Le
problème avec les psys est qu'ils se croient les curés des temps modernes et
effectivement ils le sont. Nietzsche de droite ? D'abord il s'adresse avant
tout à une élite du futur dont la principale caractéristique serait d'être une
élite d'artistes en rupture totale avec le christianisme. Pas sûr que Nietzsche
se soit posé la question de cette élite en ces termes de droite et de gauche.
C'est plus compliqué que ça je pense. Nietzsche avait surtout le projet
d'asseoir les fondations d'une société d'artistes créateurs seuls capables de
supporter l'air raréfié des cimes, une élite du futur capable de créer de
nouveaux dieux en rupture totale avec le christianisme, dont il aurait été le
maître à penser avec un décalage dans le temps puisqu'il se pensait intempestif
et inactuel pour son époque - selon lui incapable de le comprendre.
Sauf
que selon Heidegger il n'achève pas la métaphysique de la subjectivité initiée
par Descartes, au sens de la destruction ou de la déconstruction, mais en
constitue l'achèvement au sens de l'accomplissement. En remontant encore plus
loin, non seulement il ne renverserait pas le platonisme mais en réalité il
adopterait exactement la même démarche que Platon, sauf qu'au lieu de subjuguer
la vérité au bien, il subjuguerait la vérité à des valeurs certes
aristocratiques mais avant tout par-delà bien et mal. Nietzsche se veut
immoraliste, mais Platon n'était-il pas lui-même un aristocrate ?
Ainsi
donc Nietzsche contrairement à ce qu'il croit (le philosophe au marteau), ne
renverserait-il pas toute la métaphysique occidentale depuis Platon mais en
réalité l'achèverait au sens de l'accomplirait. Or c'est bien toute cette
métaphysique occidentale remontant à Platon que Heidegger se propose de
déconstruire par le biais du dasein, en bon disciple de Husserl et de la
phénoménologie ; chez Heidegger une autre façon d'achever la métaphysique
occidentale, au sens de liquider, c'est-à-dire aussi de rompre, est de remonter
aux présocratiques. S'il y a bien une philosophie dont la French Theory est
l'héritière - French Theory qui nous revient comme un boomerang des campus
américains par le biais du wokisme ; c'est bien davantage encore celle de
Heidegger - qui déconstruit le sujet souverain (masculin et blanc) sur lequel
se fonde la vérité par le biais de la certitude - que celle de Nietzsche.
Oui,
nous vivons dans un monde absolument horrible qui ne donne plus sa chance qu’à
ceux qui n’en ont pas besoin : les forts. Mais c'est davantage dû selon moi au
néolibéralisme qu'à la philosophie de Nietzsche qui certes contrairement à
celle de Schopenhauer, prône le rejet de la compassion et de la pitié, sans
doute parce que Nietzsche y voyait la présence du christianisme, c'est-à-dire
une façon pour la caste des prêtres d'avoir « une emprise sur les personnes. « Périssent les faibles et les ratés, on va même les y aider ! » À travers
cette formule très provocatrice, c'est avant tout d'après moi cette emprise que
combat Nietzsche plus que la compassion elle-même ; effectivement souvent
Nietzsche prend le parti des criminels ou des victimes (souvent ce sont les
mêmes) contre les juges... Autrement dit, Nietzsche combat l'emprise des
faibles (les prêtres) sur les forts - qui pourraient être pour Nietzsche les
artistes, à condition qu'ils soient libérés de cette emprise qui peut notamment
faire d'eux des criminels ou des victimes ; ce qui fait toute la matière de sa
philosophie, et ce qui ne l'a pas empêché de devenir fou, selon la légende au
spectacle d'un cocher martyrisant un pauvre cheval récalcitrant à Turin. Sans
doute un retour violent et fatal du refoulé compassionnel.
Or
qui sont les prêtres aujourd’hui ? Ce sont les psys.
Les
curés je ne connais pas très bien, mes parents ont dogmatiquement refusé que je
me fasse baptiser, mais je crois que comme pour les psys il y avait une grande
diversité des écoles ; qu'ils pouvaient être jésuites, dominicains, salésiens, franciscains...
Les moines pouvaient être cisterciens, trappistes... Il y avait aussi mille et
une façons pour les chrétiens de soigner les maux de l'âme. C'est le
libéralisme qui le premier s'est montré franchement sceptique sur la capacité
de soigner les maux de l'âme par la vertu. À la suite des libéraux (Mandeville,
Smith...), les psys se sont engouffrés dans la brèche pour devenir les
"curés", les régulateurs, de nos sociétés néolibérales où le vice
privé fait la vertu publique. Notre mal vient évidemment de beaucoup plus loin
que la seule génération des baby-boomers, mais disons qu'au lieu d'atténuer le
mal, elle l'a exacerbé.
