jeudi 31 mars 2016

L'inégale répartition mondiale des richesses

On dirait que tu n'as pas compris le mouvement de l'histoire. Non seulement on ne retrouvera jamais le chemin de la classe ouvrière, puisque de toute façon les tâches effectuées par des ouvriers, sont déjà et seront de plus en plus dans l'avenir effectuées par des robots, avantageusement en terme de coût et d'aliénation pour les hommes, qui accomplissaient ces tâches répétitives. En outre, la classe moyenne que tu évoques, sera de plus en plus en voie de disparition, contrairement à ta conviction profonde selon laquelle les classes moyennes sont les maîtresses du monde, alors que selon toutes les analyses, elles représentent environ 40 % de la population mondiale et seulement 14 % des richesses mondiales.
Ce à quoi il faut s'attendre pour l'avenir c'est à la création d'une hyper-classe, qui constitue déjà 10 % de la population mondiale et possède 86 % des richesses mondiales. Tous ces chiffres sont consultables sur internet, alors je ne sais pas à quoi rime cette propagande anti-classes moyennes. On sait bien maintenant que l'épanouissement de la majorité des hommes n'est plus une priorité, ni même un projet ; puisque désormais le projet c'est l'enrichissement exponentiel d'une infime minorité. Il est vrai que pendant que les classes moyennes possèdent 14 % de la richesse mondiale, 50 %, que l'on pourrait qualifier "les damnés de la terre" ne possèdent rien, ou alors seulement 0,5 % des richesses. Mais qu'est-ce qui est le plus scandaleux, que 40 % des gens possèdent 14 % des biens, ou alors que 10 % en possèdent 86 % ? Pour Emmanuel Mousset il est clair que la situation la plus scandaleuse est celle des classes moyennes, parce qu'ils sont "moyens", ils ne "méritent" certainement même pas le peu qu'ils ont, à ses yeux. Il y a aujourd'hui une alliance désormais objective, entre le parti socialiste - représenté anecdotiquement par Emmanuel Mousset - et le grand capital, qui représente 10 % de la population mondiale. J'attends de l'auteur du blog J'ai tant de choses à vous dire, qu'il nous explique en quoi consiste la vertu des riches, qui leur donne le droit légitime de s'enrichir toujours plus, au point de posséder maintenant 86 % de la richesse mondiale ?
Mes chiffres sont consultables partout sur internet et notamment ici:
http://www.inegalites.fr/spip.php?article1393
ou encore Alain Badiou : file:///C:/Users/Utilisateur/Downloads/alain_badiou_penser_les_meurtres_de_masse_du_13_novembre_-_la_-bas_si_j_y_suis.pdf

Je reconnais cependant bien volontiers qu'éthiquement aujourd'hui, la classe moyenne est souvent indigne du projet qui consisterait à vouloir partager de façon mondiale, l'ensemble des richesses mondiales. Mais qu'en est-il éthiquement des riches, valent-ils mieux ? J'en doute, et de plus leur enrichissement exponentiel fait courir un danger pour l'équilibre écologique de la planète. Pour se faire une autre idée, je vous conseille la lecture de cet article sur le blog de mon ami Emmanuel Mousset, sur la classe ouvrière :
http://jaitantdechosesavousdire.blogspot.fr/2016/03/ou-sont-passes-les-ouvriers.html

lundi 28 mars 2016

Le destin de notre époque

Vu la monstruosité du système actuel, qui repose sur le progrès techno-scientifiques, et dont l'économie est le libéralisme dérégulé, il me semble que la philosophie est désormais totalement inopérante pour modifier le cours des choses. Elle n'en a d'ailleurs plus je crois ni même l'ambition ou la prétention, elle est devenue une discipline scolaire destinée à former à une certaine esthétique du langage ; l'argumentation ; la synthèse ; l'esprit critique... Dans le cas des cafés philos, c'est un hobby généralement réservé à quelques vieilles personnes désœuvrées et bavardes, ou à de jeunes gens en quête d'affirmation de soi par le langage (pourquoi pas pour séduire les femmes). Le caractère de notre époque presque exclusivement d'origine européenne et pas exclusivement d'origine anglo-saxonne au fond, loin de là, - plutôt mélange bigarré des apports philosophiques, littéraires, scientifiques, techniques... de tous les pays d'Europe, mais porté par un pays, les Etats-Unis, dont la communauté dominante est d'origine ethnique et idéologique anglo-saxonne - a abouti à la constitution d'un système qui suit désormais son cours, suivant sa propre volonté d'essence techno-scientifique et économiquement libérale. Même la politique, activité humaine au départ, est désormais dépassée et rendue obsolète par le destin de l'époque, destin déshumanisé et déshumanisant, poursuivant sa propre quête d'amélioration de ses propres moyens, de ses propres conditions d'amélioration de lui-même - détachée de toute finalité d'épanouissement personnel de l'individu, au contraire encourageant la perversion dans les rapports humains par aliénation ressentie - désormais comme finalité de l'humanité occidentale ou occidentalisée, vers le but ultime qui semble, comme décrit dans 2001, l'odyssée de l'espace (de Stanley Kubrick) la constitution d'une IA, comme une fatalité découlant de la découverte métaphysique de l'outil par un singe aux traits vaguement humanoïdes, il y a quelques millions d'années de cela. Restent quelques poches de réaction, qui se font souvent par le biais de religions radicalisées. Le djihadisme n'est rien d'autre qu'un petit grippage de l'énorme machine semblant nous entraîner tous massivement vers peut-être un genre d'aliénation généralisée, ou alors miracle... une libération grâce à l' IA.

samedi 26 mars 2016

Le temps semble devenir menaçant

Lui : " Comprends tu l'anglais petit scarabée ? Si tu as envie de te faire peur, je te conseil ce truc, Google et la NSA sont le diable, il prépare l'IA, la vraie, quantique. Plus de liberté et des robots tueurs, la majorité des cadres de Google sont fous.... Tu devrais mater, il est fait état de l'art de l'informatique quantique et de ses possibilités démiurgiques... plus aucunes données en sécurité... "

Moi : " Tu sais bien que je fais un rejet de la langue anglo-saxonne, la langue de l'idéologie du capitalisme qui domine le monde et asservit les peuples. Les Anglo-Saxons sont parmi les peuples, ce que les hommes sont aux autres créatures terrestres, des déments au carré dans un monde de déments. Je ne sais pas ce qui fait des Anglo-Saxons un peuple aussi à part, aussi différent, peut-être parce qu'ils ne veulent pas se mélanger aux autres peuples et conserver leur pureté, à la différence des Espagnols et des Français qui se mélangeaient bien davantage aux peuples indigènes. Les Anglo-Saxons ont instauré le communautarisme, où chaque peuple conserve sa "pureté" ethnique. "

Lui : " Je ne sais pas comment sont tous les Anglo-Saxons, mais tu as vraiment raison sur un point, les mecs de Google sont fous et vont tout faire pour entraîner le monde dans leur folie.

Moi : " Le pire est qu'ils ont gagné à l'échelle de la planète. "

Lui : " La vraie puissance aujourd'hui Erwan c'est le calcul et dans ce domaine, si le quantique en est où le dis la vidéo, il viennent de nous mettre à 50 ans... "

Moi : " Le non mélange des "races" finit par entraîner des anomalies génétiques, ma fille aînée est intelligente, elle est le produit de gènes bretons avec des gènes juifs, le mélange, il n'y a que ça de vrai ! "

Lui : " C'est clair, que pourrais je dire d'autre... "

Moi : " Les Américains ont mis le reste du monde à 50 ans, même les Chinois ?
Mais la communauté anglo-saxonne même aux Etats Unis finira submergée par les autres communautés, qui reprendront cependant le flambeau impérialiste et communautariste, malheureusement. Quid de la communauté française aux Etats Unis ? Mais elle est puissante pas trop loin au Québec, qui est au fond une province des Etats-Unis. Nous Français, avons mis notre petit grain de sable dans la machine à opprimer le reste du monde. "

Lui : " Les chinois on peut pas savoir, et en France et en Europe on a un savoir faire expérimental avancé, mais rien de concret pour le moment, les canadiens vendent à Google et à la Nasa D-Wave2 premier calculateur 512 bit quantiques (puissance phénoménale) fonctionnel (ils ont publié dans Nature). Si ça marche vraiment et qu'ils y collent de l'apprentissage ça va faire très mal..."

Moi : " Les canadiens français ou anglophones ? "

Lui : " La vidéo se conclu par une vraie fin à la Terminator, anglophones je pense. "

Moi : " Et les canadiens français, ils assurent un peu ? Fin à la Terminator ? Ils veulent "terminer" le reste du monde ? "

Lui : " J'en sais rien moi, qu'est ce que tu me demandes là, on sait juste qu'ils sont très attachés à leur culture francophone... Quasi, avec une bandes de fous mystiques qui veulent réellement uploader leur esprit dans une "matrix"...intelligence hybride mais gangrainée par la machine..."

Moi : " J'aime bien le cinéaste Denis Arcand, et aussi celui qui a réalisé "Mommy", de Xavier Nolan je crois. "

Lui : " Et les projections militaires en terme d'équipements et de troupe annoncent une robotisation quasi complète de l'armée US avant 2050....couplé à un cerveau quantique qui devient fou. Tout l'arsenal automatique sur mer, sur terre, dans les airs et sur internet se met en branle pour éliminer la race humaine... "

Moi : " Tu te fais des montées d'adrénaline pour rien, le vrai danger comme le dit Paul Jorion, ce sont les grands patrons qui veulent se faire du fric sans aucune limite et qui menacent l'équilibre de la planète. La planète sera détruite avant que tes fous mystiques aient eu le temps de se faire "uploader" dans une machine.

Lui : " Les dangers sont multiples, mais la montée en puissance technologique (et donc militaire) est un vrai danger. Daesh pourrait bien mener des cyberattaques contre des sites nucléaires européens. "

Moi : " Tu te disperses, l'objectif politique clair est de mettre fin au dogme de la croissance et au libéralisme dérégulé, de mettre un frein à la démesure de nos grands prédateurs que constituent les patrons, ou sinon "game over" pour tous. Daesh semble en pleine déconfiture sur le théâtre des opérations en Syrie. "

Lui : " Oui mais Daesh se renforce en Libye et ses filières sont florissantes en Afrique... C'est une hydre qui ne vas pas se laisser flinguer comme ça... Sans parler des cellules dormantes européennes qui vont nous péter à la gueule... "

Moi : " Et c'est moi le catastrophiste, je crois que tu est bien pire que moi au fond. "

Lui : " Juste réaliste à la géopolitique... Mais on a la force de résister... "

Moi : " Est-ce que cette force n'est pas le produit de ton imagination ? "

Lui : " Les cellules dormantes? La Libye? L’Afrique? tu suis l'actu un peu? "

Moi : " Non pas trop en fait, mais je subodore que la situation est grave. "

Lui : " Tu subodores bien, en 2015 il y a eu un attentat tous les 4 jours dans le monde, 2016 est parti pour être pire... Les service de renseignements sont complètement débordés... "

Moi : " J'imagine..."

Lui : " Submergés d'infos à traiter et pas assez d’analystes... Ils vont y collé vite fait de l'IA dessus... "


Moi : " Tu ne fais que confirmer ce que je dis, la technologie a son caractère propre, sa volonté propre qui échappe de plus en plus au contrôle des hommes, à mesure que cette technologie croît de façon exponentielle. "


Lui : " Pas de caractère, juste l'inconscience des hommes... "

Moi : " Tu finiras bien par comprendre. Les Américains, quelles que soient leurs origines, ne font qu'accélérer un processus qui était inéluctable avec l'invention du premier outil par un singe vaguement humanoïde. Revois 2001, l'odyssée de l'espace , il y est fait état du destin de l'humanité de l'invention du premier outil à l'apparition d'un intelligence artificielle autonome et consciente. "

Lui : " Le destin n'existe pas, et on peut considérer que cette technologie a une conscience. Mais une conscience froide et opérationnelle, on ne lui a pas codé en dur les lois de la robotique... "

Moi : " Le destin de la technique était d'arriver à l'IA, nous y arrivons. "


Lui : " Nous y arrivons. "

Moi : " Mais comme tu le disais on a la force de résister. De ton côté, j'ai l'impression que quand tu te drogues tu deviens plus clairvoyant, plus intelligent, oui sur toi et toi seulement, pas moi ; la drogue augmente l'intelligence et la lucidité, phénomène étrange. Carlos Castaneda décrivait ce phénomène dans L'herbe du diable et la petite fumée, avec la mescaline. Chez moi je t'assure ça ne marche pas, quoique je n'ai jamais essayé la mescaline, ni les champignons hallucinogènes que l'on trouve en Bretagne, dans la bouse de vache, et qui ont peut-être influencé nos "chamans" bretons, les druides, et la création de La légende du roi Arthur ; mais finalement presque exclusivement le cannabis.
De mon côté, je m'inspire de résistants comme Alain Finkielkraut, Eric Zemmour, Michel Onfray maintenant ou même Michel Houellebecq, et il y en a plein d'autres. Mais Elisabeth de Fontenay reste la matrice de la résistance, en tant que femme, fanatiquement française, juive par sa mère et de choix, avec une enfance catholique, et fille d'un grand résistant gaulliste aux cousins pétainistes. Sous son influence bigarrée, je reste attaché à la culture et à la langue et au génie français ou breton, comme une drogue, cela me rend un peu borné je sais."

