vendredi 23 novembre 2018

Michéa, cryptocommuniste ?





Est-ce que de par ma relation familiale, je ne suis pas devenu ostracisé au sein de la société ?

Émile : « Michéa est un cryptocommuniste... »

David : « Pas grave pour moi. C'est surtout un admirateur d'Orwell qui a analysé sa conception de la common decency. Cela me parle à moi. Politiquement je pense qu'il est absolument impossible de laisser se développer cette société à deux vitesses qui ne fait que creuser les inégalités. Ce n'est pas tenable.
Un peuple, pour être peuple, doit avoir le sentiment de partager une culture, une identité et une civilisation mais aussi une certaine égalité.
Les analyses d'un Hervé Juvin me parlent également.
En y ajoutant celles de Renaud Camus, ma doctrine politique est résumée. »

Émile : « De ce point de vue on peut être d’accord avec la plupart des gens qui sont pour le bien et contre le mal. »

Populiste « Cette référence à la « décence commune » des gens ordinaires, sens commun plus ou moins implicite des « choses qui ne se font pas », a été beaucoup reprochée à Jean-Claude Michéa par l'extrême gauche. On l'a accusé de faire preuve d'une idéalisation nostalgique de la communauté villageoise, d'une vision irénique de classes populaires préservées de corruption morale, voire de « primitivisme ». La décence commune n'est pas le sens moral inné et naturel de Rousseau, fruit d'un accord spontané, mais dépend justement de « conditions sociales ». Il se retrouve lorsque sont réunies les conditions de ce que l'anthropologue Marcel Mauss appelait le « paradigme du don », soit le triptyque « donner-recevoir-rendre ». Il faut bien comprendre que cette logique est une logique alternative à celle de la dialectique droit-marché, qui est une logique « cannibale », détruisant les conditions même d'émergence de la common decency. Cette notion est à rapprocher de la phronesis chez Aristote ou du sens de la mesure chez Albert Camus. Elle est conscience des limites et méfiance de l'hybris. Primauté des mœurs sur le droit. Elle est ce qui distingue par exemple un éleveur qui a une relation avec ses animaux à l'industrie agro-alimentaire (soumis au double règne de la norme tatillonne et de la rentabilité sans pitié) ou bien le club de foot bénévole du grand club mondialisé. La common decency suppose une relation de proximité qui permette le face-à-face et donc la fidélité, l'entraide, l'altruisme et l'honnêteté donc commandés ni par la loi ni la peur. »

David : « @Populiste. Ce qui est reproché par la gauche à cette notion de décence commune, c'est avant tout son côté parfaitement conservateur et enraciné. »

Populiste : « @Émile. C’est mal le connaître ou le lire que de le croire, qu'il est cryptocommuniste. »

Émile : « Je l’ai lu justement, et attentivement. Ce qui ne m’empêche pas de l’apprécier, son analyse surtout, les remèdes me font plutôt peur. »

Populiste : « Il prône le retour à un socialisme originel enraciné dans les communautés traditionnelles et méfiant à l'égard du progrès technique et défend l'idée d'une démocratie fondée non plus sur le clivage droite-gauche, mais sur l'opposition entre « ceux d'en haut et ceux d'en bas ».
Il prophétise l'autodestruction prochaine du capitalisme sur fond de révolution numérique et de robotisation. « Le système capitaliste mondial est bel et bien entré dans la phase terminale de sa crise structurelle ». Selon lui, ce système pourtant fondé sur le principe d'une accumulation sans limite se heurte désormais à trois limites majeures. La limite morale, car il détruit progressivement les bases anthropologiques de toute vie commune. La limite écologique, car une croissance infinie est évidemment impossible dans un monde fini. Et la limite systémique car la financiarisation de l'économie conduira à terme à l'explosion d'une gigantesque bulle planétaire. »

Émile : « Le socialisme originel ? Vous voulez parler d’Adam et Ève, le paradis, tout ça ? À moins que ce soit le bon sauvage de Rousseau... Même restreint à un pays comme la France, vous mettez ça en oeuvre comment ? Le seul système récent ayant réussi ce tour de force c’est le Cambodge, vous savez, les gentils khmers rouges ! »

Populiste : « Quelles raisons vous font penser qu’il est un « cryptocommuniste » ? Le socialisme originel vous fait partager les crêpes que vous venez de confectionner avec le voisin qui vous amène sa scarole, nous sommes loin du laogaï (rééducation par le travail) ou de ses succursales Cambodgiennes ne vous semble-t-il pas ? C’est aussi la patience dont je fais preuve à votre encontre malgré l’ironie affleurant dans vos propos et la méconnaissance d’un auteur qui à l’évidence ne vous est pas familier... »

Émile : « Ses positions sur le capitalisme par exemple. »

Populiste : « L'intuition fondamentale de Michéa est celle d'une unité du libéralisme dans sa version aussi bien économique que culturelle, qui sont indissociables. L'image qu'il utilise est celle du ruban de Moebius qui présente deux faces apparemment opposées mais qui en réalité n'en sont qu'une. Il est aussi illusoire de vouloir être libéral-conservateur que socialiste libertaire. « En simplifiant beaucoup, on pourrait dire que l'homme moderne dit « de droite » a tendance à défendre la Prémisse (l'économie de concurrence absolue) mais a encore beaucoup de mal à admettre la Conséquence (le Pacs, la délinquance, la fête de la musique et Paris-Plages) tandis que l'homme moderne, officiellement de gauche, a tendance à opérer les choix contraires » écrit-il dans Impasse Adam Smith. « Il faut le progrès, pas la pagaille », disait naïvement le général de Gaulle en 1965, pensant dissocier innovation technique et libération des mœurs. « Pas de progrès sans pagaille », lui répond Jean-Claude Michéa. »

Moi : « Alors Michéa ne serait-il pas socialiste-conservateur ? »

Populiste : « @Erwan. « Anarchiste-conservateur », plutôt que « socialiste-conservateur » ni marché, ni goulag, mais ces schémas catégoriels sont quelque peu réducteurs…
J-C. M : « En 1956, Wright Mills décrivait la classe dominante (« l'élite du pouvoir ») comme cette minorité qui, non seulement n'a pas à « faire face aux problèmes quotidiens », mais qui « dans une certaine mesure crée elle-même ces problèmes et oblige les autres à y faire face ». Il me semble que cette définition minimale est aujourd'hui plus actuelle que jamais… Il souligne également le décalage entre la compassion obligé de la gauche pour les « minorités » et son profond mépris affiché pour l'immense majorité des classes populaires « ce troupeau informe de Beaufs, Deschiens, Bidochons et autre Dupont-Lajoie, par nature réfractaire au cercle de la raison » »