La
vertu est une notion totalement obsolète dégradée par les libéraux, avec
Mandeville en précurseur psy avant l'heure. Plus généralement la discipline psy
est axiologiquement neutre tout comme la société libérale, elle ne se pose pas
la question des valeurs en termes de bien ou de mal, elle ne se pose peut-être
même plus la question des valeurs mais tout en termes de pragmatisme, de
rendement et d'efficacité ; Kant est le dernier maître de la morale à part entière, après
lui viennent les philosophes du soupçon et les psys. Les psys avec Freud s'inspirant
de Schopenhauer et de Nietzsche voire avant eux de Mandeville, ont accompli une
révolution copernicienne : c'est n'est plus le sujet pensant cartésien souverain
(le cogito ergo sum) qui décide en nous, mais pour la plus grande part notre inconscient, la part immergée de l'iceberg, ou encore la volonté de Schopenhauer,
cela remettant en cause le libre-arbitre et constituant pour l'orgueil humain une profonde blessure narcissique. Je
crois que le rôle des psys est avant tout de remettre les gens sur les rails
des relations humaines constructives, sereines, apaisées, dans le bon sens
aussi. Parce qu'il y en a qui ont dû dérailler sur un aiguillage (les mauvais
choix), d'autres ayant déraillé dont les roues continuent à tourner à plein
régime (ce qui entraîne une surchauffe psychique entièrement stérile), d'autres
allant dans le mauvais sens, etc. Le rôle des psys n'est pas de juger la
société dans laquelle ils vivent mais de pousser leurs patients à s'y adapter :
le fameux principe de réalité !
Commentaire
envoyé (et publié dans son blog) à Florence de Mèredieu spécialiste d’Antonin Artaud.
« On
vous censure peut-être parce que l'on vous reproche votre « violence »
verbale ou à tout le moins votre franchise dans un monde hypocrite et
profondément pervers ; c’est une hypothèse : vous êtes tabou en raison de votre
absence d'auto-censure dans un monde consensuel et de l’entre-soi sous la coupe
des baby-boomers - dont vous faites d’ailleurs partie ; fait inédit dans
toute l’histoire occidentale, cette génération a omis de transmettre le monde
tel qu’elle l’avait reçu (mais c’est encore plus compliqué que ça car les
boomers sont avant tout des enfants du chaos et de la destruction). Traître à
votre classe, car les boomers sont une classe sociale à eux seuls, une caste
dirigeante dont ils ont exclu leurs propres enfants réduits à la déculturation et au consumérisme, c’est-à-dire la servitude volontaire. Je crois que vous vous exprimez avec une
grande douceur et sensibilité pour masquer le feu qui bouillonne en vous, mais précisément
on vous a démasquée ; vous n’arrivez pas à le cacher : vous «
êtes » une violente.
LA
RESPONSABILITÉ ÉCRASANTE DES BABY-BOOMER DANS L'ORIGINE DE LA CRISE ACTUELLE.
Il
faut avoir selon moi un minimum de sentiment de culpabilité sans tomber dans
les excès du christianisme qui in fine servent les intérêts, la volonté
de puissance, des prêtres, en rabaissant les ouailles dans la servitude
volontaire. Il faut avoir un minimum de sentiment de culpabilité et de sens du sacrifice pour pouvoir s'inscrire dans une filiation et pouvoir transmettre aux
générations qui suivent le monde tel qu'on l'a reçu. Or les boomers l'ont
considérablement dégradé le monde qu'ils avaient reçu en héritage. Mais cela
s'explique peut-être par leur petite enfance et leur sentiment de dénuement
(peu de jouets au pied du sapin à Noël quand il y en avait un, sniff-sniff,
ouin-ouin !!!) quand leurs parents n'avaient rien et avaient tout à
reconstruire, ils sont fondamentalement des enfants issus du chaos et du néant ; des destructions, des ruines, dues à la seconde guerre mondiale. Berlin année
0 ! En raison de ce dénuement originel, globalement les baby-boomers
accumulent des richesses, dépensent beaucoup aussi, prennent l'avion pour aller
à l'autre bout du monde, donc polluent beaucoup, mais ils se soucient de
l'avenir de leurs enfants comme de leur première chemise, et ils ne
redistribuent strictement rien, après eux le déluge !
