mercredi 15 septembre 2021

Zemmour est vivant, mais est-il responsable ?

 

Zemmour est vivant, mais est-il responsable ? Sarkozy est insignifiant. Nous votons pour des gens insignifiants imposés par les merdias, alors que Zemmour a un projet humaniste et cohérent, conforme à une certaine idée de la France ; tous les autres politiques sans exception (sauf ceux d'extrême-gauche), ne sont que des technocrates ne pensant qu'à gérer les affaires au quotidien (UMPS). Cependant l'humanisme même de Zemmour, son cartésianisme, est ce qui me gêne ; nous verrons dans mes développements, pourquoi.

À l'intérieur du corps, ce qui le fait bouger, se mouvoir, il y a une volonté qui nous échappe complètement, dont on ne connaît pas l'origine, demeurant un mystère même pour la science qui n'arrive pas à remonter à une cause première explicative définitive, étant bien plus vaste que le moi qui n'est que la représentation d'une apparence s'éprouvant à la surface.

Il y a certes des hypothèses scientifiques, mais aucune certitude tangible ; ces hypothèses nous paraissent plus crédibles que les supputations créationnistes. Mais au fond aucune certitude scientifique ne s'appuie sur un fondement véritable, puisque la science avance de paradigme en paradigme et qu'elle se réfute constamment elle-même. Il n'y aura jamais un bout du bout du paradigme, donc un fondement explicatif de toute chose.

Dès la naissance, et même avant, le souffle de la volonté nous anime. En grandissant, des hasards, des concours de circonstance, sculptent cette volonté, cela donne un caractère en formation, qui se forge. Une fois adulte, le caractère se fige, il cesse d'évoluer, d'être perfectible, et nous sommes alors déterminés à répéter toujours les mêmes erreurs, les mêmes réussites, les mêmes conflits, la même façon d'aimer ou de haïr.

Ni vous, ni moi, ne sommes responsables de nos actes, le libre arbitre n'existe pas (Spinoza). Nous subissons toute notre vie quelque chose (notre caractère), dont nous ne sommes aucunement responsables du façonnement. L'enfant n'est pas acteur, il subit son état d'enfance, il n'est pas responsable pénalement.

Si bien que c'est quelque chose étant le fruit du plus pur hasard de la naissance, de la bienveillance ou de la malveillance des parents ou des tuteurs, essentiellement, mais aussi du milieu social et ethnique de ces parents et de la société et de ses hiérarchies, qui déterminera toute notre vie d'adulte. Où par préjugé et parce qu'il faut bien que le monde avance, nous nous pensons acteurs de nos actes, responsables pénalement : il faut bien nourrir les magistrats qui font partie du monde de la représentation.

Tous ces procès, ces tribunaux, sont l'expression d'une vaste mascarade, à l'instar d'une scène de théâtre. Le monde de la représentation est comme une scène de théâtre, mais dans les coulisses opère la volonté qui tire les ficelles de ce spectacle de guignol. La surface des choses n'est rien comparée à la chose en soi, étant la volonté ; la représentation est comme le tas de neige au sommet de l'iceberg dont la face cachée est encore bien plus grande que la face visible.

Si l'on est matérialiste, on aura tendance à penser comme je le pense, qu'au moment de la mort nous quittons ce monde du vouloir et qu'il n'y a aucune âme éternelle ; mais ce n'est qu'une opinion non démontrable, il n'y a pas plus de preuves de la non-existence de Dieu que de son existence. Il n'y a plus, privé de volonté, qu'un corps qui est condamné à pourrir lentement avant d'être réduit en poussière.

Nous ne mourons pas non plus vraiment car la volonté à laquelle nous avons participé pendant un certain laps de temps, reste exactement la même à la surface de la terre, avant que nous vivions, puis après. Notre existence n'y change rien, rien ne s'est créé, rien ne s'est perdu, il y a juste eu des transformations au sein d'un vouloir restant toujours identique à lui-même. Nous avons juste participé à un phénomène qui nous dépasse presque infiniment, presque hors du temps, dont la science a fixé l'origine à plusieurs milliards d'années, qui nous échappe pratiquement complètement voire entièrement, du point de vue de la responsabilité, du début jusqu'à la fin étant foncièrement absurde : la vie.

