mardi 7 avril 2020

La décadence de la France est celle des petits peuples qui la composent



Non la culture bretonne ne s'est pas du tout redressée. C'est un feu de paille qui a pu faire illusion et qui n'a duré que le temps des années 70. En une génération, celle nihiliste des baby-boomers, la très grande majorité des Bretons ont perdu l'essentiel de ce qui faisait leur identité : la langue bretonne. Ce que l'école de la République n'avait pas réussi à éradiquer, la postmodernité libérale-hédoniste l'a réalisé.
J'y habite et je peux en témoigner les Bretons sont un peuple en pleine décadence : on y écoute de la techno et du rap et non plus de la musique traditionnelle pendant les fêtes de village, y compris en pays bretonnant. "Pays bretonnant" : expression qui n'a plus de sens ! Et dans les campagnes les villages périssent, ne subsiste que l'industrie touristique sur la côte.

On pourrait dire que dans un esprit d'innovation destructrice propre au capitalisme, ce sont toutes les cultures et traditions vernaculaires sur lesquelles reposait le "grande culture" européenne qui sont menacées.

Donc les bobos hédonistes qui roulent en trottinettes, peuvent bien ricaner à l'abri de leurs forteresses socio-culturelles et géographiques protégées, ils ne seront pas épargnés par la décadence, la déculturation, c'est-à-dire par l'effondrement généralisé de la civilisation qui reposait sur la mondialisation.

Mes grands-parents qui sont morts au début des années 2000 le parlaient couramment. C'était leur langue maternelle avant le français, que ma grand-mère parlait en roulant les r et avec un fort accent, sans doute breton. C'est vraiment le libéral-hédonisme qui a rompu la chaîne de transmission, ce que l'École de la République n'avait pas réussi à réaliser en 200 ans. Lire à cet égard les écrits de Pasolini sur la destruction des cultures vernaculaires par la (sous-)culture de la publicité et de la consommation, et la télévision.

C'est tout le problème de la destruction créatrice, le moteur du capitalisme et de la mondialisation, qui rend obsolètes les vieilles coutumes, traditions et usages. Or les peuples décadents sont ceux qui perdent leur culture. Les peuples en bonne santé sont ceux qui éventuellement la réhabilite, comme ces Juifs qui en Israël ont rétabli l'hébreu comme langue nationale. D'autant plus que la grande culture nationale française, celle d'un Victor Hugo par exemple, reposait sur les cultures vernaculaires de ses terroirs. Sans ces "petites" cultures qui sont son terreau indispensable, il risque fort de n'y avoir plus de "grande" culture.
Mon grand-père était un décadent, il avait été traumatisé par la défaite de 1940, et a été prisonnier de guerre jusqu'en 1945. Il a effectivement perdu confiance dans la culture de ses ancêtres, et comme beaucoup de ceux de sa génération il a cru au progrès et à l'ascenseur social de l'après-guerre et de la reconstruction, qui passait par la langue française exclusivement, pensait-il pour ses filles. Mais on a vu à partir du début des années 80 qu'il s'agissait d'un piège et que l'État providence ne tenait plus ses promesses, le meilleur moyen de se prémunir contre les méfait du néolibéralisme étant encore de se raccrocher à une culture vernaculaire ; pour ne pas être complètement déculturé.

Est-ce que Zemmour ne se réfère pas à une identité rêvée de la France ? Du temps où la France avait une personnalité forte avec de Gaulle et les trente glorieuses qui ont fait illusion, alors qu'aujourd'hui elle subit une grave crise d'identité avec une personnalité très fragile ?
Je vous le répète je pense qu'il y a un lien entre la chute des petites cultures vernaculaires, des petits peuples qui composaient la France, et la grave crise d'identité qu'elle subit globalement aujourd'hui. Personnellement je me fous du peuple breton, je me sens plus français que breton, mais ce sont tous ces petits peuples lorsqu'ils n'étaient pas décadents, qui formaient la grande nation dont Zemmour a la nostalgie, et en retour la grande nation donnait à ces petits peuples un motif de fierté.
Je me réfère à Michelet : « la France est une nation, la Grande-Bretagne un empire et l'Allemagne un peuple. » La France a cette originalité par rapport à l'Allemagne d'être composée de peuples hétérogènes, qui se sont certes métissés et mélangés.
Il est évident que dans cette chute civilisationnelle, les flux migratoires très denses jouent un rôle absolument préjudiciable, en plus de la destruction par l'intérieur de l'"âme" de la France par le néolibéralisme et la mondialisation.

1 commentaire:

  1. On peut encore entendre le breton ça et là. Il y a une vingtaine d'années ( c'est vrai que ça date ), invité à une réunion d'un quelconque syndicat ( de drainage je crois), d'abord j'ai eu du mal à trouver la Mairie ( seulement indiqué Ty Ker, heureusement que j'ai quelques notions de breton...), ensuite au repas qui en découle ( à chaque réunion un repas, mais ce n'est pas propre à la Bretagne..) j'ai vécu une expérience traumatisante : une centaine de convives qui parlaient, braillaient plutôt, exclusivement en breton ( je suppose que c'était du trégorrois, mais là je n'oserais m'avancer..😗 ). Une seule personne, en plus de moi, ne savait pas parler breton, un ingénieur de la Direction départementale de l'agriculture, pourtant en face de moi on ne pouvait pas se parler, on ne s'entendait pas ! En plus le repas était dégueulasse..

    Est-ce que vos parents parlaient breton ? Parce que j'ai quand même l'impression que la chaine de transmission s'est rompue à la génération de vos grands-parents par rapport à leurs enfants. Et on accuse tout un tas de choses, non sans raison quelquefois, mais enfin si le breton a arrêté de se transmettre c'est simplement parce qu'il n'était plus utile, c'est ce qu'a compris cette génération. On peut le regretter, mais que faire d'une langue qui ne sert plus ?

    Ce que vous dites est assez sensé, mais il y aurait matière à discuter.
    Deux choses quand même
    - dieu sait ce que je pense du capitalisme et de la mondialisation néo-libérale, mais les accuser de la disparition de certaines cultures est un peu inadapté. De tout temps langues et civilisations ont évoluées et disparues, c'est la marche du monde, et vouloir restaurer un mode idyllique imaginaire est illusoire.
    - faire intervenir la notion de peuple dans le débat me contrarie.Là aussi vous vous référez à une identité rêvée. Par exemple est-ce que la notion de peuple breton correspond à quelque chose de concret aujourd'hui ?

    Des petits peuples qui formaient une grande nation ? C'est un peu voir l'histoire en un prompt raccourci....

    Si on enlève les bretons, les basques, les flamands et les alsaciens - bien mélangés eux aussi pour la plupart, le reste des Français est une accumulation de métissages. Vous voulez parler de quoi, d'un peuple normand, d'un peuple lorrain, d'un peuple provençal ? ça n'a jamais existé ! Et pour moi la notion de peuple n'a de sens que pour les peuples premiers. ils se font rares aujourd'hui...

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