J'ai connu des personnes superbes
qui avaient fait mai 68, sans arrières-pensées comme pour les religions d'en
obtenir une récompense, par vénalité, mais parce qu'ils y croyaient vraiment,
comme pour les religions aussi. J'ai juste eu la chance d'approcher de très
près ces personnes qui étaient pour moi comme une bouffée d'oxygène dans un
milieu profondément délétère. Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite,
"qu'est-ce qui s'est passé ?" je n'en sais rien. Je vis juste avec la
nostalgie de cette époque, comme dans un cauchemar, dans l'incapacité de faire
revivre les jours heureux. Je généralise en pensant que c'est le propre de ma
génération, car j'aurais voulu que ce mouvement se répète, comme pour des aires de jeu pour enfants qui sont un appel au recommencement. Je
n'ai pas vu le mouvement de mai 68 recommencer, et c'est l'objet de mon
malaise, sans être capable par moi-même de le faire revivre.
Dans le libéralisme théorique
l'homme est considéré comme un Robinson qui ne se construit pas dans
l'intersubjectivité, mais dans le rapport de soi à soi purement « autonome »,
dans les faits aliéné et désocialisé lorsqu'il en est victime pour une raison ou
pour un autre. Le libéralisme plus que toute autre doctrine génère des gagnants
et des perdants. Le loser c'est celui qui n'a pas trouvé de lieu pour prendre
racine et s'épanouir, quel que soit le lieu, même si ce lieu est purement
symbolique. La désocialisation des travailleurs est organisée par des réformes
qui mettent à mal leur statut, le chômage, la spirale du surendettement... Le
libéralisme ne veut pas de citoyens solidaires, mais des citoyens faussement
autonomes, car soumis à une propagande intense et constante, destinée à
susciter du désir pour des biens de consommation dont l'obsolescence est
programmée, et de la mauvaise conscience vis-à-vis de toute contestation
potentielle du système à moins de se couper de tous les réseaux de
communication : c'est ce qu'un documentaire diffusé sur Arte a appelé « La
fabrique du consentement ». Cette fabrique aurait été théorisée et élaborée aux
Etats-Unis il y a environ 100 ans, et finalement n'avait nulle besoin d'Hitler.
Le libéralisme génère bien plutôt ses propres monstres au bout d'un moment :
Hitler que certes le capitalisme avait soutenu, l'islamisme aujourd'hui,
parfois lui aussi soutenu par le capitalisme, qui est l'aspect économique du
libéralisme.
Je ne nie pas que des gens
intelligents arrivent à s'épanouir cependant au sein d'un tel système (surtout
ceux qui s'efforcent de le contrôler), et que le mouvement de mai 68 a pu constituer pour
beaucoup qui étaient de bonne foi un formidable élan d'espoir et de liberté.
Mais quid aujourd'hui de l'élan initial ? Le libéralisme et son aspect
libertaire semble avoir tout récupéré de ce que le mouvement pouvait avoir
d'original pour le soumettre à la logique marchande du plus pur conformisme
consumériste et à celle de l'industrie du divertissement.
Dans les faits, l'appel à
l'enfance et au recommencement a été le cadet des soucis de beaucoup de
soixante-huitards cyniques que je qualifierais de mauvaise foi.
Quant au rapport des Juifs au libéralisme,
si de nombreux Juifs s'y reconnaissent et qu'on trouve parmi eux la plupart des
intellectuels libéraux du XXème siècle (Friedman, Hayek, Rand, Nozick,
Mises...), cela provient de deux raisons : 1/Ils sont systématiquement
pourchassés par les ennemis du libéralisme. 2/Leur culture extraordinaire à
bien des égards leur inculque des valeurs libérales (ou du moins pas incompatibles
avec le libéralisme) dès leur plus jeune âge... Cependant c'est chez eux aussi que l'on trouve de grands pourfendeurs du libéralisme comme Chomsky, Zinn...
Toute la douleur du monde
pourrait se résumer à la Shoah
et à sa cause l'antisémitisme, dont tous les phénomènes tragiques du monde
pourraient être vus comme des avatars qui se rattachent à Elle, comme à sa
cause première, pourquoi pas ? Je ne nie pas que ce génocide constitue à la fois le plus
singulier et le plus terrifiant des génocides, et qu'il peut fournir une
matrice et une grille de lecture pour comprendre tous les autres génocides et
les phénomènes d'exploitation de l'homme par l'homme en général.
Mais n'oublions pas que Macron a
été élu en "instrumentalisant" (mot qui peut faire peur à tous les
pourfendeurs de la théorie du complot) un fait traumatisant pour encourager un comportement grégaire, alors que ce sont des innocents qui en
furent les victimes, d'un pouvoir certes archi étatique à l'époque d'Hitler, et
non pas fluide et virtuel, mais omniprésent (tel big brother) comme le nôtre.
Je doute que Macron et ses
épigones soient de bonne foi et innocents comme peuvent l'être des victimes, lorsqu'ils "intrumentalisent" (le mot
est peut-être excessif pour certains) un épisode tragique comme la Shoah , entre les deux tours
de l'élection présidentielle.
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