Zemmour est comme tous les autres politiques, complètement aveugle sur le devenir-monde de la technique, sur l'arraisonnement du monde par la technique. Toujours cette folle fuite en avant totalement absurde que justifie la concurrence avec tous les autres pays, surtout la Chine, qui va nous mener à notre propre extinction. Alors qu'il faudrait s'entendre à l'échelle mondiale sur une désindustrialisation généralisée, sur un lâcher prise.

L'humanisme au sens de Heidegger c'est ce qui aboutit au devenir-monde de la technique, la mondialisation. L'humanisme tel que l'entend Heidegger est le fruit d'une subjectivité prédatrice, que la french theory (Foucault, Derrida, Deleuze) a voulu déconstruire. On ne peut pas opposer de façon binaire humanisme/antihumanisme, comme bien/mal. Derrière des termes en apparence simples il y a des significations plus complexes et non binaires.

Heidegger a été cohérent avec lui-même, il a défendu la culture européenne par le biais de la culture allemande et de l'État allemand, peu lui importait sa couleur politique au fond (c'est mon hypothèse : il a malheureusement fallu qu'il soit allemand au moment du nazisme, ce qui aujourd'hui dessert complètement sa théorie), pour lutter contre le devenir-monde de la technique par le biais de l'individualisme anglo-saxon des États-Unis d'un côté, et du collectivisme soviétique de l'autre côté.

Il a bien compris que l'Europe et sa culture millénaire était prise en étau entre ces deux forces qui au fond reviennent au même. Le monde d'aujourd'hui lui donne parfaitement raison ; où l'Europe ne pèse plus très lourd face aux États-Unis et à la Chine, et où sa culture humaniste est en péril en raison même de ce type particulier d'humanisme qu'est l'humanisme cartésien, qu’il critique en faisant preuve d'antihumanisme, terme souvent incompris et perçu quelquefois péjorativement, comme pour accréditer la thèse d'un Heidegger foncièrement nazi.

Heidegger n’a pas daigné « faire amende honorable » dans quelque torchon démocratique de la société allemande, car il a vu combien l’assimilation libérale des nazis à l’appareil d’état et à l’industrie ne posait aucun problème à une Allemagne plus soucieuse de relancer l’économie que de poser des questions éthiques.

On peut sortir les termes de leur contexte, ainsi on peut faire dire à Heidegger tout ce qu'on veut. N'empêche qu'il a influencé des philosophes comme Arendt, Levinas, Derrida, parmi tant d'autres, que l'on peut difficilement accuser de collusion avec le nazisme et son projet d'extermination des Juifs d'Europe - à moins de souhaiter se supprimer soi-même.

« On peut souhaiter se supprimer soi-même, ça s'appelle un suicide. L'argument de l'influence d'Heidegger sur des penseurs juifs me paraît éculé. Levinas a toujours été clair : "L'ontologie heideggérienne qui subordonne le rapport avec autrui à la relation avec l'être en général (...) demeure dans l'obédience de l'anonyme et mène, fatalement, à une autre puissance, à la domination impérialiste, à la tyrannie. Tyrannie qui n'est pas l'extension pure et simple de la technique à des hommes réifiés. Elle remonte à des états d'âme païens, à l'enracinement dans le sol, à l'adoration que des hommes asservis peuvent vouer à leurs maîtres." (Levinas, Totalité et infini, 1961).

La pensée d'Arendt se caractérise par une certaine haine de soi et une certaine dose de racisme.

Quand Derrida prenait pour une critique de la technique, « Les chambres à gaz c'est la même chose que l'agriculture motorisée etc. », il ne s’est pas fourré le doigt dans l'œil, mais le bras entier du salut nazi. »

La tyrannie aujourd'hui c'est celle du devenir-monde de la technique, elle n'est pas potentielle, elle est effective. Certes il y a sans doute potentiellement un danger dans le concept d'authenticité tel que défini par Heidegger : l'enracinement dans le sol, les coutumes et traditions, tout le folklore nazi... Mais dans le "pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien", il me semble bien que nous sommes aujourd'hui dans le "quelque chose" (la relation de cause à effet, l'enchaînement hypothétique de la raison) et en même temps dans le "rien" (nihilisme) ; que nous sommes dans l'oubli de l'oubli et dans la volonté de volonté, sans valeurs (la raison pratique), et que nous avons totalement occulté l'étonnement philosophique face au "il y a".

