lundi 1 octobre 2018

Le postulat d'une croissance illimitée dans un monde fini est un oxymoron



« La croissance est invoquée comme la solution, alors qu'elle est le vrai problème » Pierre Rabhi. 

C'est juste du bon sens. Le postulat d'une croissance illimitée dans un monde fini est un oxymoron.

Afchine : « Mon Cher Erwan, j'étais comme vous un admirateur de Pierre Rabhi et j'ai cautionné sa vision de monde. Mais dans un article du Monde diplomatique de mois de juillet sur lui j'ai découvert d'autres façade de Pierre Rabhi, notamment ses points de vue sur les femmes ainsi que ses liens très convergents avec les grands multinationales agroalimentaires dont je vous conseil vivement de le lire. Entre ses paroles et ses actes il y a un monde de différent. »

Moi : « Oui c'est bien possible, mais rien n'est tout blanc ou tout noir, le monde est gris.
Pourquoi n'y a-t-il par exemple jamais de campagnes de dénigrement concernant un patron comme Bezos avec ses 166 milliards de dollars, mais seulement contre ceux qui tentent de lutter contre avec leurs dérisoires moyens et leurs défauts ?
Sinon concernant Rabhi, je ne suis pas un admirateur car je le connais trop mal, j'en ai juste une approche intuitive, il a l'air bien sympathique avec son credo de retour aux sources et à la nature, et c'est sa formule pertinente sur la croissance qui m'a interpellé et que je me suis contenté de commenter. »

François : « La question est pourquoi le Monde Diplo qui était un journal de qualité s'est permis cette saillie ad hominem contre un type pour finir qui n'occupe pas le premier plan. »

Nashtir : « la négativité pure n'existe pas, j'ai lu également ce très intéressant article. Mais il reste des choses à trouver chez Pierre Rabhi. Bon, c'est pas lui qui va mettre le feu aux chantiers des bétonneurs, ni celui qui appellera à s'attaquer aux céréaliers... il n'est pas à Deep Green Resistance (DGR). Il est Pierre Rabhi, un éveilleur tout de même, pour 90 pour cent de la population

France : « Cet article du Diplo se base sur plusieurs autres bien plus anciens et émanant de sources plus confidentielles ou partisanes (tapez "Rabhi controverse", vous trouverez facilement).
Et encore, l'aspect financier de "son" village est largement plus problématique.
De même, le Diplo n'approfondit pas sa vision rétrograde sur des sujets comme les femmes, les gays, etc.
Bref, le personnage (car s'en est un) mérite un peu d'investigation. »

Afchine : « Je suis un lecteur assidu du Monde diplomatique et je sais que ce journal a pour but de dévoiler tous ceux qui ont des liens avec des structures de pouvoirs en place et participes au mécanisme de domination mondiale. Personne ne s'échappe de leur campagne de dénigrement. Quand on veut faire bien pour l'humanité et on jouit d'un grand aura il faut avoir le courage d'assumer ses défauts... »