Je ne voterai plus socialiste

De toute façon, tant que la France paiera ses enseignants aux rémunérations d'un ouvrier qualifié, il y aura un gros problème d'éducation et de formation, nous sommes au même rang que la Slovaquie ou l'Estonie, un peu devant la Grèce. Il est évident que face au mépris collectif de la société française pour ses enseignants (à qui l'on reproche sans cesse d'avoir trop de vacances), en terme de salaire et de reconnaissance sociale : le problème de l'éducation, de l'autorité face aux élèves, de la formation, ne permettra pas de résoudre le problème du chômage. Les Allemands ont pris le problème à l'endroit en rémunérant bien leurs enseignants, car l'emploi commence par l'éducation et la formation ; la France prend le problème à l'envers, avec la loi El Khomri, en voulant libéraliser plus le marché du travail, en méprisant l'autorité, l'éducation et la formation. En donnant toujours plus aux puissances de l'argent, et en enlevant toujours plus aux puissances de l'esprit. Car l'esprit qui pourrait éventuellement jaillir de la société française, viendra de l'éducation et non de l'argent. L'argent c'est le nihilisme, la France écoute les sirènes américaines et court à sa propre perte. Comme le dit Emmanuel Mousset, si la société française n'est pas capable de s'adapter à ses enseignants, c'est-à-dire à la puissance de l'esprit, "qu'elle crève !", ce qui risque effectivement d'arriver. 
Pour être cohérent avec moi-même, je voterai donc peut-être Juppé si il se présente, qui est le seul à proposer une revalorisation de la carrière des enseignants, et un rétablissement de l'autorité à l'école. La chienlit socialo, depuis 1983, vendue au libéralisme dérégulé, ça suffit ! La droite hormis Juppé, méprise encore plus l'enseignement que la gauche, à l'instar de Xavier Bertrand, qui veut établir 3 jours de carence non payés, pour les enseignants malades, soit environ 250 euros de manque à gagner pour chaque arrêt maladie. Xavier Bertrand fait les gros yeux en direction des enseignants avec un gros bâton, mais sans carotte !
Et je ferai grève et j'irai manifester le 31 mars contre la loi El Khomri, et j'espère que nous serons nombreux. Je souhaite que tous mes collègues fassent grève. Stop, ça suffit, la chienlit "socialo" qui depuis 1983 accepte et accompagne le libéralisme dérégulé.

Il y a la puissance de l'argent représenté par les entreprises, ces dernières ne sont pas inutiles au contraire. Mais la loi El Khomri va leur donner la toute puissance, la toute puissance au grand patronat, où les écarts de rémunération entre un salarié et son patron, sont déjà exorbitants, alors qu'ils devraient être encadrés. Il n'y aura pas de limite à la rapacité du grand patronat si le peuple ne se bouge pas pour dire NON... Stop ! La rapacité des riches, qui cherchent à faire du profit, n'importe où, n'importe comment, risque d'entraîner rien de moins, que la destruction de la planète, selon Paul Jorion, chercheur en sciences sociales, si le dogme de la croissance n'est pas rapidement remis en cause, ainsi que le libéralisme dérégulé et le boulevard laissé aux puissances de l'argent. Il ne s'agit donc pas seulement de mon ego, de ma petite personne d'enseignant, mais il en va maintenant de l'avenir de la planète dans la lutte contre le grand patronat.
Le seul problème maintenant est que nous vivons dans une société non pas d'égaux, mais d'egos, et que personne n'est plus prêt à prendre le risque d'une initiative populaire et collective pour lutter contre le système. Qui si il perdure tel qu'il est actuellement, conduira effectivement à la destruction de la planète, conséquence de la rapacité des riches, qui trouve son origine historique dans l'éthique du protestantisme. Non pour accabler ces pauvre Anglo-Saxons, mais pour leur faire une petite piqûre de rappel. 

Pour l'instant les failles du système nous laissent quelques petites libertés, bientôt tout cela sera contrôlé grâce à des fichiers centraux, tous nos faits et gestes seront épluchés par un grand ordinateur central à la puissance de calcul bien plus développée que celle d'un être humain normal, l'IA. Et alors nous entrerons dans l'âge de l'aliénation totale. Je ne vois pas d'autre alternative, étant donné ce que la nature humaine est. Etant donné ce que je vois dans mon entourage : la majorité des gens, préfèrent le repos à la liberté. Dans une hypothèse optimiste, la surveillance généralisée mettrait un terme à la rapacité du grand patronat, si l'IA qui nous contrôle était programmée pour tenir compte des intérêts de l'espèce humaine toute entière et pas seulement d'une catégorie d'entre eux.

jeudi 24 mars 2016

Destin, démon ou caractère ?

Moi : "Et le caractère il existe oui ou non ?"
Lui : "50% milieu, 50% gènes."
Moi : "Le caractère il existe oui ou non ?"
Lui : "Je viens de te répondre..."
Moi : "Bon alors je te le dis, ton caractère c'est ton destin ! C'est ça le destin : le caractère."
Lui : "Le destin n'existe pas c'est une croyance..."
Moi : "Si le caractère existe alors le destin existe CQFD."
Lui : "Le destin c'est ce qu'on constate à posteriori... Tes CQFD valent ceux du coran... Tu es un putain de croyant, ça m'épate ça..."
Moi : "Ton caractère t'ouvre des portes t'en ferme d'autres : toujours les mêmes ! C'est l'éternel retour nietzschéen. Si tu n'es même pas capable de constater ça dans ta vie, alors tu comprends vraiment peu de choses !"
Lui : "Mes choix sont limités par le système pas par mon caractère... venant d'un mec qui croit au destin ça me fais rire."
Moi : "Pôv victime du système ! Les autres c'est toujours la faute aux autres !"
Lui : "Le système est un obstacle, qui se contourne ou se franchi, voire se rejette, mais il existe et à part ceux qui le dirige nous en sommes tous plus ou moins victimes, trublion chétif... Tu passes ton temps à te victimiser, tu élabores des théories bidon sur la perversité basées sur ta propre victimisation."
Moi : "Et ton sale caractère il n'y est pour rien dans tout ça, il est complètement neutre ?"
Lui : "Je suis râleur, mais je n'ai pas mauvais caractère, faut pas me faire chier c'est tout... Et il faut me dire des choses intelligentes sinon ça m'énerve, l'injustice m'énerve énormément ! Et quand ce sont des personnes intelligentes qui me sortent des conneries alors là ça m'exaspère, je respecte l'ignorance des sots mais je ne supporte pas la connerie intellectuelle... Et tu es un champion !"

La question du milieu, et que faire de la technologie ?

Le milieu toujours le milieu, la stratégie dans un monde hostile, et notre monde est hostile, comme jamais, est de se préserver du mieux qu'on peut, sinon l'esprit dégénère, malgré toutes les qualités génétiques prétendues du cerveau.
La perversion, c'est le mal du siècle avec la chute des grandes idéologies, religions ou communisme, croyances collectives dans le bonheur et le progrès pour le communisme, le positivisme, ou l'idéologie des lumières qui ont disparu. Reste le djihadisme qui pour ces raisons évoqués ne va cesser de monter notamment en France, c'est inexorable.
Le jeu du miroir est en réalité la "rivalité mimétique" chère à René Girard : je désire ce que l'autre a, ce que l'autre fait, je suis en rivalité perverse avec l'autre parce qu'il est le même que moi, et dans tout groupe on recherche d'autant plus un bouc émissaire que les croyances collectives ont disparu.
Comme les musulmans ne veulent pas être les boucs émissaires de cette société perverse qui se dit démocratique, ils se radicalisent et ne cesseront de se radicaliser. Le terrorisme est donc un chancre qui va s'installer durablement très durablement dans la société française, c'est évident comme 2+2 font 4
Si notre société était réellement bonne et démocratique comme elle le prétend, les musulmans ne se radicaliseraient pas, ils vivraient leur différence et leur foi en toute quiétude.
C'est donc que notre société est hostile sous des allures de neutralité et de bienveillance, elle est en réalité possédé par un démon, et ce démon c'est le démon de la technique, j'emploie le terme "démon" au sens socratique, quelque chose qui nous possède, dans le cas de Socrate c'était l'intelligence, dans le cas de nos contemporains, c'est la technologie.
La technologie est effectivement un caractère propre à notre société, donc un destin qui se joue à notre insu, et malheureusement ce destin est hostile, CQFD. Mais cela peu de gens arrivent à le comprendre, comme ils ne veulent plus comprendre, comme ils comprenaient encore au temps des grandes religions, que l'intelligence c'est le milieu et non pas, ou de façon très subalterne, le caractère génétique du cerveau.
On me reproche de faire preuve d'obscurantisme, d'être un croyant. Mais je dis que tous les hommes ont besoin d'être des croyants, sinon ils s'effondrent. Un ami me dit : " Je ne crois qu'en moi et mes proches autant que possible, à l'extraordinaire intelligence humaine, à l'empathie, à tout ce qu'il peut y avoir de beau et de noble dans l'humain contre toutes les folies et les égoïsmes... "
Moi : " Tout cela va inexorablement dégénérer si l'homme ne prend pas en compte la question du milieu, qui est la question fondamentale. "
Lui : " L'éducation ! "
Moi : " C'est une condition nécessaire mais pas suffisante. "
Lui : " Alors il faut raser les banlieues, plan Marshall pour de vrai, mixité sociale obligatoire sans passe droit... "
Moi : " Non il ne faut pas contraindre car c'est une atteinte aux libertés donc une aliénation."
Lui : " Alors on demande aux gentils bourgeois du 16ème gentiment, d'accueillir gentiment des gentils apprentis jihadistes du 93 à hauteur de 50% des effectifs ? Il n'y a que la contrainte qui permettra la mixité, le bon vouloir ne marche pas la preuve... "
Moi : " Non il ne faut pas contraindre car c'est une atteinte aux libertés donc une aliénation qui ajoute encore à la noirceur du monde. "
Lui : " Et le laisser faire de la jungle, ça marche ? Punaise tu deviens libéral, mais de la pire manière... Nos problèmes complexe imposent une forme de dictature mondiale (je préférerais qu'elle soit gérée rationnellement par l'"IA") sinon on va tous se crasher... "
Moi : " Il faut s'attaquer à la malignité du monde et réhabiliter le milieu, condition nécessaire et suffisante au développement de l'intelligence. Que faire de la technologie ? C'est effectivement une question cruciale. On ne peut pas aller contre de toute façon ; mais comment la réguler afin de l'empêcher de nuire et d'agir sur nos consciences, et comment retrouver foi dans le bonheur et le progrès, notamment par l'art ? "
Lui : " La perversité est ton concept abstrait de "je ne sais pas quoi", atterris ! mets un vrai nom sur la perversité ; oligarchie ; multinationales ; 1% ; mais arrête avec ta perversité. "
Moi : " Méchanceté du destin technologique qui se joue à notre insu, derrière le dos des hommes "en chair et en os". "
Lui : " Tu es fou Erwan, c'est un vrai problème pour communiquer avec toi et te comprendre, changé ton traitement... Le destin n'existe pas. Il n'y a que le chaos et l'entropie. "

mercredi 23 mars 2016

Le GAFA

Bourdieu est en ce moment revu par ce que l'on fait de plus libéral et capitaliste dans le monde, Facebook. Google, Amazon, Facebook, avec Apple : on les appelle le GAFA. Ils ne sont pas autre chose que des capitalistes pingres, ces types là haïssent l'éducation traditionnelle, et la France en particulier, car elle est un berceau de culture. Sur ce point Marc Desmeuzes voit juste (cf son commentaire dans mon blog, article "la "singularité technologique", croyance ou réalité ?"). Il y a une malveillance américaine envers la France et sa culture et son école, qui pourraient faire penser les gens ; or les capitalistes libéraux radins ne veulent pas que les gens pensent mais veulent qu'ils surfent sur internet, et ce n'est pas la même chose.
Toute l'école française, les Bourdieu, les Deleuze, les Derrida, les Lyotard et j'en passe, ont fait très peur aux Américains, aux plus capitalistes d'entre eux. Aujourd'hui ils sont rassurés, la France est en plein déclin, sans grande cohérence intellectuelle, c'était le but recherché par l'effondrement programmé de l'école en France, qui a commencé avec mai 68, dont le sens originel a été dévoyé, puisque son sens originel était une libération, pas un aliénation par le libéralisme économique dérégulé, ce qui pourtant est, ce à quoi mai 68 a abouti. Au fond les Anglo-saxons nous ont toujours considéré comme leurs pires ennemis, nous les Français. La fuite des cerveaux vers les pays anglo-saxons est un désastre pas une opportunité. C'est pour cela que je lis Zemmour et Finkielkraut, qui comprennent bien ce qui est en train de se passer : Eric Zemmour et Alain Finkielkraut sont des résistants, des héros. Mais Elisabeth de Fontenay est la matrice, en tant que femme, fanatiquement française, juive, et fille d'un grand résistant. Sous son influence, je reste attaché à la culture et à la langue et au génie français ou breton, comme une drogue, cela me rend un peu borné je sais.

