vendredi 15 avril 2016

Le bien et le mal et non pas la vérité, comme conditions de possibilité de toute réflexion ou de non-réflexion

Moi : " En règle générale je dirais que l'humanité est un peu folle et que les choses n'ont plus beaucoup de sens. C'est Schopenhauer plus que Nietzsche, qui est mon philosophe préféré. Schopenhauer a eu l'intuition le premier qu'un vouloir sourd et aveugle, bien plus puissant que la raison était la véritable motivation de tous nos actes, Nietzsche en a tiré les conséquences et de multiples interprétations. Dans un cas extrême, le nazisme est une interprétation nietzschéenne de l'hégémonie de la volonté de puissance sur la raison. Aussi Nietzsche est-il très dangereux car c'est une pensée qui interprète les conséquences de l'hégémonie du vouloir sourd et aveugle sur la raison, sans garde-fous, ce qui a dû le rendre finalement fou lui-même. Les conséquences d'une telle pensée ne sont effectivement ni plus ni moins que la folie. A mon humble avis tu devrais essayer de t'en sortir par la réflexion, la religion et la morale : par la morale plus que par la politique. La politique telle que tu la pratiques est aussi une interprétation nietzschéenne. Or ne faut-il pas dépasser l'interprétation nietzschéenne du culte de la puissance et de la perversion à l'œuvre dans toute activité politique, par nature machiavélique au mauvais sens du terme ? Le rôle de l'enseignement aujourd'hui n'est-il pas de reconstruire une digue, là où les flots fous, ont déjà commencé depuis longtemps à tout envahir, là où la politique donne constamment le spectacle de l'incurie et de la corruption. Moraliser la vie politique et moraliser les mœurs de la société, tel devrait être le rôle de tout professeur de philosophie digne de ce nom. Mais je sais, il est bien plus excitant de se livrer à l'activité politique, jeu d'adultes par excellence, sans moralisation, avec encouragement de la perversion, comme moteur de toute réussite individuelle. "

Le philosophe : " Oui, tu as raison, la politique est en rapport avec le mal, beaucoup plus que le ping pong ou la cueillette des cerises. Mais la politique est aussi en rapport avec la vérité : elle dévoile ce qu'est la nature humaine, beaucoup plus que le ping pong ou la cueillette des cerises. Et puis, contrairement à l'image idéale que tu t'en fais, la politique est plus souvent l'épreuve de l'échec et de l'impuissance que l'exaltation de la réussite et de la volonté. Sur ce dernier point, je me demande d'ailleurs si le ping pong et la cueillette des cerises ne sont pas plus probants. "

