samedi 15 décembre 2018

Les gilets jaunes sont-ils d'extrême droite ?



Emmanuel M. : « Que chacun assume ce qu'il est, sans aller chercher la cause chez les autres : Avec Macron, l'existence d'une gauche libérale ; avec les Gilets jaunes, ce que tu appelles aimablement le "populisme" et que j'appelle l'extrême droite. »

Moi : « Le problème chez toi, c'est que tout est toujours séparé de tout, kantien peut-être mais sans jugement synthétique a priori car purement analytique, sans aucun souci d'un quelconque lien causalité entre les choses, et pour justifier un tel mode de pensée tu en appelles à la responsabilité et au devoir de chacun évidemment. Ton mode de pensée constitue en réalité ce que Marx appelait une « robinsonnade » pour s'en moquer car il savait bien que l'homme était un animal social avant tout, loin de la mythologie libérale. Tu es certainement dans l'air du temps, conforme aussi à l'idéologie libérale pour laquelle il n'y a pas de société (« No society », le slogan de Thatcher, l'égérie de Macron 40 ans après), mais uniquement des individus atomisés, donc séparés les uns des autres. Une telle conception de la « société » ou d'absence de société, fait évidemment le jeu de ceux qui possèdent tout, car n'oublions pas qu'il y en a, qui triomphent aujourd'hui en toute impunité dans le cadre de la mondialisation de l'économie, des psychopathes en réalité que le système favorise.
Pour mémoire Bezos dont les publicités pour son entreprise destructrice de lien social, des petits commerces de proximité... inondent le petit écran, est à la tête d'une fortune qui est l'équivalent du PIB d'un pays comme la Hongrie. Mais dans un « monde où chacun doit s'assumer sans aller chercher la cause chez les autres », le monde idéal d'un Emmanuel M., ce n'est absolument pas choquant, c'est même la définition du Bien sans doute... D'un point de vue calviniste, ça l'est, béni soit Bezos car il est sauvé !!

Oui Macron est de gauche en matière de droits de l'homme, il est progressiste, héritier de Mai 68 donc libertaire, et en même temps il est libéral économiquement donc antisocial. La gauche n'a jamais été socialiste en réalité, elle est bourgeoise mais non patriarcale comme la droite, elle a toujours trompé le peuple depuis la Commune de Paris, elle est fondamentalement progressiste et elle constitue en réalité le meilleur vecteur du néolibéralisme. C'est pour cela que le peuple avec son bon sens, veut aujourd'hui rompre avec la droite et la gauche en lesquelles il n'a plus confiance. On lui a vendu la camelote Macron qui se prétendait au delà du traditionnel clivage gauche/droite, et il prend conscience actuellement de l'arnaque, en outre Macron constitue un objet marketing dont l'obsolescence politique était programmée. Les programmeurs n'avaient pas prévu que l’obsolescence arriverait si vite...

Une forme de populisme serait aujourd'hui salutaire en France, je préférerais qu'elle soit utopiste et socialiste plutôt que d'extrême-droite. Cependant l'idéologie néolibérale autistique risque de triompher avec la robotisation du monde du travail, et le remplacement du peuple par une population immigrée moins revendicative en matière de droits sociaux : l'armée de réserve du Capital... pour le plus grand confort d'une petite élite bobo des grandes métropoles qui représente environ 15% de la population, et dont certains ont choisi d'être les chiens de garde impitoyables qui pratiquent l'amalgame systématique et outrancier entre le peuple et la bête immonde. Non la France périphérique n'est pas la bête immonde, elle est l'oubliée de la mondialisation, faudra-t-il la traiter comme on traque une bête féroce ou alors fera-t-on l'effort de la considérer dignement ?

