lundi 8 octobre 2018

L'irrésistible montée du populisme à travers le monde



Le libéralisme politique et économique est un chemin qui ne mène nulle part, sinon au chaos et à la ruine. Chacun est libre oui, mais dans son coin sans contacts avec son voisin, ce que Marx appelait déjà les robinsonnades propres à une conception libérale des relations humaines. Les familles même se disloquent, souvent au nom de la réussite sociale qui constitue le juge de paix (le signe religieux d'élection spirituelle propre aux protestants), les rapports humains se judiciarisent. Il n'y a plus aucun lien, alors que seule la relation humaine serait susceptible de faire évoluer voire se métamorphoser l'individu vers le meilleur.
Le populisme qu'est-ce que c'est ? La nostalgie d'une société où des valeurs partagées telles que la religion, la famille ou la patrie, lui donnaient une colonne vertébrale (même si cela nous fait irrésistiblement penser à Pétain, ce repoussoir, en France).

Nous sommes de toute façon allés bien trop loin dans la négation de toutes les valeurs traditionnelles, au nom du progressisme (que l'on oppose en France au populisme des partisans du « c'était mieux avant ! ») qui ne mène nulle part. Le populisme d'extrême-droite constitue juste un retour de bâton somme toute logique, même si l'on peut le déplorer.
Pour ma part je serais partisan d'un genre d'utopie créatrice d'espoir et génératrice de nouveaux types de relations, telle que celle qui a pendant quelques années suivi un mouvement comme mai 68 de mouvance plutôt anarchiste à l'origine, plus que du retour nostalgique aux valeurs du passé. Mais la société atomisée n'a plus assez de forces pour produire un tel mouvement générateur d'utopie, les atomes sont effectivement trop épuisés, lobotomisés, par le darwinisme social à l'œuvre dans le monde impitoyable du travail. Alors le mouvement logique au sens de fatalisme irrésistible, est celui du retour à une colonne vertébrale que donnent des valeurs traditionnelles. C'est d'ailleurs une telle colonne vertébrale traditionnelle, mais modérée et gaulliste, qui avait permis à des mouvements anarchistes et utopistes de voir le jour, et qui en retour payèrent de Gaulle d'ingratitude en le taxant globalement de « vieux con » plutôt que de chercher à s'acquitter de leur dette. Lui qui ne vouait à son peuple qu'une sincère bienveillance contrairement à tous les dirigeant libéraux qui lui succédèrent, tous plus sournois et perfides les uns que les autres, le dernier en date remportant le pompon de la perfidie, de la perversion libérale et de la traîtrise envers « son » peuple, constitutives d'une idéologie poussant à l'atomisation.

Je pense que le libéralisme est la plus nihiliste de toutes les doctrines par l'atomisation des individus, en les poussant au conflit permanent jusqu'au sein des familles, notamment dans la revendication permanente et totalement stérile d'un point de vue éthique, de toujours plus de droits nouveaux ayant pour effet de diviser encore plus l'ensemble de la société. Revendication permanente par le biais d'une judiciarisation de tous les aspects de la vie humaine, bientôt pourquoi pas du nourrisson contre sa nourrice, qui est une manifestation outrancière de la volonté de puissance de chacun dans son coin en guerre contre tous les autres, et qui constitue bien l'essence du nihilisme contemporain dans les sociétés occidentales. 
Nihilisme inquiétant dans la mesure aussi où une telle judiciarisation de tous les aspects de la vie humaine ne peut que susciter des mouvements réactionnaires de nostalgie du passé, où les mots autorité, fidélité et respect voulaient encore dire quelque chose, mais susceptibles, on est bien d'accord, d'aggraver encore plus la situation que de l'améliorer comme l'a montré l'épisode nazi. Nostalgie romantique d'un passé glorieux germanique, plus fantasmé que réel ; ou fascisme italien : nostalgie de la grandeur romaine.

