samedi 28 octobre 2017

Pasolini, Cassandre moderne


Les Français et plus généralement les Européens, ne savaient pas que l'enchantement de leur monde commun, monde commun qui était par ailleurs la condition de possibilité de cet enchantement, avait une racine chrétienne et plus précisément catholique pour ce qui est de l'enchantement, car le calvinisme allait déboucher sur l'aporie capitaliste c'est-à-dire matérialiste dans laquelle nous nous trouvons.
L'immoralité et non pas seulement l'amoralité impliquée par le matérialisme finissant par détruire toute idée de décence commune c'est-à-dire de morale impliquée par le catholicisme. En se coupant de cette racine religieuse qui était aussi la racine de l'Esprit des Lumières, ce que n'ont pas assez senti des philosophes comme Diderot ou Rousseau, le Réel est devenu sordide, glauque et ultra-violent, alors que nos philosophes des Lumières pensaient naïvement qu'il allait déboucher sur un "matérialisme enchanté".
Ils ont sous estimé la part d'ombre de la nature humaine, ils ont péché par excès de confiance et d'optimisme, par un genre d'arrogance hélas propre à la plupart des philosophes. Type anthropologique très particulier qui a toujours refusé de rentrer dans le rang, et qui nous fait payer à tous collectivement les excès de son arrogance.
Espèce très particulière, admirable certes, que celle des philosophes, mais elle-même en voie de d'extinction sous l'effet de la disparition du monde commun qui était la condition de possibilité de l'enchantement ; alors que le "matérialisme enchanté", ce soi-disant Esprit des Lumières, on l'attend toujours et qu'il ne viendra jamais.
Mais nos contemporains ont recouvert ce Réel qu'ils ne sauraient voir, comme Tartuffe demandant que l'on cache ce sein qu'il ne saurait voir, du voile "pudique" de l'idéologie, fut-elle à leurs dires anti-raciste, afin de le cacher à leurs yeux et qu'ils puissent continuer à vivre dans un pseudo confort moral, alors que tous les signes d'un déclin civilisationnel, sexuel et moral irréversible, sont là pour les inquiéter. Or le masque de l'idéologie n'est jamais beau, ni même décent, il est toujours hideux et menaçant, mais je veux bien admettre qu'il soit la condition de survie psychique de nos contemporains.
Mais eux refusent de se laisser inquiéter par la laideur et la violence qui les submergent et préfèrent continuer à vivre dans le Déni, plutôt que de périr dans la Vérité. Car tel est bien le danger que fait courir la Vérité, mener à sa perte par le désespoir que constitue la lucidité. Le destin tragique de la Vérité est bien souvent, tel pour Cassandre ou pour Pasolini, Cassandre moderne, la mort tout simplement.
Le communisme fut créé en réaction à l'injustice impliquée par les effets du capitalisme, mais il déboucha sur un cuisant échec, car il fit sa raison d'être du développement des moyens de production pour le développement des moyens de production sans autre finalité, si ce n'est de rattraper son retard économique sur les pays capitalistes. Plutôt que de se soucier de justice et du bonheur des peuples comme ce fut sa vocation originale et originelle.
Comme le communisme se fut rapidement dévoyé et fourvoyé hors de sa vocation d'origine, il se trouva promis à générer une injustice pire que celle qu'il prétendait combattre et qui était celle par essence du capitalisme, qui lui n'a jamais eu la mauvaise foi de s'en cacher et qui est contenue dans ses prémisses adam smithiennes de culte du vice privé et de l'égoïsme intime, cause selon elles de toutes les vertus publiques, de toute prospérité.
La question qui reste aujourd'hui posée est, de l'égoïsme ou de l'altruisme qu'est-ce qui est le plus conforme à la nature humaine ? 1500 ans de civilisation chrétienne plaident en faveur de l'altruisme. Seulement 250 ans de civilisation libérale, capitaliste et industrielle, pourraient sembler devoir plaider en faveur de l'égoïsme. Là on ne peut pas encore porter de jugement définitif, il y en a qui ne jurent que par l'innovation et le progrès, donc qui voient le verre à moitié plein, et d'autres qui constatent les conséquences catastrophiques sur le type anthropologique que constitue l'Homme et sur l'environnement de ce culte de l'égoïsme, donc qui ne voient que le verre à moitié vide.
Et aujourd'hui, à travers les baby-boomers incarnés par Macron, cette génération à nulle autre pareille et dont mai 68 en France constitua l'acte de naissance, le rêve siliconien et libéral-libertaire de toute-puissance matérielle et temporelle, consistant dans le projet transhumaniste d'immortalité et de jeunesse éternelle, dans la continuité de 250 ans de civilisation libérale, capitaliste et industrielle, dont la racine est historiquement anglaise encore plus que française. Ce n'est pas pour rien qu'en France les baby-boomers et leurs émules parmi leurs enfants sélectionnés et élus, aient choisi comme représentant une icône de la jeunesse dorée comme Macron.

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