La France c'est bel et bien (presque) fini, terminé, les Anglo-saxons nous ont terminé ! Et non pas du tout les islamistes, qui réagissent par la violence. 

mardi 22 mars 2016

La loi El Khomri

J'ai écrit ceci à un responsable politique PS de l'Aisne : "Combien de temps encore, vas-tu t'en tenir à la toute petite politique politicienne locale, où le PS n'a pas d'avenir. Tu vas te rendre malade, c'est une voie sans issue pour le PS, qui a tout faux dans sa politique au plan national avec la "loi El Khomri", même si dans son intitulé, elle porte la marque de la diversité ethnique française contemporaine, moderne et sociétale. La diversité suffit-elle à légitimer un loi, qui dans ses fondements n'est qu'un succédané du capitalisme mondialisé, automatisé, sans régulation, et qui automatiquement aboutit à la destruction des emplois. Comme l'automatisation va continuer à détruire des emplois, il faudrait désormais se poser la question d'un autre modèle économique, que le modèle du libéralisme dérégulé et du dogme de la croissance.
Nos politiques en tout cas semblent vivre encore en l'an 1983, avec l'acceptation du libéralisme, et sa dérégulation selon eux nécessaire, et dans cette logique libérale, désormais en 2016, par la destruction du code du travail, et le dogme de la croissance, sans aucunement tenir compte des avancées de la technologie et de la robotique qui suppriment des emplois humains, sans parler de l'"intelligence artificielle". Ils n'en parlent jamais, ils sont totalement largués.
Mais les avancées technologiques ne sont elles pas telles, qu'elles pourraient dès maintenant aboutir à un changement de paradigme politique et économique, mettre fin au libéralisme économique dérégulé, au dogme de la croissance et l'instauration d'un salaire universel ?
Non ces questions, le gouvernement ne se les pose pas, il préfère réfléchir dans une logique post1983, qui a établi pour les deux grands partis français de gauche et de droite, le dogme libéral comme un incontournable.

Dans ces conditions, ou bien tu continues dans ta région à t'enfoncer avec ton parti dans un marasme inquantifiable, ou bien tu quittes ta région et viens t'installer dans une région où le PS a encore un peu d'avenir, ou dernière solution tu cesses de t'intéresser à la petite politique politicienne dérisoire de ta ville."

samedi 19 mars 2016

La "singularité technologique", croyance ou réalité ?

Un ami à moi me dit qu'il existe comme solution, et cela lui paraît simple, bien que son avis me paraisse peu argumenté : " La solution en laquelle je crois, taxe sur les transactions financières et les machines/IA pour financer le revenu universel, sinon la société capitaliste s'écroule faute de travailleurs/consommateur, c'est pourtant pas compliqué. Par contre seule la volonté politique prévaut."

Je lui demande à cet ami : "Pourrais-tu développer un peu plus. Que veut dire "taxe sur les machines/IA", l'IA commence tout juste à exister, et l'"IA" est un terme trop général, s'agit-il de machine passive, non vivante, non consciente, mais pourquoi parler alors d'"intelligence" et non pas de "calcul" ?

Il ajoute que le terme d'IA "C'est la terminologie utilisée, les IA actuelles sont des IA dites faibles, dédiée à un périmètre bien défini, l'IA que tu fantasmes est l'IA forte où IAG (IA généraliste), la conscience artificielle n'est absolument pas à notre porté pour le moment.
La puissance de calcul est le hardware, l'IA le software et elle est nommée "intelligence" car basée sur une technique de réseau de neurone (ça dépasse mes compétences informatiques) capable d'apprendre."

Je lui réponds :" "réseau de neurone", tu veux dire que les ordinateurs ont des neurones, c'est un scoop exceptionnel qui mérite au moins le prix nobel."

Il répond : "Simple hypothèse mais la conscience (que l'on soupçonne basée sur des phénomènes quantiques du cerveau) ne sera "virtualisable" que lorsque l'on maîtrisera l'ordinateur quantique. Pour l'instant l'informatique quantique n'en est qu'a ses balbutiement, mais Alphabet commence à montrer les muscles avec le calculateur (et pas ordinateur) quantique DWave capable de résoudre certains calculs des million de fois plus rapidement qu'un ordinateur classique. Alphago basé sur ces techniques n'a pas vaincu par la puissance mais par la ruse, de l'avis même du maître qui a été battu. On lui a d’ailleurs décerné le titre de grand maître, qui est un titre honorifique qui confine au divin pour le jeu de Go."

Je lui réponds : "Oui mais il s'agit bien d'un programme qui intègre éventuellement la ruse et l'intuition. Il n'y a rien de spontané dans cette ruse et cette intuition, elles ont été programmées."

Il me répond dans un style héraclitéen et obscur : "Elle se sont forgées (la ruse et l'intuition) au fil de l'apprentissage profond..."

Pause : il y a quelque chose d'un peu mystique chez ceux qui croient en l'IA, et ils se moquent je le pense de la destruction des emplois. Ils sont tout à leur quête fanatique de l'"intelligence artificielle", quelles qu'en soient les conséquences néfastes derrière le dos des hommes "en chair et en os".

Lui : "La recherche fondamentale est amorale Erwan, Il faut des instances extérieures à elle pour encadrer..."

Moi : "Non elle est immorale, car elle a sa volonté propre."

Lui : "Et la quête de la connaissance fait partie de l'homme."

Moi : "La "morale" ne peut pas suivre les progrès technologiques, c'est pour cela que les progrès technologiques deviennent immoraux

Lui : "Non, ça c'est toi qui est naturellement drogué qui pense ça. C'est en plus complètement contradictoire avec ce que tu affirmais précédemment. D'un coté tu aimerais te moquer de l'IA qui n'a pas de conscience et qui n'en n'aura jamais et de l'autre tu prêtes une volonté propre à la science... tu racontes vraiment n’importe quoi..."

Moi : "Volonté propre aux sciences et techniques, le progrès comme finalité du progrès et non plus le bonheur humain comme finalité, ce n'est pas de moi mais de Heidegger. Oh bien sûr un vieux con !"

Lui : "Si la morale, ne suit pas la science, ce n'est pas de la faute de la science, mais des hommes en charge de la morale (philosophe, politiciens, intellectuels...) qui sous estiment largement la vitesse actuelle du progrès technoscientifique..
Bien sur un vieux con même si un grand penseur, mais un grand penseur de son temps qui n'a absolument plus rien à voir avec l'accélération actuelle. Cette accélération est du fait de la volonté des hommes et non de la science elle même, t'es complètement mystique mon pauvre...
Les progrès moraux vont lentement et sont même remis en question par ces putains de religions..."

Moi : "Nous avons deux genres de "mysticismes" différents, je privilégie la morale et tu privilégie les progrès technoscientifiques, qui comme le libéralisme, malheureusement ne se régulent pas par eux-mêmes."

Lui : "Je n'ai aucun mysticisme, le pragmatisme est ma religion. Et la régulation morale et éthique du progrès et des avancées techno scientifiques m’intéressent particulièrement. Cela ne veut pas dire que le combat est gagné d'avance, le libéralisme n'à la volonté propre que celle qu'on lui laisse, les politiques ont baissés les bras c'est tout..."

Moi : "Libéralisme et progrès technoscientifiques ne sont absolument pas régulés pour l'instant. Quelles solutions proposes-tu ?
Tu as raison de t'en tenir à une objectivité purement scientifique "au dessus de la folie des hommes", c'est l'attitude de la plupart des scientifiques qui vivent dans un monisme tranquille, mais sans soucis des conséquences de leurs actes sur la majorité des hommes, comme l'invention de la bombe atomique."

Lui : "On appelle l'IA la bombe I (comme intelligence), ce n'est pas pour rien, elle pourra rapidement être une arme très bon marché entre les mains de n’importe, contrairement à la bombe A qui nécessite énorme moyen financier et technologique.
Ce qui est marrant c'est qu’un pays comme le Japon particulièrement robotisé et animiste a intégré un dérivé des lois de la robotique d'Asimov dans ses lois...(sic)"

Moi : . Je ne comprends pas ce que signifie la singularité technologique pour toi

Lui : "la singularité technologique par analogie avec la singularité mathématique ou plus particulièrement des trous noirs (on peut voir jusqu'au trou noir, mais pas au delà car même l'information ne ressort pas d'un trou noir - horizon des événements) est un point hypothétique du futur (celui de l'avènement de l'IA consciente et capable de s'améliorer elle même à la vitesse de la loi de Moore c'est à dire doubler de puissance tous les 18 mois) au delà duquel nous sommes incapable de nous projeter car inimaginable par définition. Autrement dit l'invention de l'IA forte sera la dernière invention humaine."

Moi : "Cela sonne comme une prophétie sans aucun fondement rationnel."

Lui : "Le transhumanisme n'est pas lié à la singularité, il profite juste de l'accélération qui la précède. Nous vivrons un monde transhumanisme bien avant la singularité."

Moi : "Tout le problème est arriverons nous à faire vivre, à rendre vivante quelque chose qui est de l'ordre de la puissance de calcul ?"

Lui : "Avec tous les fondements les plus rationnels du monde, c'est une des caractéristiques de ce qui arrive, il suffit d'avoir des yeux et un cerveau, que te manque-t-il des deux ?"
Absolument, l'univers est computationnel..."

Moi : "Comment rendre vivante une puissance de calcul ?"

Lui : "C'est la définition du vivant qu'il faut que tu révises, nous sommes à l'aire de la biologie de synthèse... Les premiers calculateurs biologiques donnent des résultats hallucinants...
Des machines nanoscopiques à base de briques du vivant sont déjà fonctionnelles... Fermer les yeux n’empêchent pas les choses d'arriver."

Moi : " Je ne suis pas convaincu que l'on pourra donner la vie à une machine."

Lui : "On pourra alors si ça te rassure créer une "vie" consciente à partir des briques du vivant, ça change quoi, le substrat ? Il est très anthropomorphique et prétentieux d'affirmer que le seul substrat de la vie est celui qui nous a vu naître. Les exobiologistes par exemple, imaginent afin de les rechercher des formes de vie absolument différentes de la nôtre..."

Moi : "Tu affirmes quand même des hypothèses non vérifiées par l'expérience, comme des évidences qui vont se vérifier, cela s'appelle de la prophétie, ce n'est plus de la science."

Lui : "Mais tu ne vas pas m'apprendre comment fonctionne la science. Hypothèse, vérification, protocole, reproduction, publication, confrontation."

Moi : "Alors tiens toi en aux faits vérifiés. Pas aux élucubrations que l'on peut trouver sur le net, la singularité est une légende urbaine."