Moi : « Merci de m'avoir répondu, j'avais un peu l'impression d'être l'homme invisible dans votre échange assez vif avec Émile, je suis rassuré !
Juste au passage, si je suis aussi sensible aux questions que vous soulevez, c'est que je suis moi-même victime de cette ostracisation dans la présumée « beaufitude » des classes populaires ou moyennes dans mon cas, de la part de ma propre famille de baby boomers pour ce qui concerne mes parents.
Environnement familial toxique, où soit l'on réussit à accéder au statut bobo comme certains de mes cousins (reconnus, donc ayant des droits au sein de la famille), soit on se suicide (comme pas mal de membres de ma famille, exclus et invisibles socialement donc privés de droits en son sein), soit on périclite comme moi, privé de tout droit parce que « non méritant » (de la part notamment de ma génitrice aux importants moyens qui lui viennent directement de mes grands-parents, mais tout est relatif évidemment !), et l'on essaie de résister, peut-être maladroitement, en lisant notamment Michéa ou même Zemmour qui me réconfortent ! Bah rien que de très banal au fond ! »

Populiste : « Intellectuellement vous semblez loin de péricliter…
A vous lire je suis même persuadé que vous êtes en mesure de prouver à vos contempteurs l’inanité des préjugés qu’ils nourrissent à votre encontre. Meubler une solitude envahissante de lectures et d’auteurs qui vous « parlent » constitue un palliatif puissant aux maux qui nous assaillent. Ne vous découragez surtout pas, vous êtes digne d’estime, ceux et celles qui pensent le contraire, vous jalousent ou vous envient, ils sont insignifiants... »

Moi : « Bon je vais vous faire une dernière confidence intime, après j'en aurai fini avec le grand déballage, promis. J'ai tellement pris l'habitude d'être maltraité par mes deux parents pour qui je fus le bouc-émissaire de leur relation toxique (car dans ma famille il y avait quand même des gens biens hormis eux deux), que même vos encouragements sincères malgré mes 51 ans et ma vie de famille plutôt réussie (une femme, trois enfants, un métier de prof respectable), me mettent mal à l'aise, et pourtant ils me vont droit au cœur. Donc je vous remercie. »

Émile : « @Populiste (dans le fil de la conversation trois interventions plus haut). Nous y sommes exactement, cette affirmation est purement arbitraire : on ne pourrait être libéral-conservateur. C’est une pétition de principe, il confond autonomie de la technique et libéralisme : l’autonomie de la technique nous échappe par essence et le retour aux valeurs anciennes qu’il prône n’annonce rien d’autre qu’une dictature sanglante pour créer un homme nouveau et « décent », toutes choses ayant déjà été essayées par tous les socialismes passés avec le succès que l’on sait.
Je veux bien admettre qu’il y a quelque chose d’effrayant dans l’autonomie de la technique, mais je trouve plus effrayant encore les illuminés qui ont un plan pour nous imposer le Bien ou ici la Common Decency qui reste un terme tout aussi vague. »

Moi : « Donc la droite traditionnelle d'un Wauquiez par exemple est caduque ? Et seul un Macron est cohérent avec l'évolution du néolibéralisme, sa vocation libérale-libertaire ? »

Renaud : « @Émile. Non vous avez raison, on ne peut plus être libéral-conservateur comme le souhaitait de Gaulle, c'est antinomique.
On peut accorder aux premiers libéraux le bénéfice de la naïveté d'avoir cru qu'il existait des limites indépassables, un fond anthropologique intouchable.
Mais tout cela a été pulvérisé depuis longtemps, autant à propos de l'accumulation des richesses et des moyens de domination que sur les mœurs.
Un retour à des valeurs anciennes, à une régulation basée sur une anthropologie décente ne signifient pas le fascisme et c'est bien plutôt le progressisme libéral-libertaire qui est devenu fasciste. »

Moi : « Donc la droite traditionnelle d'un Wauquiez par exemple est caduque ? Et seul un Macron est cohérent avec l'évolution du néolibéralisme, sa vocation libérale-libertaire ? Comment retourner « à une régulation basée sur une anthropologie décente » ? Quelle est l'offre politique dans ce sens ?
Le fond anthropologique a été touché, c'est indéniable. Quand il aura complètement disparu alors on pourra dire que le nihilisme a totalement accompli son oeuvre, et l'humanité telle que nous la connaissons à la surface de la Terre qui est déjà en grand péril et l'est chaque jour encore davantage contrairement à ce que pensent les progressistes libéraux-libertaires béats, pourrait bien disparaître.
Faudra-t-il que tout soit détruit, pour que nous soyons capables de reconstruire sur des bases totalement nouvelles ? Mais que restera-t-il de l'humanité et de la planète pour reconstruire ? Sans doute une ruine totalement stérile et dépeuplée tragiquement malheureusement, comme le décrit assez bien Houellebecq dans La possibilité d'une île. »

Émile : « @Renaud. Encore une affirmation arbitraire...Par contre on sait ce que les tentatives de rendre l’homme « décent » ont donné... »

Moi : « Je me trompe peut-être mais il me semble que sans les prémisses calvinistes qui ont finalement donné la théorisation du libéralisme économique par Adam Smith et la première révolution industrielle principalement en Grande-Bretagne, toute notre civilisation aurait pu évoluer dans une autre direction. Je crois que cette orientation néolibérale que nous connaissons désormais s'est faite sur toile de fond de rivalité historique franco-britannique, et que si l'aspect continental et français l'avait emporté, nous n'en serions pas déjà rendus aussi vite à une telle extrémité périlleuse pour la survie de l'humanité telle que nous la connaissons sur la planète. Mais bon c'est un autre débat et nous ne pouvons pas refaire l'Histoire, même si Zemmour s'y essaie de façon certes forte intéressante, malgré les reproches d'extrême droitisation aux « relents nauséabonds » qui lui sont faits et que je ne partage pas.
Mais vous devez penser qu'il n'en est rien et que de toute façon depuis que la philosophie occidentale s'est installée dans la métaphysique du sujet avec comme précurseur Descartes, elle était vouée à générer cette volonté de puissance, cette volonté de volonté à l'origine des développements des sciences et des techniques.
Je me trompe ?
Enfin est-ce que cela ne vaudrait-il quand même pas le coup d'essayer de réfléchir à comment rendre la vie des travailleurs plus dignes au sein de ce système, en les considérant comme une fin et non comme un moyen, afin de les rendre plus acteurs donc plus responsables ?
Pour finir on ne peut nier selon moi le péril majeur que fait courir l'autonomie de la technique à la survie de la planète ou du moins de l'humanité telle que nous la connaissons sur la planète, sans même évoquer le problème que posent beaucoup de mouvements écolos et leur côté sectaire que vous ne manquez jamais de souligner. Le problème qu'ils posent pas seulement par leur présence sectaire et partiale (selon vous je crois), mais aussi par la façon dont ils questionnent le mode de fonctionnement néolibéral de la société, qui nous promet le chaos et l'apocalypse à assez courte échéance selon beaucoup de spécialistes scientifiques, si nous n'y remédions d'une façon ou d'une autre
Enfin concernant l'aspect politique avec le mouvement des gilets jaunes, cela me semble une revendication pour réclamer plus de dignité, et de considération de la part d'un gouvernement et d'un président ressentis comme hautains et méprisants, et cela rejoint la question qui nous occupe : quelle place pour les travailleurs dans un régime caractérisé par la volonté de puissance, la volonté de volonté qui nous le savons bien est une manifestation du nihilisme ? Sont-ils condamnés à être toujours plus humiliés, toujours plus chosifiés, réifiés, par le capital ? À être des pions sans âme, simples moyens et non pas finalité, dégradés d'un point de vue kantien de la dignité de la personne humaine et de son libre arbitre, juste pour faire tourner la machine économique ? Est-ce que ce n'est pas l'ensemble de l'humanité, riches y compris, qui se salit en traitant ses travailleurs ainsi ?
Le mouvement des gilets jaunes n'est il pas un cri d'alarme sur le sentiment de déclassement qu'éprouvent les classes moyennes et le risque de disparition pressenti de leur part sous les coups de boutoir du néolibéralisme « sauvage » depuis les années 80, qui encourage l'enrichissement des riches qui possèdent déjà un gros capital (sans prendre de risques la plupart du temps !) et n'ont pas à devoir compter sur les revenus issus de leur travail mais uniquement sur le travail des autres, et l'appauvrissement du reste de la population qui ne doit compter que sur son travail ? 
Le fruit du travail n'est-il toujours pas plus dévalorisé au profit des fruits du capital qui profite aux héritiers, aux rentier, aux actionnaires et aux traders ?
La notion de prise de risque pour justifier de telles inégalités de traitement entre les Hommes, entre ceux qui profitent du système et ceux qui en sont victimes, n'est-elle pas dérisoire et bien mince et en même temps surestimée et exagérée, puisque concernant les riches il s'agit le plus souvent d'héritiers qui n'ont généralement jamais pris aucun risque. »

