lundi 15 mai 2017

Lettre à un fils d'ouvrier qui vote Macron


Tu n'es sensible qu'à toi-même et à "tes conditions de vie à l'époque", pauvre petite victime annoncée et qui a forcé son destin à la force du poignet ! Mais songe un peu aux conditions de vie de ceux qui ont exprimé un vote de désespoir au second tour et qui sont 11 millions. Ce n'est pas l'arrogance de ceux qui nous gouvernent et de ceux qui les commentent, qui résoudra le problème. C'est peut-être la compassion de certains profs pour le spectacle pitoyable et pathétique que constituait ta vie selon tes dires ("tes conditions de vie à l'époque"), qui explique le succès de ta trajectoire. Succès inespéré qui explique ta volonté de défendre désormais coûte que coûte tes privilèges acquis, sans l'expression de la moindre empathie (mot que tu détestes), ni compassion (autre mot honni, sauf quand elle s'exprime pour protéger le pauvre petit être blessé et désavantagé par sa naissance que tu fus), ni compréhension pour tes ennemis, les électeurs qui exprimèrent un vote de protestation au premier tour des présidentielles, soit en comptant Le Pen et Mélenchon, 14,5 millions d'électeurs qui ne se reconnaissent plus dans le système. Puisque tes ennemis se situent dans l'extrémisme "antirépublicain" selon toi, et que tes adversaires se situaient - jusqu'à l'élection de Macron, qui veut rassembler les deux camps unis contre "la France qui perd" - dans la droite républicaine.
Tout cela sans exprimer pour tes ennemis vaincus la moindre miséricorde, en les traitant par le mépris au mieux, généralement de "cons" sans autre argument, et en enfonçant avec morgue le clou de la victoire, encore et encore, dans le plus pur esprit de partialité, entre "le camp du bien" et les autres, ceux qui n'ont rien compris au projet européen.
Il faudra un jour que tu nous explique ce projet, et aussi, comme disent les politiques lorsqu'ils veulent faire passer une réforme, que tu fasses preuve de pédagogie, par delà le motif psychologique qui te pousse à admirer les puissants, admiration intéressée, selon moi destinée à recueillir leur compassion.
Les classes sociales ne sont plus ce qu'elles étaient, regarde toi, moi instit et toi prof de philo, hiérarchiquement tu m'es socialement supérieur. Je sais que tu t'en fous, que tu ne te détermines pas en fonction du regard des autres, mais par rapport à toi-même, comme tu ne cesses de le répéter. Détrompe-toi c'est grâce au regard bienveillant de certaines personnes que tu t'es épanoui et développé, sans doute des gens qui aujourd'hui votent pour Macron, donc on peut comprendre que tu leur sois reconnaissant, on peut le comprendre mais ne pas être d'accord.
Tu t'es arraché à ta condition de prolétaire, mais tu es aussi le fruit d'une certaine époque où "l'ascenseur social" n'était pas en panne, et où les "prolétaires" dans les années 70 étaient vachement à la mode, ça faisait tellement classe de mépriser les bourges à cette époque ! Ce n'est malheureusement plus le cas : c'est là que réside ta mésinterprétation de l'époque contemporaine. Les types nés comme toi aujourd'hui ne s'arrachent plus à leur condition, car ils ne sont plus du tout à la mode, et ceux qui ont entre 20 et 30 ans issus d'un milieu ouvrier, votent majoritairement FN. En les traitant de cons c'est un peu toi-même que tu traites de con si tu étais né 20 ans plus tard.
Toujours est-il que ce serait moi qui aurait un préjugé bourgeois et pas toi ! C'est l'hôpital qui se fout de la charité !
Les classes sociales ne furent plus ce qu'elles étaient, il faut le dire au passé, grâce aux "trente glorieuses" et leur générosité matérielle et redistributive, et aussi leur lot d'intellectuels contestataires tels Deleuze, Sartre, Foucault... favorables au renversement des hiérarchie traditionnelles.
Mais tout cela n'est plus du tout dans l'air du temps et on assiste avec le néolibéralisme qui suit sa trajectoire ascendante depuis 1983, à une Restauration de classes, dont Macron constitue un modèle emblématique, et un fervent militant de l'accroissement des inégalités. C'est pour cela que je pense que tu te trompes énormément en le soutenant aveuglément.


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