Lui : "Que tu considère la singularité comme un mythe - et cela en est un - est une chose, mais c'est sans importance, ce qui important et grave c'est que le GAFA (Google Amazone Facebook Apple) et une grosse partie de la silicone vallée croit en la singularité et surtout ont racheté tous les cerveaux de la planète et ont des moyens financiers supérieurs à des états pour y parvenir, remets toi au cyberpunk, ça t'expliquera le présent... Ce dont je te parle sont de faits et des ambitions, non des fantasmes... Sans parler des puissances plus ou moins impénétrables que sont la chine, la Russie, Israël et j'en passe qui bossent sur le sujet avec beaucoup de détermination, l'IA est un instrument de pouvoir... supposé ou réel...
Sans parler de la France, beaucoup de cerveaux de l'IA viennent de l'école française, avec par exemple Le Cun qui a fait un discours inaugurale au collège de France (qu'il faut que je vois) sur l'IA particulièrement intéressant."

jeudi 17 mars 2016

Petites pérégrinations en pays breton

J'ai eu récemment des problème au travail, j'ai d'abord été convoqué par la directrice pour un conflit avec une collègue devant les élèves, ensuite j'ai qualifié un collègue de "psychorigide" en pleine réunion de professeurs, il y a eu des "oh" et des "ah" d'indignation, enfin j'ai dit à toute l'équipe de lire René Girard, son livre Le bouc émissaire. Le collègue que j'ai qualifié de "psychorigide" a quitté la salle de prof, en colère, sous entendant que si il restait une minute de plus, il allait s'énerver. Voilà où en est l'éducation nationale aujourd'hui mon pauvre Emmanuel, mais cela fait un peu de bien, je m'exprime, d'une drôle de façon, j'en ai conscience.
La suite de cet épisode calamiteux, est que j'ai fait un petit théâtre hystérique, en disant que c'était moi le bouc émissaire de l'équipe, que c'était un besoin dans toute société humaine de rechercher un bouc émissaire, surtout dans des moments de tension très fortes, comme c'est le cas dans l'établissement où je travaille, je me suis posé en victime de la fameuse rivalité mimétique chère à René Girard. Enfin un collègue est venu me voir pour essayer d'apaiser les choses, me disant qu'autrefois les grands conflits permettaient une régulation, les éléments dégénérés de la société étant envoyés à la guerre. Je ne pouvais m'empêcher de me dire que sa pensée avait quelque chose d'un peu nauséabond. Ceci dit j'aime bien ce collègue, il est "réglo".
Je ne suis pas particulièrement fier de cet épisode, je n'en tire aucune gloire, j'en ai même un peu honte. Mais c'est un passage obligé pour ma "renaissance". Je me choisis des ennemis comme dit Nietzsche, et j'utilise comme en aïkido, la force de l'adversaire contre lui-même, et en même temps je m'approprie sa propre force pour sortir de ma dépression récurrente.
Ma stratégie est d'utiliser la force de l'adversaire, ou plutôt son agressivité et sa volonté de nuire. Ma technique vise non pas à vaincre l'adversaire, mais à réduire sa tentative d'agression à néant. Mon état d'esprit peut être considéré comme la concrétisation du concept de légitime défense : une réaction proportionnée et immédiate à une agression, or mes collègues m'avaient peut-être pris pour un faible, ou un type bizarre sur qui on peut "cogner" en toute impunité, je voulais leur prouver le contraire. Mon collègue que j'ai qualifié de "psychorigide" avait commencé les hostilités, et était en même temps dans son bon droit d'un point de vue strictement légal, me faisant un reproche institutionnalisé devant l'équipe pour une peccadille, or je lui avait avoué ma difficulté à gérer un groupe classe très difficile, et qu'il aurait mieux fait de me donner des conseils plutôt que de m'enfoncer : or il n'avait rien voulu entendre et avait continuer de m'enfoncer, c'est alors que j'avais réagi. En fait, dans mon esprit, il n'y a pas de combat, puisque celui-ci se termine au moment même où il commence.
Environ une à deux semaines plus tôt, j'avais envoyé un mail à mes collègues :
"Chers collègues,
On a le droit de faire des erreurs, de se tromper, cela ne dénote pas forcément un manque de professionnalisme mais une difficulté à gérer des jeunes en manque de repères et qui n'hésitent pas à nous rentrer dedans. Alors si au lieu de se serrer les coudes on se fait insulter, mépriser par les collègues, cela ne facilite pas la tâche. Je sais que l'individualisme, le narcissisme, le libéralisme, la logique prédatrice du chacun pour soi sont dans l'air du temps, mais là par écrit, ça dépasse un peu les bornes. Personne n'est "chez soi" dans l'institution, même pas la directrice, ni a fortiori encore moins "x" ou "y", on travaille pour l'Etat, et l'Etat est le fruit de la souveraineté populaire, non le fruit du caprice de quelques uns, qui parce qu'ils ont un certain charisme ou une "grande gueule", se permettent de mépriser, et de remettre en cause le professionnalisme des collègues. C'est ce comportement, n'en déplaise à "x" notamment qui nous conseille "gentiment" de nous casser en "participant au mouvement", ou d'observer passivement sans responsabilités, qui dénote un manque de professionnalisme, et plus grave un manque de tolérance et d'humanité."
Que veux-tu que je te dise Emmanuel, nous vivons le règne de la génération narcissique à tous les échelons du plus bas au plus haut, le mot fidélité ne veut plus rien dire, tu fais déjà partie du monde du passé, et tu risques malheureusement d'aller de désillusions en désillusions car la situation n'est pas prête de s'arranger ; nous vivons la logique prédatrice du chacun pour soi poussée par la mentalité collective des enfants des baby-boomers, bien plus intolérants et bien moins enthousiastes que leurs aînés, tristes et méchants contrairement aux boomers qui au moins étaient enthousiastes, optimistes et gais et étaient bien plus heureux que leurs enfants flicards et divisés. D'ailleurs ce qui est rigolo c'est que le dernier Star Wars qui est un mauvais film, a au moins le mérite de montrer ce drôle de phénomène, les enfants des boomers sont plus ridicules que méchants à l'instar de Kylo Ren, emblématique de cette génération.
Je crois que mes collègue ont décidé de faire front contre moi, ce sont les femmes les plus virulentes. Au nom de la sacro-sainte cohésion de groupe et du fait qu'il ne faut pas heurter les "âmes sensibles" (nourries de jeux vidéos ultra violents et de musique rap au langage fleuri) que constituent nos élèves Tous mes collègues ont connaissance de mon blog et le lisent régulièrement. Je suis allé chez un collègue pour qu'il m'explique : ils me trouvent "bizarre" et me considèrent comme le "loup blanc", ils ne "comprennent" pas (comment comprendre que la société est perverse, quand on n'a pas eu un père pervers ?) ce que j'écris mais le lisent quand même. Enfin ils ont parlé de mon blog à la directrice, et auraient peut-être envoyé une lettre à notre supérieur hiérarchique, à l'inspecteur ou au recteur, demandant à ce que je sois sanctionné pour faute professionnelle. Dois je tirer fierté de tout cela ou en pleurer ?
Les jours qui suivirent furent  paradoxalement les journées les plus agréables depuis ma rentrée dans l'établissement, les gens étaient affables, souriants, comme si soudain il me trouvait un quelconque intérêt. Pour ce qui est des courriers à l'inspection, des démarches faites par certains collègues à mon encontre, la ligne que va suivre la directrice, cela demeure une inconnue.
Je crois sincèrement que mon coup de gueule y était pour quelque chose, et c'est aussi que ce coup de gueule a eu un point positif, il m'a sorti d'une prison psychique de méfiance à l'égard de tout le monde, là j'ai eu l'impression de maîtriser un peu plus mon destin, en imposant mon caractère, "impénétrable" au commun des mortels, j'en ai conscience. Je leur ai signifié : "De toute façon quoique vous fassiez je n'ai pas peur de vous". Alors que j'avais un peu peur d'eux, mais c'est aussi un groupe très soudé qui rejette assez violemment ceux qu'ils considèrent être comme "les autres", comme dans tout groupe avec ses mâles et ses femelles dominants.
Je ne ferais de toute façon plus jamais passer le groupe, et l'adaptation nécessaire à ce groupe avant la revendication de ma propre singularité. Or le groupe dans le cadre du travail a toujours été très dépersonnalisant pour moi. Et toute société humaine a de toute façon vocation à être dépersonnalisante. Le fameux troupeau des "moutons" plein de ressentiment, dont parle Nietzsche et qui empêche les "forts" (dont je ne suis pas) ou les "différents" (dont je suis plus) de s'épanouir.
L'adaptation est nécessaire, mais elle sera pour moi une ruse afin de ne pas être anéanti par le harcèlement professionnel et le toujours possible burn out.
Oui, il faut se protéger de ce qui nous fragilise, mais les autres ne sont pas nécessairement nos ennemis non plus.
Mais les vrais amis se comptent sur les doigts d'une main, les autres sont des compagnons de circonstance, avec qui il faut composer, dans une sorte de paix armé, "la paix, prépare la guerre". Bien sûr qu'il y a du positif à prendre, pour moi l'observation de la société humaine est quelque chose de très intéressant. Et cela suffit à ma joie.
Et ce que les gens me renvoient est source d'enrichissement, même quand ce qu'ils me renvoient est éventuellement négatif. Mais alors il faut tout un travail pour imposer sa personnalité et son caractère.
Oui il faut prendre le positif et en même temps rester très prudent. Le principal danger qui me pend au nez serait de favoriser une éventuelle levée de bouclier de l'ensemble des collègues... ce qui conduirait possiblement à un isolement professionnel... terrain idéal qui permettrait à un esprit pervers (il y en a toujours) de monter sur la durée un processus de harcèlement professionnel.
Tu vois tout cela je n'ai normalement plus le droit de l'écrire sur mon blog, car je suis "surveillé". J'avais pour stratégie de devoir employer un langage détourné, déguisé, pour parler en fait de ma vie professionnelle, et de devoir faire semblant de parler du général, pour en fait parler du particulier. Mais au fond à quoi bon ! Après tout je ne cite aucun nom de mes collègues, ni le nom de l'établissement où je travaille, si ce n'est qu'il se trouve en Bretagne, la terre de mes ancêtres.

Malheureusement la perversion généralisée qui agit sur la société entière agit aussi sur chaque individu en particulier, on assiste à une contagion de la perversité avec la chute des religions et des idéologies messianiques comme le communisme, qui pouvaient cimenter et fédérer le corps social dans la recherche du bonheur et du progrès.

mercredi 16 mars 2016

L'évasion

Mon texte le plus long, écrit en 1993, sous la direction d'Elisabeth de Fontenay (il suffit de taper son nom sur google pour se faire une idée de qui elle est, et ce qu'elle représente).

« Enfin l'air dehors. Toutes ces petites choses naturelles, qu'à force d'avoir l'habitude de voir on ne remarque plus, Pierre les remarquait lui ! De grands champs de blé s'étendaient à perte de vue, balayés par un vent chaud d'été. Le vent dessinait sur les épis sa course folle. Pendant quelques instants Pierre ne fit plus qu'un avec ce champs ; devenant un univers à lui tout seul : des millions d'épis couleur de feu, mouvants, bruissants. Puis Pierre réintégra son corps, sa cellule habituelle.

  Il s'avança de son pas mal assuré de prisonnier sur la petite route départementale devant lui, qui formait une bosse. Une de ces petites routes isolées, nostalgiques. Pierre avançait toujours de son pas traînant; une foule de pensées insouciantes, stimulantes, encourageantes, réjouissantes entraînaient son corps fatigué toujours vers l'avant, vers le soleil encore levant. La prison n'était plus visible derrière. Pierre se sentit alors vraiment libre.

  Il avait dû faire un long chemin car le terrain était rigoureusement plat et aucun accident du relief n'aurait pu servir à masquer la prison, seule la distance pouvait expliquer sa disparition. Pourtant pour Pierre c'était comme si elle se fut envolé car il n'avait pas l'impression d'avoir beaucoup marché. Cette impression augmenta encore sa joie : 15 années de souffrance s'évaporaient aussi subitement que la prison. Le soleil commençait à taper dur. Heureusement il semblait y avoir un arbre là-bas au milieu des champs. Pierre marcha longtemps au milieu des épis qui lui arrivaient à la taille. Il était étonné de devoir tant marcher pour atteindre un arbre qui pourtant vu de la route lui semblait plus proche. Aussi fut-il très content d'atteindre enfin l'arbre tant convoité. Comble de chance c'était un cerisier. Sous son antre, le parfum des champs et des fruits mélangés ; l'âcre odeur de la paille sèche, Pierre se laissa tomber en savourant ce coin d'ombre et de fraîcheur. Il se laissa aller à des rêveries vagabondes. Nul bruit ne venait troubler sa quiétude. Le vent ne soufflait plus. Pierre ne sentait plus que le poids de ses pensées. Pensées lourdes, anesthésiantes, des voix lui parlaient. Puis il s'endormit, rêva ; il volait au dessus de champs de blé, à une grande vitesse, il voyait le dessin des ondulations du vent à la surface des champs, elles dessinaient un bateau et à l'intérieur de ce bateau il y avait des hommes qui ramaient. Puis le bateau se matérialisa, devint un véritable bateau, qui voguait à la surface des épis ; à l'intérieur il y avait des hommes vigoureux et fiers. Ces hommes chantaient des chants en une langue inconnue de Pierre. Ces hommes étaient nus, Pierre aurait aimé en faire partie.