Populiste : « @Émile. Je les fais miennes en grande partie, et croyez moi elles ne relèvent en rien du « matérialisme dialectique... »

Émile : « Et moi je les combats car l’histoire nous montre la misère que l’application des théories qui prétendent imposer le bonheur à l’homme malgré lui ont apporté à l’humanité. »

Populiste : « Pardon, mais vous n’y êtes pas du tout, vous devriez le relire avec plus d’ attention... »

Moi : « @Émile. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faut un peu d'utopie dans les rapports humains ? Et donc ne faut-il pas un peu de cette exagération que certainement vous me reprochez et dont vous vous méfiez puisque vous ne me répondez pas, pour redonner de l'espoir aux gens ? Plutôt que de leur seriner à longueur de temps qu'il n'existe pas d'alternative au néolibéralisme sous peine de voir émerger un régime néocommuniste avec toutes les dérives criminelles que cela comporte, comme l'a montré toute l'Histoire du XXème siècle ? Et dont j'ai bien conscience croyez-moi.
J'espère cependant que vous n'avez pas trouvé mes interventions hors de propos dans le fil de la discussion qui concernait Michéa, au moins je me suis fait une idée de l'opinion que vous avez de lui, vous trouvez son diagnostic bon, mais ses remèdes pires que le mal !
C'est George Bataille qui affirme dans La part maudite que toute type de société se caractérise par une forme de gaspillage qui lui est propre, de l'énergie qu'elle génère spontanément comme le soleil. Les Aztèques dans les sacrifices humains, les musulmans dans la conquête et la soumission au divin, les catholiques dans la création artistique pour rendre grâce à Dieu, et la société occidentale contemporaine sous l'influence du calvinisme puis du libéralisme théorisé par Adam Smith, dans l'accumulation des richesses puis dans l'investissement pour en accumuler encore plus.
Est-ce que réellement il n'y aurait pas un lien direct entre cette accumulation des richesses et l'autonomie de la technique qu'elle a rendu possible ? Pourquoi dans d'autres formes de société que la société capitaliste, l'autonomie de la technique n'a jamais existé, comme par exemple dans la société romaine pourtant très avancée dans le domaine technique ? Simple coïncidence ? Pourquoi aucune autre société que celle avec des prémisses calvinistes puis libérales comme la nôtre, n'a jamais décollé sur le plan des techno-sciences ? C'est donc qu'il y a sans doute un lien direct entre les développements du capitalisme et ceux de la technique, jusqu'à en arriver à l'autonomie de la technique, où elle a sa volonté propre et échappe au contrôle de l'Homme, qui se croyait pourtant mesure de toute chose, dans la démesure, l'hybris. »

Émile : « @Erwan. C’est vrai je ne vous réponds pas souvent, certainement car cela me prendrait trop de temps, veuillez bien m’en excuser.
Nous risquons aussi de lasser et de passer pour Bouvard et Pécuchet à écrire des tartines sur des sujets abscons reconnaissez-le.
Essayons donc d’être légers, ça ne sera pas facile...
Je crois que nous croyons tous les deux que l’autonomie de la technique est quelque chose de menaçant à l’oeuvre dans notre monde, quelque chose s’apparentant à la volonté de puissance, au nihilisme : une volonté aveugle qui se veut elle-même. L’efficacité comme une fin en soi.
Cette autonomie de la technique est une lame de fond de l’Occident qui a emporté tout devant elle et qui est devenue un phénomène mondial, un phénomène humain.
Ce qui nous oppose c’est l’idée que cette vague nihiliste serait le fait du libéralisme, une doctrine politique bien postérieure à la métaphysique occidentale qui en est le véritable creuset. Michéa en qui vous vous retrouvez a des analyses très intéressantes sur cette doctrine, en bref il pense qu’elle se résume à la régulation de la société par le droit et le marché, qu’elle est l’empire du moindre mal, cherchant à réguler l’activité humaine à la façon d’un système homéostatique. Il montre en quoi un tel système est fondamentalement instable et tend naturellement vers le conflit de tous contre tous. Tout ceci est assez convaincant mais que propose-t-il ? Rien, de vagues appels à un socialisme originel qui sent son bon sauvage malgré ses dénégations. Il part de l’idée que le libéralisme ne fait pas confiance en l’homme, que c’est une doctrine profondément pessimiste, je trouve que c’est vraiment court et prêchi-prêcha.
L’homme n’est pas bon ou mauvais, il est toujours en devenir, il est insaisissable, inquiétant, imprévisible. Le libéralisme décrit par Michéa est, comme le disait Churchill le moins mauvais des systèmes, Michéa le reconnaît lui-même, c’est même l’origine du titre de son livre : L’empire du moindre mal. Je ne vois pas en quoi son appel aux bons sentiments, à la Common Decency réglerait les problèmes d’instabilité des sociétés humaines, qu’aucun système ne saurait définitivement réguler à mon humble opinion.
Mais revenons à l’autonomie de la technique et son déploiement planétaire. Peut-être, effectivement, les marchés en sont-ils une émanation, le système le plus efficace pour assurer son développement, certainement même, mais accuser le vieux libéralisme des lumières de ce qui se passe, s’est je crois manquer le phénomène. C’est notre profond besoin de sécurité, notre volonté de nous protéger de la nature, notre incessante projection dans l’avenir qui est le phénomène véritable (notre auto domestication selon Sloterdijk). Je ne vois pas comment nous pourrons renoncer ou faire renoncer à ce qui semble être notre essence même, le souci comme dit l’autre.
Peut-être pouvons nous éviter le pire, c’est à dire l’effondrement sur lui-même de notre monde, mais peut-être n’y a-t-il pas d’autres solutions que de faire confiance jusqu’au bout à ce processus terrifiant. Je ne sais rien, je vois comme vous ce qui se déploie c’est tout. Je suis persuadé par contre que toutes les tentatives socialistes de bâtir un homme nouveau libéré du mal débouchent systématiquement sur les pires horreurs. Je crois plutôt que le salut viendra des efforts individuels du plus grand nombre vers une meilleure connaissance de soi-même, c’est aussi vague que ce que propose Michéa mais c’est potentiellement moins sanglant. Nos amis islamistes viendront peut-être nous mettre tous d’accord d’ici là... »

