vendredi 8 novembre 2019

Baise ton prochain



Je viens de commencer un bouquin de Dany-Robert Dufour Baise ton prochain. Il décrit un monde divisé en trois classes en paradigme libéral-libertaire : les hors la loi et les déclassés, c'est une minorité qui classiquement est stigmatisée ; les névrosés (la grande majorité) qui obéissent à la loi et sont sensibles à la flatterie et la récompense formelle ; et les pervers comme DSK, Macron ou toute autre figure de millionnaire ou de milliardaire qui sont par-delà bien et mal, donc au-dessus de la loi, qui dirigent le monde, et peuvent se laisser aller à leurs pulsions les moins avouables et à l'exploitation consciente d'autrui.
Ces derniers ne disent pas oui à la loi, ils ne disent pas non plus non comme la racaille, mais ils disent oui et en même temps non. Ils disent oui à la loi pour les autres, la grande majorité des névrosés qui ont besoin de limites et de se sentir honnêtes ; alors qu'eux n'éprouvent pas ce besoin mais ressentent la nécessité de la loi, au moins pour canaliser la grande majorité des névrosés qui si elle n'était pas soumise se révolterait. On pourrait dire aussi qu’ils sont plus intelligents, il y a peut-être un lien entre perversion et intelligence.

L'erreur de Macron a été de stigmatiser les classes moyennes au début de son quinquennat (les riens, les illettrés, les fainéants, les cyniques, les pauvres qui « coûtent un pognon de dingue », les « si tu veux un costard va chercher un travail », les « tu n’as qu’à traverser la rue pour trouver un job » etc.) au lieu de les flatter comme le font les dirigeants classiques en leur distribuant des médailles en chocolat, c’est-à-dire des récompenses purement formelles comme des compliments mais sans contrepartie financière.
Ce mépris affiché a provoqué le mouvement des gilets jaunes notamment, tandis que la racaille, souvent d'origine musulmane au passage (mais cela peut s'expliquer par des raisons sociologiques), prospère et n'a jamais été stigmatisée par Macron ou Hollande (mais l'a été par Sarkozy), on peut aussi le comprendre pour des raisons de paix sociale. Il y a aussi une autre raison moins avouable, qui est que l'économie parallèle issue du trafic de drogue, du proxénétisme ou de toute autre activité frauduleuse y compris les incendies de voitures ou des églises ou des cathédrales, rapporte beaucoup d'argent au PIB global du pays (car il faut les reconstruire), souvent plus qu'un simple travail rémunéré au SMIC ou deux SMIC. L’argent n’a pas d’odeur.

Macron est tellement cynique (on dirait un personnage caricatural tout droit sorti de la série américaine Dallas) qu'il stigmatise les plus pauvres qui sont souvent de braves types, la question de leur honnêteté ou non n'est pas son affaire ; par contre il flatte le jeunisme sénile et pervers de la génération ultra-libérale des baby-boomers, qui fut maoïste dans sa jeunesse et en a gardé un aspect libertaire. Mais il a rompu le pacte qui liait jusqu'ici les élites aux petit peuple névrosé à force de ne jamais dépasser les limites, il leur préfère évidemment explicitement les « premiers de cordée », ce n'est pas une surprise ; mais aussi la racaille, et c'est là son erreur principale qui révulse les gens qui font des efforts pour rester honnêtes. L'erreur de Macron est d'être trop cynique et pas assez ironique (comme Hollande) ou hypocrite comme ses prédécesseurs, il manque encore un peu d'expérience car il est très jeune. Mais il va apprendre évidemment.


La matrice d'un tel paradigme depuis presque 300 ans, serait contenue dans l'œuvre de Bernard Mandeville qui en a eu l'intuition fulgurante et qui préconise l'instauration d'une économie intégrant nos plus mauvaises pulsions comme moteur principal du système, pour alimenter son mouvement perpétuellement menacé d'effondrement.
Il faut voir que ce sont aussi nos pulsions de destruction qui encouragent perpétuellement l’innovation destructrice pour ne pas que le système s'effondre, en contrepartie la destruction créatrice qui est au cœur du système capitaliste selon Schumpeter, avait provoqué dès son origine le mouvement de protestation violent des ouvriers luddites, et pourrait entraîner tout simplement la destruction de la planète.
Ainsi que décrit dans La fable des abeilles : ce sont nos vices privés qui font la richesse des nations, donc leur vertu ; tandis que si tout le monde faisait des efforts pour s'efforcer d'être vertueux cela provoquerait leur ruine.

Pour Mandeville, pire que Sade chez qui le mal est préférable au bien, le mal engendre le bien : c'est la base véritable de l'idéologie capitaliste et de la logique d'accumulation bien plus que le puritanisme qui découle du calvinisme (c'était la théorie de Max Weber), selon Dufour.

Les élites sont conscientes d'un tel état de choses propre au système capitaliste, qui privilégie la perversion au cœur de son système tel que décrit par Mandeville dans son œuvre méconnue du grand public (Alors qu'Hayek qui a influencé Thatcher et Reagan, la connaissait très bien), mais elles ne l'ébruitent pas, souvent parce que ses membres sont eux-mêmes des pervers qui n'auraient rien à gagner à ce que cela se sache.

Le capitalisme n'est donc pas seulement amoral, il est immoral jusque dans ses fondations selon Dufour.

La société française sans avoir besoin des musulmans pour la détruire, est totalement corrompue par 300 ans de capitalisme, les guerres et les génocides qu'ils a engendrés, et désormais sa réactivation néolibérale depuis les années 80.
Cette réactivation qui a profité de l'effondrement du bloc communiste, renoue ainsi avec les idées les plus radicales de Bernard Mandeville sur la société idéale, notamment par l'intermédiaire de Hayek et des économistes dans sa mouvance qui raflent pratiquement tous les prix Nobel d'économie depuis les années 80, qui encouragent le vice et la perversion dans les plus hautes sphères de la société mais aussi chez les bobos tout simplement et les CSP+. 

Tout le monde a une conscience diffuse que nous vivons dans une cité perverse, particulièrement depuis le tournant néolibéral des années 80 et la diffusion de séries immorales comme Dallas, une parmi tant d'autres. Cette conscience descend jusqu’aux couches les plus humbles de la société et provoque un sentiment d’indignation et de révolte qui s'est cristallisé dans le mouvement des gilets jaunes.
Oui aujourd'hui ce ne sont plus les bons qui triomphent mais les salauds, et les gens ont du mal à l'accepter, c'est pourtant l'essence du capitalisme.

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