Non la culture bretonne ne s'est pas du tout
redressée. C'est un feu de paille qui a pu faire illusion et qui n'a duré que
le temps des années 70. En une génération, celle nihiliste des baby-boomers, la
très grande majorité des Bretons ont perdu l'essentiel de ce qui faisait leur
identité : la langue bretonne. Ce que l'école de la République n'avait pas
réussi à éradiquer, la postmodernité libérale-hédoniste l'a réalisé.
J'y habite et je peux en témoigner les Bretons sont
un peuple en pleine décadence : on y écoute de la techno et du rap et non plus
de la musique traditionnelle pendant les fêtes de village, y compris en pays
bretonnant. "Pays bretonnant" : expression qui n'a plus de sens ! Et
dans les campagnes les villages périssent, ne subsiste que l'industrie
touristique sur la côte.
On pourrait dire que dans un esprit d'innovation
destructrice propre au capitalisme, ce sont toutes les cultures et traditions
vernaculaires sur lesquelles reposait le "grande culture" européenne
qui sont menacées.
Donc les bobos hédonistes qui roulent en trottinettes,
peuvent bien ricaner à l'abri de leurs forteresses socio-culturelles et
géographiques protégées, ils ne seront pas épargnés par la décadence, la
déculturation, c'est-à-dire par l'effondrement généralisé de la civilisation
qui reposait sur la mondialisation.
Mes grands-parents qui sont morts au début des
années 2000 le parlaient couramment. C'était leur langue maternelle avant le
français, que ma grand-mère parlait en roulant les r et avec un fort accent,
sans doute breton. C'est vraiment le libéral-hédonisme qui a rompu la chaîne de
transmission, ce que l'École de la République n'avait pas réussi à réaliser en
200 ans. Lire à cet égard les écrits de Pasolini sur la destruction des
cultures vernaculaires par la (sous-)culture de la publicité et de la
consommation, et la télévision.
C'est tout le problème de la destruction créatrice,
le moteur du capitalisme et de la mondialisation, qui rend obsolètes les
vieilles coutumes, traditions et usages. Or les peuples décadents sont ceux qui
perdent leur culture. Les peuples en bonne santé sont ceux qui éventuellement
la réhabilite, comme ces Juifs qui en Israël ont rétabli l'hébreu comme langue
nationale. D'autant plus que la grande culture nationale française, celle d'un
Victor Hugo par exemple, reposait sur les cultures vernaculaires de ses
terroirs. Sans ces "petites" cultures qui sont son terreau
indispensable, il risque fort de n'y avoir plus de "grande" culture.
Mon grand-père était un décadent, il avait été
traumatisé par la défaite de 1940, et a été prisonnier de guerre jusqu'en 1945.
Il a effectivement perdu confiance dans la culture de ses ancêtres, et comme
beaucoup de ceux de sa génération il a cru au progrès et à l'ascenseur social
de l'après-guerre et de la reconstruction, qui passait par la langue française
exclusivement, pensait-il pour ses filles. Mais on a vu à partir du début des
années 80 qu'il s'agissait d'un piège et que l'État providence ne tenait plus
ses promesses, le meilleur moyen de se prémunir contre les méfait du
néolibéralisme étant encore de se raccrocher à une culture vernaculaire ; pour
ne pas être complètement déculturé.
Est-ce que Zemmour ne se réfère pas à une identité
rêvée de la France ? Du temps où la France avait une personnalité forte avec de
Gaulle et les trente glorieuses qui ont fait illusion, alors qu'aujourd'hui
elle subit une grave crise d'identité avec une personnalité très fragile ?
Je vous le répète je pense qu'il y a un lien entre
la chute des petites cultures vernaculaires, des petits peuples qui composaient
la France, et la grave crise d'identité qu'elle subit globalement aujourd'hui.
Personnellement je me fous du peuple breton, je me sens plus français que breton,
mais ce sont tous ces petits peuples lorsqu'ils n'étaient pas décadents, qui
formaient la grande nation dont Zemmour a la nostalgie, et en retour la grande
nation donnait à ces petits peuples un motif de fierté.
Je me réfère à Michelet : « la France est une
nation, la Grande-Bretagne un empire et l'Allemagne un peuple. » La France a
cette originalité par rapport à l'Allemagne d'être composée de peuples
hétérogènes, qui se sont certes métissés et mélangés.
Il est évident que dans cette chute
civilisationnelle, les flux migratoires très denses jouent un rôle absolument préjudiciable,
en plus de la destruction par l'intérieur de l'"âme" de la France par
le néolibéralisme et la mondialisation.
On peut encore entendre le breton ça et là. Il y a une vingtaine d'années ( c'est vrai que ça date ), invité à une réunion d'un quelconque syndicat ( de drainage je crois), d'abord j'ai eu du mal à trouver la Mairie ( seulement indiqué Ty Ker, heureusement que j'ai quelques notions de breton...), ensuite au repas qui en découle ( à chaque réunion un repas, mais ce n'est pas propre à la Bretagne..) j'ai vécu une expérience traumatisante : une centaine de convives qui parlaient, braillaient plutôt, exclusivement en breton ( je suppose que c'était du trégorrois, mais là je n'oserais m'avancer..😗 ). Une seule personne, en plus de moi, ne savait pas parler breton, un ingénieur de la Direction départementale de l'agriculture, pourtant en face de moi on ne pouvait pas se parler, on ne s'entendait pas ! En plus le repas était dégueulasse..
RépondreSupprimerEst-ce que vos parents parlaient breton ? Parce que j'ai quand même l'impression que la chaine de transmission s'est rompue à la génération de vos grands-parents par rapport à leurs enfants. Et on accuse tout un tas de choses, non sans raison quelquefois, mais enfin si le breton a arrêté de se transmettre c'est simplement parce qu'il n'était plus utile, c'est ce qu'a compris cette génération. On peut le regretter, mais que faire d'une langue qui ne sert plus ?
Ce que vous dites est assez sensé, mais il y aurait matière à discuter.
Deux choses quand même
- dieu sait ce que je pense du capitalisme et de la mondialisation néo-libérale, mais les accuser de la disparition de certaines cultures est un peu inadapté. De tout temps langues et civilisations ont évoluées et disparues, c'est la marche du monde, et vouloir restaurer un mode idyllique imaginaire est illusoire.
- faire intervenir la notion de peuple dans le débat me contrarie.Là aussi vous vous référez à une identité rêvée. Par exemple est-ce que la notion de peuple breton correspond à quelque chose de concret aujourd'hui ?
Des petits peuples qui formaient une grande nation ? C'est un peu voir l'histoire en un prompt raccourci....
Si on enlève les bretons, les basques, les flamands et les alsaciens - bien mélangés eux aussi pour la plupart, le reste des Français est une accumulation de métissages. Vous voulez parler de quoi, d'un peuple normand, d'un peuple lorrain, d'un peuple provençal ? ça n'a jamais existé ! Et pour moi la notion de peuple n'a de sens que pour les peuples premiers. ils se font rares aujourd'hui...