mardi 24 mai 2022

Sur l'absence d'humanité des sociétés modernes

 


 "La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses "supérieurs naturels", elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste."

Karl Marx, Manifeste du PC.

Ah "les eaux glacées du calcul égoïste" ! C'est avec ça que le socialisme d'Orwell ou de Michéa se proposent d'en finir avec la réhabilitation d'une notion qui vient du peuple et qu'ils nomment décence commune, et qui peut très bien avoir des racines religieuses ou autres. L'aristocratie me paraissait bien plus proche du peuple sur le plan des valeurs que cette sinistre engeance qui a pour nom bourgeoisie.

Mais quand en finira-t-on avec cette maudite classe sociale ? Combien de temps encore à subir cette oppression larvée qui ne veut pas dire son nom et se cache derrière le prétexte des droits de l'Homme ?

À ceux qui se prétendent marxiens sur la toile...

Tout ne se réduit pas à la littérature. Le suicide est la première cause de mortalité dans le monde. Comme il est hors de question pour la société de rendre les circonstances plus humaines car cela remettrait en cause les privilèges d'une infime minorité de possédants (j'appelle possédants ceux qui possèdent l'appareil de production, les médias, qui contrôlent l'opinion), c'est-à-dire de se réformer en profondeur, au moins qu'elle laisse aux gens qu'elle a rendu malades et inaptes, une porte de sortie digne qui soit reconnue comme un droit de l'Homme. Ni plus, ni moins.

Toi jeune homme qui te prétend marxien, n'oublie que la littérature c'est la superstructure et que l'infrastructure ce sont les rapports de classe. Bref que la littérature, c'est l'idéologie, et l'idéologie bourgeoise qui plus est, tout comme l'économie. La littérature le plus souvent, tout comme l'économie, ne sert qu'à opprimer les classes les plus laborieuses. La littérature n'est pas un jeu innocent et gratuit. Rien n'est gratuit, rien n'est innocent, et même personne n'est innocent. La lecture est un luxe que ne peuvent s'offrir que les classes non oppimées, ces dernières sont occupées à travailler dur pour leur subsistance. Tout comme Nietzsche, je préfère encore l'aristocratie qui était cash et mettait carte sur table, à cette classe hypocrite et sournoise que l'on appelle bourgeoisie ; qui vole le travail intellectuel aux classes laborieuses pour lui laisser le travail manuel ; qui vole les beaux métiers bien payés, pour lui laisser les métiers dégradants, mal payés, et le statut de quasi-esclaves. Et tout cela de façon hypocrite et perverse, à la différence de l'aristocratie. L'honnêteté intellectuelle de Nietzsche, sa probité, se situe là.

Sur le suicide... et afin de le rendre plus humain.

Le suicide médicalement assisté devrait être légalisé en France, sans discrimination de sexe, d'âge, de couleur de peau ; car les gens sont dorénavant suffisamment intelligents, grâce à l'École, pour savoir à quel point ils se sont fait baiser par les circonstances afin de déterminer si ça vaut la peine de continuer ou non.

Comme le dit Heidegger dans une vie où tout est désormais calcul, où la pensée est devenue exclusivement calculante, où les gens sont devenus calculateurs et pervers par adaptation aux nouvelles normes sociales en rupture totale avec toute forme de tradition et d'honneur, on devrait avoir ce droit de l'Homme de se supprimer librement, le plus humainement possible et dans la dignité, si le calcul montre que les circonstances vous ont fait être déficitaire, c'est-à-dire souffrant, malade, donc une charge pour la cohésion sociale.

Puisque la société n'est pas décidée à rendre les circonstances qui sont déterminantes, plus humaines, grâce à l'École notamment dont cela aurait dû être le rôle alors que par effet pervers elle les aggrave, au moins qu'elle laisse humainement une porte de sortie à ceux que Nietzsche appelait les "faibles et les ratés".

Bref, dans la société des droits de l'Homme, le suicide devrait être un droit de l'Homme. Dans ce qui pourrait être des centres d'euthanasie ou grâce à des machines à euthanasie. Alors qu'aujourd'hui on doit toujours se suicider dans la clandestinité, dans des conditions souvent épouvantables pouvant vous laisser handicapé à vie, bien que cela concerne une dizaine de milliers de personnes par an, soit environ 30 suicides par jour, soit un peu plus d'un par heure rien qu'en France. Un toutes les quarante secondes dans le monde. C'est une atteinte insupportable aux droits humains.