  Ces hommes semblaient se mélanger, en une indistinction d'avant l'individuation. Il n'y avait que ce bateau et des champs tout autour à perte de vue ; les champs devinrent une mer. Pierre se trouva alors transposé à une autre époque; une époque d'avant la création du temps ; une époque d'avant la notion même d'époque : Pierre se trouva alors dans l'absolu. Dans un temps sans durée, sans commencement, ni fin : il se moula dans un de ces corps vigoureux, chanta avec les autres; les embrassa, ils s'embrassèrent tous ; le soleil miroitait sur leurs peaux en sueur. Ils se livrèrent à l'amour, pourtant Pierre ne voyait pas leurs visages. Leurs visages étaient des mondes à eux seuls, dans chaque visage on pouvait lire la vie d'un homme, les visages étaient éclatants, ils éclataient de sens, c'étaient des visages sans lignes, ni surfaces, c'étaient des expressions épurées de toute forme. Un visage exprimait la douleur, un tel autre la tristesse, un tel autre l'intelligence, un tel autre la misère, un tel autre le rire. Pierre dans son rêve se trouva confronté au sens, alors que dans sa vie tout avait été pâle et déprimé, fané, et comme pourri par un destin infâme qui l'entraînait toujours aux situations les plus humiliantes ; comme de se retrouver en prison. Ce rêve était métaphysique ; il indiquait à Pierre une autre réalité. Une réalité d'avant la réalité ; une réalité absolue. Absolu qui était son espoir de démuni, qui souhaite tout parce qu'il n'a jamais rien eu.

  Lui qui n'avait connu que les miettes de la réalité, les miettes de la vie et du désir. Lui qui n'avait toujours été qu'un errant humilié par tous. Lui qui avait été réduit toujours à mendier la générosité des autres par manque de générosité intérieure ; ce que les autres appellent la "générosité". Alors qu'elle n'est que défense de son petit patrimoine, alors qu'elle n'est seulement que le fruit d'une société inique qui avantage les uns au détriment des autres ; alors qu'elle n'est que négation de l'intériorité et de l'être, et ne vise qu'une seule chose, la consommation. Cette "générosité", elle signe l'arrêt de mort de certains, cette "générosité" qui avait fait de Pierre l'ennemi de ses propres parents qui l'avaient renié. L'âpre goût de la haine se mêla au goût du plaisir qui avait été le sien, sous l'influence du rêve ; quelque chose de lourd qui l'empêcherait toujours d'éprouver toute joie pure ; quelque chose d'anal, de merdique. D'ailleurs il avait été tellement malheureux dans son enfance qu'il se représentait lui-même sous la forme d'une merde ; la merde qui empêche d'accéder à l'amour. Le vaste océan se transforma en océan de merde. Une merde mortelle, qui tue, qui attire tout vers elle, vers le sol et l'inexpressivité.

  En rouvrant les yeux, il s'aperçut que son coin n'était plus protégé par les branches du soleil, celui-ci commençait à décliner et un de ses rayons avait frappé l'œil de Pierre. Cela avait été un sommeil agité ; Pierre ne se souvenait plus de son rêve. Cela avait été un de ces sommeils qui vous fatiguent plus qu'ils ne vous reposent. Pierre se leva avec la tête douloureuse, il reprit ses esprits, trouva un coin d'ombre et constata que le soleil commençait à décliner. Il cueillit des cerises sur une branche tombante, et comme sa faim n'était pas rassasiée et qu'il ne pouvait parvenir à aucune autre branche parce qu'elles étaient trop hautes, il grimpa à l'arbre et donna libre cours à sa gourmandise, jusqu'à en avoir le ventre rempli de jus. L'escapade l'avait mis en forme, il se laissa tomber sur le sol en se fixant à une branche flexible, qui fit "crac" et se brisa net.

  Le vent avait recommencé sa course bruissante parmi les épis. L'air était à nouveau respirable, même au soleil. Pierre reprit sa marche à travers champs, mais il n'avait aucun repère. Il avança donc droit devant lui, bientôt l'arbre ne fut plus visible, pas plus qu'une quelconque route. Il n'y avait que lignes et surfaces et aucune expression nulle part. Le désert brun des champs renvoyait Pierre à sa propre misère. Il avait fuit la solitude sociale ; cette sale solitude des villes, cette sale solitude de la prison, de la drogue. Il ne savait pas partager avec les autres ; l'expression lui semblait à jamais interdite et la réalité avec. Il se rappelait ses discussions avec certains taulards. Il y perdait toujours quelque chose ; se retrouvait épuisé après chaque conversation, qui lui enlevait quelque chose. Il était né pour perdre toujours de sa vitalité, de sa chaleur vitale ; les gens lui en voulaient et le haïssaient, surtout les femmes, qui haïssent la merde. 
  Il y avait d'énormes pylônes électriques rectilignes, d'une effroyable évidence, d'une effroyable rigueur. Pierre suivit un de ces pylônes électriques. Quelle importance après tout d'être perdu ! C'était amusant de se retrouver dans les champs comme en plein désert. Il n'y avait plus aucun repère, aucune limite ; ce paysage rigoureusement plat avait quelque chose de fantastique et d'irréel. Les pylônes ne menaient nulle part, ils ne formaient aucune délimitation, car renvoyaient à l'infini de la distance. Au dessus du vaste océan de feu le ciel étendait sa grandeur. Il n'y avait rien d'autre à part le vent qui faisait s'onduler les épis, comme les vagues d'un immense océan ; c'était comme la présence d'un être invisible qui faisait se mouvoir l'univers.

  Pierre ressentit comme un vertige et se laissa tomber à genoux. Il pleurait en regardant le ciel si pur et si limpide, aux teintes mauves du couchant. "Ah pensa-t-il, si le ressentiment n'avait pas toujours arrêté ma pensée, et obscurci mes sens! Pardonne moi Ô Dieu d'être né si mauvais, d'être né pourri, au point que tout ce que l'on me donne je le vomis, ne suis pas capable de le digérer! Pardonne-moi Ô ma mère d'être si peu digne de toi! Et quant à toi mon père demande pardon à ta femme et à ton fils pour tout le mal que tu leur a fait ! Quant à vous les femmes pardonnez-moi d'être incapable de vous donner le moindre amour, de la moindre action à votre égard !" Je crus voir alors comme un rayon vert dans l'azur, le rayon d'un assentiment.
  "Ou pourrais-je trouver un compagnon qui ne me détruise pas gémissait Pierre ?" Il avançait dans le désert toujours plus sombre ; le soleil se coucha. Les teintes du ciel devinrent rougeoyantes. L'océan de feu se fit océan de braises. "Que n'ai je appris à l'école à être comme les autres, hélas, hélas !"

  Il grimpa au haut d'un pylône et scruta l'horizon. Au loin il vit des lumières scintiller, beaucoup de lumières, les lumières d'une grande ville ; le monde était soumis au cycle de la haine, au cycle de la merde. Dans les grandes villes quelques uns dévorent tout et font leurs besoins sur les autres. Plus jamais il ne retournerait vers la grande ville. Votre propre père fera ses besoins sur vous ; c'est sa façon de vous aimer. Votre mère aussi fera ses besoins sur vous, si vous n'arrivez pas à partager son mode de vie.

  Le cycle de la merde : c'est-à-dire de la consommation à outrance au détriment de l'expression, de l'intériorité. Consommation et loisirs, c'est-à-dire absence d'actes. Ou alors l'école ; enseignement de l'égoïsme, thésaurisation du savoir au détriment de l'expressivité. Et surtout grande machine à broyer les âmes, et à enseigner l'amour propre.

  Tout lieu infesté de la présence humaine lui semblait scatologique. Aucun lieu ne lui signifiait la présence d'un amour. Tout renvoyait à une haine originaire, une haine d'avant l'amour : au commencement était la haine. Ou alors peut-être qu'au commencement était l'amour, mais cet amour si fragile qui donne sens au réel, donne réalité au quotidien, donne des points de repères dans la grisaille; il était tellement souillé de merde et de crimes. Pourtant il faut avoir le courage de Pierre, c'est-à-dire du fondateur ; courage de construire sur le fumier quelque chose de beau.
  Pierre en était à ces méditations lorsque soudain il se trouva très fatigué et se laissa tomber à terre. Il repensa aux femmes qui ne lui pardonnaient son absence de désir et qui pour cette raison le rabaissaient plus bas que terre. Y compris sa propre mère ; qui avait réagit comme une femme face à un monstre.

  Le vent soufflait doucement, l'air était encore chaud, nulle présence ne venait infecter Pierre de son bonheur. Aucune femme ne venait faire ses besoins sur lui pour lui signifier son mépris de la vie, lorsque cette vie n'est pas capable de faire son bonheur. Le vent soufflait doucement donc, et on entendait le bruit des grillons : toute cette expression de la nature et qui avait disparu, il la retrouvait. "Pauvre Bohémien de la vie, combien d'années te restent-ils à vivre, puisque toute l'expression vient de la femme et que ta mère te déteste, comme fruit pourri d'un mari odieux ?" pensa Pierre. Cette expression de la nature n'arrive pas à remplir ton âme triste et noire ; il y faudrait des êtres humains de chair et d'os ; mais ceux-là te remplissent de leur pourriture, de leur haine.

   Braves femmes qui n'hésitent pas à rabaisser un intime plus bas que terre, du jour au lendemain : supériorité des femmes donc ; qui s'adaptent mieux au rythme infernal des villes, car elles ont la vie entre leurs mains. Dans cette campagne Pierre essayait de retrouver un rythme d'avant l'humain, un rythme d'avant la femme, d'avant la mère. "As-tu pitié de toi-même Pierre ?" Pierre se mis à pleurer en songeant à son destin atroce, dénué de toute chaleur humaine, de toute compassion, condamné à mort par la vie, par le rythme des villes qui avait rendu son père fou. Père qui l'avait renié. Il y avait eu d'autres époques, d'autres rythmes. Mais Pierre ne recherchait qu'une chose, comme tout clochard ou vagabond ; un rythme d'avant l'humain, d'avant le verbe, d'avant la durée. Le vent sifflait un peu plus fort parmi les épis de blé. Dans le ciel un avion passa et résonna longtemps. Il y avait la lune et des étoiles ; mais sans amour et sans intimité, Pierre ne pouvait même pas apprécier la nature : "Que dira-t-elle ma mère si elle apprend que je suis mort? elle sera certainement soulagée!"

  "Y-a-quelqu'un ?" cria-t-il dans le silence. "Ohé pauvre mort-vivant, au visage de clochard ; beau visage de clochard ; clochard dernier représentant de l'humain, de l'homme d'avant la représentation. Tu as tiré tes dernières cartouches et tu as crevé comme un rat !"

  "Si je savais les faire rire ces humains ils seraient à mes pieds" songea Pierre. Les grillons arrêtèrent de chanter, il n'y eu soudain qu'un grand silence, un silence d'avant l'humain, d'avant le rythme, d'avant la création. Puis à nouveau les grillons reprirent leur chant : douce intimité de la nuit, des sons ; lorsque nulle image, nulle couleur ne vient troubler votre regard. Alors les pensées viennent plus facilement : cet instant est plus propice à raconter les histoires ; l'imagination vagabonde dans l'obscurité, et s'imagine des fantômes. Seulement à part les clochards, tous les hommes expriment des idées, des mots ; et non plus le rythme d'avant le verbe, le rythme d'avant la représentation. L'air était chaud, quasiment palpable, seulement son odeur était pauvre, une odeur de paille sèche ; appauvrissement des odeurs dû aux techniques de rentabilisation des cultures.

  Pierre marcha longtemps à la recherche d'un endroit qui ait une plus grande variété des odeurs, il arriva sur une route, la suivit pendant des kilomètres. Il traversa une forêt ; mais celle-ci était humide et ne lui convenait pas, il en émanait une odeur de pourriture et il y avait des moustiques ; de plus c'était sinistre ; on ne voyait plus le ciel, et on n'entendait plus le bruit du vent. Il n'y avait plus de grillons, mais des grosses bêtes, qui faisaient se craquer les branches. Pierre quitta l'endroit en vitesse. Il arriva dans une région sèche et caillouteuse, montagneuse. Il y avait un petit arbre sec et un lit de verdure. Pierre s'y allongea : quelles odeurs magnifiques ! Et quels sons admirables ! Pierre avait dû traverser la France en quelques heures durant la nuit ; personne ne l'avait vu. Heureusement ! Il ne voulait plus être vu d'aucun œil humain. Cet œil qui vous dénude, puis vous anéanti. Il voulait se recroqueviller sur sa solitude, sur lui-même, construire une intimité, un commencement d'où il pourrait s'élancer sans craindre le regard des autres, une fondation, une religion peut-être?

