jeudi 23 juin 2022

La libéralisation des mœurs est en réalité au service de l'idéologie la plus réactionnaire qui soit


 

"Cette UER naissante et nouvelle (associant théories et pratiques artistiques) s’est d’abord tenue à Censier (actuelle Paris 3). L’atmosphère y était encore celle de 1968. Avec le fameux «souk», à l’atmosphère débridée. C’est là que - jeune universitaire, je faisais mes cours dans un AMPHI bondé. En 1972, l’UER a eu des locaux dans un espace industriel désaffecté, rue Saint-Charles dans le 15e arrondissement de Paris. Ce fut une époque passionnante : Il n’y avait pas vraiment de «salles de cours» et une dimension permanente de Happenings." dit une prof de philo (Florence de Mèredieu) dont j'avais suivi les cours à la Sorbonne. Ah c’était le bon temps ! Sauf que tout cela, tout ce mouvement d’émancipation des mœurs, sans vouloir jouer les rabat-joies, a été permis parce qu'au sortir de Mai 68 le niveau scolaire était excellent, et ce mouvement a été l’idiot utile de la contre-révolution réactionnaire que nous vivons actuellement, qui se fout des valeurs et mise tout sur le fric. Réactionnaire, parce que seuls les enfants des quartiers riches peuvent encore avoir un bon niveau scolaire.

La libéralisation des mœurs a été une immense fête pour les jeunes des années 60, baby-boomers, mais une catastrophe pour les enfants de soixante-huitards, qui globalement n'ont jamais réussi à rattraper leur retard scolaire. L'École primaire notamment a commencé à lâcher prise sur les enfants des années 70, éduqués comme des petits sauvageons - ne parlons même pas de ce qu'est devenu l'École aujourd'hui, il n'y a plus une École, mais des écoles qui varient selon les quartiers et le niveau socio-économique de leurs habitants.

Mai 68 a permis la contre-révolution néolibérale et réactionnaire des années 80 sur les enfants de baby-boomers, plus facilement malléables et manipulables que leurs aînés, parce que plus faibles et plus fragiles car rendus moins joyeux par leur manque de structure. C'est en réalité le respect des valeurs et non le fric qui permet de se structurer, pour éventuellement ensuite pouvoir accéder à la joie de l'accomplissement ou de l'émancipation. On peut dire que Mai 68 a mis la vérité sur la tête ! En voulant s'émanciper de toute tutelle traditionnelle encombrante, les baby-boomers majoritairement soixante-huitards ont sacrifié leurs enfants. Et ce qui fut détruit (les valeurs) ne sera jamais retrouvé.

D'autres disent : "L’idéologie soixante-huitarde à certes prôné la libération des mœurs, mais plutôt le retour à la nature et à la sobriété", c'est vrai aussi. Il y a aussi des prédateurs qui ont utilisé cette libération des mœurs comme des renards dans le poulailler, ce sont les pervers (mon père) ou des gens cruels (ma mère). Or la perversion est aujourd'hui au cœur du système capitalisme 2.0, c'est visible dans pratiquement toutes les publicités dont nous sommes inondés, impossible d'être comme une autruche dans le déni de ces dernières. Elles diffusent un message qui est pulsionnel et viscéral : "faites tout ce que bon vous semble pourvu que vous ayez du fric pour assouvir toutes vos pulsions, car il n'y a plus de morale et encore moins de traditions ou de régulations". Le néolibéralisme est plutôt une réactivation en XXL des thèses classiques du libéralisme économique telles qu'énoncées dès 1714 par Bernard Mandeville dans La fable des abeilles, et plus tard par Adam Smith dans La richesse des nations. Sous l'influence de Hayek, de Friedman, et de l'École de Chicago, il a vu le jour en réaction au keynésianisme redistributeur, égalitaire, presque socialiste, qui avait été mis en place par Roosevelt sous la forme du New Deal, pour ne pas que se reproduise une crise comme celle de 1929 ; ayant été pleinement opérationnel dans tout l'Occident de 1945 à 1979 ; permettant la constitution d'une classe moyenne puissante, ni pauvre ni riche, ni bourgeoise ni prolétaire, créative et créatrice ; et la prospérité matérielle des Trente Glorieuses. Le néolibéralisme sera mis en œuvre en Occident par Thatcher (1979), puis Reagan (1980) et Mitterrand (1983). On peut dire hélas que le mouvement d'émancipation sociétale de 1968, aura été l'idiot utile de cette mise en œuvre.

Aujourd'hui ce néolibéralisme a pour effet de réactiver un antagonisme de classe qui avait été atténué par le keynésianisme, et nous assistons à la destruction de la classe moyenne.