Quand j'étais petit et que mes grands-parents parlaient breton en s'enthousiasmant avec de grands éclats de rire, je n'avais pas l'impression d'être en face de néopaïens nazis, mais plutôt de ce qui faisait l'âme de la France, et qui aujourd'hui a totalement disparu sous le rouleau compresseur de la doxa des nouveaux philosophes et du néolibéralisme à vocation hégémonique jusque dans l'intimité des gens, les déshumanisant, des années 80 à aujourd'hui, sans nulle alternative possible : le camp du bien est exclusif.

Heureusement que Zemmour fait un peu contrepoids à l'influence délétère des nouveaux philosophes et surtout de BHL, ce parangon du camp du bien. Mais aujourd'hui de toute façon, seuls ceux que sacralise le fait d'avoir eu des ascendants victimes ou potentiellement victimes du fait de leurs origines, de la Shoah, de la colonisation, de l'esclavage... ou toute autre forme de persécution, sont audibles en France. C’est ce que l’on pourrait appeler une forme de tyrannie mémorielle et victimaire.

Aujourd'hui j'ai traversé la Bretagne du nord au sud en voiture, je n'ai vu que les ravages infligés aux paysages par les axes routiers, les éoliennes, les zones commerciales périurbaines etc. Il ne manquerait plus que des usines un peu partout ! Le monde se déshumanise à mesure que nous devenons chaque jour plus dépendants du monde de la technique. Comme Heidegger est aujourd'hui assimilé à un nazi, toute critique des technosciences est assimilée hypocritement à du nazisme. Comme dirait Dupontel : "Adieu les cons" !

Protéger les peuples, les coutumes et traditions françaises comme le préconise Zemmour ? Moi je veux bien. Sauf que la très grande majorité des Français n'ont plus ni coutumes, ni traditions, et encore moins de religion. Alors quoi protéger ? Si ce n'est un individualisme mortifère et déshumanisant se cachant derrière le terme de laïcité. Les seuls à avoir encore coutumes et traditions, sont les musulmans en France, et la laïcité est un oripeau dérisoire qui recouvre le néant de l'esprit français - qui était encore très vivant aux XVIIème et XVIIIème, et qui a selon moi définitivement disparu au début des années 80, avec le tournant néolibéral d'inspiration reagano-thatchérienne.

Les Français old school n'ont plus aucun modèle à proposer car ils se sont perdus eux-mêmes dans l'individualisme et la concurrence. Zemmour même s'il brasse beaucoup d'idées, bien plus que ses rivaux, même si je suis plutôt d'accord sur un rétablissement du roman national et la déconstruction de la déconstruction par le rétablissement de coutumes et de traditions d'inspiration catholique ; constitue quand même globalement un anachronisme absurde.

« Pas d’accord. Il est contre les éoliennes, Les zones commerciales péri-urbaines, etc. »

Ce qui est incohérent, comment la France pourrait-elle lutter toute seule contre un phénomène qui est mondial ? La mise en concurrence des pays entre eux, comme des individus, sur le plan économique, s'accompagne de conséquences, qui, à moins de stopper cette concurrence stérile sont inévitables. Il ne suffit pas de décréter pour opérer ; souvent les hommes chérissent les causes (et je crois que Zemmour aime l'argent et le luxe) dont ils déplorent les effets. Il ne suffit pas d'avoir une vision nostalgique du passé pour que celle-ci revienne parce qu'on l'a décrété, comme par magie.

« Il n’est pas exactement pro-libéral / ouverture des frontières. »

Il est pour la concurrence des pays entre eux, comme des individus, mais sur un modèle français non perverti par l'influence anglo-saxonne. Nous ne sommes plus au XVIIIème siècle, comme quand la France pouvait encore imposer un modèle colbertiste contre le modèle libéral anglo-saxon. Nous avons perdu la bataille, et même la guerre, en 1815 à Waterloo. C'est parce que la France n'a pas battu par les armes son vieux rival anglais, que le modèle libéral de ce dernier s'est imposé durant tout le XIXème siècle, dont les États-Unis ont repris le flambeau jusqu'à maintenant.