Moi : « Vous avez peut-être raison concernant Rabhi, si en tout cas il participe du mécanisme de domination mondiale, c'est une accusation très grave portée contre lui, et c'est bien dommage, car en qui croire, en qui faire confiance dans ce monde corrompu de traîtres globalement, tous inféodés peu ou prou à l'idéologie néolibérale ? Mais bah ! comme je vous l'ai dit, il n'y a pas d'un côté le camp des bons et de l'autre celui des méchants, ne soyons pas manichéens, personne n'est tout blanc ou tout noir, le monde est gris...
En tout cas merci pour vos éclaircissements, je tâcherai effectivement d'en savoir plus de mon côté si j'ai le temps ! Bon en cherchant pas très longtemps j'ai trouvé, je crois que l'article auquel vous faisiez référence est celui-là, non ? Voir ici.
Il y a peut-être une autre façon de comprendre Rabhi, il prône peut-être le détachement et la sérénité vis-à-vis de la société de consommation et la volonté de puissance à l'oeuvre en elle. C'est une interprétation, auquel cas, accuser les riches ou les puissants n'a aucun sens ils ne maîtrisent pas plus que les autres la volonté de puissance, ils en sont tout autant les marionnettes que les autres. Il est par exemple de plus en plus illusoire de croire que des changements de régime ou des révolutions parviendraient à changer le système, ce ne seraient que de nouveaux recours à la volonté comme moyen d'y parvenir, comme l'a montré l’échec patent du communisme.
Le plus inquiétant finalement est que la volonté de puissance est nichée au cœur même de notre idéologie, dans l'idée cartésienne que l'homme retranché dans son ego a vocation à dominer le monde, dans la métaphysique du sujet, dans l'affirmation humaniste que l'homme est la mesure de toutes choses. Les moyens mêmes de la critique de notre idéologie sont eux-mêmes contaminés car ils se basent sur la volonté du sujet. C'est ce qu'Élisabeth de Fontenay appelle la subjectivité humaniste de l'homme blanc, mais une subjectivité qui désormais se retourne contre le mâle blanc globalement à l'échelle du globe, avec une agressivité décuplée de la part des femmes et des minorités issues de la diversité, que précisément n'avait pas toujours le mâle blanc, capable lui de bienveillance que l'on appelle désormais péjorativement, paternalisme !
C'est ce qui faisait dire à Heidegger que le nihilisme est le destin de l'Occident, nihilisme aujourd'hui visible notamment dans les manifestations de violence et d’agressivité des minorités ethniques et des femmes dans un pays comme la France...
Peut-être que justement Rabhi se situe-t-il à un tout autre niveau spirituel que l'homme retranché dans son ego, ce qui voudrait aussi dire qu'il n'est inféodé à l'idéologie néolibérale mais qu'il n'est pas non plus un révolutionnaire. Peut-être la voie de la sagesse, la voie du milieu ! À méditer en tout cas... »

France : « Pour aller vraiment plus loin dans cette thématique, servez vous un café (équitable) et regardez cette vidéo : 
Revoilà le prêchi-prêcha de ce faux personnage... »

Moi : « France, il n'apporte sans doute pas de bonnes réponses en se comportant certainement comme un gourou, avec tous les dangers que peut recouvrir une telle acception, mais il pose de bonnes questions dans le sens où il peut constituer un éveilleur de conscience sur le problème d'une croissance infinie dans un monde fini, et sur la question de la quête du profit à tous les échelons de la société.

Bien sûr que plus généralement il faut se méfier comme de la peste de tous les gourous et éviter de tomber dans leurs mains et leur volonté de supprimer tout libre arbitre chez leurs disciples... Maintenant reste à savoir si il constitue un gourou (si il en est réellement un ?) nocif ou bienveillant ? Même si je sais aussi que tout être qui a besoin d'un gourou pour la conduite de sa vie, que ce dernier soit nocif ou bienveillant, fait preuve de faiblesse d'esprit et qu'une telle faiblesse est en soi condamnable. Mais Marx n'était-il pas un gourou pour les communistes ? Adam Smith ne constitue-t-il pas un gourou pour les néolibéraux ?

Ceci étant que s'est-il passé en 50 ans, pour que la société française se soit à ce point affaiblie, ait à ce point baissé la garde, pour qu'un proportion de gens de plus en plus importante ait besoin de gourous ? C'est toute la société française qui a en réalité baissé la garde grosso modo depuis mai 68, et le refus plus ou moins conscient de transmettre un héritage spirituel et/ou matériel aux générations d'après, avec un effondrement notamment de la vocation spirituelle de l'École au profit de son alignement sur les valeurs matérialistes de l'entreprise de rendement, d'efficacité et de darwinisme social... Je pense que Macron se situe dans la droite lignée de ce que la pensée néolibérale a fait de mai 68, un facteur de division et de tensions supplémentaires entre les Français avec en même temps l'évacuation de tout ce qui pouvait constituer la part d'utopie d'un tel mouvement à l'origine plutôt utopique et anarchiste, avec des composantes fortes marxistes et marxo-maoïstes...

Part d'utopie que pour le coup, peut-être un opportuniste et non un véritable utopiste ou inversement comme Rabhi, je laisse la question de la sincérité de son engagement en suspens, récupère ou non pour son propre compte, ou alors hypothèse optimiste ou non : pour le bien de la collectivité ?

Pour conclure, il est certain que personne n'est « tout blanc ou tout noir » (et j’espère qu'une telle expression ne tombera pas un jour sous le coup de la loi du politiquement correct), tout le monde est gris, avec des nuances de gris, y compris Gandhi, Martin Luther King ou encore Mandela ! »

France : « Merci pour ce dense commentaire.
Où je vous rejoins sur les grandes lignes, c'est que mai 68 (j'en étais) était un brouillon qui n'a pas eu la suite qu'il méritait.
Une révolution adolescente, sans véritable stratégie. Mais on sait que les révolutions mettent des dizaines d'années (voyez les Printemps Arabes) à changer les choses et ce fût bien court.
Outre la "révolte contre le père", on n'a pas vraiment vu la toxicité du consumérisme… pouvait-on prévoir qu'il serait si mortifère ?
Vous dites que les peuples ont besoin d'un gourou. Hélas. Et plus ils sont nombreux, plus ils sont sensibles à ce méga-gourou qu'est le marketing. Celui qui "consacre" autant les idoles politiques que les vedettes ou les pseudo "philosophes". Hélas encore.
Rabhi utilise aussi cet outil.
Qu'il soit un gourou positif en matière d'écologie (uniquement sur cet aspect), j'en conviens.
Mais c'est l'arbre qui cache la forêt car si ceux qui le peuvent (parce qu'ils ont accès à un bout de terre et du temps à lui consacrer) sont incités à jardiner, cela les empêche peut être de voir le problème dans toute son amplitude et donc de lui accorder l'énergie qu'il mérite : combattre collectivement, politiquement, ce capitalisme prédateur et triomphant.
Jardiner dans son coin pour sa propre alimentation est loin d'être suffisant. Faire le colibri (dont on tait la fin de la légende qui est la mort bien inutile de l'oiseau) est rassurant mais bien insuffisant.
Surtout pour les bobos qui lisent juste ses bouquins dans leur divan design et leur salon chauffé à 22°.
Ce que je reproche surtout à ce personnage (outre son sens du bon filon), c'est son inconscience sociale en forme d'endormissement de chacun dans son jardinet carré.
Je ne m'étendrai pas plus sur d'autres aspects "spirituel" ou conservateurs du bonhomme. »

Moi : « France, je vais plus loin que vous, non seulement ce mouvement n'a pas eu la suite qu'il méritait, mais il a été selon moi absolument totalement récupéré par des objectifs de consumérisme et il fait aujourd'hui le jeu des libertariens qui se revendiquent d'une anarcho-capitalisme. Je m'explique... Le côté anarchiste du mouvement a été récupéré par les milliardaires, les oligarques, les possédants et les nantis à leur service qui ne mordent pas la main qui les nourrit, pour supprimer toutes les tutelles de l'État qui pouvaient encore servir à une redistribution keynésienne des richesse ou à la conservation d'une école non inféodée aux logiques de rentabilité, d'efficacité et de retour immédiat sur investissement dans la négation du temps long qu'exige toute éducation digne de ce nom !

Aujourd'hui dans le temps de l'après-coup on ne peut que mesurer l'étendue des dégâts et déplorer qu'un tel mouvement sociétal n'ait fait qu'exacerber les logiques de darwinisme social, provoquant la sauvagerie, la barbarie, l'incivilité, la violence etc. dans les rapports entre les gens.

Pour ce qui est de « la loi du père », du paternalisme qui sont critiquables, les moyens mêmes de la critique de notre idéologie sont eux-mêmes contaminés car ils se basent sur la volonté du sujet. C'est ce qu'Élisabeth de Fontenay appelle la subjectivité humaniste de l'homme blanc, mais une subjectivité qui désormais se retourne contre le mâle blanc globalement à l'échelle du globe complètement néolibéralisé en 50 ans, avec une agressivité décuplée de la part des femmes et des minorités ethniques issues de la diversité. Agressivité et violence décuplées que précisément n'avait pas forcément le mâle blanc dominant, capable lui de bienveillance dans ce que l'on appelle désormais péjorativement : le paternalisme !

Aujourd'hui le capitalisme a bien compris ça, et sa volonté de domination ne passe plus par le paternalisme, mais par l'exaltation sociétale des femmes, des minorités ethniques (United Colors of Benetton), la dénonciation du racisme et de l'homophobie etc.
Précisément les multi-milliardaires jouent désormais sur cette corde sensible pour accroître indéfiniment leurs richesses, et augmenter la productivité de leurs travailleurs à l'aide globalement d'une logique de bouc-émissarition du mâle blanc, que l'on retrouve actuellement dans une campagne gouvernementale de sensibilisation sur le viol, donc sur la violence sexuelle faite aux femmes et où comme par hasard le mâle blanc se retrouve quasi exclusivement au banc des accusés voir ici, à travers tout ce que l'on peut faire dire à des images en fonction de la couleur de peau des protagonistes. Appartenance que s'empresse désormais de renier tout mâle blanc sain de corps et d'esprit si il veut échapper au lynchage par la Charia de la bien-pensance, en en rajoutant dans l'autoflagellation à la manière d'un Yann Barthès, et dans l'oubli et le reniement de toute mémoire du passé. C'est ce qu'on appelle « diviser pour mieux régner » et surtout déculturer massivement de la part des possédants, des dirigeants et des nantis, qui ont toujours un coup d'avance sur le « peuple ».
C'est ce qui faisait dire à Heidegger que le nihilisme est le destin de l'Occident, nihilisme aujourd'hui visible notamment dans les manifestations de violence et d’agressivité décuplées, des minorités ethniques et des femmes dans un pays comme la France, à l'égard, vous l'admettrez j'espère, de mâles blancs « dominants » au paternalisme bien décati !

Est-ce que pour autant je prône un retour au paternalisme ? Non ! Pour ma part je crois qu'il faut se préserver de tous les excès, et choisir à la façon d'un moine bouddhiste la voie du milieu, entre les excès du mâle blanc dominant plutôt passés (colonialisme, esclavagisme, machisme etc.) et les excès actuels de la « libération sociétale » (mariage pour Tous, PMA, théorie du genre etc.), qui aujourd'hui ne font en dernier ressort que le jeu des multi-milliardaires tirant toujours plus habilement leur épingle du jeu, et qui cherchent à fracturer toujours plus les sociétés occidentales ou en voie d'occidentalisation d'Orient ou d'Afrique, afin que personne ne conteste leur enrichissement exponentiel toujours plus indécent, et sans aucune perspective de ruissellement en réalité !

C'est pourtant la perspective d'une répartition plus juste des richesses qui avait permis de générer de l'utopie en mai 68, et non cette situation quasi insurrectionnelle (dans le sens d'une guerre civile larvée et latente susceptible d'évoluer en patente) que nous connaissons aujourd'hui, due à une volonté sous-jacente d'origine néolibérale et poursuivant sa logique propre vieille de plus de 300 ans, de diviser les Français en fonction de leur classe (division réelle et subie, mais niée par le pouvoir), de leur « race » (je sais que l'on n'a plus le droit de parler de races aujourd'hui, et cela traduit moins une avancée des sciences que le déclin de toute spiritualité !), et surtout de leur genre (là on met vraiment le paquet aujourd'hui !)... Toujours diviser pour mieux régner ! Pour s'enrichir les riches ont toujours désiré le malheur des peuples, ce n'est hélas pas nouveau ! Victor Hugo le déplorait en son temps, aucune évolution depuis, et même une constante régression depuis mai 68 sous le nom de réformes ! »

France : « Globalement d'accord avec vous et même attristée par le peu d'envergure (et d'entregent) d'une gauche en principe anticapitaliste (donc forcément écologique aujourd'hui) qui ne perçoit pas cette dynamique de déconstruction de notre passé, de fracturation de la société, d'oppositions ethniques, etc. Je parle de celle qui ne fait pas implicitement le jeu des tenants du capital.
Revenant au sujet de départ, il me semble que les gentilles propositions du "paysan médiatisé" même si elles ont le mérite de calmer la violence (mais pas celle des plus atteints d'entre nous), n'atteindront qu'une cible : endormir notre vigilance et nous remettre juste face à nous même dans un calme trompeur (un nouvel égoïsme). »

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