vendredi 17 novembre 2017

L'apocalypse pourrait être une renaissance selon les plus optimistes


Autre symptôme du nihilisme contemporain, le cynisme brutal des élites et la civilisation des loisirs, où la vie culturelle et artistique n'a plus pour pôle directeur la recherche du beau, mais la recherche du loisir et de la jouissance, quand ce n'est pas tout simplement de recouvrir toute forme beauté du masque hideux de l'idéologie, qu'il s'agisse aujourd'hui d'antiracisme ou de féminisme.
C'est probablement Jean-Claude Michéa qui parle le mieux des conséquences de l'idéologie libérale théorisée par Adam Smith (mais qui avait des fondement religieux protestants et plus précisément calvinistes) sur l'économie mondiale, et plus spécialement depuis les années 80 et le tournant néolibéral initié par Thatcher et Reagan, que Mitterrand a aveuglément suivi en 1983 malgré son étiquette "socialiste".
Michéa a l'avantage de ne pas proposer des solutions pires que le mal, tel que c'est le cas de Badiou. "Solutions" dont on a vu les effets délétères sur le type anthropologique lorsque le communisme se proposa de créer un "Homme nouveau" partout où il fut au pouvoir, ayant recours pour cela à toutes formes de rééducation, donc de déracinement forcé, incompatibles au fond avec la nature humaine, qui comme une plante ou un arbre a besoin de racines et d'une certaine forme de stabilité et de permanence pour s'épanouir un peu durablement. Tenir compte de la nature humaine par delà toutes les idéologies ou religions, afin de ne pas seulement constituer une sorte d'épave errante à la surface des flots, soumise à tous les vents et tempêtes que sont toutes les modes, innovations et nouveautés que notre société en perpétuelle mutation, propose à ses "acteurs"... malheureusement passifs en réalité ! Passivité encouragée par le mode de culture de notre société, non plus basée sur la recherche de la beauté, mais sur la recherche du loisir et de la jouissance.
Le néolibéralisme tout comme les tentatives d'instauration du communisme sur des populations, est déjà une tentative de rééducation de l'humanité par l'innovation et le progrès, dont on ne mesure pas encore tous les effets délétères, dans le sens du déracinement vis-à-vis de traditions et de religions qui structuraient la société, mais aussi dans le sens de l'égoïsme et du vice privé qui favoriseraient la vertu publique. Comme si sous l'action d'une main invisible, nos plus mauvais penchants juxtaposés pouvaient avoir la vertu d'aboutir à un genre d'harmonie collective. Or non, tout individu un peu lucide se rend bien compte que nous allons à l'abîme, non seulement parce que les richesses sont très mal réparties et exacerbent le sentiment d'injustice, mais aussi parce que le postulat capitaliste et néolibéral d'une croissance illimitée dans un monde fini, constitue une absurdité aporétique donc sans issue. 
Michéa ne se contente pas de pourfendre l'idéologie libérale, mais il tente aussi d'apporter de vraies solutions qui ont pour base des idéaux socialistes, en rupture totale avec une gauche de gouvernement qui pour l'instant s'est toujours appuyée politiquement et économiquement sur des principes libéraux hérités certes de l'idéologie des Lumières, mais aussi importés aujourd'hui évidemment directement d'outre-Atlantique et clefs en main, souvent sans mode d'emploi. Sachant aussi que le Socialisme de Michéa inspiré de celui de George Orwell est compatible avec le catholicisme, et toute autre forme traditionnelle de cohésion sociale, susceptible de raffermir la notion de moralité et de monde commun dans l'esprit de tout un chacun afin de favoriser l'émergence d'une forme de conscience.
Importation du modèle américain, comme c'est aussi le cas pour l'ensemble des pays du monde plus ou moins développés, dans le cadre de la mondialisation économique, qui globalement se fait au sein d'une politique libérale-libertaire dans les pays les plus développés d'entre eux, c'est-à-dire occidentaux. Et alors que les pays asiatiques aux facultés d'adaptation extraordinaires sont en voie de dépasser le modèle américain sur le plan économique, sans forcément s’embarrasser politiquement des scrupules humanistes de l'idéologie libérale héritée des Lumières. Mais tandis qu'en réalité l'Occident s’embarrasse de moins en moins de ces scrupules dans les faits, même si elle le proclame dans l'idéal, comme on le voit dans la répartition de plus en plus injuste des richesses, qui est bien un symptôme au fond du cynisme du modèle occidental. Cynisme brutal essentiellement des élites se comportant comme des prédateurs méprisants, qui a des répercussions directes sur l'état d'esprit des habitants de la planète, dans le sens d'une perte de conscience et d'humanité généralisée, par valorisation implicite des plus mauvais penchants encouragés et récompensés, comme l'égoïsme intrinsèque de la nature humaine, qui mériterait d'être combattu plutôt que favorisé et reconnu.
Nous sommes en réalité en guerre, et la logique dans le monde du travail en est une de guerre, d'où toute insouciance est bannie, et où règne la peur et la délation, ce qui explique un phénomène contemporain mis en exergue par l'actualité, comme le burn out. C'est ce qu'on appelle communément la Guerre économique, un peu moins violente physiquement qu'une guerre sur un champ de bataille, mais avec un grand nombre de victimes aussi, dont la sanction morale pour manque de rentabilité et de performances, est d'être réduites au chômage et à la misère ou d'être acculées au suicide. La moralité en société libérale-libertaire est l'extrême contraire de ce qu'elle était dans des sociétés traditionnelles régies par des principes spirituels, le vice et l'égoïsme y sont favorisés, tandis que la vertu et l'altruisme y sont sanctionnés implicitement
Donc non ! Le libéral-libertarisme dans les pays occidentaux, et les extraordinaires facultés d'adaptation économiques des pays asiatiques ne sont pas portées par une forme d'élan spirituel qui serait l'héritier de l'esprit des Lumières, mais par un pur matérialisme qui consiste en un appât du gain dépourvu de toute forme de conscience. Car dans l'esprit des philosophes des Lumières, même le matérialisme en rupture avec le dogme religieux, ne pouvait pas être privé de toute spiritualité, comme il en est réduit à l'être aujourd'hui dans les faits, et dans ce qui constitue pour tout un chacun la vie de tous les jours, le monde du travail, ainsi même que celui des loisirs.
Pour toutes ces raisons la mondialisation n'a pas d'âme, et tous les observateurs un peu lucides s'accordent à penser qu'elle aboutira forcément à une forme de désastre apocalyptique, qui pour les plus optimistes s'appuyant sur l'étymologie même du mot Apocalypse ("action de découvrir"), pourrait déboucher sur une forme de Renaissance. Car c'est lorsque l'on touche le fond de la piscine que l'on peut remonter à la surface... On se console comme on peut, et surtout pour survivre dans un monde forcément hostile depuis les origines de la vie sur Terre, l'homme comme l'animal ont besoin du rêve et de s'illusionner.



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