jeudi 31 mai 2018

Le libéralisme est soixante-huitard avec Macron



J'ai connu des personnes superbes qui avaient fait mai 68, sans arrières-pensées comme pour les religions d'en obtenir une récompense, par vénalité, mais parce qu'ils y croyaient vraiment, comme pour les religions aussi. J'ai juste eu la chance d'approcher de très près ces personnes qui étaient pour moi comme une bouffée d'oxygène dans un milieu profondément délétère. Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite, "qu'est-ce qui s'est passé ?" je n'en sais rien. Je vis juste avec la nostalgie de cette époque, comme dans un cauchemar, dans l'incapacité de faire revivre les jours heureux. Je généralise en pensant que c'est le propre de ma génération, car j'aurais voulu que ce mouvement se répète, comme pour des aires de jeu pour enfants qui sont un appel au recommencement. Je n'ai pas vu le mouvement de mai 68 recommencer, et c'est l'objet de mon malaise, sans être capable par moi-même de le faire revivre.

Dans le libéralisme théorique l'homme est considéré comme un Robinson qui ne se construit pas dans l'intersubjectivité, mais dans le rapport de soi à soi purement « autonome », dans les faits aliéné et désocialisé lorsqu'il en est victime pour une raison ou pour un autre. Le libéralisme plus que toute autre doctrine génère des gagnants et des perdants. Le loser c'est celui qui n'a pas trouvé de lieu pour prendre racine et s'épanouir, quel que soit le lieu, même si ce lieu est purement symbolique. La désocialisation des travailleurs est organisée par des réformes qui mettent à mal leur statut, le chômage, la spirale du surendettement... Le libéralisme ne veut pas de citoyens solidaires, mais des citoyens faussement autonomes, car soumis à une propagande intense et constante, destinée à susciter du désir pour des biens de consommation dont l'obsolescence est programmée, et de la mauvaise conscience vis-à-vis de toute contestation potentielle du système à moins de se couper de tous les réseaux de communication : c'est ce qu'un documentaire diffusé sur Arte a appelé « La fabrique du consentement ». Cette fabrique aurait été théorisée et élaborée aux Etats-Unis il y a environ 100 ans, et finalement n'avait nulle besoin d'Hitler. Le libéralisme génère bien plutôt ses propres monstres au bout d'un moment : Hitler que certes le capitalisme avait soutenu, l'islamisme aujourd'hui, parfois lui aussi soutenu par le capitalisme, qui est l'aspect économique du libéralisme. 
Je ne nie pas que des gens intelligents arrivent à s'épanouir cependant au sein d'un tel système (surtout ceux qui s'efforcent de le contrôler), et que le mouvement de mai 68 a pu constituer pour beaucoup qui étaient de bonne foi un formidable élan d'espoir et de liberté. Mais quid aujourd'hui de l'élan initial ? Le libéralisme et son aspect libertaire semble avoir tout récupéré de ce que le mouvement pouvait avoir d'original pour le soumettre à la logique marchande du plus pur conformisme consumériste et à celle de l'industrie du divertissement.
Dans les faits, l'appel à l'enfance et au recommencement a été le cadet des soucis de beaucoup de soixante-huitards cyniques que je qualifierais de mauvaise foi.
Quant au rapport des Juifs au libéralisme, si de nombreux Juifs s'y reconnaissent et qu'on trouve parmi eux la plupart des intellectuels libéraux du XXème siècle (Friedman, Hayek, Rand, Nozick, Mises...), cela provient de deux raisons : 1/Ils sont systématiquement pourchassés par les ennemis du libéralisme. 2/Leur culture extraordinaire à bien des égards leur inculque des valeurs libérales (ou du moins pas incompatibles avec le libéralisme) dès leur plus jeune âge... Cependant c'est chez eux aussi que l'on trouve de grands pourfendeurs du libéralisme comme Chomsky, Zinn...
Toute la douleur du monde pourrait se résumer à la Shoah et à sa cause l'antisémitisme, dont tous les phénomènes tragiques du monde pourraient être vus comme des avatars qui se rattachent à Elle, comme à sa cause première, pourquoi pas ? Je ne nie pas que ce génocide constitue à la fois le plus singulier et le plus terrifiant des génocides, et qu'il peut fournir une matrice et une grille de lecture pour comprendre tous les autres génocides et les phénomènes d'exploitation de l'homme par l'homme en général.
Mais n'oublions pas que Macron a été élu en "instrumentalisant" (mot qui peut faire peur à tous les pourfendeurs de la théorie du complot) un fait traumatisant pour encourager un comportement grégaire, alors que ce sont des innocents qui en furent les victimes, d'un pouvoir certes archi étatique à l'époque d'Hitler, et non pas fluide et virtuel, mais omniprésent (tel big brother) comme le nôtre.
Je doute que Macron et ses épigones soient de bonne foi et innocents comme peuvent l'être des victimes, lorsqu'ils "intrumentalisent" (le mot est peut-être excessif pour certains) un épisode tragique comme la Shoah, entre les deux tours de l'élection présidentielle.

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