Moi : « Réponse géniale comme d'habitude, en tout cas vous ne me décevez pas. »

Émile : « Vous me mettez mal à l’aise, et ça c’est mal ! »

Moi : « Émile, juste une précision et pourquoi je ne pourrai jamais devenir libéral, car ce serait trahir mes ancêtres...
Mes grands-parents maternels parlaient le bas-breton, avant même d'apprendre le français. La génération de ma mère, leur fille, une baby-boomeuse devenue progressiste libérale-libertaire a trahi ses origines populaires et la langue bretonne, en même temps elle a trahi sa descendance. Elle a profité égoïstement d'un enrichissement ponctuel porté par la conjoncture et n'a pas jugé bon éventuellement de transmettre quoique ce soit à sa progéniture ; mais y avait-il quelque chose à transmettre ? Sinon l'intransigeance, l'égoïsme, la cruauté, quelque chose de propre à la bourgeoisie : une sorte d'indifférence profonde au sort d'autrui et à la misère, que l'on côtoie éventuellement lorsque l'on est bourgeois, en hochant le menton et une moue de dégoût sur les lèvres... Bref une dureté intrinsèque à laquelle je n'ai jamais pu me résoudre, et que ma génitrice a calqué dans sa façon de se comporter à mon égard.
Personnellement j'ai tout perdu, l'héritage de mes grands-parents qui leur venait de leurs ancêtres et qui était profondément empreint de décence commune (Common Decency, George Orwell), et je n'ai pas pu ou pas voulu accéder au statut bourgeois quand j'ai compris le sacrifice que cela demandait : le sacrifice de la part populaire de l'humanité, et à laquelle un Michéa ou un Guilluy sont sensibles, c'est pour ça qu'ils me « parlent »... Comme le disait mon père qui avait fini par détester ma mère et moi avec elle, elle s'est conduite comme toutes ces Bretonnes qui montaient sur Paris et exerçaient le métier de prostitué.
Ma mère s'est prostituée, bien que ce ne fut pas son titre officiel, à la bourgeoisie parisienne dans une optique vénale et purement égoïste, sans aucun souci de sa progéniture...
Non Émile vous vous trompez, la décence commune ce n'est pas un prêchi-prêcha qui renverrait aux Khmers rouges si l'on tentait de la réaliser. C'est une réalité concrète qui existait encore il y a peu dans des campagnes pas si reculées que ça, et qui rendait la vie en commun bien plus douce qu'elle ne l'est actuellement. Je pense sincèrement que Michéa et Orwell avant lui, ont davantage ce modèle populaire dans la tête, propre à nos campagnes et à un genre de bon sens populaire auquel de Gaulle était encore sensible et hélas en totale voie de disparition, qu'à celui mis en oeuvre par les Khmers rouges. »

Gaston : « Tout à fait d'accord. Je n'avais pas lu votre texte avant de réagir, mais la notion de common decency est en effet une clé pour comprendre le problème. Absolument. »


jeudi 22 novembre 2018

La dignité de la personne humaine ou Kant en gilet jaune



Vous les enfilez comment vos perles sur le libéralisme d'inspiration adamsmithienne (en passant, la France est un pays collectiviste avec 57% d'emprise de l’État sur l'économie, ça ce sont des faits, pas des idées), parce que là, je vois que j'ai affaire à un connaisseur ?

Sans rentrer dans le débat de savoir si la France est un pays collectiviste ou non, on peut considérer que l'idéologie entraîne des mutations sur les comportements, et que l'idéologie occidentale contemporaine a surtout retenu de l'idéal des Lumières, la version commerciale donc intéressée des rapports humains.

La relation humaine et sa qualité dans une société est l'élément déterminant de tout le reste qui en découle, la vie de chacun mais aussi le monde du travail, la productivité de chacun donc des travailleurs.
On ne peut pas dire que les relations soient apaisées dans notre pays, que ce soit entre les différentes classes sociales ou pire encore entre les différentes communautés de peuplement. Ce qui entraîne des désordres et des débordement qui au passage nuisent à l'économie : un gaspillage d'énergie dans le mécontentement latent, qui parfois trouve à s'exprimer dans des mouvements sociaux plus ou moins encadrés comme celui des gilets jaunes, quand ce ne sont pas des explosions de violence dues aux frictions entre communautés hétérogènes.

Le déclin de la religion et de la morale d'origine religieuse entraîne un vide où viennent se nicher les migrations de peuplement attirées par l'appât du gain, et qu'on attire aussi par l'appât du gain. En même temps que les rapports humains mutent depuis 250 ans pour se rapprocher d'un modèle purement commercial tel que défini de façon archétypal par Adam Smith, ou consumériste puisqu'on consomme autrui comme on peut être consommé par lui, on érige comme morale dominante les droits de l'Homme ; mais c'est une version forcément dévoyée dans un cadre corrompu où chacun est considéré comme un moyen et non pas comme une fin, un moyen pour la société de s'enrichir encore plus, car tel est bien la finalité des sociétés occidentales. Il s'agit d'amasser toujours plus de gain, lointain héritage spirituel d'un mode de pensée religieux et calviniste qui a abouti paradoxalement à établir en remplacement de toute spiritualité, donc à la place de la question du salut, un matérialisme globalisé expurgé de tout considération métaphysique ou religieuse.

