mardi 27 juin 2017

Hamon et les robots


Qu'est ce que tu veux que je te dise Emmanuel, le libéralisme politique c'est très bien, mais le libéralisme économique ça marche pas, c'est trop cruel et inhumain, je le sais c'est "par delà bien et mal", mais c'est là justement tout le problème. "Humain trop humain" disait Nietzsche, mais jusqu'à preuve du contraire, que peut-on être d'autre qu'humain ? Un insecte ?
De plus le libéralisme économique n'a pas besoin du libéralisme politique, et je prédis que d'ici peu nous seront gouvernés par des Etats policiers et répressifs qui remettront en cause les libertés individuelles mais pas le fonctionnement libérale et dérégulé de l'économie.
D'ailleurs une des premières expériences du néolibéralisme avait été menée dans le Chili de Pinochet sous l'impulsion de Thatcher, où les gens manquaient de liberté, Dame de Fer qui a toujours gardé avec Pinochet des liens étroits.
Le pouvoir ? Comme si il n'y en avait plus ! Tu es bien naïf : ce n'est plus le pouvoir de l'église mais le pouvoir de l'argent. Les guerres on les a exportées au Moyen-Orient, va dire à ces populations qu'il n'y a plus de guerres, plus de pouvoir, que nous sommes tous libres et égaux dans un fabuleux monde libertaire où règne le libéralisme politique !
Il n'y a peut-être pas de classes sociales, j'ai peut-être de la condescendance pour les ouvriers et les paysans mais les quelques 2000 personnes les plus riches du monde ont une fortune totale estimée à environ 7 670 milliard de dollars, soit 3 fois le PIB de la France et un peu moins de la moitié du PIB des Etats-Unis. Tout notre système économique libéral a pour finalité l'enrichissement toujours plus indécent de cette caste qui crée de la richesse je ne le nie pas (à moins de dire comme Proudhon que "la propriété c'est le vol"). C'est un système à structure pyramidale, où la grande masse des populations doit se contenter des miettes qui tombent parcimonieusement de ces gâteaux colossaux. Plus on est bas dans l'échelle sociale, plus on doit supporter le poids du fardeau, ceux qui sont au sommet de la pyramide doivent se sentir légers comme des oiseaux. On commence seulement à atteindre le stade ultime du libéralisme où se pose de façon urgente la question de savoir comment gérer le problème d'une croissance illimitée dans un monde fini. Macron n'est pas une réponse c'est une juste une innovation qui a poussé sur les ruines du PS. Hulot n'est qu'un signal destiné à rassurer les inquiets, mais qui ne pourra rien régler à moins de sortir du paradigme du libéralisme : ce qui est hors de question pour l'ensemble de l'intelligentsia occidentale hormis quelques lanceurs d'alerte que l'on prend pour des fous.
Emmanuel Mousset a la chance de ne pas avoir reçu un héritage bobo, il est donc en phase avec une majorité de gens, avec le sens commun français qui est majoritairement de sensibilité catholique de manière inconsciente, non pratiquante, mais encore vivante. Cela lui donne (à Emmanuel Mousset) une force intérieure extraordinaire, il avait prédit l'élection de Macron avant tous les autres et avec une certitude sans failles. Emmanuel Mousset a bien compris que durant presque 2000 ans les gens ont craint et redouté la nature, mais qu'avec leur religion et leur philosophie occidentales ils l'ont affrontée et finalement vaincue, et donc que désormais ils sont en droit de la mépriser, puisqu'ils n'en ont plus peur et qu'elle n'apparaît plus si terrible, ça c'est le bon sens (de là à dire qu'elle est une "merde" méprisable, c'est un peu excessif mais cela en dit un peu sur l'aspect un rien inquiétant du personnage).
Seulement voilà, le programme du libéralisme postule une croissance illimitée, comme un dogme, dans un monde fini, quelle que soit la façon dont on retourne le problème, la nature est comme la branche sur laquelle l'humanité est assise et qu'elle est en train de scier ; à moins de renoncer au libéralisme.
Je crois que le système libéral dépasse nos élites politiques, c'est un système pris dans une spirale d'innovations qui engendrent l'enrichissement toujours plus grand des innovateurs (Les milliardaires, ou dans un idiome politiquement correct les "créateurs de richesses", ou encore ceux qui détiennent la propriété privée de l'appareil de production).
Innover consiste de plus en plus à supprimer des postes pour les remplacer par des robots. Pour innover les patrons demandent à payer moins de charges sociales, et l'austérité pèse avant tout sur les bas et moyens salaires, et sur la fonction publique. L'austérité entraîne des suppressions de postes de fonctionnaires, et la robotisation remplace les employés peu qualifiés. L'innovation actuelle tend donc à supprimer des postes sur deux fronts : celui des emplois peu qualifiés et celui de la fonction publique.
