dimanche 19 septembre 2021

Hitler était-il le diable ?

 


Ma vie ressemble à un très mauvais film, assez dérangeant. J'ai été élevé dans un milieu de psys majoritairement d’origine juive, ma mère accueillait dans sa maison tout ce qui se faisait de "victimes" (Shoah, colonisation, esclavage, racisme, misogynie, homophobie...), mais ayant tout de même bien réussi dans la vie (CSP+) ; ils venaient pour se faire mousser, plaindre, et accessoirement tringler ma mère quand ils étaient des hommes. J'étais un enfant, assez mal vu parce que blanc d'origine catholique du côté de mes grands-parents bretons bretonnants (donc un peu "néopaïens", enracinés dans le sol), les parents de ma mère ; donc bourreau potentiel engendrant la méfiance quant à ce que je pourrais devenir une fois adulte, pourquoi pas Adolf Hitler ?

Je n'ai pas pu donc m'épanouir chez ma mère qui ne m'a jamais fait confiance, influencée peut-être qu'elle l'était par ses amis « victimes ». Chez mon père je n'ai pu m'épanouir qu'entre 11 et 14 ans sous l'influence d'une femme bienveillante, mais cela a duré trop peu de temps pour structurer mon esprit, et après il a refait sa vie avec une femme qui m'a rejeté et lui a fait 3 enfants. Après mes 19 ans je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles. Je n’ai donc pas pu construire un chez moi, car je n’en ai jamais eu étant enfant, ni chez mon père, ni chez ma mère. Pour les amis de cette dernière, si j’avais des problèmes je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même, descendant que j’étais des bourreaux et des privilégiés (le privilège blanc) ; ils avaient beau être psys, ce n’était pas leur problème. J’ai ainsi assez bien connu Tobie Nathan, mais il ne s’intéressait qu'à soigner les victimes de la colonisation, par l’ethno-psychiatrie, je n’entrais pas dans ses critères.

Ce qui fait la capacité à avoir un libre-arbitre une fois adulte, c’est d’avoir eu la chance d’avoir un chez-soi enfant pour s’épanouir et avoir l’estime de soi.

Sur la société actuelle et la capacité ou non à y être doué de libre-arbitre, je pense que l’aspect victimaire joue un rôle crucial, et crois sincèrement que si Zemmour n’était pas d’origine juive il ne pourrait pas se permettre de dire le quart de ce qu’il ose affirmer, et surtout on ne lui aurait pas fait confiance pour lui permettre de s'épanouir dans les débuts de sa carrière (Ruquier s'est ainsi laissé leurrer).

Cependant, heureusement que Zemmour fait un peu contrepoids à l'influence délétère des nouveaux philosophes comme Bruckner et feu Glucksmann, voire Finkielkraut qui n'assume pas politiquement ses prises de position en appelant à voter néolibéral plutôt que souverainiste, et surtout de BHL, ce parangon manichéen du camp du bien. Mais aujourd'hui de toute façon, seuls ceux que sacralise le fait d'avoir eu des ascendants victimes ou potentiellement victimes du fait de leurs origines, de la Shoah, de la colonisation, de l'esclavage... ou toute autre forme de persécution ou de tyrannie, sont audibles en France. C’est ce que l’on pourrait appeler une forme de tyrannie mémorielle et victimaire, une assurance-vie en quelque sorte, faisant que la très grande majorité des blancs old school d’origine chrétienne n’ont plus aucune estime d’eux-mêmes, et ont déjà été jetés dans les oubliettes de l’Histoire en attendant d’être remplacés.

Bref je pense que seules les « victimes » sont encore douées de libre-arbitre, et surtout de puissance d’exister (conatus), et que tous les autres sont devenus des niais ou des nains compassionnels, des cathos-zombies ; afin disent-ils de ne pas mettre d'huile sur le feu, dans un souci louable d'apaisement, ils s’effacent volontairement avec peut-être même une certaine forme d'élégance finalement.