Or le premier des droits de l'Homme que chacun pourrait revendiquer c'est d'être considéré non pas comme un moyen mais comme une fin. Donc les droits de l'Homme sont bien un dogme d'autant plus pernicieux qu'ils ne reposent sur aucune réalité dans le monde contemporain ; ils sont le mythe du néolibéralisme, sa caution morale pour faire tourner la machine économique qui considère les travailleurs comme des pions en vue de réaliser du profit. Ou autrement dit l'Homme est aujourd'hui au service de l'économie et non pas l'économie au service de l'Homme. 
Les droits de l'Homme viennent se nicher dans une logique consumériste où chacun voudrait les consommer comme un vulgaire bien manufacturé, et en même temps ils sont dans la réalité concrète introuvables donc un mythe ; car par définition ils ne se consomment pas, puisqu'ils sont de nature spirituelle et non pas matérielle : l'Homme comme fin et non pas comme moyen.
Effet pervers du système, la judiciarisation des rapports humains en vue de consommer les droits de l'Homme, et d'en jouir. Encore une fois c'est tout le contraire d'une conception de la dignité de la personne humaine, telle que définie notamment par Kant.

Est-ce qu'au nom de la dignité de la personne humaine, Kant ne porterait-il pas aujourd'hui un gilet jaune par solidarité envers ceux qui dans la société sont instrumentalisés et considérés comme un moyen et non pas comme une fin, à l'instar des travailleurs subalternes et plus globalement des classes moyennes ?

La question des gilets jaunes est aussi par qui sont-ils instrumentalisés, considérés comme un moyen et non comme une fin ? Avant tout dans le monde du travail qui les maltraite au quotidien, avec beaucoup de contraintes et peu de considération. Dans la réalité concrète ils n'ont aucun droit ; ils n'ont que des contraintes. Éventuellement ils ont le droit, à la marge, sur leur temps libre, de consommer ou d'assister au spectacle de l'industrie du divertissement, mais dans la mesure de leurs faibles moyens, ce qui génère encore plus de frustration.
Ne recevant pas la légitime considération qui devrait être la leur au nom de la dignité de la personne humaine, ils se livrent au gaspillage de l'énergie de leur mécontentement, énergie qui pourrait être réservée à un bien meilleur usage au sein d'une société apaisée ayant pour fondement la décence commune (Common decency, George Orwell).
Mais désormais ils sont l'objet de toutes les instrumentalisations, par ceux qui s'en réclament solidaires, de l'extrême droite à l'extrême gauche en passant par la droite de Wauquiez, ainsi que de la part de ceux qui veulent les traîner dans la boue et les discréditer, comme le pouvoir macronien et dans son sillage une bonne partie du monde des médias, à l'affût de tout dérapage « populiste », à l'odeur nauséabonde, c'est-à-dire raciste, homophobe, machiste, antisémite etc.



mercredi 21 novembre 2018

Le néolibéralisme est sans alternatives



Ils ont « entendu », mais ce gouvernement n'écoutera pas. Il n'y a comme toujours avec le néolibéralisme, « pas d'alternatives ». Rien de plus désespérant, évidemment.

Il n'y a pas d'alternative à la façon de faire du profit, croissance, innovation, baisse des dépenses publiques, destruction créatrice, effectivement. Tout le reste suit et c'est dans ce cadre de darwinisme social, que ce qu'il y a de plus prédateur en l'homme s'épanouit. Et comme d'habitude on viendra pleurer dans le temps de l'après-coup, « qu'on ne savait pas » !

Pas de salut possible en Occident, histoire cyclique de phases meurtrières et de phases de contrition. Avec les moyens techniques de destruction on semble avoir atteint un Absolu avec la Shoah, pas sûr que l'« Absolu » soit destiné à n'être jamais dépassé. En tout cas depuis un peu plus de 250 ans, l'Occident semble être décidé à ne jamais rompre avec un projet de commerce comme finalité des rapports humains. L'Occident est un modèle de société pathogène qui crée de la maladie, tant que cette maladie fait tourner l'industrie pharmaceutique, la psychiatrie, la psychanalyse... et donc fait tourner la machine à générer du profit, c'est tout ce qu'on demande du reste ! Le burn out est un business.

Pour l'instant les élites se refusent à faire le lien entre libéralisme d'inspiration adam smithienne, et tous les dégâts causés depuis, au nom de la quête du profit sans autre alternative. Kant n'est pas un penseur libéral, car il est à l'opposé de cette quête intéressée, qui considère tout rapport humain comme un moyen et non comme une fin, comme un commerce destiné à générer un bénéfice. C'est tout simplement les notions de gratuité et de don, qui ont été éradiquées des rapports humains, depuis trop longtemps pour qu'il soit possible de revenir en arrière sans un effort de prise de conscience collective, autrement dit demander la lune !
Toutes nos « élites » occidentales qu'elles soient d'inspiration néolibérales, voire même populistes, sont contaminées par cette idéologie malfaisante et prédatrice, et ne remettront jamais en question cette conception commerciale des rapports humains...

Le mouvement des gilets jaunes est un cri de désespoir lancé, face à l'intransigeance des élites pas prêtes à la moindre concession ou alternative, puisqu'il n'y a qu'une seule voie : générer des bénéfices pour faire tourner la machine en ayant recours au bétail humain des salariés corvéables à merci. Alors que l'on ne vienne pas nous parler d'écologie comme prétexte, c'est le comble de la mauvaise foi ! Qu'est-ce que Macron et ses sbires en ont à fiche de la survie des abeilles et des p'tits zoiseaux pour la perpétuation de la flore et de la faune, rien ! car cela ne fait pas partie du logiciel néolibéral...

Le mouvement des gilets jaunes n'est il pas un cri d'alarme sur le sentiment de déclassement qu'éprouvent les classes moyennes et le risque de disparition pressenti de leur part sous les coups de boutoir du néolibéralisme « sauvage » depuis les années 80, qui encourage l'enrichissement des riches qui possèdent déjà un gros capital (sans prendre de risques la plupart du temps !) et n'ont pas à devoir compter sur les revenus issus de leur travail mais uniquement sur le travail des autres, et l'appauvrissement du reste de la population qui ne doit compter que sur son travail ? Le fruit du travail n'est-il toujours pas plus dévalorisé au profit des fruits du capital qui profite aux héritiers, aux rentier, aux actionnaires et aux traders ?

Les classes moyennes sont historiquement les plus fragiles et elles peuvent être anéanties, tandis qu'après les pires cataclysmes les classes inférieures et supérieures se reconstituent. La classe dominante peut se renouveler complètement mais elle est toujours là, et il vaut mieux avoir affaire à une vieille aristocratie, qui a appris à vivre, qu'à une nouvelle. Un paysan français était mieux traité par son seigneur en 1750 que son arrière petit fils ouvrier ne l'était par son patron en 1850. Les classes moyennes ont profité du gaullisme et des Trente Glorieuses, elles se délitent depuis les années 80 sous les coups de boutoir du néolibéralisme « sauvage » sans alternatives.
La disparition des classes moyennes enlève tout espoir d'élévation sociale aux classes inférieures, sauf coup de chance extraordinaire. Un prolétaire pouvait devenir un petit bourgeois. Si il n'y a plus de petit bourgeois, il restera prolétaire, ou éventuellement, champion de foot, gagnant du loto, vainqueur du Tour de France, petit ami d'un monsieur riche, bandit etc.
Bref après l'appauvrissement, c'est le déclassement puis la disparition qui menacent directement la classe moyenne, qu'un ami à moi issu de la classe populaire et y trouvant une forme de vengeance, décrit comme médiocre car suivant ses dires, « médiocre parce que moyenne » ; la médiocrité ne pouvant constituer l'horizon d'un ambitieux comme Macron, dont le livre de chevet est Machiavel. 