Le dernier tabou de nos sociétés occidentales vérolées doit être levé pour des questions d'humanité, mais aussi de salubrité publique.

Juan Branco contre les ripoux de la Ripoublique



La décence commune populaire contre les intérêts communs de la caste des nantis.

Sans vouloir faire de glose philosophique, j'ai connu de vrais chrétiens qui avaient le cœur sur la main : mes grands-parents, qui étaient des gens très simples et sans aucune culture livresque, que l'on pourrait appeler la culture bourgeoise. Le lien communautaire était très fort et rattaché aussi à la culture bretonne ancestrale, langue bretonne qu'ils parlaient. Je crois que les philosophes des Lumières avaient sous les yeux toutes ces communautés et qu'ils voulaient les perfectionner, les unifier, pour faire un seul peuple, une République une et indivisible, alors qu'avant la Révolution il y avait des peuples en France. Ils n'auraient jamais pu imaginer que tout lien communautaire pourrait disparaître sous l'action du progrès (Heidegger et Arendt) et d'une idéologie néolibérale pure et dure - que Marx appelait les robinsonnades du libéralisme.

Ce qui résiste ce ne sont pas des individus isolés mais des groupements d'individus ayant des intérêts communs. Je pense qu'aujourd'hui on trouve ces groupements d'individus au sein des élites et que les peuples ont été dissous sous l'action de l'individualisme et du matérialisme de la bourgeoisie en Occident. Tous les idéaux des Lumières sur l'intérêt général me semblent aujourd'hui lettre morte car il n'y a plus de communauté mais uniquement des individus consuméristes. Quant à ma névrose qui est entièrement liée au lien pathologique que j'ai avec mes géniteurs, sans vouloir parler de la folie de mon père, Robert B., je crois que ma mère, Colette B., a réussi le grand saut de sa communauté d'origine vers ces groupements élitistes d'individus aux intérêts communs dont je parlais au début. D'un point de vue nietzschéen elle est restée saine, elle a infiniment gagné en cruauté en passant d'un syncrétisme catholique saupoudré de paganisme breton, très simple et égalitaire, à la psychanalyse, très compliquée, hiérarchisée, tarabiscotée pour de si maigres résultats sur les patients en général, et vaste pompe à fric complexe, qui soigne éventuellement les individus mais ne répare jamais les communautés, encore moins les âmes, voire les abîme encore plus en ne s'en souciant pas.

Pour réaliser sa métamorphose qu'elle a très bien réussi, elle m'a sacrifié, par indifférence ou cruauté, je ne sais pas. Elle est bien plus saine que moi, très sociable mais pratiquant l'entre-soi bobo des grandes métropoles, et me survivra sans doute. Je ne pense pas que cette victoire, ce triomphe des élites aux intérêts communs coupées des peuples corrompus par le matérialisme et l'individualisme, est voué à perdurer, et suis très pessimiste sur l'avenir.

La République est malade depuis se origines bourgeoises.

Oui la République n'est plus la République, car la République c'est le pouvoir du peuple par le peuple pour l'intérêt du peuple et pas d'une caste de nantis : Juan Branco parle assez courageusement de cette dérive quoique l'on puisse par ailleurs penser du personnage aux postures de Che Guevara. Quant à la laïcité ok, mais moi par mon histoire personnelle je n'ai connu des gens sains et altruistes que chez les Bretons bretonnants chrétiens très simples et sans aucune culture livresque et bourgeoise, dans mon enfance. Plus tard à l'Université chez des gens qui n'avaient pas tout à fait renoncé à leurs racines catholiques. La France républicaine aurait dû faire le lien entre ses racines et son projet, elle a préféré trancher dans le vif avec une violence inouïe concernant ses racines, alors qu'elle fait preuve de tant de complaisance pour l'islam. C'est à la fois paradoxal et étonnant, c'est quasiment du sadomasochisme.

Les contre-pouvoirs et les garde-fous (les fous étant ceux qui nous dirigent).

Le pouvoir a une crainte, c'est le (contre -) pouvoir de nuisance des réseaux sociaux qui ont notamment fait émerger les gilets jaunes. Mais enfin encore faudrait-il que ces réseaux s'organisent et se coordonnent. Cependant Castex a fait allusion à cette crainte dans son allocution pour l'investiture d'Élisabeth Borne, il a parlé de ces millions de Français qui ne s'expriment pas sur les réseaux sociaux en les louant. La fameuse majorité silencieuse dont le pouvoir entend bien qu'elle reste silencieuse et vote comme on lui dit de voter.