  "Un commencement d'où on pourrait partir sans craindre le regard des autres" : cette phrase se grava dans l'esprit de Pierre, puis il s'endormit. Il rêva.

  Le jour se leva, il faisait déjà chaud, déjà trop chaud. L'utopie de la nuit semblait balayée par la cruauté crue du jour ; les insectes faisaient entendre leur vacarme assourdissant ; des mouches vrombissaient, des guêpes, des sauterelles, des fourmis grimpaient le long de ses jambes ; des araignées dévoraient des mouches, des serpents s'attaquaient aux souris, des lézards avalaient des insectes. Il fallait se remettre en route, la nature ne ment pas elle ! Elle ne vous laisse pas un seul instant de répit ; c'est vivre c'est-à-dire exploiter, ou mourir; et pas de place pour la plainte ou pour la fuite. Pourtant le voyage de Pierre ressemblait à une fuite. Fuir son destin, lorsque l'on ne croit en rien, lorsque personne ne vous a jamais rien appris ; lorsque vos parents vous ont laissé aux soins de la télévision pour faire votre éducation. Vous vous êtes laissés abuser par les bons sentiments exprimés par les gens cultivés, qui ne veulent pas voir sur quelle fumier repose leur savoir, sur quels crimes, sur quelles passions étouffées.

  Des marcheurs équipés erraient sur les chemins ; sérieusement, en y croyant. Sac à dos, bouteilles d'eau etc... On s'était occupé d'eux, et cela se voyait. Ils avançaient stupides sans avoir conscience de leur chance, d'avoir cru un jour en la vie, en leurs parents. Ils faisaient se pérenniser la croyance en la vie. Les chemins étaient balisés, numérotés, les randonneurs étaient tous habillés de la même façon ; marchaient tous avec le même sérieux, la même croyance en leurs vêtements, en leur itinéraire ; c'était des donneurs de leçon, des actifs, des initiés. De ceux qui croient et ne savent pas pourquoi ils croient, mais ont toujours cru et eu confiance ; ou font semblant, s'efforce de reproduire de faire rejaillir une confiance originelle d'enfant dont on s'est occupé : des démocrates. Partout l'amour des plus forts engendrait le crime des plus faibles ; il y avait quelquefois des sursauts de haine, c'est-à-dire de faibles, qui voulaient entraîner le monde dans leur enfer d'autodestruction. Il y avait eu Hitler. Mais l'amour finissait toujours par l'emporter ; les mal-aimés terminaient dans des asiles, ils ne pouvaient plus mettre un pied dehors ; bientôt on songerait à mettre au point des machines à se tuer.

  L'hypocrisie nominaliste et intellectuelle, permettait encore de croire un peu en la vie ; mais ces derniers rogatons de l'humanisme chrétien seraient bientôt balayés par la dure réalité. Plus aucune religion ne permettrait de prendre en charge les faibles qui deviendraient de plus en plus haineux et nombreux : les forces du mal augmenteraient sans cesse, de manière souterraine, dans toutes les classes humaines. Sympathie des haineux et des faibles, les discours démagogiques prenaient de l'ampleur ; les aimés réagissaient par des discours nominalistes et hypocrites du point de vue de la majorité des hommes : mais rien ne pouvait enrayer les développements de la misère et du désespoir. Les aimés étaient trop peu nombreux et trop fragiles pour résister à la haine des brisés de naissance. Les aimés devaient se cacher pour continuer à produire des œuvres remplies d'espoir, qui pourraient faire s'accomplir l'humanité de demain ; une humanité de plus en plus exclusive et élitiste d'où était exclue les trois quarts des hommes, réduits à se nourrir de miettes et soumis au cycle de la merde. Mais n'en avait-il pas toujours été ainsi?

  Pierre marchait donc sur son chemin accablé par des pensées morbides ; par des pensées dégradantes qui le ramenaient toujours à lui. Il était épuisé, les randonneurs le dépassaient. Il n'arrivait pas à marcher loin et longtemps. Dans ce jour cru, il lui fallait des points de repère. Il était sur un sentier serpentant et son sac pesait une tonne. Il décida de redescendre vers la ville, un cabri bondit devant lui, puis disparu dans les buissons. Il y avait la ville, là, en bas : des petits cubes aux toits orange. La descente dura longtemps, longtemps, Pierre avait soif. En bas il y eut une fontaine, Pierre s'y abreuva. Il vit son visage dans l'eau et fut écœuré, il cru perdre tout ce qu'il avait dans la tête ; il lui faudrait du temps pour se retrouver, en plus il y avait le regard des autres qui lui prenaient également de son "moi". Que restait-il de lui en cet instant ? Quasiment rien : il n'appartenait ni au clan des randonneurs, venus des villes équipés et à plusieurs, ni des villageois, sceptiques et roués. Il était venu chercher la paix dans ces montagnes, une liberté; mais il y retrouvait des codes, des groupes, des conventions, dont il était toujours exclu, ou se sentait toujours exclu : il était fondamentalement le non-initié.

  A chacun sa vérité! songea Pierre, la mienne est pâle, fantomatique, quasiment un préjugé de faible. C'est peut-être parce que j'ai toujours voulu prendre sans participer, sans m'impliquer dans ces conventions, ces codes, qui sont indispensables pour prendre et digérer un savoir, une vérité, et offrir l'apparence d'exister. Pierre entra dans un magasin, y acheta des chips, du jambon, des pêches, puis il s'assit sur un banc en pierre, et mangea, tranquillement réchauffé par le soleil : il n'y avait qu'un seul sentiment dans son cœur, pitié pour lui-même et son destin étrange ; coupé de tout et de tous, hermétique à tout désir et donc à toute évolution. Il n'aimait pas l'Occident, cette façon de s'affirmer sans discrétion, et de faire ses besoins un peu partout, et ce mépris encouragé par la publicité : l'effacement du spirituel. Il aurait voulu être invisible, exister lui faisait mal ; disparaître dans un égout. Car toute discrétion, toute passivité, était assimilée à de l'étrangeté. Il aurait fallu être fier d'être soi, d'être jeune etc... Comment faisaient-ils les autres pour y croire? Il n'était même pas assez cultivé pour faire une critique par la culture, de la civilisation moderne.

  Comme il s'ennuyait sur ces routes, errant, n'existant pour personne, sauf pour lui; Pierre revint vers la grande ville. Il fallait qu'il existe de nouveau pour autrui, par n'importe quel moyen. Tout ressemblait à un rêve irréel et vague : les autres, lui-même. Exister pour sa mère impliquait qu'il doive faire des études compliquées, or il en était incapable, profondément incroyant et paresseux de naissance. Il détestait trop les autres pour pouvoir exister à travers eux, et les autres le lui rendaient bien. Comment décrire son visage ? Et sa façon étrange de paraître à tous comme celui qui n'arrive pas à se prendre en charge et que les autres méprisent pour cette simple raison. Il revint donc à Paris. Les autres étaient croyants, ils croyaient en leur contexte, et se développaient dans leur cadre qui comportait d'autres personnes. Or lui était radicalement seul, hermétique à leurs joies, leurs désirs ; qui découlaient tous d'une croyance originaire en la vie, en sa positivité. En réalité toute relation avec autrui tournait vite au cauchemar; très vite il se laissait dominer. Mais la vie et son absence de joies, sa radicale négativité ne l'encourageait pas à faire des efforts. Effectivement, il aurait fallu que le monde soit beau et attrayant pour qu'il se décide à vivre. Or qu'était-il le monde, gai ?

  Tout effort il l'avait fait par amour de son père, sa mère ne s'occupant pour ainsi dire pas de lui. Maintenant il ne pouvait  faire l'effort d'aller vers personne, son père l'avait renié, peut-être en était-il mieux ainsi. Il pouvait apprendre à connaître sa propre valeur, comme quand on laisse un enfant marcher tout seul et ce n'était pas brillant. Le résultat était d'une effroyable médiocrité. C'était dans la douleur et la contrainte d'une brute que son père l'avait "protégé". Cette protection ressemblait moins à une aide qu'à une destruction.

  Il était dans la ville, seul. Les voitures faisaient entendre leur vacarme. Il y avait des vagabonds par milliers. Il y avait des magasins avec des vêtements, pleins de couleurs, avec des prix marqués en gros, bien voyants, pour les passants. Il y avait des vendeuses archi-maquillées pour voiler leur tristesse. Il y avait le piège de la télévision. Des images qui renvoyaient au bonheur, des images colorées, vives. Il y avait des gens qui ressemblaient aux images diffusées par cette télévision. La plupart des gens s'étaient pour ainsi dire adapter à ce rythme télévisuel. Il y avait aussi des gens au visage sans vie, à quoi s'identifiaient-ils ces gens ? A quelles  coutumes, quelles conventions, quels contextes ? Il y avait aussi l'Université, avec des gens qui parlaient et détruisaient les gens qui sortaient de leur contexte ; mais c'est normal. Ils parlaient non plus sur les choses ; mais sur les mots uniquement sur les mots. Car les choses ils ne voulaient plus les voir, le monde était trop laid pour qu'un homme ait encore envie de le chanter. Il y avait des psychanalystes qui vous écoutaient parler, ils étaient chargés de vous remettre à flot, de vous aiguiller à nouveau sur les rails des mots, des échanges avec autrui. Chaque groupe avait son code, ses conventions, ses mots. Le monde était très laid, il n'y avait plus rien à regarder. Tout était désormais à écouter. Ecouter des mots. Ecouter des sons. Il fallait être hyper protégé pour pouvoir entendre dans ce vacarme, un son audible, c'étaient des sons qui renvoyaient à une autre époque, une époque d'avant la barbarie, d'avant le chaos de la machine. Ou alors c'étaient des sons optimistes, qui contrefaisaient le bruit de la machine ; qui mimaient le bruit de la machine : des sons mécaniques qui promettaient de lutter contre le chômage, la pauvreté etc... Il y avait les discours techniques et ceux du passé. Tout être qui aspirait à la vie était bien obligé de se conformer aux sons modernes ; à moins de renier sa vie : autrement dit le suicide.

  Il y avait le métro, la chaude sensation d'entrer dans une antre protectrice, il y faisait toujours chaud. Dans la ville c'était plutôt l'endroit le plus agréable, l'endroit où l'on se sentait le moins vulnérable, le moins soumis aux attaques de l'extérieur. Il n'y avait plus ce ciel, la plupart du temps gris qui vous aplatissait la tête au ras du bitume, vous donnait l'impression d'être écrasé par une force supérieure et maligne. Le plus dur c'était d'être seul, de ne pas pouvoir partager une convivialité qui fasse que vous vous sentiez protégé du monde extérieur : il fallait ressentir cela de façon naturelle ou pas du tout. Or Pierre ne ressentait cela nulle part : vulnérabilité totale à tout et à tous. Il n'avait même pas cette sincérité du pauvre, cette sincérité dans la souffrance, car il ne souffrait pas vraiment. Il trouva un métier de gardiennage et trouva avec grand peine le moyen de se faire respecter. Il se sentait toujours, partout, invariablement écrasé ; il n'y avait pas de limites qu'il puisse faire respecter par les autres de l'extérieur : il avait tellement intériorisé d'être limité et écrasé, qu'il n'arrivait à imposer à autrui aucun cadre. Il n'avait pour autrui aucune forme ; il était lui même le spectateur émerveillé de la forme d'un autre, du cadre d'un autre qui se nommait son père, ou peut-être dieu. Il était à l'extérieur du monde et à l'intérieur il n'y avait rien, rien qu'une sauvagerie écœurante et un espoir ridicule. Il y avait des immeubles en béton armé, effroyablement crus comme seul spectacle, en ville les prédateurs étaient favorisés; il fallait surmonter l'horreur de la vision par la violence, le viol de l'intimité d'autrui : ce qu'on appelle aussi racisme et antisémitisme. Le seul moyen d'y échapper aurait été le militantisme : acceptation du viol de soi, et retournement de la logique violente dans l'engagement. Ou alors être assez riche pour pouvoir être protégé de ce viol. Racisme ou engagement : la limite était maigre; et les limites de la compréhension en dehors de cette dichotomie l'étaient aussi. Dès que l'on vous sentez vulnérable, vous étiez impitoyablement détruit. D'ailleurs les portes étaient de plus en plus protégées par des codes, des numéros etc... Il y avait un impératif de sécurité inouï : le monde avait soixante ans et aucunes forces jeunes pour le renouveler. Les rares jeunes qui avaient des forces les gardaient pour eux-mêmes : le code devait rester secret pour préserver le mystère. Mais dans leur soif de mystère, ils ne faisaient que faire s'accomplir une logique de l'exclusion atroce. Pour devenir adulte il fallait être initié. Pour Pierre le code restait secret, hermétique, ne livrait rien de son mystère. Pour celui qui avait été initié, Pierre demeurait une énigme, un intrus qu'il aurait mieux valu détruire. Sa mère par exemple avait été initiée et l'avait rejeté comme le fils de son père. Le père l'avait rejeté comme le fils de sa mère ; ainsi Pierre était-il en réalité orphelin, et c'était cette vérité qu'il n'avait jamais voulu voir qui s'était toujours opposé à son initiation à quelque domaine que ce soit.