Après on pourrait toujours gloser sur la médiocrité qui caractérise les élites...

mercredi 7 novembre 2018

La décence est populaire, la perversion élitiste



Plus on monte dans la hiérarchie, plus il y a de la perversion effectivement, la naïveté et la décence sont le propre des classes populaires.

Lui : « Quelle folle énergie tu dépenses en vain ! »

Moi : « Et comment voudrais-tu que je la dépense ? En faisant l'apologie des droits de l'Homme, de la solidarité avec les migrants et du féminisme ? Tout en me foutant bien sûr des inégalités sociales qui se creusent, donc de l'injustice intrinsèque de la société ? »

Lui : « Promenade, soirée entre amis, concerts, cuisine, y'a plein de moyens ! »

Moi : « Tu pointes le doigt sur le cœur du problème effectivement ; le gaspillage de l'énergie. Comment notre société en gaspillant son énergie à la recherche du plaisir hédoniste se suicide en réalité elle-même ? Une société ne peut pas fonctionner sur ce mode là, et un jour ou l'autre on s'en rendra compte, hélas sans doute tragiquement.
Toute société se construit sur un gaspillage d'énergie que l'on appelle sa part maudite. Hélas le mode de fonctionnement libéral-libertaire ou l'hédonisme sociétal, ne la rend pas viable effectivement. D'autant plus que derrière cette apparence d'hédonisme sociétal bon enfant, se cache une quête rapace du profit, qui est la toile de fond libérale qui fait tenir en réalité tout l'édifice social, et qui se fout des origines des protagonistes.
Ainsi il n'y a plus d'appartenance culturelle pour personne, les habitants des pays sont interchangeables pourvu qu'ils soient rentables. Tout le reste, l'idéologie sociétale que l'on nomme antiracisme, féminisme, droits de l'Homme divers et variés ou que sais-je encore ! qui justifie une telle déculturation, n'est qu'une excuse, une justification pour légitimer l'avidité d'une poignée d'individus sur Terre, dont le plus emblématique est Jeff B. ! 
C'est l'avidité et non l'hédonisme ni même la liberté ou les droits de l'Homme, qui en réalité fait tenir tout l'édifice social désormais en voie de mondialisation avec des « ratés » populistes, plutôt nationalistes que gauchistes.
Cependant un tel soubassement, en plus du fait qu'il est amoral voire immoral, puisqu'il fait passer bien souvent la quête du profit avant toute autre considération, voire avant l'interdit du meurtre, visible à travers toute une mythologie hollywoodienne, fait désormais courir un risque de pérennité écologique à la planète, de pérennité tout court pour l'espèce humaine et sa survie sur le globe. »

Lui : « L'hédonisme ou plutôt l'eudémonisme est bien la doctrine que devrait adopter l'humanité dans son ensemble. »

Moi : « Tiens pour une fois je ne vais pas chercher sur Google l'explication de ce terme, j'aimerais que tu me dises ce que tu entends par là, toi qui semble à l'avant garde « alternative » de la pensée militante. Si vraiment tu crois une seule seconde à ce que tu avances. »

Lui : « Je ne crois en rien. L'eudémonisme est la recherche du bonheur plus que du plaisir. »

Moi : « C'est un truc de vieux le bonheur ou d'impuissant, le plaisir c'est une valeur sûre, alors que le bonheur concrètement, il arrive quand on ne l'attend pas et il nous échappe toujours lorsqu'on le poursuit. Ou alors c'est une image que tu fais miroiter aux autres pour les séduire, mais je ne crois pas du tout à la réalité d'une telle émotion dans la continuité chez toi, ni chez moi d'ailleurs, pour qu'un tel sentiment parvienne à s'établir il faut une société avec des principes stables, tout le contraire de la nôtre qui repose sur le darwinisme social, la sauvagerie la plus crue derrière un tout petit verni ridicule de civilisation en guise d'espoir ! 
Des micro-sociétés avec des principes (ou absence de principes) plutôt anarchistes et accédant au bonheur, je n'y crois pas du tout. D'ailleurs tout risque de partir en déconfiture beaucoup plus vite qu'on ne le croit. Pour que des sentiments pérennes voient le jour, comme l'amour, l'amitié ou le bonheur, il faut des sociétés stables, sinon c'est de la lutte pour la vie, avec éventuellement un attachement sentimental pour sa compagne et ses enfants, ainsi que pour quelques « fidèles ».
Nous entrons dans des temps obscurs, Les invasions barbares, suivies de l'Âge des ténèbres pour reprendre des titres de films de Denis Arcand, auteur aussi de Jésus de Montréal
De plus on ne peut pas estimer le bonheur d'autrui, c'est une notion trop abstraite et subjective, alors que la jouissance est quantifiable, et faire l'objet du désir mimétique donc de la jalousie, qui poussée à ses extrémités peut s'avérer meurtrière. »

Lui : « Blablabla, tu ne te fatigue jamais ? Seul le progressisme sauvera l'humanité, les gros fachos réactionnaires le mène à sa perte, nous en prenons d'ailleurs le chemin. Je te mets dans le même sac que les salafistes, vous vous valez ! »

Moi : « Il n'y a pas de progrès de la conscience c'est une illusion, mais il y a effectivement obligation de mouvement, que jusqu'à il y a peu on appelait Histoire, mais la vision manichéenne du progressisme se veut aussi anhistorique, la fameuse fin de l'Histoire des optimistes progressistes. »

Lui : « Arrête de chier par la bouche, l'odeur est insupportable. »

Moi : « Les salafistes sont du même bois que les progressistes de la fin de l'Histoire, ils sont manichéens. Ils font du mouvement historique dont ils nient la composante historique, un combat du Bien contre le Mal. Les progressistes de gauche ont globalement une vision plus religieuse que factuelle et historique des choses. »

Lui : « Putain mais drogue toi tu diras moins de conneries ! »

Moi : « Les progressistes transhumanistes avec la singularité sont convaincus que la Fin de l'Histoire est proche avec l'avènement de l'IA, et donc du Bonheur réalisé pour tous sur Terre, rien de nouveau sous le soleil
L'illusion est de croire que la richesse réside dans la technologie, alors qu'elle réside en l'Homme, cette illusion risque d'être fatale et funeste et la technologie nous apportera la destruction et le chaos.
La religion catholique n'était pas manichéenne, elle accordait une place au doute.
Alors que les progressistes manichéens ne doutent pas, ils sont dans le camp du Bien, et leurs adversaires sont leurs ennemis, à l'image du président Macron qui judiciarise ses relations avec ses adversaire, comme un air du temps, et voudrait en faire psychiatriser d'autres. Tu es un micro Macron ? »