C'est définitivement le modèle anglo-saxon qui l'a emporté à l'échelle mondiale. C'est là-dessus qu'il faudra revenir si nous voulons sauver la planète, je sais qu'en l'état actuel des choses c'est parfaitement utopique. Zemmour présente effectivement l'avantage louable de vouloir lutter, mais il ne lutte plus à armes égales ; il semble se croire encore à l'époque glorieuse de Napoléon, or nous n'en sommes plus là. Il devrait peut-être se contenter de faire de l'histoire en simple commentateur et non acteur, et surtout un peu plus de philosophie. Il a chopé le melon comme on dit.

La France n'est pas un safe space coupé du reste du monde. Dans ce phénomène mondial, il n'y a pas grand-chose à faire d'autre que de se comporter avec humanité vis-à-vis de nos semblables, comme le prône d'ailleurs le pape François avec les migrants d'origine musulmane. Comme le dit Heidegger qui prône le retrait et le détachement, seul un dieu pourrait nous sauver. La France sera de moins en moins un safe space, tout va se dissoudre dans le grand Tout, toute idée de retour en arrière est une chimère. La génération des baby-boomers porte une responsabilité immense dans le déclin actuel, elle avait toutes les cartes en main pour qu'advienne autre chose que ce qui advient aujourd'hui ; mais par inconséquence, esprit de jouissance au détriment des valeurs, elle a laissé les générations qui viennent après elle sans les armes pour affronter l'adversité.

La tentative de Zemmour est intéressante, instructive et riche culturellement et historiquement, elle nous rappelle d'où nous venons, ce que nous avions oublié à cause des baby-boomers et des nouveaux philosophes, mais elle me semble vaine et futile dans le contexte actuel, car trop empreinte de nostalgie, donc pas assez réaliste.

Si l’on voulait être réaliste, pour commencer il faudrait évidemment au moins doubler le salaire des enseignants et arrêter de jeter à fonds perdus dans la finance, c’est la base de toute chose sur laquelle tout repose, quel mépris de la part du pouvoir politique pour sa jeunesse ! À moins que tout cela ne soit mûrement réfléchi : on a vu sur quoi a débouché en Mai 68, le fait d'avoir voulu trop cajoler sa jeunesse en l'éduquant avec des valeurs et de la culture classique ; alors afin d'éviter tout trouble à l'ordre public vaut-il mieux la flatter, la maltraiter, et tout déconstruire… y compris le métier d’enseignant !

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas tout lu consciencieusement, j'ai faim! mais je ne suis pas d'accord avec ( vous? et) Spinoza à propos de la responsabilité individuelle. Cette affirmation est un fondement du gauchisme.
    Je préfère citer Sartre ( un nuisible gauchiste dont je ne suis pas fan): " Nous ne maîtrisons pas toutes les circonstances de notre vie, pourtant nous sommes responsables de nos actes. " Il aura dit au moins une bonne chose dans sa vie.

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    1. Parce que c'est votre trait de caractère de croire que vous avez un libre arbitre et êtes responsable, vous avez des valeurs (raison pratique, Kant) ; alors que la plupart des gens dans le devenir monde de la technique sont dans la pure raison hypothétique (enchaînement de relation de cause à effet).

      Vous êtes dans l'oubli de l'Être car vous n'êtes pas dans l'étonnement philosophique face au "il y a" ("pourquoi il y a quelque chose et non pas plutôt rien", Leibniz), ou si vous en avez un, vous n'y demeurez point. Vous êtes dans l'onto-théologique, vous avez un étonnement et aussitôt vous l’occultez par l’esprit de sérieux et la responsabilité qui expliquent tout selon vous ; mais vous n'êtes pas tout à fait perdu car vous n'avez pas sombré dans l'oubli de l'oubli et la volonté de volonté comme tant de nos contemporains nihilistes.

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