Est-ce que nous pourrons encore réellement nous payer le luxe d'une destruction de l'Europe par le biais des luttes fratricides entre les nations ? Bien que seule la notion de patrie soit capable de transcender l'atomisation d'un peuple. Ce qu'une « Europe fédérale », « unie » autour d'objectifs purement économiques, et sur le droit des individus dans leurs revendications purement individuelles et égoïstes, a été incapable de faire. Même si l'Europe fédérale ne s'est pas encore à proprement parler réalisée sur le plan politique, si elle devait se réaliser sur ce modèle économique cela ne mènerait qu'un peu plus rapidement vers le chaos et la ruine.
Pourtant il apparaît bien que l'histoire soit cyclique, et la logique historique actuelle celle qui mène au populisme d'extrême-droite.
Il est dommage aussi que l'utopie ait été dévoyée par l'idéologie néolibérale, en poussant l'individu robinsonisé à une surenchère incessante souvent par la voie juridique pour obtenir de nouveaux droits, qui n'ont eu pour effet que de l'isoler encore plus dans son solipsisme libertaire et dans le consumérisme autistique exacerbé, et en exaspérant une majorité de la population plutôt attachée à des valeurs traditionnelles ; et alors que l'utopie authentiquement libertaire contrairement à l'idéologie néolibérale voulait plutôt les réunir au sein d'un monde plus idéal, de gauche par exemple.
C'est bien finalement l'échec de la gauche et le fait qu'elle se soit vendue progressivement au néolibéralisme et à ses valeurs purement nihilistes qui reposent sur la seule volonté de puissance, son consumérisme constitutif et sa tendance à la marchandisation de toute relation humaine (alors que cette dernière devrait être caractérisée par la gratuité et la notion de don), et quand elle nous plaît pas, sa judiciarisation, qui expliquent désormais la montée des populismes dans le monde.

4 commentaires:

  1. « C'est la raison pour laquelle le libéralisme culturel de la gauche moderne - précisément parce qu'il se fonde sur l'idée qu'aucune manière de vivre ou de penser ne doit être tenue pour supérieure à une autre - est donc logiquement devenu, pour l'élite au pouvoir, l'unique moyen intellectuel de légitimer de manière à la fois cohérente et intégrale le mouvement historique qui porte sans cesse le capitalisme à étendre son emprise sur toutes les sphères de la vie humaine. C'est bien, du reste, cette unité dialectique des deux moments du libéralisme que Marx entendait souligner chaque fois qu'il rappelait que la dynamique exponentielle du capital ne pouvait connaître, par définition, ni frontière ni «aucune limite morale ou naturelle». Dynamique à la fois politique, économique et culturelle dont il résumait ainsi la maxime fondatrice: «Liberté, Egalité, Propriété, Bentham»

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    1. Je sais que je vais mettre la charrue avant les bœufs, mais... Est-ce qu'un populisme utopique d'inspiration socialiste est possible ? Cela n'a jamais été mis en œuvre, si ? Peut-on réellement transformer un grand pays libéral moderne, au modernisme profondément enraciné par plus de 200 ans de tradition politique comme la France, en phalanstère porteur d'utopie plaçant la décence commune au cœur des relations humaines ?
      Le populisme, et à travers lui tous les mal aimés de la République qui sont je le crois largement majoritaires dans ce pays, avec notamment tous les signaux négatifs envers le peuple envoyés de nos jours par le plus haut sommet de l'État, n'est-il pas condamné à ne s'exprimer que sur le mode de la colère destructrice ou réaction d'extrême-droite ? C'est-à-dire tout sauf l'utopie et la décence commune, mais l'agressivité, la colère, le rejet, qui vont encore trouver à s'exacerber souvent à juste titre d'ailleurs, mais malheureusement susceptibles de nous plonger dans un nihilisme encore plus profond que celui où nous nous trouvons.
      Et même si par un premier miracle en France nous pouvions trouver des solutions d'apaisement pour les victimes les plus profondément touchées par les réformes économiques tous azimuts destructrices des liens sociaux, il serait bien plus difficile encore de faire entendre raison aux puissances d'argent ! Et si tel était le cas, par quel second miracle cette désormais puissance moyenne sur l'échiquier mondial que constitue la France, aurait-elle la moindre chance de faire tâche d'huile à l'échelle mondiale, et d'entraver d'un iota la logique néolibérale actuelle dans le monde, c'est-à-dire la poursuite de la croissance, de la destruction créatrice, tout comme la poursuite frénétique de tout nouveaux droits sociétaux sur le plan juridique, envisagés comme la solution, alors qu'ils constituent le problème ?

      « On n'a jamais vu de chien faire, de propos délibéré, l'échange d'un os avec un autre chien. »
      Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)

      Adam Smith
      Cette question de la cupidité féroce au cœur de l'idéologie libérale, est bien ce qui fait problème de façon cruciale pour qu'une éventuelle réforme des comportements, désormais profondément enracinés avec cette idée, puisse être envisagée avec sérénité.