Lui : « Et toi un méga connard, à part la coupe de cheveux t'es notre Trump français en somme...
T'es pas tout à fait normal mais normal quand même, plus dangereux pour toi même que pour les autres mais un sacré boulet quand même.
Putain quand je pense que je paie pour tes arrêts maladie, vivement le suicide assisté qu'on en finisse..
Ah, je t'ai noyé dans ta fange.
Tiens, rien que pour te faire chier, toi et tes pairs, je mate Victor Hugo.Un génial progressiste. Cites moi un génie réactionnaire pour voir.
Et pitié pas tes merdes de Zemmour et de Finkielkraut, sur le génie, y'a consensus. »

Moi : « Aujourd'hui la morale dominante est progressiste et surtout de bien-pensance au détriment du réalisme, or il se pourrait bien que le réel ait finalement raison de notre morale contemporaine ! »

Lui : « Le réel n'existe pas heureusement car je détesterai vivre dans le tien. Pilule bleue.
Sans ancune naïveté sur la nature humaine, l'état du monde et les risques systémiques. Patate ! »

Moi : « Cioran et Joseph de Maistre sont des génies réacs, Schopenhauer aussi, est surtout un pessimiste qui n'a guère foi dans le progrès. »

Lui : « 2,3 intellectuels qui n'ont rien révolutionné. »

Moi : « Le réel est subjectif, il appartient à la singularité de chacun, il est idiotie, idiome, idiosyncrasie. C'est bien le monde commun, ce qui nous relie donc la religion étymologiquement, ce qu'il en reste la chose publique donc la République, qui constitue le dernier mythe dérisoire nous rattachant encore à quelque chose. »

Lui : « Blablabla, tu joues bien avec les mots en vain sans fin. »

Moi : « Il y a aussi le réel objectif sur lequel peuvent s'accorder les scientifiques, les ingénieurs, les techniciens, non ? »

Lui : « Le seul, le réel mesurable. Le reste n'est que supputations et illusions. Manipulations. »

Moi : « Une chose est sûre selon moi, Sartre postulait la totale liberté et la possibilité de se déterminer selon ses choix, je postule la totale aliénation de l'espèce humaine, qui ne choisit rien, sinon il n'y aurait pas de malheur sur Terre. Or le malheur est la réalité, la tristesse la seule promesse que la vie tient toujours, et le bonheur, l'amour et l'amitié, des illusions hormonales souvent liées au jeune âge.
Le réel mesurable fruit de l'humanisme qui postule que l'homme est la mesure de toute chose, l'homme retranché dans son ego pense que sa volonté a vocation à changer le monde, alors qu'en réalité elle débouche sur le nihilisme. Je pense que nous allons vers le pire effectivement, un peu plus chaque jour, qu'en penses-tu, n'ai-je pas raison ?
La science peut aussi être instrumentalisable et manipulatrice, car tous les hommes ne sont pas égaux devant elle.
Il n'y a qu'une seule chose valable au fond pour l'homme de sexe masculin, c'est le pouvoir et le prestige qu'il confère aux yeux de la gent féminine, tous les rapports humains sont déterminés par ce fait là. On ne peut rien au fait que les femmes recherchent chez l'homme la sécurité d'une bonne situation sociale, et ont généralement besoin de se sentir rassurées pour jouir, alors que les hommes recherchent plus chez la femme, la beauté que le rang social.
Il n'y a qu'une seule chose qui compte pour un individu quel que soit son sexe, c'est la réussite, d'une façon ou d'une autre, se réaliser soi-même, et cela passe le plus souvent par le pouvoir plutôt que la sagesse, et la puissance démesurée que cela donne sur les autres.
Si l'homme pouvait complètement se passer de ses pairs alors il serait pleinement heureux, car comme le dit si bien Sartre, « l'enfer c'est les autres ».
Et malheureusement dans les relations humaines on retombe toujours dans la quête du pouvoir, la volonté de puissance ou de domination, le caprice... Tous nos efforts se résument à ça : la quête de la reconnaissance sociale.

Comme l'homme est un animal social, difficile de se réaliser dans l'autarcie.

Mon anormalité manifeste est due à une anomalie de croissance créée par un traumatisme relationnel au père, et non le fruit d'une anomalie génétique. Génétiquement j'étais quasi parfait, je n'aurais pas été myope ni eu des cheveux blancs précocement sans cette anomalie de croissance liée à un choc affectif difficilement supportable pour un enfant en très bas âge, mon père non seulement a désiré ma mort, mais il est passé à l'acte, seule une poignée de gens peuvent comprendre, si ils l'ont vécu, Pasolini l'avait vécu, cela se ressent dans son film Œdipe Roi. Voilà le secret de mon anormalité : un père infanticide.
Or dans la mythologie, le destin du père infanticide Laïos, est précisément et paradoxalement, d'être tué par son fils et en même temps d'en être par lui, rendu cocu, c'est donc très contre-productif pour un père d'être infanticide, et le passage à l'acte. »

Lui : « Tu m'as tellement fatigué que je vais dormir... »

Moi : « Bon, c'est trop facile pour toi, dans la posture pseudo vertueuse de la bien-pensance de gauche, alors qu'au fond tous tes instincts profonds te poussent à strictement le contraire. Tu es totalement brimé par ton Surmoi de gôche, tu ne laisses parler tes pulsions, qui sont très fortes, qu'à travers ton comportement destructeur. Telle est l'aporie du progressisme ! »

Lui : « À part moi t'as d'autres os à ronger ? »

Moi : « Heureusement pour toi, en t'affirmant l'auxiliaire actif de la bien-pensance, tu peut diriger tes pulsions destructrices contre les autres, les déviants (de droite attachés aux traditions archaïques... plus encore que contre d'éventuels salafistes !), plutôt que de les retourner bêtement contre toi-même. C'est un signe d'intelligence et d'adaptation, réjouis toi ! »

Lui : « Et le surmoi sert bien à contenir ses pulsions non ? Les gens de droite en sont finalement plus ou moins dépourvus puisque c'est la loi de la jungle leur modèle. »

Moi : « C'est parce que tu ne vois pas le lien entre libéralisme politique qui est plutôt de gauche avec les droits de l'Homme, le féminisme, l'antiracisme etc... et le libéralisme économique qui est plutôt de droite avec le culte de l'avidité et du profit. En réalité les deux sont totalement liés, c'est pour cela qu'on sort peu à peu de la classique bipolarité droite/gauche, parce que les gens commencent à sentir par instinct que cela revient pratiquement au même. Seul un socialisme plaçant la décence commune au cœur de son projet de société permettrait d'en sortir (Common decency, George Orwell).
Malheureusement on voit bien dans la réalité que les peuples par instinct pensent s'en sortir par le national populisme, donc la colère ; plutôt que par l'organisation du partage des richesses, donc la raison. »

