mardi 31 juillet 2018

La création artistique en régime libéral


Cela fait penser à une œuvre de Lichtenstein, détournée ou originale ?
Il y a un décalage entre le propos philosophique et le dessin « à l'eau de rose » représenté, entre ce que cela évoque (le corpus philosophique de Spinoza) et ce que l'on nous en donne à voir (un dessin de BD un peu niais). Comme si des personnages aussi superficiels, qui sont aussi le type de l'homme moyen que produit notre modernité, pouvaient avoir des pensées aussi « profondes » ! C'est bien entendu absurde, ce type en est incapable et n'en a d'ailleurs même plus le désir. Et le hiatus abyssal entre homme moyen et pensée philosophique demandant l'introspection nous fait éclater de rire.

Ainsi la vision du monde d'un Lichtenstein, en souligne son absurdité, plutôt que son coté tragique. Nous ne sommes plus des tragiques depuis pas mal de temps, cela a été aussi pensé, ou plutôt calculé par des théoriciens libéraux, pour précisément que ne se reproduisent pas les tragédies du passé. Dans cette optique, la modernité encourage la production d'un type humain futile et dérisoire, jetable et consommable à loisir, dont l'obsolescence est programmée, comme l'époque...

Je sais que ce que je vais dire va paraître un peu naïf, mais je vais quand même le dire : ne nous faisons pas beaucoup d'illusions sur la création artistique en régime libéral, ce n'est pas du tout sa finalité de favoriser les instincts et le type d'homme qui correspondent à la création artistique.
Ce sont même exclusivement les instincts de destruction qui sont favorisés, puisque tout le système repose sur la destruction créatrice qui s'accélère.

On préfère mourir par orgueil, ou tuer par cupidité, que de partager...

C'est toute une culture du partage qu'il faudrait en réalité enseigner, car des richesses il y en a largement assez, il y en a même trop. Mais on privilégie l'éducation de l'égoïsme, ou pire encore les comportement d'adaptation pour faire du profit.

Pour maintenir le système et la nécessité de produire des acteurs compétitifs, ce sont effectivement les comportements d'adaptation qui sont favorisés dès l'école, puisque l'on va d'ailleurs vers un alignement des valeurs de l'École sur celles de l'Entreprise. Effectivement selon des théoriciens libéraux comme Milton Friedman, la finalité des démocratie est de faire du profit sans autres considérations.

Nous sommes formatés, embrigadés et conditionnés pour devenir des acteurs rentables.

La part maudite de l'homme moyen, « ce qui est toujours en excès de ce qu’il est censé être », c'est son formatage idéologique et sa rentabilité ou utilité pour la société (c'est pour cela que Houellebecq a raison de dire qu'aujourd'hui l'artiste authentique est un parasite sacré de la société), et la part maudite de nos sociétés occidentales, c'est l'accumulation.

C'est une volonté de puissance en réalité absurde qui débouche directement sur le nihilisme contemporain, sans autre issue que la submersion par les migrants économiques et climatiques dans les pays occidentaux, avec la complicité d'ailleurs de l'extrême gauche (souvent l'idiot utile du capitalisme), et à terme la destruction de tous les équilibres anthropologiques et environnementaux.

C'est aussi un défaut de notre génération et encore plus des suivantes, ce manque de partage.

La nôtre, celle qui est née dans ou après les années 60, les enfants des baby boomers donc, dont le défaut est de ne pas avoir su assez partager entre nous, et d'avoir préférer se ranger sous l'autorité de valeurs délétères et nihilistes, découlant de ce qui est en excès de ce que le libéralisme est censé être : sa quête égoïste du profit.
Excès propre au libéralisme, que la génération des baby boomers après un trop court intermède de convivialité et de générosité partagées, la « parenthèse enchantée » que constitua l'épisode de mai 68 et ses répercussions sur la société civile, a finalement pleinement repris à son compte ; en récupérant tous les divers mouvements spontanés et anarchistes dans un objectif de quête du profit. Effectivement, même les slogans de cette époque d'intense créativité, ont été récupérés par la publicité notamment et la propagande médiatique.

Maintenant il est sans doute trop tard !

