samedi 31 juillet 2021

Réponse à Alain Finkielkraut

 


« L'humanité est en proie au choc des civilisations. De ce choc la gauche ne veut rien savoir. Ne connaissant d'autre question que la question sociale, elle célèbre la diversité des modes humains d'être au monde, tout en frappant ses effets d'une fin de non-recevoir. Le désaveu populaire dont elle fait l'objet est le prix à payer pour cette contradiction. Et ce n'est pas tout.

Au moment où le paradigme moderne entre dans une crise peut-être terminale, la gauche s'identifie à ce qu'il a de plus inquiétant : la constitution, dans les démocraties occidentales, d'un sujet désaffilié, désoriginé, déterritorialisé, libre de toute dépendance et de toute détermination, hors sol, hors sexe, hors histoire, un pur touriste, en somme. Elle ne se donne plus pour tâche de fonder une véritable communauté humaine : elle bénit, au nom des droits individuels, la dissolution progressive des communautés et des appartenances.

Au nom de l'universel, on criminalise aussi le thème de la préférence nationale. Mais, si les nations ne distinguaient pas leurs citoyens et ne leur réservaient pas certaines prérogatives, ce ne seraient plus des nations, ce seraient des galeries marchandes, des salles des pas perdus ou des aéroports. Quand je lis, sous la plume de Caroline Fourest elle-même, que le plus grand danger auquel nous sommes confrontés n'est pas le communautarisme islamiste, mais la « montée du racisme antimusulman pour tenter de revenir aux vieux clochers, à la France éternelle où la norme était celle de l'homme hétérosexuel catholique », je me dis, le cœur serré, que le parti de la détestation nationale ne cesse de progresser en France. »

— Alain Finkielkraut

Pour commencer l'humanité si elle est en proie au choc des civilisations, subit d'abord une mondialisation néolibérale qui est bien d'essence occidentale, là est l'agression première sous couvert d'universalisme des Lumières. Les Asiatiques ont choisi de combattre avec les mêmes armes que leurs oppresseurs occidentaux, et ils semblent bien en voie de leur damer le pion sur leur propre terrain, comme les Vietnamiens avaient su les faire contre l'armée des États-Unis. Quant aux musulmans ils trouvent une forme de résilience à travers leur religion et leur démographie, contre l'impérialisme néolibéral voulant leur imposer de nouvelles normes qui ne sont pas si innocentes et "émancipatrices" que les Occidentaux voudraient bien le faire croire.

Or j'espère que vous savez que c'est le « diable » qui est à l'origine du capitalisme, l'homme diable, the man devil (Mandeville) ; la part du diable en Mandeville. Les musulmans ont juste une vision neuve du caractère impie de nos valeurs occidentales qui tournent autour du vice, de la perversion et de la dépression (quand on n'arrive pas à jouir), et non pas du tout de la liberté, de l'égalité, ou de la fraternité. Ce que nous avons refoulé nous autres Occidentaux. Nous n'avons pas su prendre le bon virage, au bon moment, pour nous épargner les ravages du capitalisme et du monde de la finance. Nous avons rejeté Rousseau, puis Marx ; et pour ce qui est de l'aliénation au monde de la technique moderne, nous rejetons Heidegger. Nous n’aimons pas tous ces oiseaux de mauvaise augure qui voudraient nous empêcher d’exploiter et de jouir sans limites, et nous nous auto-persuadons que notre monde est juste, démocratique, et qu'il peut constituer un modèle pour la planète, mais ce n'est pas la réalité.

Finkielkraut se trompe, la gauche se désintéresse de la question sociale depuis des lustres, on pourrait même dire que la gauche de pouvoir ne s'y est jamais intéressée, elle ne se préoccupe que de questions sociétales, celles du droit des minorités, des femmes ; ce qu'on appelle progressisme... Le tout finit d'ailleurs par former une majorité. L'ennemi c'est l'homme blanc hétérosexuel de plus de 50 ans, car il est indécrottable, irrécupérable. Le jeune blanc peut encore être récupéré, formaté, embrigadé dans un militantisme outrancier l'incitant à retourner ses forces contre ce qu'il est : c'est-à-dire le grand "coupable" de plus de mille ans d'oppression patriarcale, chrétienne, esclavagiste, colonialiste...

Par contre la question sociale est laissée totalement vacante, nous vivons depuis le début des années 80 le détricotage systématiques des droits sociaux acquis par les classes moyennes durant les Trente Glorieuses. Nous vivons le grand déclassement des classes jeunes issues de ces classes moyennes qui s'étaient enrichies grâce à une politique sociale généreuse alliant le capital au travail. Tout simplement parce qu'il s'agissait d'offrir à ceux qui hésitaient encore entre les deux modèles occidentaux et communistes, une vitrine de décence commune au capitalisme face au bloc de l'Est.

Le capitalisme n'est désormais plus soumis à une telle contrainte, et il peut à nouveau s'en donner à cœur joie dans l'exploitation des travailleurs, des classes pauvres, des pays pauvres. La mondialisation est en réalité une nouvelle forme de colonisation, une nouvelle forme d'exploitation se présentant sous les traits séduisants d'United Colors of Benetton.

Enfin, "Au nom de l'universel, on criminalise aussi le thème de la préférence nationale" dit Finkielkraut, alors qu'il a appelé à voter Macron contre Le Pen et qu'il dit préférer BHL à Zemmour qu'il trouve inquiétant. Finkielkraut n'est pas à une incohérence près, et alors même qu’il prétend que la lutte des « races » a remplacé la lutte des classes il vote pour les intérêts de sa classe. Comme quoi cette nouvelle lutte n’est pas si importante qu’il faille lui sacrifier son porte-monnaie.

1 commentaire:

  1. La date de publication, 2015, diffracte quelque peu sa perception aujourd’hui….
    Vous citez Béchamel et Mr Zemmour, mais pas la Fourest remarquablement cueillie et mouchée...

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