Lui : « Je ne vois pas le lien car il n'existe pas. À part dans ta tronche de cake... »

Moi : « Il existe effectivement, le libéralisme politique à outrance, la quête toujours renouvelée de nouveaux droits de l'Homme inédits, a partie liée avec le libéralisme économique, et ça nos décideurs économiques l'ont bien senti, qui encouragent cette quête libérale de droits nouveaux, qui ne mange pas de pain, et ne remet aucunement en question leur quête du profit. Ils font de l'extrême gauche leur idiot utile, favorisant l'accueil des migrants, le no border, l'abolition des frontières, qui en réalité sert leurs intérêts de profit. Il n'y a que les idiots effectivement pour ne pas voir le lien qui saute aux yeux !
L'extrême gauche pour eux, plus hédoniste et consumériste que véritablement organisée, est bien moins dangereuse que le communisme, mais ils se méfient des composantes communistes résiduelles propres à l'extrême gauche, sinon Macron ne craindrait pas Mélenchon ! Or l'attaque judiciaire violente à l'encontre de ce dernier, semble prouver que le pouvoir le craint peut-être plus encore que l'extrême droite et sa leadeuse Marine Lepen, dont le président est parvenu très facilement à bout au terme d'un débat où il n'y a pas eu photo, et d'une campagne de l'entre deux tours orientée et manipulatrice. Sans doute le président espère-t-il pouvoir refaire facilement le même coup en 2022, alors que Mélenchon s’avérerait un adversaire bien plus coriace.
Entre les partisans du no border et les partisans libéraux de la libre circulation des biens et des personnes à travers le monde, la seule différence est dans l'écart abyssal de moyens, les partisans du no border d'extrême gauche, sont dans la perpétuelle agitation et agressivité et sont généralement misérables, alors que les partisans libéraux de la libre circulation sont richissimes, calmes et maîtres de leurs nerfs, c'est une grosse différence effectivement. Mais ce qui compte c'est l'accord sur le plan des idées, les partisans du no border sont les idiots utiles, les alliés objectifs des libéraux richissimes, contre ce qui reste du communisme ou encore les nationaux populistes. »

Lui : « Aucun lien entre droits de l'homme et libéralisme économique non, si ce n'est le recul des premiers sous pression du second. »

Moi : « Attali est un critique avisé de Marx, et il voit bien que certaines thèses du vieux barbu vont dans le sens de la mondialisation économique, avec son idée de « prolétaires de tous les pays unissez-vous ! ». En réalité ce sont désormais les bourgeoisies déterritorialisées, donc plutôt progressistes de gauche que traditionnelles et patriarcales de droite, de tous les pays qui s'unissent contre les peuples.
La revendication libérale des droits de l'homme n'a rien à voir avec la justice sociale et la justice tout court, il n'y a qu'à voir la posture d'un BHL.
L'extrême gauche a fait totalement passer au second plan sa revendication de justice sociale au profit d'un discours sur les droits de l'homme et l'abolition des frontières, qui arrange bien le patronat. »  

Lui : « Il n'y a qu'un esprit pervers comme le tien pour faire distinction entre droits de l'homme et justice sociale puisque cette dernière est censé mettre en œuvre les droits de l'homme justement. »

Moi : « Ce n'est pas un idéal de justice social qui aujourd'hui met en oeuvre les droits de l'homme, mais tout le contraire, sur toile de fond d'avidité et de quête rapace du gain. Tu es manipulé, et le propre d'un bon conditionnement et d'une bonne manipulation est que l'on en a pas conscience. Tu es ce qu'on appelle un bon client !
Un bon client du système, ah ah ah !! Je ris de ta naïveté intrinsèque... »

Lui : « T'es un gros connard qui voit le complot partout et qui en plus se croit au dessus de la mêlé, pauvre type. Je suis « Droitdel'Hommiste » et fier de l'être, tu serais un petit serf breton sans les droits de l'homme et du citoyen, patate ! »

Moi : « Il n'y a qu'une seule règle, le reste c'est de l'amusement pour épater le gogo, c'est « touche pas au grisbi ! »

Lui : « Une petite merde insignifiante taillable et corvéable. Crache dans la soupe avec tes amis réacs, petite merde ! »

Moi : « Mais plus haut dans le fil tu faisais référence à la « pilule bleue », référence à Matrix ? Choisir la pilule bleue c'est choisir le réel ou la réalité derrière le réel ? »

Lui : « La rouge pour le vrai réel, je me suis planté. »

Moi : « Tu as vraiment le sentiment d'être si bien traité que ça par le système et tu n'éprouves aucune empathie pour tes pairs qui font de plus en plus le choix d'un vote national populiste ? Tu n'essaies pas de comprendre un tel choix, parce que globalement tu t’accommodes finalement bon gré mal gré du système dans son ensemble malgré ses défauts ? »

Lui : « Absolument pas, ce sont la peste et le choléra, rien n'excuse le vote RN à part la bêtise crasse et la méchanceté. La méchanceté est moins dangereuse chez un crétin que chez un jeune loup de la Silicon Valley, je te le concède. »

Moi : « Personnellement je comprends le populisme et le rejet des élites bobos, car c'est gravé dans mon histoire intime, mais tu ne veux pas faire l'effort de comprendre l'Autre. Qu'importe ! Je préférerais un courant populiste mais utopiste dans une lignée anarchiste et de gauche que le mouvement national populiste qui est effectivement une expression de la bêtise. Cependant difficile de s'opposer au mouvement, s'en dissocier c'est faire preuve de conservatisme, ce que sont devenues les élites de gauche qui se proclament encore paradoxalement et à tort, progressistes, alors qu'elle sont devenues profondément corrompue, moisies et conservatrices. »

Lui : « Là tu parles des élites en général. »

Moi : « Plus on monte dans la hiérarchie, plus il y a de la perversion effectivement, la naïveté et la décence sont le propre des classes populaires. Souvent les élites ont commencé leur carrière avec des idéaux de décence, utopistes et populaires ; mais en montant les échelons, par réalisme, on est peut-être obligé de devenir pervers pour tenir sa place, ou par ennui.
On devient inutile alors il faut bien s'occuper d'une manière ou d'une autre avec tout l'argent que l'on touche en récompense de sa vanité, car : « la hiérarchie c'est comme les étagères, plus c'est haut moins ça sert. »
Je n'en sais rien, je ne peux pas l'éprouver, car je n'ai pas l'insigne privilège et la chance de faire partie de l'élite ; mais au spectacle de l'élite, j'ai effectivement assisté à ce genre de processus, notamment chez ma génitrice et ses ami(e)s... »