Les plus cupides, les plus cruels et vénaux s'en sont sortis, et tous les idéalistes, les « désintéressés »
crèvent littéralement, qui correspondaient naguère au type d'homme créateur d'un point de vue artistique. Ils subissent tous globalement le déclassement, voire un genre de bannissement social. Une mise à l'écart qui peut aussi devenir un genre de condamnation à mort (sociale), qui ne dit pas son nom.
Soyons clair, il n'y a tout simplement plus de création digne de ce nom ; au sens où la création fut de tout temps un surpassement de soi-même, un désir de transcendance, d'atteindre quelque chose qui nous dépasse : la divinité !
Il suffit pour s'en rendre compte de comparer les œuvres du passé avec celles de nos contemporains ; comparer par exemple une cathédrale avec une œuvre de Jeff Koons. Mais il est hélas absolument probable que la cathédrale ne nous parle plus du tout !
La part en excès de ce qu'elle est censée être de l'art occidental, c'était tout simplement l'« idée de dieu » jusqu'à une époque très récente. Je ne sais plus très bien ce que c'est aujourd'hui, sinon flatter les bas instincts de prédateurs et la volonté de destruction des riches et des puissants, en accord avec le modèle sous-jacent de destruction créatrice qui opère dans tous les secteurs de la société.

C'est devenu impossible dans un tel contexte, de créer et d'atteindre l'"idée de dieu".
Le nihilisme est bien le destin de l'Occident comme le souligne Heidegger.
Nous sommes tous « au mieux » des petits bourgeois qui « sentons mauvais » (« au pire » de la racaille violente), au ras du caniveau de nos petits désirs mesquins et sales qui reflètent une volonté de domination sur autrui alors qu'il s'agit toujours d'une illusion, et de notre misérable volonté de puissance globalement homicide.

9 commentaires:

  1. Gabriela Manzoni31 juillet 2018 à 13:01

    Erwan Blesois, je me félicite de vous avoir donné l'occasion d'exprimer votre esprit de sérieux. Notre temps en manque.

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    1. Si l'époque se caractérisait par l'esprit de sérieux, je ferais peut-être preuve d'ironie et d'esprit de dérision par transgression, mais comme l'époque se caractérise par l'ironie "bobo" et la dérision, j'essaie effectivement de faire preuve d'esprit de sérieux, bien vu !!!😉

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  2. Un petit bourgeois se distingue d' un prolétaire en ceci : il est propriétaire , d' un bien fort petit par définition . En quoi le petit bourgeois serait il interdit de pensée ?

    La condition humaine reste tragique puisque elle finit par la mort . A la fin d' une comédie arrive le notaire et on marie les amoureux . Les vieux vont bientôt mourrir mais des petits enfants vont venir au monde et la vie va continuer . A la fin d' une tragédie c'est le fossoyeur qui arrive . La tragédie que nous vivons , souvent n'est pas sérieuse et souvent c'est une farce . Mais c'est une tragédie quand même .

    Les violents et les rapaces l' emportent sur les désintéressés ? comme à chaque génération depuis quelque temps déjà , c' était une chose bien connue des scribes sumériens du troisième millénaire

    Tous les artistes sont des schizophrènes . Est ce que nous manquons de fous ?

    Le libéralisme le capitalisme le rationalisme ont sorti les masses de la misère , la servitude et de l'abrutissement . Ca me rend indulgent .

    Les Français sont un des peuples les plus tolérants ouverts et hospitaliers qu'il y ait au monde . Il est inutile de les accabler d' injures .

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    1. Il n'y a rien de personnel entre moi et les « Français », je ne les accable pas d'injures. C'est l'époque que j'accable d'injures et qui produit nos contemporains (cf Philippe Muray). Ces derniers sont innocents de ce qu'ils sont, ils ne sont pas responsables d'être le produit d'une époque...

      Vous devez je le répète avoir un bon fond je vous l'ai déjà dit, pour prendre ainsi la défense des Français, de leur tolérance et de leur hospitalité, mais cela ne constitue t il pas un genre de nostalgie du passé, de ce qu'ils furent, qui fut aussi l'espérance et l'illusion dont il se défend parfois (en émettant des doutes récurrents sur l'équivalence de son idéal de la France et de la réalité) d'un Albert Cohen ?

