D'abord il faut bien voir que l'antisémitisme est une manifestation du nihilisme, en ce que le judaïsme est porteur des valeurs, négatives comme positives, qui structurent notre société contemporaine démocratique ; tout comme le catholicisme avait structuré la société féodale puis absolutiste, antérieure à la Révolution française. S'attaquer aujourd'hui à la démocratie, c'est s'attaquer directement au judaïsme, et derrière le judaïsme, il y a des Juifs en chair et en os. Nous ne pouvons pas nous « offrir le luxe » délétère de répéter un évènement aussi horrible que l'Holocauste, même si nous pouvons comprendre les réactions de ressentiment de la part de gens pour qui le système paraît profondément injuste, pratiquant systématiquement le deux poids deux mesures, toujours à l'avantage d'une certaine catégorie de la population - il ne s'agit pas d'un fantasme mais d'une réalité. Cependant nous avons besoin d'une transgression par rapport aux valeurs de la démocratie, pour véritablement en sortir, et accéder à un nouveau paradigme qui ne reposerait plus sur la croissance, mais sur son contraire : la décroissance. Non parce qu'un tel système avantage les Juifs et que ce n'est pas juste, mais parce qu'un tel système est mortifère en soi, pour l'ensemble des habitants de la planète, y compris pour le judaïsme à terme, et les Juifs en chair et en os qui se trouvent derrière. Il ne s'agit donc pas d'une transgression d'extrême droite dont je parle, mais plutôt axée sur des valeurs socialistes et de décence commune, s'inspirant de l'œuvre de George Orwell dont Michéa s'est fait l'héritier en France, pour nous faire part de la nécessité de faire cohabiter un socialisme d'inspiration marxiste dans sa critique du capitalisme, avec des valeurs conservatrices, qui respectent les convictions profondément enracinées des gens, parfois religieuses, leur décence commune qui leur fait voir par simple bon sens, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas - comme s'enrichir outrageusement comme le font nos milliardaires, sur le dos de l'ensemble de la société. Ce que ne respecte plus le néolibéralisme dans son ensemble, avec son système néodarwinien de guerre de tous contre tous, pour la plus grande partie des travailleurs maltraités n'arrivant plus à boucler leurs fins de mois.
D'autre part il faut noter aussi qu'un tel matraquage sur la Shoah et tous les crimes qui tournent autour, dont fait preuve l'ensemble de nos médias, de nos éminents grands sages, et divers intellectuels, peut s'avérer à terme contre-productif, par l'effet de ras-le-bol qu'il est susceptible de créer sous la forme de réflexions du genre : « il n'y en a que pour eux ! »
Je voudrais apporter mon témoignage de ce qui constitue selon moi un processus de création. Il m'a fallu plus de 30 ans pour comprendre ma maladie et j'ai enfin compris, mais ça ne servira plus à grand-chose : j'ai l'impression d'être devenu trop vieux. Au début de l'année 1993, Élisabeth de Fontenay m'avait fait un cadeau exceptionnel, à moi qui suis de la race des créateurs, des artistes, mais qui l'ai toujours refusé de toutes mes forces, parce que je voulais être normal, comme les autres, me fondre dans la masse et passer inaperçu ; passer inaperçu pour ne pas recevoir de coups. Alors que c'est un contresens : c'est en voulant se fondre dans la masse et passer inaperçu que l'on se prend le plus de coups, et que l'on commet aussi les plus grands crimes en s'éxonérant de toute responsabilité individuelle - comme ce fut le cas de beaucoup de criminels nazis, souvent de simples soldats, rejetant la faute de leurs crimes sur les ordres auxquels ils devaient obéir (comme Eichmann rejetant la faute sur l'ordre reçu, dont cela constitue un devoir moral de type kantien d'obéir). In fine il n'y aurait qu'un seul responsable en bout de chaîne, Hitler himself, pour qui les Juifs étaient un poison à exterminer, ce qui constitue la singularité d'Hitler