"Dominer, c'est mal" ; mais vivre n'est pas forcément dominer, cela dépend des circonstances. Dans le contexte néolibéral et humaniste (au sens de l'humanisme que critique Heidegger), je dirais que vivre c'est actuellement exploiter ou mourir, et qu'il n'y a pas de place pour la plainte ou pour la fuite ; ni pour les valeurs morales (raison pratique, Kant), mais juste pour la raison hypothétique où la fin (l'argent) justifie les moyens, et qu'il s'agit donc d'une lutte à mort, au quotidien, pour la survie. Bref que la construction d'une intimité y est presque rendue impossible par des rapports humains carnassiers ; et que ce phénomène loin de s'atténuer, s'amplifie, étant rendu visible par les productions artistiques actuelles, notamment cinématographiques, de plus en plus violentes et soulignant la tension extrême qui existe dans tout rapport humain lorsqu'il est dépourvu de fins (valeurs). Le vieux Kant disait que dans tout rapport humain on devait considérer l'Autre comme une fin et non comme un moyen (même mes parents n'ont pas été foutus de me considérer comme une fin, c'est dire la crise occidentale de la famille), c'est désormais tout le contraire qui se passe, et l'on nous présente ça comme la "vraie vie" des "vrais gens"; alors qu'elle est le fruit d'une conception idéologique néolibérale et capitaliste. 

Les choses pourraient fort bien en être autrement, c'est purement culturel et non pas anthropologiquement fondé d'un point de vue scientifique, ou alors si c'est le cas, c'est précisément le point de vue scientifique qui l'engendre et c'est que critique Heidegger ; la science étant comme le fruit d'une subjectivité humaniste fondamentalement prédatrice, en arrivant à justifier la prédation dans les rapports humains parce qu'il en est de même dans la savane. La science n’est que le résultat, en termes de savoir technique, de la conversion de la pensée symbolique en logique de l’échange productif, en économie de marché. La science, c’est le marché appliqué à la nature, traitée en termes de matériau disponible, de chose réductible au calcul à des fins de « progrès », l’un des noms du profit. 

J'en ai discuté avec des historiens chevronnés, Hitler n'était pas le fou psychopathe et impuissant, presque débile, que l'on nous présente aujourd'hui. C'est une caricature digne de celles qui couraient sur les Juifs dans les années 30. Pour être arrivé où il en est arrivé, c'est-à-dire à la tête de l'État le plus puissant d'Europe en partant de rien, c'est tout simplement qu'il était doué d'une intelligence politique exceptionnelle, voire d'une forme de génie politique, sans doute à la limite de la psychose mais de génie quand même. Cela est évidemment de l'ordre de l'inconcevable, voire du blasphème pour nos contemporains qui en ont fait le mal absolu (donc sur lequel opérer toute forme d'admiration, d'humanisation du personnage même discrète, relève d'une compromission suspecte), et ne peuvent concevoir que leur ennemi vaincu ait pu être humainement intelligent et non diaboliquement possédé par le mal de façon quasiment surnaturelle.

Il avait peu de chance de l'emporter militairement, mais si ça avait été le cas notre vision du personnage serait tout autre. Il est effectivement devenu aujourd'hui le repoussoir et le bouc-émissaire (victime sacrificielle) qui structure nos sociétés démocratiques, à travers notamment l’industrie du cinéma et même le discours politique - cf. la campagne électorale de Macron. Un peu comme c’était le rôle du Christ dans les sociétés religieuses dans un sens positif, alors que pour Hitler c'est dans un sens négatif ; il n'était pas venu pour nous sauver, mais pour nous perdre - dans l'après-coup bien sûr, car la majorité des Allemands pensaient sincèrement qu'il était venu pour les sauver.

Car Hitler n’est pas le diable, c’était un être humain qui avait été victime de la violence de son père et auquel il s’était identifié, sans échappatoire possible (Alice Miller). Il s’est soigné par la volonté de puissance (Nietzsche) ; à l’aide d’un dispositif philosophique et culturel très riche et complexe, puisqu’à l’époque l’Allemagne était de loin la puissance la plus cultivée et la plus avancée philosophiquement d’Europe. Certes on peut toujours déplorer le résultat catastrophique en maudissant le personnage, mais cela ne fera pas revenir les morts.