Friedrich Hayek et Milton friedman, deux grands économistes à l'origine de la réactivation du libéralisme économique sous la forme du néolibéralisme. Leurs idées se diffusèrent progressivement et furent prises en compte par les milieux politiques dans les années 1980, influençant profondément les mouvements conservateurs et libertariens américains. Leurs idées sur le monétarisme, la fiscalité, les privatisations et la dérèglementation ont directement ou indirectement inspiré les politiques économiques de nombreux gouvernements à travers le monde, notamment ceux de Ronald Reagan aux États-Unis, de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, d'Augusto Pinochet au Chili, de Mart Laar en Estonie, de Davíð Oddsson en Islande et de Brian Mulroney au Canada. On pourrait rajouter la France de Mitterrand dès 1983, et plus encore la France de Macron dans la droite lignée de ce mouvement néolibéral qui a plus de 40 ans, la start-up nation en voie d'ubérisation.

La gauche de gouvernement (le PS, puis Macron) misant tout sur le sociétal (qui ne mange pas de pain !) au détriment du social, a trahi ses idéaux, et le peuple le ressent de plus en plus, chaque jour davantage, de 1983 à aujourd'hui - en France. Sous cet aspect-là on peut voir effectivement Mai 68 comme les prémices d'une contre-révolution réactionnaire, au profit des seuls riches et des puissants se cachant derrière l'alibi du sociétal et de la libération des mœurs - visible dans la façon dont ce système se vend à travers la publicité. Ce qui est aujourd'hui tellement patent que cela attise toutes les rancœurs et frustrations populaires, ainsi que la montée de la colère et de phénomènes comme l'apparition du complotisme (on nous aurait menti ?), et la percée de l'extrême droite (les jeunes et les ouvriers) et dans une moindre mesure de l'extrême gauche (le vieux peuple de gauche qui s'est senti floué). On peut le déplorer ou s'en réjouir, mais de tels phénomènes ne surviennent pas par hasard !

mercredi 8 juin 2022

La société des droits de l'Homme et la pitié

 


Quel est le type de sentiment normal d'une mère pour son enfant ? C'est la pitié, avant même l'amour. L'amour c'est avant tout une mise en scène, souvent de la pure comédie sociale mise en place par les femmes pour tempérer les ardeurs masculines. Tout autre type de sentiment que la pitié, comme la cruauté dans le cas de ma mère, notoirement psychanalyste, est le fruit d'un type de femme dégénéré, qui se répand de plus en plus dans la société sous l'influence des néoféministes ou d'intellectuelles, de Beauvoir à Angot, qui considèrent les enfants comme des "paquets" étant une entrave à leur émancipation - alors qu'il s'agit de leur jouissance. Eh bien mesdames, achevez donc votre œuvre, vous êtes en grande partie responsables de ce que Zemmour appelle à juste titre, le suicide français. On pourrait dire, le suicide occidental. Je suis persuadé que ça sent moins mauvais en Russie ou en Chine, voire dans tout le reste du monde, où les femmes ont encore des valeurs traditionnelles et ne sont pas obsédées à l'idée de castrer le mâle.

Merci Bob G., je te prendrais bien comme avocat dans le procès que j'aimerais faire à mes deux parents. On ne met pas un enfant au monde pour l'accabler de sa haine, son irresponsabilité, son incompétence, sa propre incurie. Bon après comme je ne crois pas du tout au libre arbitre je ne peux pas non plus à mon tour complètement les accabler, puisque selon moi personne n'est libre et tout le monde dépend entièrement des circonstances. C'est pour cela d'ailleurs que Marx disait à juste titre que si les circonstances sont déterminantes, il convient de les rendre plus humaines, et que cela devrait être le seul rôle de la société. Mais je trouve anormal que je doive payer pour leurs fautes dont ils se sont déchargés sur moi, comme dans un acte sacrificiel ou l'enfant doit entièrement porter le poids des excès de ses parents. C'est uniquement pour cette raison que je regrette la religion et les notions de sacrifice et de culpabilité qui l'accompagnent, ils auraient peut-être pu y trouver un exutoire à leur cruauté intrinsèque. Peut-être auraient-ils pu détourner cette cruauté vers un autre objet que la créature innocente qui n'avait pas demandé à venir au monde qu'ils avaient enfantée, c'est-à-dire envers eux-mêmes, ou au moins en prendre conscience afin de l'atténuer. Peut-être ? Mais ils ont surtout voulu se décharger de tout sentiment de culpabilité, et surtout pas consentir au moindre sacrifice de leur personne. Alors que leurs parents l'avaient fait pour eux, enfants gâtés qui deviendront parricides, matricides, puis infanticides.