La
violence verbale, la provocation par le verbe, provoquent éventuellement le
scandale et l'indignation, on a le droit d'être choqué, surtout chez ceux qui
préfèrent regarder le doigt plutôt que ce qu'il montre – c’est ce que provoque
la plupart des écrits d’Artaud. Mais cela n'a rien à voir avec la violence
physique, l'interprétation par des violents d'écrits scandaleux ne regarde que
les violents. Les appels à la violence physiques sont des écrits violents, souvent normatifs, étant
des appels au meurtre, mais à ne pas confondre avec les écrits subversifs, scandaleux,
choquants, cependant fondamentalement non-violents, puisque l’émotion
contagieuse y passe par l'écrit plutôt que par la brutalité physique. Même
Céline est fondamentalement non-violent, et il s'en explique souvent dans ses
textes, idem pour Pasolini, idem pour Houellebecq et ses punchlines
agressives et foncièrement drôles, idem même pour Zemmour selon moi - bien qu'il soit à la fois essayiste
de talent et politique, c'est là où ça se corse ; Mein Kampf c'est une
autre histoire, c'est un appel au meurtre. Bref l'écrit, dans le cas de la transgression, peut être une catharsis
souvent mal interprétée par ceux n'ayant que les moyens d'opérer cette
catharsis par la violence physique. La violence est certainement la plus contagieuse des émotions, bien plus que la catharsis non-violente qui s'opère par le biais d'un écrit subversif chez l'auteur et ses lecteurs. D'où l'erreur d'interprétation commise par
les nazis des écrits de Nietzsche mais aussi de ceux de Hegel et de Kant - la
banalité du mal propre à un Adolf Eichmann qui pour sa défense disait qu'en bon
kantien il se contentait d'obéir aux ordres. D'où l'erreur des communistes soviétiques
concernant les écrits de Marx. Enfin l'erreur de Robespierre et de ses sbires à
l'origine de la Terreur, concernant les écrits de Rousseau. »
Faut-il
voter pour Zemmour ? Ce dernier ne fait-il pas preuve d'une démarche
volontariste et optimiste quant à la capacité des Occidentaux français
d'origine européenne de se ressaisir ?
Zemmour
a entièrement raison de parler du suicide français, mais si les Français
veulent réellement se suicider collectivement - et dans son livre il pensait plus
particulièrement à la génération qui a fait mai 68, c'est-à-dire les
baby-boomers - que peut-il y faire ? Que peut-il y changer ? Les parents ont
tout donné à leurs enfants baby-boomers, au point de se sacrifier pour eux,
pour qu'ils réussissent. Qu'ont fait les baby-boomers du sacrifice de leurs
parents ? Ils ont ironisé dessus, ramassé leur pognon, rejeté leurs valeurs, et décidé qu'il n'y
avait plus rien à transmettre aux générations qui venaient après, que de toute
façon en se fiant aux leçons de l'Histoire, elles n'en valaient pas la peine.
C'est ce que Zemmour appelle à juste titre la haine de soi, certains comme mon cousin germain, sont passé à l'acte, se sont réellement suicidés très jeunes, en raison de la haine que leurs parents leur vouaient sans se l'avouer bien sûr. La haine née du sentiment de se voir mourir, vieillir à tout le moins, à travers la jeunesse de ses propres enfants.
Globalement,
vous les baby-boomers, êtes des idoles, des dieux pour vos enfants, évidemment
vous avez capté tout l'héritage de 2000 ans de civilisation chrétienne et n'avez
rien redistribué. Comme on dit votre melon a tellement enflé que vous ne
touchez plus terre. Tout remise en question vous est ontologiquement
impossible. Vous avez fait barrage à la culture, éliminé la tradition, pour que vos enfants demeurent niais et incultes et ne puissent pas vous critiquer. Et en plus, globalement, vous
n'avez aucun sens de l'humour, vous vous prenez toujours autant au sérieux
alors même que vous glissez lentement vers l'Éternité.