Il ne faut pas confondre gauche de gouvernement avec socialisme.

Le socialisme n'a jamais existé en France. C'est du vent ! Il n'y a pas d'École en France, il y a des écoles qui varient selon les quartiers. La gauche de gouvernement n'a jamais été socialiste. Tout le reste n'est que du saupoudrage pour maintenir la paix sociale. Je ne nie pas qu'il y ait eu le CNR, et le seul homme ayant été un tant soit peu socialiste à mes yeux, me paraît être de Gaulle. On ne doit pas se contenter des miettes qui tombent de la table du festin des nantis. Le véritable socialisme n'a rien à voir avec ça !

On aurait pu passer du christianisme au socialisme sans rupture radicale, en conservant certaines valeurs. Dire que le socialisme est dans la continuité du christianisme est de la théorie, car le socialisme n'a jamais eu lieu nulle part et certainement pas en URSS ou en Chine. Dans la réalité la République française a tranché radicalement avec ses racines chrétiennes, sans aucunement rallier l'idéal communautaire socialiste, qu'il s'agisse d'ailleurs de la droite ou de la gauche de gouvernement. N'oublions pas que c'est une gauche de gouvernement républicaine qui a écrasé la Commune de Paris.

Les prestations sociales profitent aujourd'hui surtout aux populations immigrées majoritairement d'origine musulmane, ainsi que les logements sociaux. C'est une réalité malheureusement. La classe moyenne avec ses valeurs consuméristes et mercantiles par mimétisme avec celles de la bourgeoisie, a malheureusement beaucoup contribué à la destruction du peuple dont elle est entièrement issue - avant la Révolution on aurait pu dire, les peuples de France. Il n'y a que le peuple qui puisse faire des enfants et les élever avec amour, sans vénalité et esprit de manipulation. La France n'avait pas vocation à devenir un hôtel pour migrants, mais elle l'est devenue par corruption de la population d'origine.

Marx, économiste de génie et naïf impénitent.

Marx avait prédit que le socialisme serait l'avènement du paradis sur Terre, un genre de parousie dans la droite lignée du christianisme, mais ici et maintenant. Nous en étions très loin, même en URSS entre 1917 et 1939. Ou alors Marx s'est totalement fourvoyé, économiste de génie mais complètement naïf sur la nature humaine. Je penche pour la seconde option, et la nature humaine ne s'arrange pas avec le cynisme made in USA véhiculé par tous les médias.

mercredi 11 mai 2022

ROUSSEAU ET NIETZSCHE, ou pourquoi notre société est bien plus nietzschéenne que rousseauiste ?

 


"Périssent les faibles et les ratés : premier principe de notre amour des hommes. Et qu’on les aide encore à disparaître ! Qu’est-ce qui est le plus nuisible que n’importe quel vice ? La pitié active pour les ratés et les faibles : le christianisme" (L’antéchrist)

"Périssent les faibles et les ratés", c'est typiquement du Nietzsche. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une lecture tronquée, Nietzsche est cruel. Beaucoup trouvent dans cette cruauté un exutoire. Plus on monte dans l'échelle sociale plus les gens sont cruels, ce que Nietzsche appelle l'air des cimes pour échapper aux mauvaises odeurs du populo. Nietzsche revendique une morale aristocratique ne s'encombrant pas de moraline. Je pense qu'il a un assez mauvais fond, plutôt que de vouloir changer la société il recommande d'accepter le monde tel qu'il est, et aux victimes de se suicider plutôt que de contaminer par leur négativité le reste de la communauté.

Nietzsche se veut juste mais pas justicier, aussi juste que peut l'être la vie, ni plus ni moins, et la vie est cruelle. Il veut accompagner le mouvement de la vie contre toute forme de ressentiment et propose une morale pour les forts.

Les nazis pangermanistes ont fait une mésinterprétation dans la mesure où il disait que les Juifs avaient vocation à devenir les guides et les maîtres de l'Europe. Les nazis et les fascistes ne peuvent se revendiquer de lui, car finalement c'est bien le ressentiment contre ce qui est supérieur qui les animait.

C'est dans Aurore qu'il dit que les Juifs ont vocation à devenir les guides et les maîtres de l'Europe, mais qu'ils ne devront pas faire honte à ceux qu'ils seront amenés à dominer... ou alors gare au retour du bâton !