Encore une fois, et là je sais que je vais provoquer ton extrême lassitude, cela me paraît symptomatique de la génération des boomers, mais chez mes deux parents de façon complètement exagérée, paroxystique, voire pathologique. Notons qu'un tel comportement a déjà entraîné le suicide de mon cousin germain à 23 ans en 1990, et je le pense l'autisme de ma demi-sœur que mon père a eu avec une autre femme. Beaucoup de sacrifiés dans ma famille, et ce sont toujours les enfants des boomers. Certains boomers de ma famille qui ont pris au pied de la lettre le slogan de 68, "jouir sans entraves". La religion est juste un garde-fou pour ceux qui ne savent pas penser raisonnablement par eux-mêmes, sans exagération ni cruauté, ou de façon péremptoire et agressive, comme cette Chantal M. et à dire vrai la majorité des gens de nos jours, en paradigme néolibéral et consumériste de guerre de tous contre tous.

Rousseau disait déjà que ce qu'il y a de meilleur en l'Homme est sa capacité d'éprouver de la pitié pour son semblable, à condition d'être mis en situation par la société de pouvoir éprouver cette pitié qui lui est naturelle - c'est pour cette raison qu'il dit que c'est la société qui le rend mauvais alors qu'il est naturellement bon.

Si le mot de pitié peut sembler de nos jours péjoratif, mièvre, on peut très bien le remplacer par des mots qui passent mieux aujourd'hui, comme empathie ou compassion. Mais cela veut dire la même chose dans mon esprit. Nous vivons une époque de cruauté et de cynisme, où dire de quelqu'un qu'il est capable d'éprouver de la pitié et donc qu'il est gentil, veut dire qu'il est idiot. D'ailleurs le terme de pitié est devenu tellement péjoratif qu'il fait honte à celui qui la reçoit, y voyant une forme de mépris inégalitaire et aristocratique, irrespectueux de sa dignité et des droits de l'Homme. Ce qui constitue un comble quand on sait le rôle déterminant qu'a joué Rousseau dans l'élaboration de la société des droits de l'Homme, et le rôle central que joue la pitié dans son œuvre.

Nos contemporains refusent obstinément d'éprouver ce genre de sentiment, et lui préfèrent le terme de résilience (Boris Cyrulnik) servi à toutes les sauces, qui questionne l'individu mais non l'ensemble de la communauté, alors comment la mettre en œuvre dans une société ayant perdu son humanité comme c'est le cas aujourd'hui ? Se centrer uniquement sur l'individu en faisant totalement abstraction du contexte social, c'est le grand reproche que je fais aux psys en général. Les psys tombent finalement dans le même délire individualiste que les néolibéraux pur jus, ou alors ne sont-ils rien d'autre que les idiots utiles du néolibéralisme ?

Non pas donner moins que ce que l'on a reçu, mais pire pour un pervers, n'est pas insoutenable. Un pervers n'a pas de morale. Je ne pense pas que le fait de se regarder dans un miroir lui pose problème. Et puis il n'y a pas que la responsabilité des individus, il y a la responsabilité collective qui est déterminante, dont les psys sont majoritairement dans le déni parce qu'ils estiment, peut-être à juste titre, que ce n'est pas leur rôle. Et si la société devient à son tour entièrement pervertie par les circonstances, peuplée majoritairement d'individus pervers et immatures, alors il n'y a vraiment plus aucune responsabilité individuelle possible, ni aucune forme de bonté, et le rôle des psys devient dorénavant totalement caduc.

Être pervers c'est prendre par derrière, quand on peut prendre par devant par un système d'échange de don et de contre-don. Être pervers c'est enculer autrui, au sens propre et au figuré, c'est baiser son prochain. Une société devient perverse lorsque la norme y devient de baiser son prochain, comme en paradigme néolibéral. Mais à lire Rousseau, peut-être qu'il en a toujours été ainsi depuis la nuit des temps. Le pacte républicain influencé par Rousseau n'a strictement rien arrangé, c'est peut-être cela qui est le plus désolant. Ce pacte a contribué à abolir d'abord avec la loi Le Chapelier dès 1791 toutes les solidarités d'ouvriers, d'artisans, de corporations, puis désormais familiales avec la chasse aux sorcières à l'homme blanc de plus de 50 ans, aux "violents" avec leurs femmes. Loi Le Chapelier qui constitue selon Marx un véritable "coup d'État des bourgeois", ce qui n'a pas empêché le pauvre homme d'être guillotiné en 1794. Aujourd’hui l’objectif des néolibéraux pur jus est de dissoudre la famille, ou ce qu’il en reste, avec l’aide de leurs idiots utiles d’extrême gauche, néoféministes, anti-patriarcaux, le dernier socle à abolir afin de rendre la société en voie d’ubérisation, entièrement fluide et nomade.

Je crois que j'ai moi-même un côté pervers assez prononcé, en plus petit que mes parents et sans l'accord de la société dans le contexte actuel, mais beaucoup plus nocif pour moi-même - puisque ma femme m'a rejeté. Car mes parents sont malheureusement deux très grands pervers, mais qui arrivent à se décharger de leurs pulsions négatives vers l'extérieur. Et on ne devient pas pervers, on le reste, c’est une carence de l’évolution normale vers l'âge adulte. Mon père est authentique pervers de naissance, c'est une expression (car en réalité ses propres circonstances familiales ont joué un rôle déterminant), et ma mère a été pervertie par son milieu d'adoption (la bourgeoisie parisienne "sympa" post soixante-huitarde), elle s’est amoindrie par rapport à son milieu d’origine alors qu’elle a cru en sortir plus grande, à cause de l’énorme complexe lié à sa petite taille. Enfin mon père a des circonstances atténuantes, c'est un authentique "pervers de naissance" couvé et même encouragé par son milieu, mais ma mère s'est laissé pervertir par son milieu d'adoption, c'est bien plus grave car elle provenait d'un environnement sain. Cependant elle était la petite poupée précieuse préférée de son papa. Toute la perversion de mon milieu familial s'est entièrement retournée contre moi.

Red Rocket

 


 

Maverick avec Tom Cruise c'est du pipeau, de la propagande à destination des militants néolibéraux qui veulent croire en leurs mensonges ou des gogos décérébrés encore bien plus nombreux. C'est à l'autre visage de l'Amérique, beaucoup plus sincère, juste et extrêmement rare celui-là au cinéma, dans un pays où environ 1 million de personnes tous les ans, voire plus, se laissent mourir à l'aide souvent de médicaments ou de drogue et d'alcool, victimes de désespoir, de solitude, de détresse sociale, que ce film tente avec succès de rendre justice. Le regard de Tom Cruise même dans ses meilleurs films reste un regard autocentré, alors que Red Rocket échappe selon moi à ce piège. L'auteur y est sensible à l'altérité, au tout autre au sein même de la banalité du quotidien défavorisé des zones périurbaines, industrielles et commerciales déshumanisées. Ces sans-voix, ces "gitans" qui n'ont pas de chez-soi, que l'on ne voit pas parce qu'ils font partie du décor et que l'on s'est habitué. C'est mon point de vue.

Un pays pourtant merveilleux de par ses paysages et en même temps à chier de par son système où tout passe par le fric, une vitrine néolibérale pour le monde absolument à chier, mais où des gens qui représentent les intérêts d'une infime minorité sont payés très chers pour faire de la propagande pour un mode de vie dépourvu d'empathie envers autrui qui écrase les plus fragiles. Environ 99,9% de la production cinématographique des États-Unis repose sur le mensonge, le déni de la réalité, ou alors sur la seule vérité des nantis, c'est-à-dire des plus cruels dépourvus de la moindre pitié. En France nous ne faisons guère mieux et nous sombrons souvent dans la gaudriole ou l'ironie bouffonne typiquement bobo, à peine moins cruelles et dépourvues de toute forme de sincérité. Un tel regard c'est quand même rare, c'est l'exception. Mais ça arrive de temps en temps. Le cinéma mainstream américain présente quand même exclusivement la vérité des nantis qui est le mensonge des pauvres, d’où notamment un phénomène comme le complotisme qui émerge de plus en plus : "on nous aurait menti !" Quant au cinéma mainstream français, il est tout aussi dégoulinant de bons sentiments qui ne mangent pas de pain.

Ce film a le mérite de nous mettre en situation d'empathie sans tomber dans la mièvrerie. Ce n'est pas non plus du Ken Loach, moins militant, mais c'est un autre regard empli de compassion pour son semblable, où personne n'est foncièrement mauvais mais est le jouet de circonstances souvent tragiques, enrobé dans un type d'humour qui est bien la politesse du désespoir. Car si ce film ne jouait pas cette carte, celle d'en rire, il sombrerait très vite dans le glauque insoutenable. On peut dire que nous sommes dans la tragi-comédie.

Enfin un très bon et très élégant film américain qui fait preuve d'un autre regard sans tomber dans le pathos misérabiliste, trop rare pour ne pas être souligné !