  Non, assez, assez ! Toutes ces paroles avaient eu le don d'étourdir Pierre, après tant de silence. Il s'assit sur un vieux banc de pierre qui se trouvait dans la forêt de Fontainebleau. Il grignota en écoutant le chant des hirondelles qui se poursuivait à travers les champs, le long de la route et au sommet des toits. Virevoltantes, tournoyantes hirondelles que l'on distinguait à peine dans la pénombre tombante; mais que l'on devinait à leurs cris suraigus. Il y avait un de ces ciels remplis de jaune, crépusculaire, qui vous font désirer la mort, autre chose, comme une délivrance. Les hirondelles s'envolaient, s'éloignaient, revenaient. Puis Pierre se leva et reprit sa route. Il s'empara d'un vélo qui était là par terre, comme abandonné, et s'éloigna du village en pédalant vite : il arriva sur une route nationale. Les voitures roulaient vite et de façon dense. Pierre eu la désagréable impression d'être observé étrangement; comme un étranger, de la part de ces gens qui accomplissaient des gestes de façon mécanique. Lui-même se sentait coupable de ne pas pouvoir accomplir ces gestes de façon mécanique. Chaque vie était une prison plus ou moins étroite.

  Sans un regard aimant, la vie apparaît vite pâle et déprimée ; de plus en plus exiguë et sans intérêt. Mais en même temps il recherchait cette réalité crue, cette réalité sans aucune convention qui lui semblait la seule vérité. Alors qu'elle n'était que l'homme réduit à l'état de bête ; c'est-à-dire l'homme sans aucune protection; sans aucun maquillage qui puisse l'embellir. L'homme nu, sans oripeaux, sans les mensonges des codes et des conventions; c'est là dedans que Pierre voulait trouver une vérité ; et il s'y épuisait, y perdait toute son énergie d'enfant sauvage qu'il était fondamentalement, d'enfant qu'on a laissé dans un coin, et qui ne s'est jamais développé : il y avait en lui l'absence de pudeur d'un exhibitionniste. Or qui voulait voir ce genre de vérité ; qui voulait voir l'homme réduit à l'état de mendiant ? Qui n'écœure pas la vue brutale de la peau nue, de l'absence de paroles, du refus des conventions. Pourquoi refus des conventions ? Il y avait le monde soumis au cycle de la merde : le monde livré à la brutalité, sans unité et sans aucun style et de l'autre côté, le monde soumis aux codes et aux conventions d'un univers passé. C'est un regard aimant qui vous fera aimer les codes et les conventions, votre vie reposera dessus, et vous fera aimer la vie dans le partage avec autrui de votre expérience intérieure. Il y avait l'Université, et à l'intérieur des gens qui parlaient entre eux, ils semblaient jeunes, heureux ? Je ne sais pas. En tout cas beaucoup avaient la faculté de s'extérioriser. La Faculté était construite en pierres, dans la cour il y avait des pavés, le sol dans les étages était en bois. Il y avait des chaises en bois, des tables en bois. Des gens se parlaient, se souriaient, comprenaient ce monde, leurs gestes n'étaient pas mécaniques; mais semblaient spontanés : ils ne savaient pas qu'ils brûlaient leurs dernières cartouches. Dans la rue les gestes étaient plus mécaniques ; on y sentait une économie de soi, une absence de richesse, qui faisait que chacun semblait s'économiser : la vérité de ces gens là était triste, misérable et haineuse. Dans la Faculté on méprisait cet autre monde composé de 95% de la population. Il n'y avait aucune beauté dans cet autre monde, rien qui puisse permettre d'espérer encore un peu en la vie. Pierre était un vieux pour l'Université où des professeurs se nourrissaient de la jeunesse de leurs étudiants ; ce qui faisait que Pierre n'intéressait personne ; déjà tout petit il n'intéressait même pas sa mère. Ce que l'on demandait aux jeunes c'était au moins d'être jeunes. Cette vitalité de l'Université contrastait avec la morbidité de l'autre monde, avec la laideur de l'autre monde. En avait-il toujours été ainsi ? Il n'y avait plus assez de forces ; et cette avarice d'amour favorisait le rejet d'une masse de plus en plus croissante d'êtres humains dont on ne savait que faire. Quelques fois un enragé du style de Staline passait, et en exterminait quelques millions. Certains aimaient la vie, c'est ceux là que les malheureux voulaient exterminer : or la sagesse aurait voulu que les malheureux s'exterminent eux-mêmes ; plus rien ne pouvait et ne voulait les prendre en charge.

  La plupart des jeunes étaient embrigadés dans des groupes, plus ou moins de force; on leur apprenait des formules et des chiffres ; c'est-à-dire à devenir de parfaits consommateurs. La plupart s'en sortaient, car il y avait une pureté de leur foi en la consommation, en la télévision etc... Ils étaient bien au monde; ils étaient jeunes et extrêmement brutaux, car sans aucune culture : de belles plantes tropicales, voraces et dangereuses. Mais on les aimait car ils étaient jeunes et consommateurs. Il y avait une sélection : et les plus faibles n'étaient plus pris en charge. Peut-être que le type humain y gagnait en pureté : dans cette réalité cruelle les derniers rogatons de l'humanisme chrétien partaient en lambeaux. Seule une éthique cruelle et réaliste, celle de l'Université, permettait encore de lutter contre cette barbarie grimpante et galopante. Certains philosophes, comme Nietzsche, parce que faibles, accompagnaient la logique atroce de l'exclusion et de la dichotomie entre misère et richesse : c'était la sagesse du vingtième siècle. En réalité c'étaient seulement des types physiques qui désormais périssaient ou vivaient, selon leurs qualités physiologiques ou non : dans le monde des brutes. Et de l'autre côté une éthique cruelle et réaliste de type nietzschéen permettait de s'en sortir : là on condamnait la barbarie ; mais on ne pouvait rien faire pour les gens comme Pierre, engagés dans une logique de l'humiliation.

  L'éloignement avec la nature avait fait peu à peu méconnaître aux hommes la dure nécessité, la cruauté crue de la terre, des animaux. Ils avaient cru en un paradis qui pourrait sortir de leurs esprits. Les enfants des villes qui n'étaient pas embrigadés avec soins dans un ensemble de codes et de conventions, étaient soumis à des images trompeuses qui leur faisaient croire en l'existence d'un paradis ; plus personne n'avait assez de force pour s'occuper d'eux. Il va sans dire que Pierre en faisait partie; comble de malchance, il n'avait pas le type physique qui aurait pu lui permettre à dix-huit ans, avec la prise de conscience de l'horreur et du viol, de détruire un homme pour mieux s'affirmer. Il n'y avait plus de "bamboulas" à exterminer, ils l'avaient tous été ; ni de Juifs car ils se défendaient trop bien ; alors on exterminait les types physiologiques les plus faibles ; on faisait retomber la faute sur eux ; la faute de ne pas avoir la force de développer une générosité assez grande pour pouvoir exploiter : on se sentait sans faute de tuer ces hommes, ils étaient blancs, bourgeois, chrétiens, médiocres, aucune idéologie ne les avait encore défendu. Ils étaient ce contre quoi toutes les idéologies avaient toujours lutté. On pouvait donc tuer un de ces êtres vils et méprisables, lorsqu'il était trop faible pour se défendre, lorsqu'il était impur dans sa croyance ; et en l'occurrence dans sa croyance de bourgeois, lorsqu'il était impur dans sa complexion physiologique. Les gens regardaient Pierre avec une moue de dégoût, comme une énigme incompréhensible. Seules quelques vieilles dames avaient encore un peu de pitié pour lui. C'était un être né pour être pris en pitié, dont on ne pouvait avoir que pitié et qui recherchait cette pitié, sans vraiment se l'avouer.
  Mais le lieu le plus intéressant était peut-être ce monde cruel et dur ; alors que Pierre était l'être inintéressant par excellence, la victime livrée à la boucherie, et qui n'avait même pas le privilège de compter des spectateurs pour assister à son sacrifice. Il aurait aimé comme tout criminel qu'on rétablisse la peine de mort ; car elle est sa fierté, le sens de sa vie. Dans leurs codes et leurs conventions, les hommes normaux et réglés faisaient preuve d'un égoïsme sans faille à l'égard des criminels, ils les privaient de leur orgueil : celui de mourir en sacrifice pour que d'autres puissent vivre sur leur dépouille. Supprimer la peine de mort était comme ignorer le criminel, qui ne désire que la mort, pour renvoyer la culpabilité sur son bourreau : la société ; et ainsi pouvoir mourir en paix.

   Pierre avait tué pour de bon un homme, mais ne l'avait jamais dit à personne. C'était un homme qu'il avait rencontré dans la rue, qu'il ne connaissait pas. Il l'avait suivi; cet homme s'en était rendu compte ; il avait regardé Pierre d'un regard sombre. Une haine incompréhensible avait surgi. L'autre représentait tout ce qui semblait que Pierre avait toujours détesté, sans réellement savoir pourquoi, et Pierre réciproquement semblait comme l'objet de la haine de l'autre. Alors ils s'étaient battus dans une ruelle sombre et l'autre était mort.

  Mais ce crime devait rester secret, il n'y avait rien d'autre à en dire ; sinon que Pierre n'en ressentait aucune culpabilité, au contraire cela lui avait fait du bien. Il ressentait une culpabilité mais c'était pour autre chose ; cette culpabilité, il était né avec. Et il voulait mourir pour qu'elle rejaillisse sur la communauté. C'était une culpabilité vaine et stérile ; mais elle était là, dans toute sa force. Une culpabilité qui avait rejaillit avec la souffrance et la douleur. Car victime, Pierre souffrait plus que tout autre, ce qui lui faisait penser à une culpabilité de sa part : il ne souhaitait qu'une seule chose, mourir pour évacuer cette souffrance intolérable. Pierre ressentait la culpabilité de souffrir atrocement, de ne pas être assez fort pour pouvoir tuer au quotidien sans se rendre compte, en digérant, ce crime, qui était passé dans les conventions : à travers notamment le cinéma et la musique. La violence était banalisée : mais dans son aspect de plus en plus primitif et sauvage, cette société permettait de se débarrasser de ses membres les plus pâles ; donc il y avait là une épuration subtile, sans doctrine explicite, qui aboutissait à la pureté du type : les gens qui survivaient dans ce chaos, qui osaient encore sortir dans la rue étaient des gens beaux, bien bâtis ; ou alors des gens intelligents, ou bien des avortons qui vivaient dans une autre époque.

  En fait plus personne n'exprimait le désir qu'autrui vive. Il fallait qu'un peuple ait payé du prix de sa vie la cruauté des autres ; pour puiser dans cet enfer, la justification de sa vie et son courage d'affirmer encore la vie.

  Plus aucune discours universel ne permettait à l'homme de s'identifier encore à de l'humain ; les gens qui revendiquaient à ce titre étaient minoritaires. Comme je l'ai déjà dit leur discours ne s'adressait qu'à une petite minorité, il était trop compliqué et trop chargé de haine envers les non-initiés pour pouvoir prétendre à l'universalité. Ces "humains" de l'Université voyaient les autres comme des bêtes; ils n'aspiraient qu'à une chose, être toujours mieux initiés pour échapper à la bestialité : un long et lugubre moyen-âge se préparait. Le Génocide n'en avait été que le préambule. Le ton solennel et sacré ne servait plus qu'à protéger des morts; il n'avait plus le pouvoir d'élever des vivants, des enfants ; ces derniers étaient remis aux soins du discours mécanique de la Machine : croyance en un paradis télévisuel.

  Ainsi Pierre n'existait-il que dans le rêve et l'artifice. Vu de l'Université son existence ressemblait à un préjugé. Il était la victime toute désignée de cet univers cruel et lucide. De l'autre côté c'était la boucherie mécanisée : les jeunes gens avaient été trompés, gâtés, et maintenant ils étaient livrés au cycle de la merde, à l'esclavage. Qu'en était-il des vieux ? Il faut bien avouer qu'ils étaient plus favorisés qu'à aucune autre époque, très riches et profitant dans le sud de la France du fruit de leur labeur d'une vie. Et pourtant ils étaient malheureux car haïs, et très craintifs, avec une certaine mauvaise conscience de n'avoir pas su faire se perpétuer leur type.