Encore
une fois ne vous offusquez pas, car il s’agit d’une généralisation qui est une
conceptualisation, cependant il ne s'agit pas d'une conceptualisation au sens des
membres biologiques de cette génération, mais au sens de type, d'esprit
baby-boomer. Beaucoup d'enfants de baby-boomers ont l'esprit baby-boomer car
ils sont à l'image de leurs parents, mais en plus petits : on pense à beaucoup
de journalistes ou d’intellectuels qui tentent de faire perdurer l’esprit
libertaire et de dérision de leurs parents, de fait ils se retrouvent souvent à
devoir manier les ciseaux de la censure pour préserver un héritage impossible contre tous les populistes, conspirationnistes et obscurantistes.
Et puis il y en a qui appartenaient biologiquement à cette génération et qui n'en ont pas
l'esprit : ceux-là je les admire plus que tout, ce sont d'authentiques
résistants.
Le
problème ce sont davantage les populations autochtones qui se font hara-kiri en
ne croyant plus du tout en l'avenir, en ne faisant pas d'enfants, que les
populations allogènes qui se contentent de répondre à une demande du marché du
travail. Ce qui fait davantage question c'est cette pulsion de mort, cette
volonté de néant, qui animent les populations vieillissantes de l'Europe
occidentale. Longtemps j'ai cru que c'était une sorte de complot des patrons,
une ruse du néolibéralisme pour faire du profit avec une main d'œuvre à meilleure
marché, mais non, je constate de plus en plus qu'il s'agit d'une démarche
délibérée, plus ou moins consciente, de suicide collectif chez les Occidentaux d'origine
européenne. C'est un peu trop facile de pointer du doigt les allogènes comme
des bouc-émissaires et les responsables de tous nos maux, si nous ne voulons
plus vivre et aimer nos enfants ils n'y sont pour rien.
Mais
je conçois que certains, par une sorte de masochisme très répandu, puissent
préférer les enfants d'allogènes exotiques plutôt que leurs propres enfants biologiques ;
un symptôme profond de décadence selon moi, un réflexe de fin de race. Au nom
de ce droit à l’amour pour tous, beaucoup hélas, s'interdisent d'aimer leurs
propres enfants biologiques ; car ce serait "injuste" vis à vis des
enfants allogènes : un genre de discrimination positive au sein des familles s'installe et
pas seulement au sein de l'École, où elle est déjà, depuis assez longtemps,
très répandue. Je crois malheureusement que les familles allogènes pour le dire
pudiquement, alors que je pense très fort, musulmanes, n’ont pas ce genre de
scrupules. Les musulmans ne s’interdisent pas d’aimer leurs propres enfants
plus que ceux des autres ; les Juifs aussi ont gardé leurs traditions. Personnellement
ma mère n'a pas cessé de me dévaloriser et de me mettre des bâtons dans les
roues parce que précisément j'étais blanc, mâle, d'origine chrétienne ;
elle a pratiqué sur moi un genre de discrimination négative, c’est du vécu !
J’entends
bien le discours des psys : « Les psychanalystes sont des opérateurs
symboliques : ils se disposent à être ce que le patient/client fera d'eux. Ils
ne le mettent sur aucun rail et ne l'invitent pas à s'adapter à la société de
leur temps. Ils s'emploient à vous laisser découvrir votre désir ; votre
ressort intime. En dehors des séances, il s'agit souvent de médecins doués de
sensibilité et d'empathie. Le curé croit en Dieu, l'analyste croit en vous, en
votre pouvoir d'évoluer, qui que vous soyez. »
Discours
spinoziste, pratiquement impossible à mettre en œuvre dans la réalité, mais ce
sont de très belles paroles et de très nobles sentiments qui vous honorent. Je
crois hélas plus trivialement que vous vous payez de mots. J'ai fréquenté
énormément de psys, ma mère est psy, les amis de ma mère, puis en tant que
patient. Je ne dirais pas que ce sont tous des escrocs, ce serait excessif,
mais plus pragmatiquement ils ont tous des objectifs de rendement,
d'efficacité, de retour sur investissement. Dans le cas singulier de ma mère,
et de la dernière clinique psychiatrique que j'ai fréquentée, pour leur pomme
d'abord. Désolé de doucher un peu votre idéalisme psy, les derniers psychiatres
que j'ai fréquentés au sein de la clinique où j'ai séjourné étaient avant tout
préoccupés de faire du chiffre, de leurs superbes demeures bauloises, de
leurs énormes bagnoles rutilantes, et de leurs vacances de rêve. Mais je reconnais qu'ils peuvent faire
beaucoup de bien tout en étant très égoïstes, ils sont eux-mêmes très adaptés à
la société néolibérale et son leitmotiv énoncé par Mandeville dès 1714 : vice
privée, vertu publique.