Ce qui est intéressant chez Houellebecq c'est qu'il parle de
son point de vue, non celui d'un héros, les personnages de Houellebecq sont
souvent des antihéros, ce qui les rend si attachants et si proches, ils sont
humains. Son point de vue, certainement celui d'un petit bourgeois blanc,
masculin, et certainement d'origine chrétienne (catholique ?). Ce qui donne de
la force à sa prose c'est le cynisme qu'il y met, dans le sens noble du terme,
à la manière d'un Diogène. Pour ma part dans les quartiers du 9-3, je n'ai pas
vu y habiter un seul de nos "justiciers" et donneurs de leçon que
l'on voit pourtant si souvent à la télé, dans beaucoup de livres et de films
pleins de bons sentiments, à en dégouliner : ceux qui ne cessent de fustiger Zemmour
et Houellebecq, rangés dans le même sac, et qui par ailleurs vivent dans les
quartiers les plus protégés de Paris ou du reste de la France. Si l'on se sent
vraiment une âme de justicier et de héros, il faut aller enseigner, ou faire
une œuvre de travailleur social, dans les quartiers, il faut montrer l'exemple
et venir y habiter, y aimer, y travailler. Dans toute ma carrière je n'ai
rencontré qu'une seule personne qui avait cette foi de justicier. C'était une
femme, elle était juive je crois et directrice d'école. Je ne citerai pas son
nom, elle n'est pas très connue, mais je crois que de Montreuil ( banlieue en
voie de boboïsation), elle est venue habiter à Bobigny. Femme très forte,
extrêmement dure pour elle-même donc dure avec les autres, personnalité
insupportable à bien des égards, car je pense le défi en réalité impossible à
tenir : c'est-à-dire se nier soi-même en tant que petit-bourgeois blanc,
masculin etc... et se mettre constamment dans la peau de la victime qui est
toujours le noir le musulman ou le rom, dans une moindre mesure la femme, et pourquoi pas l'enfant ou l'animal, ou encore le fou, voire le criminel. C'est en face de gens comme ça, les militants,
que l'on mesure toutes ses limites, c'est aussi par défi que j'ai décidé
d'aller vivre à Sevran, me disant " je peux le faire". En réalité
non, je ne pouvais pas le faire.
C'est une rhétorique très répandue aujourd'hui : vous n'y êtes pas, vous ne le faites pas, donc n'en parlez pas, n'y pensez pas, vous n'avez pas droit. Eh bien moi, je soutiens exactement le contraire : pour bien réfléchir, il faut de la distance et ne surtout pas vivre l'objet de ses pensées. Mais j'ai bien sûr contre moi toute la mentalité actuelle, parfaitement exprimée dans de nombreuses émissions de télévision, qui font l'expérience de nous faire vivre la vie d'autrui. Mon cher Erwan, une fois de plus, tu es plus de notre temps que moi
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