Même malgré ce bouc-émissaire qui voulait nous perdre et non nous sauver, qui fait l'unanimité dans le rejet permettant une forme de réconciliation du monde occidental par le sens commun, nous sommes très mal structurés et la situation d'aujourd'hui est assez catastrophique. Tout le monde n'est plus là que pour gagner du fric, tout le monde est considéré comme un moyen au service de cette fin par tout le monde ; les malades pour les soignants (et les fabricants de vaccins de la covid), les victimes et les accusés pour les avocats, les délinquants et les criminels pour les magistrats, les drogués pour les dealers, les dealers pour les flics, les psychotiques et les névrosés pour les psys, les parents normaux pour les enfants, les enfants pour les parents malades et pervers. J'ai moi-même fait l'expérience douloureuse de ce type parental, appelé pervers narcissique, qui va à n'en pas douter tendre à se généraliser.

Il y a une raison instrumentale qui domine tout et il n'y a plus aucune valeur morale, ni gratuité, ni don d'aucune sorte. C'est aussi un des résultats des progrès scientifiques qui nous font prendre la morale (qui découle de la religion) pour un conte pour enfants - alors qu'elle était une invention du génie humain pour mieux vivre et surtout pour que les enfants puissent grandir sans devenir fous, en étant protégés par des valeurs. L'explosion de la perversion narcissique, mise en évidence seulement en 1986 par Paul-Claude Racamier dans nos sociétés en est une conséquence. Pourquoi l'individu se fixerait-il des limites alors qu'il est parfaitement au courant qu'aucune instance supérieure ne sera là pour le punir, ni pendant, ni après la vie ?

3 commentaires:

  1. Votre texte est pétri de compréhension et de culture, et je trouve cela admirable compte tenu de ce que vous nous dites de votre enfance et de votre jeunesse. Il y a malheureusement peu de chances pour que le vivre ensemble refasse son apparition, et effectivement je pense que cela condamne la France à disparaître en tant que telle. Hélas…

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  2. Merci pour votre texte, mais je trouve qu'il est un peu trop psychanalysant sur Hitler. Le traumatisme des tranchées et de la défaite de l'Allemagne l'a plus atteint que son enfance, je pense. L'homme est mystérieux. Je regardais une conférence de Chapoutot qui expliquait que Hitler n'était pas fou, mais aussi que c'était un hypermnesique. Il voyait une carte et retenait tout tout de suite. Ça impressionnait beaucoup et donnait une impression de connaissance universelle.
    Mais dans ce cas pourquoi à t il eu tant de difficultés pour avoir un diplôme ? À l'époque du par cœur, ça ne devait pas être si difficile.
    Le nazisme est exceptionnel dans le fait où il voit le monde comme une guerre et ne croit pas à la coopération entre les hommes. C'est ce qui le rend unique et non reproductible.
    Je ne suis pas d'accord avec le fait de dire que l'Allemagne était un pays si avancé. Le pays avait en lui un goût de la violence et un racisme qu'on ne rencontrait pas en France et en Angleterre.

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  3. Bébé, je fus abandonné mes 2 premières années, et définitivement à 15,5 ans. Un pépé adoré maternel suisse, résistant (à qql occupant chez le voisin) en face une filiation française indifférente, sinon feignante. J'ai bien connu Omar Sharif et pls pilotes de Formule 1 (tous décédés ?)
    J'aurais tellement voulu être juif, ou judaïque et tout ce qui s'en suit, ..bah, quelle importance, autodidacte a aussi son éclairage, perspective.

    Education, le sujet ici ou ailleurs, est le maître mot. Ni ignorer qu'une flopée d'individus "bien nés" en sont dépourvue, ..alala.
    Bien entendu narcissisme, ou jalousie (#confiance en soi) vanité etc. participe aux aléas d'une personnalité, et profite à sa périphérie.
    Je crois la résilience (d'autres en Dieu) façon surmonter, négligeant la rancune sauf l'oubli (no plainte no fuite)
    Aussi l'Histoire et l'Homme son bras armé, ..quel super prédateur, oh yeah !

    Thomas H : "comment vivre sans avoir peur ?", Baruch S : "(et) heureux si la liberté n'est qu'une chimère ?"
    (je ne joue pas au bridge ni d'aucune sorte de course; mes-morts me chagrinent alors qu'ils sont si peu dérangeant)

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