250 ans de libéralisme déjà, qui désormais ravage tous les équilibres anthropologiques et écologiques, il faudrait rompre avec un tel paradigme mortifère, mais malheureusement le néolibéralisme triomphant depuis la chute du communisme, ira certainement jusqu'au bout de sa logique exponentiellement dévastatrice pour le genre humain, la faune et la flore... c'est-à-dire l'apocalypse ?
Car il n'y a pas de limites à la volonté de puissance de nos contemporains les plus cupides que notre système favorise, et c'est la véritable cause du nihilisme, que les « bons esprits » comme BHL et consorts dénoncent dans le mouvement des gilets jaunes, en faisant un contresens. Ce mouvement constitue effectivement une réaction aux inégalités sociales que génère par essence le système néolibéral, et que favorise la gauche progressiste et libertaire en matière de mœurs, en réalité dérégulatrice, peut-être encore plus que la droite par définition patriarcale et conservatrice, donc plus soucieuse finalement des équilibres anthropologiques. »

Arnaud : « L'assimilation des GJ au RN est une tactique de l'Elysée : si cette assimilation est réussie, Macron a gagné. Il y a, au sein de ce mouvement de colère populaire, des hommes et des femmes de gauche, du centre, de droite, des abstentionnistes, et, oui, des personnes d'extrême gauche et d'extrême droite : ce n'est PAS le propos de ce mouvement. Mais c'est le propos de la propagande menée par le pouvoir, qui doit discréditer à tout prix ce mouvement dans l'opinion. Pourtant, à force d'en faire un mouvement qui serait manipulé par l'extrême droite, Poutine, les frères musulmans, les black blocks ou un quarteron de vieux généraux, cette propagande, relayée par des médias indignes, se discrédite elle-même auprès de quiconque a un peu de bon sens. Macron, comme Trudeau, et Blair qui a montré la voie, ou encore Di Rupo, sont ultralibéraux au plan socio-économique - la classe moyenne doit à leurs yeux être détruite - et pratiquent à bon compte - ça ne coûte rien et ça séduit la gauche des beaux quartiers - le « libéralisme » au plan « éthique ». C'est la posture dénoncée depuis beau temps par Michéa. »

Moi : « Oui ce que vous appelez le « libéralisme » au plan « éthique », c'est ce que j'appelle moi l'aspect libértaire sur le plan sociétal de l'idéologie libérale-libertaire qui est en réalité une forme de darwinisme appliqué aux sociétés humaines ou « néodarwinisme », ou « darwinisme social », en faisant un contresens sur ce qu'est réellement la théorie de l'Évolution qui s'inscrit dans une phylogénèse et non une ontogénèse ; ou autrement dit se conçoit à l'échelle de l'espèce et non de l'individu. »

3 commentaires:

  1. Je souscris à ces propos, à un point près : toute la gauche n'est pas piégée par l'idéologie de la "mondialisation heureuse", comme toute la droite n'est pas conservatrice au sens où vous l'entendez - une bonne partie de celle-ci a souscrit à l'ultralibéralisme, de Thatcher aux Bush. Ce qui est proprement dramatique, c'est le paysage politique français, où s'affrontent désormais le RN et LREM, deux facettes d'une même horreur. En quoi ce paysage ressemble à s'y méprendre à celui des Etats-Unis, où H. Clinton affrontait Trump pour la présidence... A gauche, il reste Sanders, Mélenchon m'a déçu par son manque de maîtrise de soi, et Hamon me semble un peu mou du genou, mais enfin, ils n'incarnent pas à proprement parler le courant ultralibéral.

    RépondreSupprimer
  2. On peut aussi être libéral en matière de moeurs et de morale et simultanément antilibéral en matière socio-économique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est toute la problématique que soulève Michéa dans son dernier ouvrage, à force de réclamer toujours plus de droits on en arrive à une judiciarisation des rapports humains néfaste : "Le loup dans la bergerie", et au final la libéralisation sauvage des mœurs tant qu'elle "ne mange pas de pain", fait le jeu du néolibéralisme économique.... C'est pas pour rien que Bezos est libertarien : dérégulation totale des mœurs, jusqu'à l'éducation, les drogues et la question de l'euthanasie, pourvu que le seul droit inaliénable défendu farouchement par la police payée par l'ensemble des citoyens, soit uniquement la propriété privée. Or le droit ne peut pas tout en matière de mœurs, il est également important de conserver ce qu'Orwell appelle de la décence commune ("common decency", George Orwell), ce que nie évidemment quelqu'un comme Bezos (ou Roux de Bézieux, ils sont pratiquement tous interchangeable à partir d'un certain seuil d’enrichissement) qui veut tout détruire pourvu qu'il puisse continuer à s'enrichir et que la police le protège lui et les siens (les grands propriétaires, c'est-à-dire les milliardaires), avec l'argent du contribuable, bien entendu !! Dérégulation totale en matière de mœurs et règlement des problèmes au cas par cas, par le droit.

      Supprimer