressiste pourrait bien être le meilleur vecteur de la doctrine économique néolibérale. « Néo » parce que le libéralisme a été réactivé depuis l'effondrement du bloc soviétique.
Mais autrefois en se sacrifiant par leur travail les gens avaient conscience de participer au mouvement de l'histoire, au progrès dont les génération futures pourraient être comblées. Avec le désenchantement du monde causé par la chute des religions puis des idéologies, sans parler des menaces écologiques ou systémiques qui pèsent sur le système capitaliste, les gens ont désormais le sentiment de se sacrifier pour la réussite d'une poignée d'individus chanceux ou réellement talentueux, mais là n'est pas le problème, qui pour prix de leurs efforts ne leur offre rien en retour, les fameux « premiers de cordée », qui en réalité sauvent leur peau (très confortablement) et se foutent bien du reste de la population. »

Emmanuel : « Mai 68 contestait la société de consommation et la civilisation de l'automobile. Se battre pour le « pouvoir d'achat » aurait alors été inconcevable. C'est pourquoi le rouge m'est plus sympathique que le jaune. »

Moi : « C'est parce que tu compares deux choses qui ne sont pas comparables à ne pas mettre au même niveau, et sans voir que l'une (Mai 68) est la cause de l'autre (les gilets jaunes). Mai 68 a abouti à l'établissement d'une élite bobo qui habite les grandes métropoles et tout particulièrement Paris, devenue matériellement inabordable pour le commun des mortels, dont les porte-paroles les plus emblématique mais non exclusifs pourraient être BHL, Cohn-Bendit, Glucksmann fils et bien d'autres... qui désormais souhaite faire sécession d'avec le reste de la population et notamment celle que l'on nomme la France périphérique. Cette dernière refuse que tout lui soit dicté d'en haut et par cette marionnette qui sert tout sauf des intérêts patriotiques, et revendique plus de souveraineté, pas seulement en matière de pouvoir d'achat mais également en ce qui concerne la maîtrise de son destin en tant que nation et la question des flux migratoires.
D'autre part on ne peut comparer Mai 68 aux gilets jaunes car les problèmes qui se posent à la société française ne sont pas similaires. En 68 il s'agissait de s'émanciper du « vieux con », qui symbolisait encore pour la majorité des Français le père de la nation. Mai 68 fut effectivement le fait d'une minorité de sales gosses mal élevés qui rêvaient de révolution dans leur salon, et qui nous ont menés là où nous en sommes aujourd'hui. Désormais la majorité des Français réclame le retour d'un père de la nation contre la nomenklatura des sales gosses qui ont fait Mai 68, passés de Marx à Adam Smith sans aucun problème de conscience, et leurs héritiers, qui occupent tous les postes de pouvoir et de décision. La boucle est bouclée si j'ose dire. »

dimanche 9 décembre 2018

On ne s'habille pas pour se cacher, mais pour être vu par exhibitionnisme



Emmanuel : « Tout le monde est aujourd'hui individualiste, y compris les "gilets jaunes", qui refusent toute forme de collectif, de représentation, de délégation de pouvoir. Il est impressionnant de constater que chacun d'entre eux, dans les médias, précise haut et fort qu'il ne parle que pour lui-même, qu'il n'est surtout pas le porte-parole de qui que ce soit. C'est un mouvement consumériste, individualiste et, à sa façon, libéral, l'envers du macronisme, en quelque sorte. Cet individualisme, que je ne partage pas personnellement, je peux le comprendre : c'est une émancipation historique des systèmes communautaires, holistes. Je ne crois pas qu'on reviendra en arrière. Bien ou mal, je ne sais pas. »

Mais pourquoi dire « émancipation » ? Une émancipation c'est une avancée seulement si l'on se définit comme un progressiste, or l'Homme est un animal social qui a besoin de transcendance, tout le contraire de ce qu'il est devenu : un être isolé, donc aliéné, en lutte contre ses semblables, sans aucun idéal commun qui puisse le dépasser. Nous vivons une chute peut-être irrémédiable, cela nous cause le plus grand tort à tous pris individuellement, c'est bien plutôt une régression. Les gens sont globalement plus malheureux que jamais et plutôt aigris quoique ne semblant manquer de rien sur le plan des besoins vitaux. Aujourd'hui j'ai l'impression que les « artistes » ne sont même plus capables de créer, ils sont juste là pour vendre une image, et c'est un business lucratif, l'art est devenu un business comme un autre. Si jamais il y avait un jour un sursaut permettant de prendre de la hauteur, on s'apercevrait de la médiocrité absolue de notre époque dans tous les domaines, en comparaison de pratiquement toutes les autres. Donc bien ou mal ? Plutôt mal.

