vendredi 7 décembre 2018

Les gilets jaunes, l'intérêt général et l'alternative politique



La Loi Le Chapelier avait supprimé les corporations au nom de l'intérêt général. Comme si les gens, les citoyens, les travailleurs pouvaient compter sur un pouvoir bienveillant qui représente la volonté générale. Or il n'en est rien, le peuple n'est pas représenté par la volonté générale ou l'intérêt général qu'incarnent les pouvoirs exécutifs et législatifs. Ceux-ci sont au service de ce qui est au fondement des sociétés occidentales : l'accumulation de richesses et l'investissement pour en accumuler encore plus, la rentabilité, l'efficacité, la compétitivité, l'innovation et la sacro-sainte croissance, la baisse des dépenses publiques, dans un contexte de guerre économique où de plus en plus de pays émergents tirent leur épingle du jeu. Tout ça au détriment de toute idée de solidarité et de décence commune (common decency, George Orwell).
L'union des prolétaires de tous les pays fut un beau rêve communiste déçu par la réalité, aujourd'hui c'est plutôt l'union des riches propriétaires bourgeois cosmopolites de tous les pays qui se proposent de faire sécession, contre leurs travailleurs c'est-à-dire contre leurs peuples.

L'égoïsme est le fondement des sociétés libérales-libertaires, mais est-il comme le proclament les théoriciens libéraux le fondement de la nature humaine ce qui reviendrait à légitimer le système en faisant de lui le plus adéquat à notre nature ? Ou alors peut-on considérer que c'est le pire instinct qui trouve à s'exacerber de façon paroxystique, alors que la société devrait le tempérer si elle se prétendait civilisée ? Je penche pour la deuxième solution en considérant que ce système fondé sur le principe d'une accumulation sans limite se heurte désormais à trois limites majeures. La limite morale, car il détruit progressivement les bases anthropologiques de toute vie commune, on le voit dans les explosions de violence contemporaines comme la partie la plus virulente du mouvement des gilets jaunes, simple reflet de la violence qui s'exerce dans le monde du travail et parce que concrètement ce mouvement n'a pas d'autre moyen d'être entendu : comme si il n'y avait que la peur qu'on inspire pour se faire entendre. Un véritable pacte social ne devrait évidemment pas reposer sur de tels principes de terreur, mais c'est aussi la responsabilité du régime libéral-libertaire qui pratique une oppression par la crainte diffuse qu'il répand partout dans le monde du travail notamment, et qu'il se prend en retour en pleine face par effet boomerang.
La limite écologique, car une croissance infinie est évidemment impossible dans un monde fini.
Et la limite systémique car la financiarisation de l'économie conduira à terme à l'explosion d'une gigantesque bulle planétaire.

L'intérêt « général » depuis 1789 en France, a toujours été celui de la bourgeoisie. Que je sache la France n'a jamais été sous régime socialiste ou communiste. Le communisme soviétique fut un communisme dévoyé ou alors c'est le communisme qui est dévoyé par nature, et alors quelle alternative au capitalisme ? Un BHL a beau jeu de dénoncer dans le mouvement des gilets jaunes les dérives rouges brunes.
There is no society, parce que les crimes du communisme et du nazisme ont définitivement discrédité toute alternative au néolibéralisme le plus débridé, qui a volontairement détricoté et continue de le faire méthodiquement, le lien social ; avec frénésie depuis le milieu des années 80 en France.
Il suffit de visionner une page de pub de n'importe quelle chaîne de TV pour prendre conscience que le néolibéralisme n'est pas une utopie sociale mais une utopie individualiste, désormais sur un mode paroxystique exacerbé. Bref les gilets jaunes voudraient rétablir de l'intérêt général et ne proposent pas d'alternative politique, mais il faut aussi considérer qu'en l'absence d'alternative politique, l'intérêt général, en France en tout cas, sera toujours une arme entre les mains de la classe dominante. Cela fait 230 ans que ça dure et sauf révolution improbable cela ne changera pas de sitôt.



8 commentaires:

  1. ben vous oubliez quand même cette parenthèse qui est loin d'être anodine que fut 1936. c'est d'autant surprenant que vous l'oubliez et qu'elle a pourtant compté ! Elle a amené des dizaines de choses positives et évolutives pour le peuple, ne serait ce que congés payés, sécurité sociale ou age du travail qui est passé de 8 à 14 ans. école obligatoire et gratuite.Pas rien quand même.

