mardi 20 avril 2021

Les légendes urbaines dans une société victimaire


 

Dieu est mort c'est pourquoi l'homme a encore davantage besoin de mythes pour se structurer. Notre « civilisation » (qui n'en est en réalité plus une, et Nietzsche y a sans doute un peu contribué) repose sur des mythes ou des légendes urbaines désormais souvent liés à la sous-culture populaire et déracinée d'origine US où l'on trouve à gogo les notions de sacrifice et de bouc-émissaire (comme dans les films de série B) ; sans du tout qu'il y ait une quelconque notion de punition ou de culpabilité à tuer son prochain, car après tout si dieu est mort qui va me punir ? Donc tout est permis comme l'évoquait Dostoïevski. Comme par exemple pour les femmes blanches de haïr leurs enfants car ils sont une entrave à leur jouissance (or cette entrave n'est-elle pas en totale contradiction avec l'un des slogans de 68 ?)

Je vais prendre un exemple concret : pour en revenir à la genèse des Rolling Stones et expliquer pourquoi il s'agit certainement du groupe de rock le plus mythique de tous les temps. C'est d'abord parce que même les masses déshumanisées et dénuées d'âme qui composent nos sociétés néolibérales ont besoin de mythes, et surtout de mythes fondateurs privées qu'elles sont de fondations issues de la tradition ; et c'est ensuite parce qu'il est fort probable que Brian Jones ait été victime d'un meurtre (pourquoi pas Mick Jagger lui-même ?).

C'est sur ce bouc-émissaire appelé Brian Jones et ce crime fondateur hypothétique que s'est réellement construit le mythe appelé Rolling Stones, qui finalement a bien une origine. Le mythe ou la légende urbaine permettent de rétablir la réconciliation, la communion, la joie, la transe, au sein d'une communauté grâce au meurtre fondateur, pendant le temps qu'il dure dans le souvenir, c'est-à-dire dans nos sociétés structurées par l'image et le son, où tout va très vite : un laps de temps éphémère. D'où la nécessité de répéter les meurtres pour assurer la cohésion sociale, voire le miracle de la joie et de la transe par la naissance d'un mythe comme un groupe de rock ou un film culte ; contrairement à une civilisation, comme celle catholique structurée par le verbe et dans la durée, ayant recours à la répétition symbolique du même meurtre rituel depuis la nuit des temps au cours d'une cérémonie sacrificielle : la messe avec son curé en gros !

Comparé au temps de la royauté structuré par la religion catholique en France et le meurtre fondateur que constitue celui du Christ, le temps de la République sera je le pense assez court (elle s'effrite aujourd'hui de partout, la France étant désormais un archipel, un patchwork de communautés antagonistes). Les régimes qui risquent de venir après elle (c'est-à-dire très bientôt), sans doute d'ordre totalitaire, comme le nazisme ou le communisme, seront sans doute éphémères et extrêmement brutaux. Avec comme pour le nazisme la tentation de répéter le sacrifice de boucs-émissaires, régulièrement, à grande échelle, et à cadence élevée, pour gagner la réconciliation de la communauté comme une épreuve à sans cesse répéter pour ne pas qu'elle s'effondre ; ou comme pour les Romains par le sacrifice de gladiateurs ou leur équivalent moderne et contemporain. Un peu sur le modèle de Mad Max II avec l'emblématique et très bon Mel Gibson (auteur de l'excellent film Apocalypto) en héros, en gladiateur du futur, c'est-à-dire en victime sacrificielle.

La Shoah sert de crime fondateur de nos sociétés occidentales des droits de l'homme depuis 1945 ; disons plutôt depuis le début des années 80 (car avant il s'agissait plutôt de se souvenir du sacrifice des résistants) et une campagne d'information et de sensibilisation à ce crime contre l'humanité, assez ahurissante mais pas du tout injustifiée notamment sous l'impulsion de Claude Lanzmann. Aujourd'hui presque 80 ans après, on a l'impression que la Shoah a eu lieu hier, que les nazis sont toujours là circulant librement dans les rues, justifiant la chasse aux sorcières concernant la moindre opinion déviante (aujourd'hui plutôt musulmane accusée d'antisionisme viscéral et consubstantiel), ou pire qualifiée de complotiste ; la sensibilité est encore à vif et la plaie pas du tout refermée (certains l'instrumentalisent qu'ils soient juifs ou non d'ailleurs pour en tirer des compensations matérielles ; ou même carrément la présidence de la France à l'instar de la campagne présidentielle de Macron axée sur ce crime contre l'humanité). Et tout ce qui peut nous rappeler ce crime odieux comme le meurtre de Sarah Halimi nous plonge dans un océan de perplexité, comme si les gens n'avaient toujours rien compris. Or non, l'homme étant ce qu'il est, c'est-à-dire pas grand-chose, c'est-à-dire un néotène, un animal inachevé et fragile structuré par le symbolique et le besoin du sacré, il aura toujours besoin du sacrifice de boucs-émissaires pour se réconcilier avec lui-même au sein d'une communauté apaisée par le sang versé, cela qu'il soit chrétien, musulman, bouddhiste, athée ou même juif. Nous ne sommes qu'ombres et poussière.

La société des droits de l'homme constitue un contresens sur la réalité de la nature humaine, une surestimation tragique de la raison, et un fourvoiement anti-civilisationnel et amoral qui va nous coûter très cher : c'est-à-dire rien de moins que l'effondrement de la société occidentale supplantée démographiquement selon moi par la civilisation islamique sur les terres même qui avaient vu s'épanouir le christianisme ; l'Europe.

Vous pensez que les gens sont réellement sincères et authentiques autour de tout ce qui concerne la Shoah, exprimant de réels regrets et un esprit de compassion, d'empathie ? Je ne le pense pas, il y a énormément d'hypocrisie et d'intérêts derrière tout ça ; je dirais presque une guerre civile larvée dans les rapports humains, désormais victimaires pour obtenir plus de droits que son voisin !  Tout le monde souhaite s'engouffrer dans la brèche de la victimisation à outrance, non pour rester une victime mais pour devenir un gagnant.

Nous vivons bien dans une société victimaire, c'est bien pour ça qu'il ne s'agit plus d'une civilisation. Car la nature d'une civilisation est d'être sacrificielle, ce que l'islam est encore puisque sa part maudite est toujours la conquête, et que des musulmans hommes et femmes sont actuellement prêts à se sacrifier pour ça ; en commettant des attentats ou en faisant beaucoup d'enfants. Qui serait prêt aujourd'hui à se sacrifier pour la société occidentale ? Pour Israël oui les Juifs seront prêts à se sacrifier, mais pas pour le reste de l'Occident.

7 commentaires:

  1. Votre texte est long. Je m'attarde un peu sur cotre première phrase. Vous semblez ignorer que les Droits de l'Homme sont déjà contenus dans le Déclaration d' Indépendance des USA, et qu'ils ont été énoncés en Europe d§s le début de la Révolution française. Ca ne date donc pas de 1945,

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    1. "La Shoah sert de crime fondateur de nos sociétés occidentales des droits de l'homme depuis 1945" ; cela ne veut pas dire que les droits de l'homme remontent à 1945, mais que le crime fondateur remonte à 1942-1945, et que depuis les année 80 et la réactivation de la culpabilité collective (une notion plus religieuse que laïque) autour de la Shoah, notamment par le film de Claude Lanzmann, la société s'est structurée autour de ce crime contre l'humanité (un peu comme la tribu archaïque s'est structurée autour du meurtre du mâle dominant et en a retiré des lois). Il y a donc selon moi une idée de crime fondateur aujourd'hui au sein de nos sociétés laïques et émancipées, pourtant nous ne vivons plus effectivement depuis 1789 en France dans une société sacrificielle structurée par la religion et les traditions : c'est ce qui est paradoxal. La République a tenu un certain nombre d'années depuis 1789 autour de la promesse d'un idéal optimiste d'émancipation et de liberté, promesse en réalité jamais tenu pour la majorité du peuple mais juste pour la bourgeoisie (cf. critique de Marx des sociétés bourgeoises) ; puis elle a envoyé des millions de jeunes gens se sacrifier pour la patrie républicaine dans la boucherie de 1914. La société est devenue victimaire, qui est un mixte de droits de l'homme et de culpabilité collective (notion religieuse) autour de tous les crimes passés des Occidentaux, non pas en 1945 mais au début des années 80. Bref ce que j'essaie de vous démontrer c'est que la société des droits de l'homme ne tient pas la route car elle a sans cesse recours à des additifs d'origine religieuse comme la culpabilité, dont elle fait un usage immodéré et paradoxal (cf. la campagne présidentielle de Macron) ; paradoxal parce que dans une société émancipée et gouvernée par la raison il ne devrait pas y avoir la moindre trace de culpabilité. C'est d'ailleurs ainsi, dans la négation de toute idée de culpabilité (il est interdit d'interdire !) qu'ont vécu les baby-boomers, avec selon moi le résultat désastreux que l'on voit aujourd'hui pour les générations qui viennent après devant payer les dettes accumulées par leurs parents.

      Vous l’aurez compris je ne crois pas du tout à la société des droits de l’homme, qui aura la conséquence suivante selon moi comme je vous l’ai expliqué dans mon texte « long » selon vous : « La société des droits de l'homme constitue un contresens sur la réalité de la nature humaine, une surestimation tragique de la raison, et un fourvoiement anti-civilisationnel et amoral qui va nous coûter très cher : c'est-à-dire rien de moins que l'effondrement de la société occidentale supplantée démographiquement selon moi par la civilisation islamique sur les terres même qui avaient vu s'épanouir le christianisme ; l'Europe. »

      C’est une hypothèse probable dans le champ des possibles ; je ne dis pas non plus que c’est une prévision certaine et inévitable, cela dépendra aussi de la capacité de réaction des Occidentaux à remettre en cause leurs propres certitudes et principes.

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    2. victor-laylydbmail-com21 avril 2021 à 11:15

      Vous êtes complètement à côté de la plaque. Vous n'êtes pas, manifestement, au courant de l'évolution de "l'histoire moderne".
      Vous faites référence au film magnifique de Claude Lanzmann. Mais cette œuvre est jetée aux oubliettes par les sites sionistes (il serait plus juste de dire nétanyhaens). eux mêmes, pacte d'Abraham oblige.
      Non, le marqueur essentiel de la culpabilité, ce n'est plus la Shoah, c'est le crime contre l'humanité colonial.

      Au sujet de la deuxième guerre mondiale, le fait marquant, ce n'est pas la Shoah, qui serait un "détail" (la propagande des partisans de Nétanyahou rejoint, qui l'eut cru, les paroles inqualifiables de Jean-Marie Le Pen). Selon ces sites de "nouveaux historiens modernes", le fait marquant, c'est le viol des femmes allemandes par les soldats russes. Les Allemands étaient des braves gens trompés par Hitler "à l'insu de leur plein gré" et à juste titre terrorisés par les Russes. Les pires des nazis, bien pires que les SS, les bandéristes ukrainiens, n'étaient pas en réalité des nazis. C'étaient des braves types patriotes. La preuve, ce sont eux, et pas les Russes, qui ont libéré Auschwitz.
      D'ailleurs, pour le soixante-dixième anniversaire de la libération d'Auschwitz, la Russie n'a même pas été invitée. Une honte totale!
      Toutes ces arguties sur la "nouvelle histoire" entrent dans le cadre de la guéguerre antirusse. Ce sont les nazis bandéristes qui ont fait le coup d'état de Kiev (soutenus par BHL et les occidentaux). Donc, ce sont des saints innocents. BHL l'a dit clairement à Zemmour: "mon ennemi, c'est la Russie".

      Notre culpabilité doit donc se déployer suivant deux axes.
      Premièrement, la culpabilité coloniale.
      Deuxièmement, vis à vis du quatrième Reich bruxello-germanique, la culpabilité d'avoir fait aux Allemands des griefs injustifiés.

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    3. Au fond vous êtes d'accord avec moi : « la société des droits de l'homme ne tient pas la route car elle a sans cesse recours à des additifs d'origine religieuse comme la culpabilité, dont elle fait un usage immodéré et paradoxal (cf. la campagne présidentielle de Macron) ; paradoxal parce que dans une société émancipée et gouvernée par la raison il ne devrait pas y avoir la moindre trace de culpabilité. C'est d'ailleurs ainsi, dans la négation de toute idée de culpabilité (il est interdit d'interdire !) qu'ont vécu les baby-boomers, avec selon moi le résultat désastreux que l'on voit aujourd'hui pour les générations qui viennent après devant payer les dettes accumulées par leurs parents. »

      Vous ne remettez pas en cause l'idée de culpabilité, ni celle de société victimaire : j'irais même plus loin, vous me donnez entièrement raison ! Vous soulignez simplement que je suis has been et que je me trompe de marqueur ; sur ce point vous avez certainement des informations plus récentes que les miennes et vos arguments sont tout à fait crédibles, intéressants et pertinents, et je veux bien vous croire ; mais ce n'était pas le fond de mon propos qui est de dénoncer le type de société victimaire dans laquelle nous évoluons.

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  2. Parce que ce seraient le fascisme et la barbarie la vraie nature humaine.Qu' est-ce que vous faîtes de l' influence de la Bible et des Lumières sur 1789? Il faut prendre conscience de l' Histoire et de son caractère tragique, pas forcément culpabiliser.Quant à la Shoah elle est aussi le produit de siècles d' antisémitisme délirant, d' eugénisme fou

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    1. « l'homme étant ce qu'il est, c'est-à-dire pas grand-chose, un néotène, un animal inachevé et fragile structuré par le symbolique et le besoin du sacré, il aura toujours besoin du sacrifice de boucs-émissaires pour se réconcilier avec lui-même au sein d'une communauté apaisée par le sang versé, cela qu'il soit chrétien, musulman, bouddhiste, athée ou même juif. Nous ne sommes qu'ombres et poussière. » Le fascisme et la barbarie ne sont pas la vraie nature humaine, mais ils sont la conséquence tragique de la philosophie des Lumières beaucoup trop optimiste sur la nature humaine, car l'enfer est pavé de bonnes intentions. Je préfère de loin l'humanisme de la Renaissance qui aurait pu nous mener quelque part, à la philosophie des Lumières qui est un énorme contresens et fourvoiement sur la nature humaine.

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  3. L’idée de « crime fondateur » donne une effrayante légitimité à l’horreur. Merci de m’avoir éclairé. Je comprends ma colère, ma révolte à l’égard de cette sacralisation des victimes, qui, sous couvert de « mémoire », les inhume dans le mausolée de l’Ordre républicain. La Nation a besoin de morts. Lire le très beau texte de Canetti sur Speer, architecte d’Hitler.

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