      Pour ce qui est de la schizophrénie des artistes, c'est ce qui leur faisait toucher au divin, lorsque l'époque était plus propice à la création, et les fait toucher aujourd'hui généralement au scatologique.
      D'autre part, si tous les artistes de génie et ils sont très rares ne sont pas loin de la folie, tous les fous ne font pas des artistes, très loin s'en faut, et bien des "artistes" contemporains sont des escrocs car ils ne touchent pas de près ou de loin, à l'intemporalité qui caractérise une oeuvre d'art digne de ce nom.

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    2. J'ai dit que les artistes étaient des malades mentaux , et qu' un homme sain d'esprit n'est pas un artiste . Je n'ai pas dit que tous les fous étaient des artistes . Quant aux escrocs , il en faut aussi . Et si il n' y avait pas de voleurs et pas d'assassins , que deviendraient les juges , les gardiens de prison , les criminalistes et la littérature ? Capitaine Rolando , Long John Silver , Pew l' aveugle , Hadji Stavros , Thénardier , Fantômas !

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    3. Oui oui, rien de bien nouveau sous le soleil effectivement, et la nature humaine ne change pas. Mais quand on a dit ça, on a dit quoi ? Juste peut-être que vous avez un tempérament progressiste et à l'inverse que j'aurais plutôt une nostalgie du passé, donc un tempérament conservateur, voire réactionnaire.

      Mais encore une fois rien de nouveau sous le soleil, il y a toujours eu des optimistes et des pessimistes... Et beaucoup préfèrent être optimiste et avoir tort en étant heureux, plutôt que d'avoir raison en souffrant de son pessimisme en étant malheureux.

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  3. Navrée de vous contredire :l'école a toujours été un lieu de formatage :
    Jules Ferry voulait soustraire le peuple à l'influence de l'église . Mais son fondement était sain et a permis à des foules de petits illettrés ruraux de s'élever dans la vie et de participer au développement du progrès .
    Peu à peu l'idéologie a changé . Prenez les livres d'histoire et faites en une exégèse Vous verrez l'évolution
    On y a incorporé les bienfaits du socialisme , puis on a mis l'éclairage sur les méfaits de la colonisation et actuellement on insiste sur la culture de l'Islam . ........Ce qui en soit serait louable , si ce n'était au détriment de notre Histoire qui passe à la trappe et si ce n'était voulu dans un but de modifier les modes de penser .
    Certes me direz vous les familles ont leur rôle éducatif , mais elles sont souvent en porte à faux et souvent incapable de combler ce déficit .
    maintenant , vaut mieux une école bancale , que pas d'école

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    1. Mais je n'affirme pas le contraire, elle a toujours été un lieu de formatage idéologique nous sommes d'accord, hier au nom des valeurs de la République pour combattre l'"obscurantisme" de la religion.
      Aujourd'hui au nom des valeurs de l'Entreprise, et paradoxalement c'est l'extrême gauche qui sert d'idiot utile du libéralisme, en favorisant et en exacerbant une logique d'accueil sans conditions des migrants au nom de la figure du damné de la terre opprimé que constituerait le musulman typique, dont ils voudraient faire le prolétaire moderne, et à qui le rôle sera dévolu de briser ses chaîne le moment venu, ce qui constitue le secret espoir d'un Badiou par exemple.

      Or précisément, l'extrême gauche fait en réalité le jeu de l'idéologie libérale et du patronat, qui au nom du profit, pense trouver dans ces population généreusement accueillie, soignée et éduquée par des acteurs sociaux essentiellement de gauche, une main d'œuvre tout simplement à meilleure marché, et peu revendicatrice socialement.

      Le rôle de la famille dans la réussite ou non de sa progéniture est aujourd'hui primordial, et l'école non seulement ne parvient plus à combler le fossé qui existe entre les classes sociales. Mais pire, elle contribue à l'exacerber, en ne mettant plus assez l'accent sur le rôle de l'instruction et de la transmission d'un héritage propre à la culture européenne, en se concentrant sur la pédagogie et la diffusion d'une idéologie antiraciste au détriment d'un héritage commun aux petits européens qui leur revenait pourtant de droit, et dont on les prive de plus en plus.

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    2. Tout a fait Exact .
      Mais les familles ne peuvent pas toujours tout contrôler , face aux dérives sociétales ,et souvent empêtrées elles même dans des difficultés professionnelles ou familiales et face à la toute puissance d' une administration totalitaire . Voir le cas Parcours sup !!

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