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    2. « Le collectif reprend le pas sur le connectif. Voici que le XXIe siècle qui devait marquer l’avénement d’un monde post-national s’ouvre sur une demande de réenracinement. Voici que le nomadisme, promu valeur sociétale montante par une écrasante croisade médiatique et publicitaire, est rejeté pour ce qu’il est : un esclavage plus inflexible que toutes les anciennes aliénations. Voici que contre toute attente, la terre, l’attachement au territoire reprend place dans l’imaginaire politique et affectif des Français. Voici que les « prolos », les « péquenauds », les « ploucs », et autres « bouseux », toutes les figures moquées et méprisées par le turbo-capitalisme et la gauche kérosène, renouent avec les vertus de la solidarité communautaire, se réapproprient l’art de vivre qui constituait encore, dans un passé pas si lointain, le seul et authentique « capital des pauvres », avant que l’assommoir de la culture mainsteam ne s’emploie à les éradiquer. Voici que sonne l’heure de la revanche pour les imbéciles heureux qui sont nés quelques part » et auxquels on ne cessait de faire payer le crime de nativisme : savoir d’où l’on vient et ce que l’on doit aux siens. Voici que le révolte pointe contre cette barbarie aussi douce qu’implacable dont ils pressentent qu’elle menace leur plus simple humanité. » ( P. Buisson)

      « Selon une autre tradition, qui s'incarnera au mieux dans le libéralisme anglo-saxon, par exemple dans la théorie des sentiments moraux d'Adam Smith, mais aussi chez les utilitaristes et, plus récemment dans les éthiques évolutionnistes d'inspiration darwinienne, l'altruisme ne serait, au contraire de ce que prétendent le christianisme ou les morales républicaines d'inspiration kantienne, qu'un prolongement de l'égoïsme. Il n'y aurait donc aucune solution de continuité entre les deux termes, un altruiste n'étant qu'un égoïste qui trouve son bonheur dans le bonheur d'autrui. C'est par le souci de soi que passerait le souci de l'autre, parce que mon bonheur impliquerait, au moins en partie, que les autres ne soient pas trop malheureux. Nul besoin pour comprendre l'altruisme d'invoquer une quelconque liberté d'arrachement, le souci de soi suffisant à expliquer celui d’autrui. »

      P. B : « L’ abandon du vieux modèle assimilationniste qui faisait des « Français de souche » les référents culturels à imiter provoque des conséquences en cascade : érosion de l’estime de soi, de la sûreté morale, de la confiance collective, du sentiment d’unité et de fierté nationale. (…) Dans la grande panne des idéaux et le désert d’espérances collectives, la révolte identitaire exprime d’abord l’attachement des plus modestes à une identité-mode de vie.
      Contrairement au portrait complaisamment répandu par les médias d’une « France obsidionale », d’une « France blafarde », d’une « France moisi » animée par un racisme instinctif, tripal et tribal, les enquêtes réalisées sur le sujet montrent qu’il s’ agit moins d’un rejet de l’autre en raison de sa différence, moins d’une hypothétique « altérophobie », pour reprendre la terminologie en vogue, que d’un refus d’une dépossession de soi, d’une révolte sourde et désespérée devant la perspective de devenir autre chez soi, étranger sur son propre sol, et de se découvrir un jour minoritaire dans un environnement autrefois familier, mais dont on aurait progressivement perdu la maîtrise. »

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    3. 1844 MARX : « L’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes, il faut que la force matérielle soit renversée par une force matérielle, mais la théorie aussi devient une force matérielle, dès qu’elle saisit les masses. La théorie est capable de saisir les masses dès qu’elle argumente ad hominem, et elle argumente ad hominem dès qu’elle devient radicale. Être radical, c’est saisir les choses à la racine. Or, la racine pour l’homme, c’est l’homme lui-même. »
      Pour une critique de la philosophie du droit de Hegel, 1844.

      « L’économie transforme le monde, constate Guy Debord, mais le transforme seulement en monde de l’économie.»
      « En ce sens; le néo-libéralisme est bien une forme économique du totalitarisme, tout comme le nazisme et le communisme en ont été au XXe siècle les formes politiques. Comme eux, il a pour projet l’utopie d’un homme nouveau, qu’il soit le produit d’une manipulation psychologique ou biologique, d’un reformatage médiatico-publicitaire ou d’une expérimentation en laboratoire. Car, pour bien fonctionner, l’économie de la cupidité a besoin d’une nouvelle humanité exclusivement mue par le désir du consommateur et la raison du technicien. C’est pourquoi elle s’attache à produire en série cet homo oeconomicus libéré de toute appartenance ou attache symbolique et, demain, émancipé des limites physiologiques qui fixaient jusqu’ici sa condition. »

      « Avant d'être reprise par les marxistes, l'expression «politiquement correct» a été lancée par la Cour suprême des Etats-Unis dès 1793. Jean-Claude Michéa considère d'ailleurs que le politiquement correct est le « triomphe de la juridification des relations humaines » contre la common decency défendue par Orwell. »

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