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    1. Je ne crois pas que la parenthèse de 1936 a beaucoup compté, aussitôt occultée par la guerre très meurtrière de 39-45. Par contre par l'action du conseil national de la résistance, la France a voulu reconstruire sur des bases saines et solidaires. Mais aujourd'hui on est en train d'oublier et de rompre avec cet héritage qui considérait que l'absence de solidarité au sein d'une société est la matrice de tous les conflits sanglants : on y est ou pas très loin !

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    2. 36 n'a pas compté ! dites c’est une blague ! allez en vrac : - Croix-de-feu dissoute en parti social français.-
      loi portant à 14 ans l'âge de la scolarité obligatoire
      - réforme du statut de la Banque de France. « les 200 familles »), dorénavant cèdent leur place aux représentants de l'État, à ceux des « grandes forces organisées du travail et de l'activité industrielle, commerciale et agricole » et à ceux, élus par les petits actionnaires qui obtiennent aussi le droit d'assister aux assemblées générales.
      - loi sur la retraite des mineurs à 65 ans.
      - création du billet de congé populaire annuel, - loi sur la nationalisation de l’industrie aéronautique.
      - loi sur la nationalisation
      - loi prolongeant l'obligation scolaire jusqu'à 14 ans.
      - Stabilisation des cours agricoles et garantir un revenu décent aux agriculteurs
      - assouplissant l'accès au crédit pour les entreprises
      - Loi sur l'allocation chômage qui augmente le nombre de bénéficiaires d'allocations sociales. - première loi sur la sécurité sociale
      - politique de grands travaux, notamment l'électrification des campagnes et la poursuite de la construction du réseau routier français. à part cela elle n'a pas beaucoup comptée !

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    3. Est-ce que franchement trois ans plus tard on s'en souvenait encore ? Par contre ce programme a peut-être donné des idées au CNR, sans aucun doute ! Je ne connais pas assez bien l'histoire pour connaître le lien entre le programme du front populaire, son influence éventuelle sur la reconstruction de la France dans le temps de l'après guerre qui a donné lieu aux trente glorieuses.

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    4. je ne sais pas où vous habitez, mais les gens qui prennent des vacances tous les ans, s'en souviennent et leur gosse qui ne travaille plus à 8 ans aussi.. Vous sous estimez à tort toutes ces avancées. Tout le principe de la sécurité sociale est partie de là pour être finement peaufinée par Croizat, un mec génial ! et je ne parle pas de la gratuité dans les universités.

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    5. Ce que le capitalisme donne d'une main, il le reprend de l'autre, car le front populaire n'avait pas rompu radicalement avec le capitalisme, il l'avait rendu plus aimable aux yeux du peuple. Quand je dis que le capitalisme reprend de l'autre main ce qu'il avait donné de l'une, dont les avancées sociales, il n'y a qu'à voir la situation actuelle, et la lente dégradation sociale et même sociétale mais les gens n'en ont pas vraiment conscience, depuis 50 ans. Songez qu'aujourd'hui un Bezos possède à lui tout seul l'équivalent du PIB d'un pays comme la Hongrie et ses millions d'habitants. Aujourd'hui ce sont effectivement environ « 200 familles » qui font la pluie et le beau temps à l'échelle mondiale. Pour moi nous vivons pleinement en oligarchie actuellement, nonobstant les « avancées fulgurantes » de 1936.

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  2. L'intérêt général sans aucune alternative politique, ça n'a aucun sens, c'est une absurdité. Mais je crains que tout ce qui déferle sur nos écrans soit d'une cruelle absurdité.

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  3. Un beau rêve communiste : non : réunir les moins instruits et en même temps les moins pourvus de moyens c'était s'assurer de l'impossiblité de créer quoi que ce soit. Réunir les riches, donc les moyens, ça c'est efficace.
    L'égoïsme est en effet un instinct primaire et d'une efficacité redoutable vis-à-vis de la survie, en particulier. Il est plutôt le meilleur que le pire. Pour autant la société se doit de le tempérer en effet pour être "civilisée".
    D'accord sur vos trois limites... mais qui s'en soucie?
    Enfin, seul désaccord : "les gilets jaunes voudraient rétablir l'intérêt général" heu ??? Déjà le leur - égoïste - ça ne serait pas si mal !!!!

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