Moi : " Mais comment sais-tu que le ping pong et la cueillette des cerises sont deux de mes activités favorites, véridiquement ? On avait dû en parler ensemble lorsque nous étions étudiants. Sinon il serait bon, même pour les hommes politiques qu'ils puissent se ressourcer, comme c'était le cas au temps de Louis XIV, et puis longtemps après, juste avant Nietzsche, qu'ils puissent se ressourcer dans les dogmes de la morale... kantienne notamment, et les dogmes de la religion. Mais les conditions de possibilité de la vérité et de la représentation individuelle, rendent obsolètes les dogmes de la religion, donc de tout ce qui pouvait donner un sens collectif à la société. Comme je suis pessimiste et schopenhauerien, je dirais qu'il n'y aura pas de solutions. Nous sommes pris dans une spirale infernale, où les progrès technoscientifiques et l'économie, ont leur propre volonté, suivent leur propre destin, sur fond de destruction des idéologies collectives, donc de tout ce qui pouvait faire corps, et donner du sens à l'idée de collectif. Sur fond d'individualisme forcené, voulu d'ailleurs par le libéralisme économique comme condition de possibilité de son épanouissement, les hommes ont perdu les conditions de possibilité de modification de leur destin. Leur destin qui sera peut-être effectivement une surveillance généralisée par le biais de l' IA. L'individu y gagnera du confort, de la sécurité et du repos, au prix de sa liberté.
Les conséquences de la destruction du dogme de la religion, ont été rendues visibles de la façon la plus spectaculaire par les grands génocides du XXème siècle. Bien que la religion ait aussi rendu possibles d'autres génocides, celui des Indiens d'Amérique par exemple. 
Ce qui est inédit dans le "génocide" d'aujourd'hui est qu'il concerne notre propre peuple, les nôtres, on assiste effectivement à un "génocide" de la jeunesse. La jeunesse n'a jamais été aussi déprimée et faible qu'aujourd'hui. Les anciennes générations ont tout, et comme il n'y a plus ni religion ni moralité, les anciennes générations ne transmettent plus à la jeunesse. La jeunesse de notre pays va donc majoritairement sombrer. Et les jeunesses successives occidentales ne cesseront pas d'être toujours plus faibles et impuissantes, manipulées par les anciennes générations machiavéliques et perverses. Le nietzschéisme n'a pas tenu ses promesses, et sans le dogme, on se rend compte que l'homme sans garde-fous est globalement mauvais. Le rôle de la philosophie devrait être de tirer toutes les conséquences, et s'efforcer de rétablir un dogme moral et universel, sans distinction de classe, de "race", d'âge, de religion ou de genre : car globalement nous sommes tous aujourd'hui des "victimes" du système. Sauf peut-être les quelques individus qui gagnent des milliards et qui sont selon moi, absolument immoraux, et devraient être jugés par la société comme tels. Même si leur enrichissement est une conséquence de la religion, dans l'éthique du protestantisme. Aux hommes de créer de nouveaux dogmes plus éthiques et moraux pour contrebalancer l'immoralité de l'éthique du protestantisme. "

Le philosophe : " Pour le ping pong et les cerises, je ne sais pas, c'est une pure déduction : je n'aime pas, donc tu dois aimer, puisque tu es le contraire de moi. 
Nécessité des dogmes, oui, mais seule la religion peut en produire : la philosophie généralement les conteste. "

L'optimiste : " Tu n'as raison sur rien à part ta propre déprime, pour le reste l'avenir parlera et j'espère pour toi te donnera tort. Nostradamus de pacotille ! "

Moi : " Soit tu fais preuve de mauvaise foi et au fond tu sais que j'ai raison, soit tu es aveugle. La jeunesse est effectivement globalement la grande victime de notre société, je dis bien globalement, pour ceux qui sont abandonnés par leurs parents, physiquement ou moralement et qui sont de plus en plus nombreux, on peut assimiler cela à un "génocide" (cf Salo Pasolini). Car il n'y a pour l'enfant abandonné plus aucune institution ou dogme capable d'effectuer sur le jeune, un travail de résilience et de construction ou de reconstruction de soi, comme la religion ou le communisme étaient capables de le faire. "

L'optimiste : " D'accord uniquement sur le fait que la jeunesse soit sacrifiée, mais justement, cela va lui donner le coup de fouet nécessaire. "

Moi : " On parie combien que la jeunesse ne gagnera pas ce combat, une seule jeunesse a gagné c'est celle de mai 68, parce que les conditions socio-économiques de sa victoire étaient réunies, et elle a gardé pour elle-même ses acquis, sans souci de partage avec les générations d'après. Cela a d'ailleurs entraîné le suicide de mon cousin germain, victime de la rapacité de sa famille, c'est-à-dire ma famille. Je ne suis effectivement pas philosophe, car je mets le bien et le mal et non la vérité, comme condition de possibilité de toute réflexion ou de non-réflexion. La vérité est une condition nécessaire mais non suffisante pour l'exercice de la réflexion, alors que le milieu et la morale, sont des conditions nécessaires et suffisantes. "


3 commentaires:

  1. Beaucoup de choses intéressantes.
    Là où je ne suis pas en accord c'est que la philosophie doit évidemment s'occuper de la morale mais c'est surtout de la vérité dont la philosophie doit s'occuper. C'est son rôle et la morale en fait partie. Je veux dire que lorsque l'on cherche la vérité on tombe aussi sur les questions morales. Je ne les opposent pas.
    Quant à Kant : laissons-le plus bas que terre car en une page, sa première de la "Critique de la raison pure" il a détruit la métaphysique. Et toute son oeuvre est du même acabit. La métaphysique de l'antiquité, hop, à la baille. La métaphysique du christianisme, hop, à la baille ... C'est pour cela qu'il est tant apprécié dans les facs. C'est un modernisme pur jus. Un protestant de la pire espèce. A part Leibnitz qui date quand même du 17ème siècle, toute la philosophie moderne depuis Descartes est à jeter à la poubelle. Vendez ces livres ça vous rapportera quelques sous. Le modernisme c'est un galimatias où chacun a sa propre vérité, c'est d'ailleurs pour cela que les philosophes modernes se disputent. S'ils avaient lu Saint Thomas d'Aquin il seraient en paix avec eux-mêmes !
    Je n'ai jamais trouvé une once de vérité à la fac. Comme le dit Vol West en réponse à un étudiant : "on apprend encore quelque chose à la fac ?". C'était de l'humour et cela n'avait rien de méchant, mais il ne croyait pas si bien dire.
    A+
    Marc.
    PS : pour Schopenhauer, ce qui t'intéresse peut-être chez lui c'est qu'il était devenu bouddhiste.

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  2. Dans l'école c'est moins le contenu des apprentissages qui compte désormais que le contenant, à savoir l'ensemble du système. Il est plus désormais question de savoir-vivre ensemble, que d'apprentissages, il est plus question de conditionnement à un comportement à avoir en société "éducative" que d'apprentissages, que de contenus. Il est plus question de superficialité que de profondeur. il est possible que l'école, le milieu qu'elle représente soit sur le point de rendre impossible les conditions de possibilité d'épanouissement d'intelligences en mesure de remettre en question le système. La dimension asymétrique de l'autorité est bafouée au profit de la société des pairs aux egos démesurés et incapables de la moindre réflexion, et je le déplore.

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  3. Oui, Erwan. En fait pour l'autorité politique il importe peu que les élèves apprennent un savoir. Chaque ministre fait sa réforme en expliquant que "ça y est" ils ont trouvé la bonne réforme pour relever le niveau ... Ils se fichent de nous.
    Ce qui leur importe c'est de faire des élèves qui ne réfléchissent pas, ou le moins possible et qui soient des consommateurs compulsifs (j'exagère à peine). De sortes de consommateurs robots ...
    C'est d'ailleurs vrai à l'école mais ailleurs c'est la même chose il suffit de regarder la télé ou simplement internet, il n'y a que de la pub. Ce n'est pas nouveau, je ne découvre pas la lune, mais c'est de pire en pire.
    Ainsi va notre société...
    Pour les enfants il ne faut pas désespérer pour tous. La roue tournera peut-être et dans leur vie d'adulte ils seront peut-être intéressés par l'histoire, savoir bien écrire, etc ...
    Et il y a aussi l'apprentissage : plus on apprend un métier tôt, qu'on est formé à cela, et plus l'adolescent et le jeune adulte se perfectionne dans son métier manuel qu'on a aussi trop délaissé. On cherche tous un bon plombier, un bon maçon, etc ....alors que ce sont des métiers durs mais qui rapportent quand c'est bien géré. On a jeté l'anathème sur ces métiers alors qu'ils sont souvent très formateurs à tout point de vue. Pourtant "tous à avoir le BAC" ? si c'est une voie de garage pour beaucoup qui viennent s'entasser dans les facs sans apprendre grand chose et finalement iront à Pôle Emploi.
    Comme disait Michel Drac, il faut réintroduire un peu de bon sens dans l'éducation nationale.
    Mais comme je le disais au début, profondément je pense que notre petite élite qui nous gouverne et qui croit tout savoir préfère avoir un peuple de zombies. Des gens qui répètent tout ce qu'ils ont vu à la télé : c'est triste mais ça finira bien par péter. Il ne faut pas désespérer, on est fondamentalement un peuple de paysans qui peut tenir longtemps comme ça jusqu'au moment où il se révolte. Et là la petite élite politico-médiatique aura du souci à se faire : qu'elle se prépare à aller dans un pays d'exilés ! LOL

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