  Le Sexe était la nouvelle divinité, la panacée de tous vos problèmes. Pierre avait été élevé dans le culte du sexe. C'était un renégat : il n'avait pas de sexualité et ne consommait pas. Il échappait aussi à l'obligation du travail. Ce n'était pas vraiment volontairement; mais surtout par impuissance d'avoir pu digérer le premier terme : sexualité. "Liberté-égalité-fraternité" serait remplacé par "Sexualité-consommation-travail". Pourtant Pierre avait un porte-clefs, c'était une bite avec des ailes, il pensait qu'il pourrait lui porter bonheur, c'était son fétiche, il ne s'en séparait jamais et dès qu'il parlait avec une jeune fille, il le serrait très fort dans sa main, et il invoquait la divinité Phallus. Mais le sexe ne venait jamais, Pierre n'avait pas assez la foi. Avant de s'endormir, il mettait son fétiche dans une petite boîte carrée en pierre. Donc Pierre était quand même contaminé par la nouvelle religion ; comme pour tout, il n'en recueillait que les miettes. Tout comme de l'attention de sa mère il n'avait jamais recueilli que des miettes, en croyant que c'était cela l'amour : mais sa pauvre mère n'était qu'une vieille pute usée, qui s'était voué à répandre la nouvelle religion, sacrifiant son fils à cette cause supérieure.

   Pierre ne voyait pas les hommes comme des êtres humains; ainsi n'avait-il pas eu la culpabilité de son crime, sa seule culpabilité était celle de ne pas appartenir à la société ; mais dans cette société l'humiliation d'autrui n'était pas un péché : l'Homme de la culture ne pouvait plus s'y reconnaître; un autre type humain prenait naissance. L'Homme de la culture lui livrait une lutte à mort et ainsi détruisait une partie de sa jeunesse. Dans ce combat entre la culture et la barbarie, c'était la jeunesse qui payait, ce qui contribuait à rendre le monde encore plus vieux. Mais les jeunes qui sortaient vainqueurs de ce combat, que ce soit du côté de la culture ou de la barbarie, étaient peut-être plus beaux qu'ils ne l'avaient jamais été ; ils étaient souillés du meurtre de nombreux de leurs camarades. Du point de vue chrétien cela aurait été inadmissible; mais là c'était justifié ; ils étaient peu nombreux; mais qu'ils étaient beaux. Leur égoïsme fit cependant qu'ils devinrent eux aussi les esclaves de leurs parents, mieux organisés, plus solidaires : ils intégrèrent l'idéologie de leurs parents et ne créèrent rien. Ainsi pouvait naître un long et lugubre moyen-âge, fruit de la décadence.

  Pierre aurait préféré qu'on l'extermine, qu'on le pende, n'importe quoi plutôt que cette extermination hypocrite des lents, des maladroits etc... Pourquoi était-il si lent, ce qui le rendait inexistant dans une discussion? Etant inexistant il ne pouvait par conséquent séduire aucune fille etc...
  Etre adroit. Il aurait fallu être poli, savoir respecter les professeurs. Et c'est de cet univers protégé que partait une critique du reste de l'humanité. Les gens de l'Université savaient se tenir. Les étudiants savaient marcher sur leurs camarades les moins adroits : c'était la règle du jeu. Un règle cruelle dans quelque milieu que l'on se trouve. Pierre avait toujours été la proie sur laquelle on peut se faire les dents. Il n'existait pas pour lui-même, il existait en réaction aux autres. La politesse, la correction, étaient des armes qui permettaient de se différencier et donc de tuer : fini l'époque du partage, avait-elle jamais existé ? En fait c'étaient les plus autonomes qui s'en sortaient, ceux qui n'ont pas besoin d'une base constamment pour se replacer, ceux qui sont souples malléables, peuvent s'adapter à tout genre de situation.

  Pierre ils l'avaient reconnu comme un laid, il aurait été prêt à mourir pour cette cause qu'il ne pouvait pas défendre, qu'au moins malgré sa laideur il puisse servir à défendre la beauté. C'était son destin : il fallait qu'il meure pour une cause belle. Mais comme ce discours paraissait ridicule aux normaux. Les minoritaires utilisaient les codes et les conventions ; la beauté même avait plutôt disparu, et le tragique qui l'accompagne également. Pierre se souvenait d'un étudiant qui avait dit : "la laideur conserve !". Et de fait pour se conserver peut-être le discours de la minorité pensante devenait-il de plus en plus laid. Il n'y avait plus aucun style. Le style ne venait plus que des milieux populaires : mais il ne servait qu'à mieux désigner l'aphasie régnante. La beauté venait des milieux immigrés : seuls eux inventaient encore. C'était un style dur, faible et déjà maîtrisé par le pouvoir, par l'intermédiaire d'une reconnaissance que ces rebelles refusaient. Il n'y avait plus aucun homme authentique. Comme en une époque qui semblait florissante, Diogène s'exclamait : "Où est l'homme ?" Notre époque semble civilisée ; remplie de culture, de livres et pourtant on peut s'exclamer : "Où est l'homme?". Diogène l'exclu des conventions qui auraient pu lui servir à se conserver et à créer. Pourquoi les conventions et la politesse sont elles si haïssables? C'est lorsqu'on ne les a pas, car elles sont le socle de la vie; sans elles on peut devenir un être d'exception; mais le plus souvent un être radicalement médiocre, un « original », qui finit dans une mansarde isolée ; à moitié clochard. "68" cause de tous mes maux songea Pierre! Ces jeunes devenus vieux qui ont rejeté leurs codes et leurs conventions pour se fondre en une masse homogène qui exprimait le désir et la révolte, et qui désormais retombent sur leurs pattes et leurs vieilles conventions : ils nous ont détruit ! Leurs enfants élevés sans codes, ils ont cru qu'ils deviendraient enfin des individus, exprimant chacun une idiosyncrasie. Petits on les a plongés dans un univers cruel sans protection. Toute protection étant assimilée à un code réactionnaire. On leur a appris à exprimer leur violence, à détruire sans scrupules leurs camarades les plus faibles : le résultat est atroce, pour Pierre en tout cas ! L'existentialisme est un humanisme? Pas pour Pierre. "Né vieux !" diront les autres pour se dédouaner. Les quelques minoritaires qui ont réussi à se construire un discours rempli de désir sur la dépouille de leurs camarades, ils ne voient pas le réel qui va leur retomber dessus. Le réel comme une peste commence par contaminer les plus faibles, qui comme des rats vont transmettre la maladie aux plus forts. L'antidote c'est la laideur, c'est l'hystérie d'un Hitler, la schizophrénie d'un Céline, l'exclusivisme des Juifs qui rejettent la responsabilité du mal sur tous les autres : tel un îlot à la surface des flots, ils tentent de résister aux tempêtes.

  Il n'est pas interdit de penser que tout s'arrangera. La génération de Pierre seulement fut sacrifiée, peut-être que les autres feront se redresser la situation. Pierre aurait voulu une reconnaissance : qu'on l'achève, et que quelqu'un au moins partage sa culpabilité.

  Il n'y a plus de partage ; Pierre pensait qu'il était l'être égoïste par excellence. Il n'avait même pas ces habitudes de convivialité à partager avec autrui. Les parents avaient construit un monde violent et hypocrite où ils gardaient la prérogative. Le discours dominant était nominaliste et hypocrite du point de vue de la majorité. Mais n'était-ce pas toujours entre les mains d'une minorité que résidait le pouvoir ?

  Pierre est l'exclu, le non reconnu, celui sur lequel on peut faire ses besoins ; pourquoi aurait-il eu une culpabilité à tuer un autre être humain? Il avait donc tué. Et il n'en ressentait aucune culpabilité : après tout ne l'avait-on pas tué à petit feu lui ? Ses beaux camarades qui maintenant répétaient comme des perroquets le discours des forts, ne l'avaient-ils pas tué à petit feu ? Pour préserver leur beauté les forts ne faisaient-ils pas leurs besoins sur le reste de l'humanité, ne déléguaient-ils pas les tâches les plus ingrates à d'obscurs inférieurs ? Il y a peut-être à un bout de la chaîne les exploités, et à un autre bout les forts. Entre les deux il y a la grande masse des médiocres, envers laquelle on ne se sent aucune solidarité. Il vaut mieux pour devenir un fort avoir commencé par être un exploité, plutôt que d'avoir appartenu à cette masse des médiocres à laquelle Pierre appartenait : c'est la masse des non-tragiques par excellence. Pourtant au fond de lui Pierre ressentait un désir tragique : mourir devant tous, exhiber sa mort et faire rejaillir la culpabilité sur d'autres, sur des intégrés, sur des inclus partageurs, lui l'exclu égoïste.

   Jamais Pierre n'avait cru en un discours tout revêtait une étrange impression d'irréalité incompréhensible pour ceux qui avaient été intégré dans le discours chrétien, juif, sartrien, etc... Du point de vue des intégrés Pierre n'avait qu'à s'intégrer. Or cela lui était impossible, car il avait alors le sentiment d'une trahison envers un être très vicieux qui était son père ou peut-être dieu. Il ne connaissait qu'une seule règle, une seule convention, où il fallait se taire, ne pas exprimer de désir, et s'enthousiasmer pour le désir d'un autre qu'il détestait. Un autre qui était calculateur, mesquin. Un autre qui était aussi un esclave, et qui en faisait payer le prix à un plus faible. Cet autre avait enfermé Pierre dans un placard pendant toute son enfance. Était-ce son père, était-ce son oncle, ou sa mère ? Pierre ne s'en souvenait plus, il se souvenait seulement d'une présence maligne et malveillante qui s'opposait à tous ses mouvements, à tous ses actes. Ainsi Pierre craignait-il toujours la lumière et la présence d'un autre à ses côtés. Il n'avait jamais pu construire quelque chose dans la durée, car toujours intervenait cette présence maléfique qui détruisait ce qu'il avait construit, cet autre n'avait peut-être pas conscience qu'il détruisait, il imposait son modèle et refusait l'altérité. Le pire c'était que cette destruction de lui-même apparaissait à Pierre comme légitime. Il en avait presque besoin ; lorsque cette présence eu disparu, il se drogua et vola. Un jour il fut pris et on l'emmena en prison. Il était sur un toit avec un camarade, il y avait des chambres de bonnes à cambrioler. Ils pénétrèrent à deux dans une chambre et ne purent remonter, le propriétaire qui se trouvait à l'extérieur entendit du bruit à l'intérieur et appela les policiers. Pierre et son camarade étaient pris dans la souricière.

   Les choses étaient venus petit à petit ; au début Pierre lorsqu'il était petit n'aurait jamais pu imaginer son itinéraire. Il semblait issu d'un univers petit-bourgeois, tout ce qu'il y a de plus normal. Et pourtant il y avait déjà des failles. Il y avait cette présence qui l'empêchait de s'extérioriser à l'école et partout à l'extérieur. Il avait besoin de cette présence, Pierre l'assimilait au bien. Il aspirait à être comme les autres et n'était pas comme eux, n'avait pas leur faculté d'échanges. Il y avait eu du crime dans la famille de Pierre, une immense culpabilité qui se transmettait de générations en générations, ce crime conférait une certaine supériorité, un mystère, qui dispensait Pierre d'avoir à partager avec les autres. Mais Pierre aspirait tellement à jouer aussi, qu'il se présentait aux autres en situation de soumis. Il y eu une première contradiction entre la force qui émanait de cette présence maligne, et la situation de Pierre à l'école qui était celle d'un soumis. Aucun discours n'avait été assez fort pour le sortir de cet esclavage. Le discours scolaire était un discours de l'exclusion, on n'y apprenait pas à l'élève à se respecter en tant qu'être humain, on y apprenait l'orgueil et l'amour propre. On y apprenait la honte d'être d'une famille de maudits. On y apprenait à faire des courbettes aux heureux, à ceux qui ont tout eu et auront tout, à ceux qui s'expriment, qu'ils expriment la joie ou la douleur. Dans la famille de Pierre comme des Slaves (race d'esclaves pour les Nazis, "esclave" en anglais), on souffrait et personne n'était là pour  admirer ou raconter cette douleur. Ces maudits ils n'ont jamais eu que le christianisme pour se trouver beaux. Et de l'autre côté de celui des forts, des Universitaires, on élabore des belles théories, on condamne le christianisme, on abolit la peine de mort : tout ce qui fait l'humanité et la gloire d'un misérable. »