Je retiendrai la couleur jaune qui est d'actualité, et que l'on ne s'habille pas pour se cacher mais pour être vu. Et donc non pas par pudeur mais plutôt par exhibitionnisme.
Une société a tendance à être supérieure à la somme de ses parties, mais aujourd'hui c'est la partie qui se distingue et fait de l'ombre à l'ensemble plutôt que d'y apporter sa contribution, alors l'ensemble ne fait plus société mais est au service des individualités si remarquables soient-elles comme le « brillant » technocrate Macron.
Les invisibles, les « déplorables », les gilets jaunes, ont l'impression qu'on les sacrifie à la réussite de quelques uns qui font l'objet de tous les regards, comme Macron, les milliardaires et les people, et non à la réussite de l'ensemble de la société, dont ils auraient pu jouir des retombées positives pour eux-mêmes, et ce n'est pas faux.
Les gilets jaunes veulent juste être regardés, qu'on les voit, puisqu'ils savent que de toute façon il ne jouiront d'aucune récompense en vertu de leur sacrifice à ce qui ne constitue plus une société, mais une juxtaposition d'individus atomisés que plus rien ne relie.
Ne peut-on voir le mouvement des gilets jaunes sous cet angle comme un juste retour des choses ? Une sorte de revanche légitime des invisibles sur ceux qui sont l'objet de tous les regards ? Le désir le plus profond de l'homme n'est-il pas d'être regardé ? Et autrefois même les parties les plus misérables de l'ensemble avaient au moins la consolation de se dire que leur travail allait à la construction de l'édifice commun, pour leur plus grande gloire et celle de Dieu.

vendredi 7 décembre 2018

Les gilets jaunes, l'intérêt général et l'alternative politique



La Loi Le Chapelier avait supprimé les corporations au nom de l'intérêt général. Comme si les gens, les citoyens, les travailleurs pouvaient compter sur un pouvoir bienveillant qui représente la volonté générale. Or il n'en est rien, le peuple n'est pas représenté par la volonté générale ou l'intérêt général qu'incarnent les pouvoirs exécutifs et législatifs. Ceux-ci sont au service de ce qui est au fondement des sociétés occidentales : l'accumulation de richesses et l'investissement pour en accumuler encore plus, la rentabilité, l'efficacité, la compétitivité, l'innovation et la sacro-sainte croissance, la baisse des dépenses publiques, dans un contexte de guerre économique où de plus en plus de pays émergents tirent leur épingle du jeu. Tout ça au détriment de toute idée de solidarité et de décence commune (common decency, George Orwell).
L'union des prolétaires de tous les pays fut un beau rêve communiste déçu par la réalité, aujourd'hui c'est plutôt l'union des riches propriétaires bourgeois cosmopolites de tous les pays qui se proposent de faire sécession, contre leurs travailleurs c'est-à-dire contre leurs peuples.

L'égoïsme est le fondement des sociétés libérales-libertaires, mais est-il comme le proclament les théoriciens libéraux le fondement de la nature humaine ce qui reviendrait à légitimer le système en faisant de lui le plus adéquat à notre nature ? Ou alors peut-on considérer que c'est le pire instinct qui trouve à s'exacerber de façon paroxystique, alors que la société devrait le tempérer si elle se prétendait civilisée ? Je penche pour la deuxième solution en considérant que ce système fondé sur le principe d'une accumulation sans limite se heurte désormais à trois limites majeures. La limite morale, car il détruit progressivement les bases anthropologiques de toute vie commune, on le voit dans les explosions de violence contemporaines comme la partie la plus virulente du mouvement des gilets jaunes, simple reflet de la violence qui s'exerce dans le monde du travail et parce que concrètement ce mouvement n'a pas d'autre moyen d'être entendu : comme si il n'y avait que la peur qu'on inspire pour se faire entendre. Un véritable pacte social ne devrait évidemment pas reposer sur de tels principes de terreur, mais c'est aussi la responsabilité du régime libéral-libertaire qui pratique une oppression par la crainte diffuse qu'il répand partout dans le monde du travail notamment, et qu'il se prend en retour en pleine face par effet boomerang.
La limite écologique, car une croissance infinie est évidemment impossible dans un monde fini.
Et la limite systémique car la financiarisation de l'économie conduira à terme à l'explosion d'une gigantesque bulle planétaire.

L'intérêt « général » depuis 1789 en France, a toujours été celui de la bourgeoisie. Que je sache la France n'a jamais été sous régime socialiste ou communiste. Le communisme soviétique fut un communisme dévoyé ou alors c'est le communisme qui est dévoyé par nature, et alors quelle alternative au capitalisme ? Un BHL a beau jeu de dénoncer dans le mouvement des gilets jaunes les dérives rouges brunes.
There is no society, parce que les crimes du communisme et du nazisme ont définitivement discrédité toute alternative au néolibéralisme le plus débridé, qui a volontairement détricoté et continue de le faire méthodiquement, le lien social ; avec frénésie depuis le milieu des années 80 en France.
Il suffit de visionner une page de pub de n'importe quelle chaîne de TV pour prendre conscience que le néolibéralisme n'est pas une utopie sociale mais une utopie individualiste, désormais sur un mode paroxystique exacerbé. Bref les gilets jaunes voudraient rétablir de l'intérêt général et ne proposent pas d'alternative politique, mais il faut aussi considérer qu'en l'absence d'alternative politique, l'intérêt général, en France en tout cas, sera toujours une arme entre les mains de la classe dominante. Cela fait 230 ans que ça dure et sauf révolution improbable cela ne changera pas de sitôt.