Le problème est aussi que les milliardaires sont comme les rois de la féodalités, des égoïstes aux egos surdimensionnés, ils ne sont pas prêts à partager quoi que ce soit car comme les rois ils s'estiment dépositaires d'une sorte de "droit divin". Ce "droit divin" leur est conféré par la structure pyramidale du système libérale, ils sont effectivement au sommet de la montagne, bien plus haut que nos gouvernants qui sont de simples exécutants de la machine. Ils tirent en outre le plus souvent leur légitimité d'une innovation et donc d'un produit qu'ils ont imaginé et créé, ils ne sont pas de simples héritiers ou de simples propriétaires, il faut avouer qu'ils sont aussi des créateurs au sens noble, comme dans l'esprit de Nietzsche quand il valorise ce mot.
Bref tout ça pour dire que le travail va tendre à disparaître, et que donc non Hamon n'est pas un sot quand il propose de taxer les robots et de redistribuer tout cet argent à l'ensemble de la société. Hamon est un très mauvais stratège politique, c'est un benêt, mais Mélenchon et lui devraient s'allier sur le plan des idées, car Hamon en a des bonnes.
Macron est un bon élève sans aucune imagination qui veut bien faire son job, c'est-à-dire se contenter de bien huiler la machine. Et c'est aussi un stratège politique. Donc rien à attendre de lui pour lutter contre les injustices sociales suscitées par l'innovation.
Il faut distinguer entre les robots domestiques et les robots d'usines ou même de centres commerciaux qui remplacent déjà les caissières, et ainsi apportent de la valeur ajoutée à l'entreprise et permettent de supprimer de la main d'œuvre qui a un coût. Le robot a lui aussi un coût qui constitue un investissement, mais au bout de quelques mois ou quelques année il est rentabilisé. Il aura permis de faire le même travail qu'un humain mais en ayant moins dépensé d'argent au final. Cela permettra à l'Entreprise de dégager des bénéfices sous formes de dividendes qui seront reversés aux actionnaires et aux dirigeants, pendant que l'on demandera aux salariés de faire toujours plus de sacrifices au niveau des salaires pour pouvoir dégager encore plus de bénéfices qui stimuleront l'investissement. Investissement qui permettra de concevoir de nouveaux robots, qui remplaceront à leur tour de la main d'œuvre qui a un coût, etc.
Comprenons-nous bien, les robots et les salariés sont un moyen dans un système où la finalité est l'enrichissement des riches. Plus on supprime des emplois, plus on investit dans des robots plus les riches s'enrichissent, c'est pour cela et ce ne serait que justice, qu'il faudrait taxer les robots, ne serait-ce que pour indemniser ceux qui perdent leur emploi. Pour Emmanuel Mousset le système est vertueux car lui-même y trouve à s'épanouir, et généralisant à partir de son cas particulier il estime qu'il en est de même pour le reste des Hommes, ou feint de l'estimer. Moi je considère qu'il est pervers, d'abord parce que je n'y trouve pas matière à m'épanouir et ensuite parce que dans un tel système l'Homme en général n'est pas considéré comme une fin mais comme un moyen, en désaccord total avec la morale kantienne. Les seuls individus considérés comme une fin sont les milliardaires, ce qui les met à part de l'espèce humaine, ils sont de quasi dieux.
Pendant que l'humanité considérée comme un moyen vit sous la contrainte, dans la servitude et dans la guerre de tous contre tous, une petite minorité vit dans le luxe, l'opulence et le mépris des gens ordinaires, elle se vit comme une fin, les rapports y sont humains, courtois entre personne dignes du même respect et estimables : cela ne vous rappelle rien ? Oui l'Ancien Régime, tout à fait ! Tout est à refaire ou bien on continue comme ça jusqu'au rinçage intégral des gens ordinaires qui ont l'interdiction de penser autrement qu'en terme de consentement à leur servitude volontaire au nom du dogme du politiquement correct, qui les pousse à voter contre leur intérêt, motivés par un vieux fond de décence commune que leurs dirigeants cyniques et intéressés n'ont plus. Le Prince (Macron), étant le plus machiavélique des citoyens.


1 commentaire:

  1. Tant que l'Europe néolibérale sous férule n'est pas totalement remise en question il n' y aura aucune possibilité de faire autrement, et c'est bien là que le bât blesse. En effet ni JLM et encore moins Hamon ne sont prêts à cette démarche salutaire.

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