LA NATURE DE L'HOMME SELON FREUD, extrait de Malaise
dans la Civilisation :
«
... L'homme n'est pas une douce créature qui a besoin d'amour et peut, tout au
plus, se défendre quand on l'attaque, mais qu'il doit également compter une
part considérable d'agressivité parmi ses tendances pulsionnelles. Par
conséquent, son prochain est pour lui non seulement une aide éventuelle et un
objet sexuel, mais aussi une tentation de satisfaire son agressivité à ses
dépens, d'exploiter sa force de travail sans dédommagement, de l'utiliser
sexuellement sans son consentement, de le dépouiller de ses biens, de
l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le torturer et de le tuer. Homo
homini lupus. »
Freud
a une vision pessimiste de la nature humaine, comme Hobbes, homo homini
lupus. Cela pourrait expliquer pourquoi Freud avait de la sympathie pour le
régime fasciste de Mussolini selon les dires d'Onfray ; mais alors pourquoi
a-t-il si formellement rejeté la religion dans L'Avenir d'une illusion,
elle qui permettait la fabrication d'un surmoi au sein d'un cadre moins
belliciste que le fascisme ? C'est peut-être qu'il vivait la religion comme une
rivale pour sa théorie ayant à ses yeux une vocation messianique - ce sur quoi
il ne s'est d'ailleurs pas trompé. Autre point commun entre Hobbes et Freud, au
nom de leurs visions pessimistes de la nature humaine, la revendication de
régimes forts et autoritaires capables de canaliser la pulsion prédatrice
humaine.
La
religion peut évoluer avec son temps. Elle n'est pas figée, peut se réformer et
admettre ses erreurs contrairement à la doctrine freudienne qui ne saurait être
blasphémée, ni remise en question d'un iota par ses adorateurs.
Lisez
l'article d'Onfray et vous verrez que Freud à travers certains indices que son œuvre livre, n'ayant pas confiance en l'homme fait confiance au chef ; tout comme Hobbes qui
à son époque défendait l'absolutisme royal. Ce qu'il était lui-même, Freud, au
sein de sa confrérie : le leader, voire le gourou qu'il est encore pour
beaucoup par mimétisme avec la doctrine du maître à penser même s'il est mort
depuis longtemps. Je connais pas mal de psychanalystes qui en ont fait leur
"Dieu", ou tout du moins leur idole indéboulonnable.
Je ne pense pas que la religion judéo-chrétienne, sa mythologie et son Credo, soit si absurde que ça comme l'explique très bien René Girard, et comment la religion a su gérer de façon plutôt pacifique par rapport aux horreurs du XXème siècle la logique sacrificielle et le besoin pour toute communauté de bouc-émissarisation d'un tiers. Ce tiers c'était le corps du Christ au cours de la cérémonie de l'Eucharistie, dont on répétait symboliquement le sacrifice en le mangeant - cannibalisme. Quant aux principes de pardon et de charité du christianisme, il serait de bon ton dans notre période très sombre de violence mimétique exacerbée par le consumérisme et la compétition républicaine (la fameuse "méritocratie" !) de s'en souvenir un petit peu. Je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui la majorité des hommes soit plus émancipée qu'avant 1789, d'autant plus qu'il faut compter désormais sur l'explosion démographique pour assister à une multiplication des individus souffrant, directement issue des progrès scientifiques. Non je crois que tout allait mieux avant 1789, et que l'on n'aurait jamais dû se jeter tête baissée dans le progrès en coupant des têtes...
Et puis le freudisme n'est pas une science exacte, mais vient
s'imbriquer dans une époque de scientisme, c'est une doctrine qui comporte son
propre Credo, ses mythologies et ses superstitions, surtout vis-à-vis du sexe
considéré comme un remède quasiment miraculeux par le sens commun contemporain.
Quel
progrès le XXème siècle ! Deux guerres mondiales, des génocides, le goulag, j'en passe et
des meilleures, des centaines de millions de morts violentes dans des
conditions absolument effroyables. Il ne s'agit pas de gober ni d'être
archaïque, il s'agit de se conformer à la nature humaine profonde, on n'abolira
pas par décret le besoin de bouc-émissarisation d'un tiers pour souder toute
société. La logique sacrificielle fait profondément partie de la nature
humaine, c'est sa part maudite, certes de façon très archaïque ; mais comme
nous les ont montrées toutes les horreurs du XXème siècle d'une manière tragique, de façon indépassable même par la science et la raison. Le
scientisme constitue la plus grande des naïvetés dans laquelle le freudisme est
tombé. Et Heidegger d'affirmer que la science ne pense pas.
Kant
disait qu'à un certain moment il fallait mettre une limite à la raison pour
laisser place à la foi, c'est ce que notre époque de toute puissance
nietzschéenne (la volonté de puissance/nuisance) a totalement occulté.
En
tout cas je reste persuadé que la construction du surmoi chez l'enfant en
développement n'a rien de rationnel et passe par la foi en des valeurs, en
Occident d'origine judéo-chrétienne, ce que sont d'ailleurs les valeurs
républicaines : une sécularisation de la religion catholique en France (bien
sûr selon moi rien ne vaut l'original !), comme ne serait-ce que le bien est
préférable au mal et que tout autre chemin scientiste, rationaliste ou autre,
nous conduira à une énième impasse. Nous vivons aujourd'hui une crise de la
laïcité parce que le savoir en lui-même ne comporte aucune autorité qui puisse
le faire trouver préférable à l'ignorance, cette notion d'autorité du savoir ne
peut passer que par le biais de valeurs qui sont elles-mêmes mises à mal par la
religion du consumérisme qui ne distingue plus entre bien et mal et souvent
fait l'apologie de la violence, de la réussite à n'importe quel prix et du sexe
sans aucune limite.
J'espère
que vous noterez que ce surmoi social est aujourd'hui en pleine déconfiture et
demanderait à être réactivé d'une façon ou d'une autre. Je suis aussi un grand
fervent des mythes grecs mais ils sont trop lointains dans notre culture pour
être réactivés. Ce que je déplore, car jamais époque ne fut plus féconde et
fructueuse sur tous les plans que durant l'âge classique hellénique. Ce que déplorait
Nietzsche, lui aussi.
Pour conclure, j'adhère à ce que dit Onfray parce que je trouve bien des points communs entre ma mère qui est psychanalyste et psychologue freudienne, et n'importe quelle personnalité autoritaire et rigide de type fasciste. Elle ne fait jamais preuve de la moindre miséricorde même pour sa propre famille, c'est pour cela que j'aurais préféré qu'il n'y ait pas chez elle de rupture aussi brutale avec son propre héritage catholique qu'elle a obstinément refusé de transmettre et entièrement refoulé par véritable entêtement. Cela en fait véritablement une femme prédatrice malgré les dénégations de Freud sur cette même nature prédatrice, non pas chez l'homme en général puisqu'il prétend le contraire mais quand même on pourrait au moins l'espérer chez ses propres adeptes ou ses patients guéris : paradoxe ? Ou alors c'est qu'il était trop pessimiste sur la nature humaine pour croire en sa propre "science" afin d'en sortir.
En gros Freud pose bien la problème mais n'apporte aucune solution, hormis une sympathie affichée pour les régimes fascistes.
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