Nietzsche vomissait Rousseau qu'il comparait à un malade, et adorait Voltaire pour son esprit. Nietzsche vomissait aussi les socialistes donc par voie de conséquence Marx, mais je ne crois pas qu'il le cite dans son oeuvre. Et enfin il vomissait les antisémites et les pangermanistes. Il n'avait d'égards que pour ce qui lui apparaissait comme supérieur.

La supériorité des Juifs n'est pas un complot comme voulait le faire croire Le protocole des sages de Sion, qui de notoriété publique est un faux, car c'est dans leur nature de dominer le reste de l'Occident auquel ils appartiennent. Autrement dit cette domination est naturelle, et n'a rien d'artificielle comme pourrait l'être un complot - alors que les nazis étaient parvenus au pouvoir en complotant.

Comme les Juifs ne partagent pas, tout comme les nobles ne partageaient pas avec le peuple, pour se consoler il faut bien se dire aussi qu'il y a eu d'autres époques, et qu'ils n'ont pas toujours eu et n'auront peut-être pas toujours vocation à dominer le reste de l'Occident. De plus leur domination ne concerne que l'Occident et pas les grandes puissances que sont la Chine, la Russie ou l'Inde. 

Cependant l'Occident est complètement mité de l'intérieur, il n'y a qu'à voir les élections en France avec trois blocs complètement hétérogènes. Je fais bien plus confiance à des empires cohérents, comme la Chine, l'Inde, ou même la Russie. Poutine a bien raison d'avancer ses pions face aux décadents déchirés que nous sommes. Je ne crois pas du tout en l'avenir de l'Occident. Plus tôt s'effondreront les États-Unis dont nous sommes les valets soumis, le mieux ce sera pour tout le monde. L'Occident ne représente que les intérêts d'une infime minorité et pas celui des peuples. La société occidentale ne laisse que très peu de choix, c'est dominer pour une infime minorité, accepter d'être dominé avec bonne humeur pour la très grosse majorité, ou alors sombrer dans le désespoir pour les dépressifs.

Ce qui est sain pour Nietzsche est de nature aristocratique, et ce qui est malade est dénaturé par le christianisme et ses avatars modernes comme le socialisme ou l'antisémitisme, pétris de ressentiment pour ce qui est supérieur - comme aujourd'hui l'islamo-gauchisme ou l'antisionisme, bref le mélenchonisme.

Ce sont les faibles qui selon Nietzsche appellent méchants ceux qui leur semblent supérieurs, par ressentiment. À la distinction gentils/méchants, Nietzsche propose de substituer la différence entre mauvais (ceux pétris de ressentiment)/bons. Les bons pour Nietzsche sont ceux qui sont le plus conformes à la nature humaine et à l'acceptation de sa cruauté intrinsèque. Pour Nietzsche les antisémites sont mauvais, les Juifs sont bons, et ces derniers apparaissent comme méchants aux yeux des faibles qui parfois s'emparent du pouvoir pour les combattre comme les nazis. Ou comme aujourd'hui tentent de s'emparer du pouvoir des franges antisémites du spectre politique de l'extrême gauche à l'extrême droite. Les méchants c'est-à-dire en réalité les bons, sont sains, ne sont pas malades. Cruauté sociale que ne supportait pas un Rousseau par exemple, en raison de son histoire personnelle ; alors que Voltaire s'en accommodait fort bien grâce à son grand esprit. L'esprit c'est une forme de cruauté qui s'exerce par la parole que maîtrisent très bien ceux qui se réclament des Juifs d'affirmation comme BHL, c'était le passe-temps favori de l'aristocratie française.

Tout groupement humain fait généralement preuve de cruauté pour ce qui sort du lot : là c'est encore un autre problème que l'aristocratie. Rousseau rêvait juste d'une société sans classes, avec un peu moins de mépris, un peu moins de haine, plus de justice, moins d'inégalités ; il se voulait l'avorteur du capitalisme naissant, dont il avait l'intuition qu'il se développerait dans la négation des valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité. Apparemment ce n'est pas conforme à la nature humaine ! Se voulant justicier, il est peut-être finalement moins juste que Nietzsche. La vérité est cruelle !

Céline appartient évidemment à la catégorie de ceux pensant combattre les méchants, comme tout anarchiste de droite (on pense aussi à Eastwood ou Gibson), alors qu'ils combattent les bons.

Dans cette perspective-là, on peut dire que ma mère est une femme méchante, et elle s'en enorgueillit comme s'il s'agissait du contraire d’un vice, d’une vertu, alors que dans le cas d'une femme et a fortiori d'une mère, c'est une complète dénaturation. Ma mère est un pauvre type, un type dégénéré.