C'est quand même très difficile à entendre "comme la
majorité des Français", cela équivaut à une condamnation : "tu as
tout raté mon gars, tu n'as pas évolué." Mais qui sont-ils les autres ?
quels sont tes critères pour échapper à la masse? C'est la circonstance qui
fait le héros, pour l'instant ni toi ni moi sommes des modèles pour le reste de
la société, tu admires peut-être plus que moi les grands modèles, mais cela ne
fait pas de toi un modèle, pour l'instant tu es un petit capésien, avec son
blog ; quant à la politique, excuse-moi mais ta gloire est minuscule et très
locale, tu ne parviens même pas à percer dans ton propre parti : tu es un
militant de base. De plus les petits-bourgeois sont très susceptibles, ils ne
supportent pas qu'on leur disent leurs quatre vérités. Tu ne dois pas te faire
que des amis. Autre chose j'ai perdu un "ami" d'adolescence en
utilisant un ton mordant, "moussien", avec lui. La petite bourgeoisie
a peut-être des qualités, mais c'est aussi un gros sac à merde plein de
pulsions de ressentiment et de frustration.
Tu es en fait beaucoup plus proche
de ma mère, que de moi, ma mère elle aussi admire éperdument des modèles, cela
en a fait avec le temps ce que je considère comme "une pute". Pute
est évidemment une expression à ne pas prendre au sens littéral, elle est dans
son genre une pute d'un système qui la dépasse, qui est le petit monde de
l'intelligentsia bas de gamme, parisienne, très arrogante et sûre d'elle, mais
au fond assez médiocre et implacable, sans pitié pour les ratés : "la
majorité des Français". Ceci dit malgré le fait que je sois un "nain
social" ou pour reprendre l'expression de Nietzsche "un nain
rampant", j'arrive quand même a susciter la jalousie et le désir chez des
plus petits que moi.
Pourquoi j'ai peu d'admiration pour les grands hommes, les
modèles ; parce que je sais au fond de moi que j'aurais dû être l'élu, mais la
société ne m'a pas reconnu, tout au mieux comme autiste congénital, je me sens
des affinités avec Artaud ou Van Gogh, mais même eux furent finalement reconnus
comme des grands hommes ou des génie, ce qui n'arrivera peut-être pas pour moi,
mais crois moi je me bats de toutes mes forces pour ça, contrairement à ce que
pourraient laisser croire les apparences. Je sais je me donne des excuses : mon
rapport au cannabis, ma relation avec mes parents. Mais parce que j'en suis
convaincu, c'est ça qui ne m'a pas permis de saisir ma chance, c'est ça qui a
abîmé mon système nerveux, et avec un système nerveux défaillant, on ne peut
pas aller bien loin. L'humanité devra se passer de moi, plus que le contraire. Je
pense effectivement que mon échec actuel constitue une perte pour l'humanité,
plus que le fait que je doive quoi que ce soit à la société. Je ne dois rien à
la société, je suis trop généreux pour ça, trop haut ; c'est la société qui
doit me donner, pour me remercier de ma générosité : voilà ce que j'aurais dû être
et que je ne serai sans doute malheureusement pour l'humanité (pas pour moi),
jamais.
Ah ça te fait rire hein, tu dois te dire au mieux : pense-t-il vraiment ce qu'il dit ? Au pire "pauvre type", il est tellement loin de son idéal. Oui je suis vraiment très loin de ce que je fus à 15 ans, une fusée prête à être mise sur orbite, et sabotée par papa. En cela j'ai des affinités avec Arthur Rimbaud, génie trop précoce, sans doute gâté par l'absinthe, qui a détruit son système nerveux, il a vécu 2 ou 3 ans, puis il a gâché le reste de sa vie. Au moins a-t-il laissé une oeuvre et un souvenir impérissable. Nous nous battons tous pour ça Emmanuel, du plus petit au plus grand, pour l’Éternité. Tu n'as pas le droit de réduire les hommes, si médiocres soient-ils à autre chose que leur désir d’Éternité, nous nous battons tous pour ce même idéal : la vie éternelle. Maintenant, ton désir de rangement et ton ressentiment, te fait ranger les hommes dans des petites cases, dans des catégories, "petit bourgeois", "dernier homme", "anarchiste de droite, "narcissique"," hédoniste","ramolli", si cela te rassure !
Je suis un peu déçu de ne pas avoir réussi à
"changer". Si tu savais, j'ai "changé" trop tôt à l'âge de
15 ans, très en avance sur les autres, suscitant la jalousie de mon père qui
s'est amusé, car il s'est beaucoup amusé, à me démolir (papa si tu me lis je t'attends,
espèce de vieille fiotte). Bon mais n'épiloguons pas je ne changerai plus, je
ne parviendrai pas à la gloire et à la reconnaissance sociale, dans une autre
vie peut-être !
Ce qui me définit : je me fais chier dans l'existence. Comme
les friqués, les gens connus, les people et les artistes s'amusent plus ! Les
intellectuels ? Je sais que c'est au fond un fardeau lourd à porter, la fille
de Balibar a fait le bon choix, elle s'est allégée du fardeau paternel. Mais il
y en a aussi des jouisseurs comme intellectuels, ceux-là ont l'air de bien
s'amuser, les romanciers plus que les philosophes : Bruckner plus que
Finkielkraut.
Napoléon n'a pas fait que prendre, il a aussi beaucoup donné
à ses hommes, il leur a donné ce qu'ils désiraient : la gloire ; et les
militaires l'adoraient pour cela. J'aurais aimé être Napoléon ou rien : c'est
certainement une des existences les plus riches sur cette terre. Mais bon, la
guerre, les morts, le prix à payer pour une telle gloire est trop exorbitant.
Non finalement le mieux est d'être un artiste du style de Pasolini, qui a donné
aussi beaucoup à ses acteurs non professionnels, qu'il recrutait dans les
bas-fonds de la société. Il a beaucoup donné, sans tuer ; il a eu une mort
assez horrible, mais au fond à la hauteur d'une légende telle que la sienne.
C'est bizarre qu'en fait considérer chaque élève comme un
cas unique, avec le respect de sa différence qui va avec, aboutit à l'effet
contraire de celui recherché : notre système produit finalement des clones,
mais plus d'êtres d'exception, plus de génies, au mieux des gens qui ont un
grand talent.
En disant aux autres ce qu'on pense être la vérité, on garde tous ses amis (qui ne sont jamais très nombreux) et on perd tous ses faux amis (qui sont légion, pas seulement sur Facebook, mais aussi en politique). Et c'est très bien comme ça.
RépondreSupprimerTes remarques sur moi sont très justes ( militant de base, gloire minuscule, simple capésien, etc), mais elles sont déformées par ton prisme petit-bourgeois, qui repose sur le besoin de reconnaissance, totalement étranger à ma psychologie (sinon, je m'y prendrais autrement pour "réussir" au sein du PS, dont je connais parfaitement les codes de sociabilité).
Oscar Wilde, de mémoire, disait ceci : "l'ambition, c'est le dernier refuge des ratés". A cette différence que le beau mot d'"ambition" me semble bien supérieur à ce que Wilde en réalité moquait, et qui est en effet méprisable : le besoin de reconnaissance, passion petite-bourgeoise par exemple.