par rapport à toutes les autres formes d'antisémitisme, qui sont certes l'expression d'un ressentiment mais pas exterminateur. Comme le disait Bernanos : « Hitler a déshonoré l'antisémitisme ! » D'ailleurs Élisabeth de Fontenay avait fini par admettre que je devais être un individu assez répugnant et veule (comme Céline ?). Ce cadeau c'était un simple don, qui m'avait permis de développer des forces créatrices permettant de cautériser la maladie. Je l'ai refusé de toutes mes forces d'une part parce que ça ne faisait pas plaisir à mon père, ça lui faisait peur et surtout de l'ombre : c'était absolument incompréhensible pour lui, et il me poussait de toutes ses forces à ce que je me détruise moi-même ; mais surtout parce que cela a toujours fait très peur à la société - ce qui a poussé à écrire Artaud je crois bien, que Van Gogh était au fond un suicidé de la société. Je crois avoir compris que chez Artaud aussi, la pulsion d'autodestruction était très forte. C'est d'autant plus fort que les phases créatrices peuvent être très rares, ce qui produit un sentiment de frustration auto-destructeur : notamment en allant chercher dans les psychotropes un stimulant, alors qu'il s'agit toujours davantage d'un poison ; certes à double tranchant comme tout pharmakon qui se respecte. Aussi parce que du côté de ma mère, psychologue freudo-lacanienne, ça lui faisait peur également, cette anormalité dans un milieu pour qui la normalité selon la définition de Freud, c'est aimer et travailler. Or un créateur est incapable de travailler comme les autres, comme le montrent très bien certains films de Pasolini où il va excaver le processus de création chez l'artiste : il a besoin d'autres nourritures et il est surtout incapable d'être normal.
Je tiens avant tout à présenter mes excuses à Élisabeth de Fontenay et à Olivier Chedin, et même à vous - car d'une certaine façon j'ai trahi leur confiance, qui avaient compris ma maladie et s'étaient échinés à m'en sortir, qui est exactement de même type que celle d'un Artaud, d'un Rousseau, mais aussi d'un Hitler, génie du mal peu importe mais génie quand même, et c'est là où le bât blesse. Or nous étions dans les années 90 et je faisais des études de philosophie à la Sorbonne là où vous officiiez en tant que professeur de philosophie de l'art, André Glucksmann notamment venait d'écrire le XIème commandement, l'époque n'était pas finalement à reconnaître les génies et à les développer, mais d'une certaine façon à les pourchasser en raison d'une tare qui les apparente à Hitler. Or je peux vous dire que j'avais très bien compris tout ça, et que j'étais ambivalent entre mon désir de m'en sortir et celui de ne pas ressembler à Hitler. Je peux vous dire aussi que j'ai fait une expérience avec le cannabis à ce moment-là, qui a totalement annihilé mes forces, d'autant plus que par le passé j'avais été un très gros consommateur de cannabis, de 17 à un peu plus de 18 ans, ce qui avait déjà complètement annihilé toutes mes forces et même replongé dans un genre de psychose originel, qui est au fond l'état premier du créateur, son état latent. Ce joint que j'avais fumé après un processus de création qui m'avait conduit à produire une œuvre d'art produisant un effet de catharsis salvatrice sur mon esprit, a eu un effet totalement contre-productif : il a complètement détruit chez moi tout l'effet bénéfique pour l'esprit du processus de création - parce que j'étais en réalité dans un état bien trop fragile, en pleine gestation créatrice. Effectivement pour un créateur, le processus de création est la seule médecine possible, il n'y en a pas d'autres, ni le travail, ni même l'amour. Ou alors l'amour, mais en ce qu'il permet d'alimenter ce processus de création (qui certes exige beaucoup de travail) - ce qui est toujours extrêmement frustrant pour un(e) partenaire. Pour un créateur, hormis la création, point de salut !
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