"Ce qui est la fin
aujourd'hui c'est l'objet manufacturé, et l'homme n'est qu'un moyen au service
de cette fin. C'est aussi ce que les sociologues des années 70 ont appelé la
société de consommation ; mais aujourd'hui ce n'est plus société de consommation,
un moindre mal (politique de la demande), mais société de compétition, une
calamité (politique de l'offre). C'est un cercle sans fin où pour survivre il
faut toujours être plus compétitif. Il n'y aura donc pas de fin à la crise, car
au nom du "toujours plus", on demandera toujours à la société d'être
plus compétitive : c'est-à-dire que les riches (le capital) soient toujours
plus riches pour pouvoir investir, et que les classes moyennes, braves petits
soldats du profit, soient toujours plus en compétition, les uns avec les
autres, pour des salaires bloqués ou en baisse. Quant aux classes populaires
elles continueront toujours à être assistées : gage de la paix sociale, pour
éviter la guerre civile." : Est-ce pour un tel type de société dont on ne
voit pas l'issue que l'on doit faire l'Europe? L'Europe politique
permettra-t-elle de sortir de ce système, ou bien au nom de la sacro-sainte
compétitivité nous y enfoncera-t-elle toujours plus? Mais où vois-tu
l'humanisme dans un tel système? Il n'y a aucun projet commun, l'homme n'y est
pas une fin mais un moyen. Ceux qui s'en sortent sont soit ceux qui détiennent
le capital, soit des petits malins. Je suis pour un catholicisme social de type
gaullien, et suis lucide sur l'hypocrisie d'une certaine frange du catholicisme
qui s'est enrichi sur le dos des pauvres, et qui a fait de la misère des
pauvres son fonds de commerce. Cela a abouti à la Renaissance à la
corruption de l'église catholique, et par réaction à la naissance du
protestantisme. Mais le protestantisme a abouti à la marchandisation du monde,
ce qui est encore pire. Tu prévois l'Europe sociale au bout du tunnel, comme un
salut : finalement tu as une vision eschatologique de la construction
européenne, c'est-à-dire une vision religieuse de type catholique. Mais
auparavant tu prévois qu'il faudra avaler la pilule au goût amère. Pour arriver
au salut, tu justifies le sacrifice : pas d'Europe sociale avant l'Europe
politique, et pas d'Europe politique sans renforcement économique ; qui passe
par une plus grande compétitivité, par une politique de l'offre renforcée, par
une stagnation, voire une baisse des salaires. Souffrez ici-bas, les lendemains
seront meilleurs : on nous a toujours dit ça, sur les champs de bataille hier,
dans les entreprises aujourd'hui.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire