vendredi 8 octobre 2021

Je suis farouchement matérialiste et en même temps conservateur

 


Je suis absolument matérialiste, au sens d'Épicure, Lucrèce, Marx... et je suis fondamentalement pessimiste comme Schopenhauer, il y a une volonté dans la nature mais c'est cette volonté qui nous possède et lorsque nous croyons faire des choix parce que c'est notre volonté, c'est en réalité celle-ci qui se joue de nous. Je ne crois absolument pas au libre arbitre, à la liberté de choix, mais comme fondement de tout à la pulsion, qui si elle a de la chance peut se transformer en désir constructeur voire en amour, si elle en manque en nihilisme mortifère et destructeur.

L'individu est effectivement une construction des Lumières dont découle l'individualisme. C'est mettre la vérité à l'envers car l'homme est avant tout un animal social, un animal politique, c’est une robinsonnade comme dirait Marx. Mettre l'individu donc les droits de l'homme avant la société, c'est selon moi un contresens car c'est de la société que découle l'individu. La société des droits de l'homme, des droits de la femme, des enfants, désormais du wokisme, sont des plaies, car c’est l’individu qui doit être au service de la société et non l’inverse. À son paroxysme cet individualisme est par-dessus le marché actuellement corrompu par l'égoïsme, vanté pour ses mérites selon une conception mandevillienne et smithienne, qui a abouti en 1983 en France à une réactivation d’inspiration reagano-thatchérienne sous l’impulsion de Hayek et de l’école de Chicago du libéralisme, appelée néolibéralisme. La chute du mur de Berlin en 1989 a entraîné la disparition d’une alternative à ce modèle qui maintenant s’impose comme seul valable dans le monde entier (mondialisation), et cela a considérablement encouragé la rapacité des capitalistes qui désormais sont dénués de toute décence commune pour faire valoir leur modèle contre un autre modèle, puisqu’il n’existe plus !

On voit en Chine que libre-marché et dictature ne sont pas incompatibles, voire pire… Que la démocratie n’est pas condition de possibilité du libre-marché, ni que le libre-marché entraîne comme sa conséquence la démocratie, mais plutôt que la démocratie entrave le libre-marché - et là je peux comprendre vos inquiétudes sur la pérennité de la démocratie. Ce n’est donc plus pour la démocratie qu’il faut se battre, vous êtes en retard d’une guerre, mais pour la déconstruction du capitalisme.

Nous sommes dans ce paradigme néolibéral délétère depuis 40 ans, qui s’accompagne depuis plus de 50 ans d’un gauchisme culturel issu de mai 68. En gros le monde du travail est farouchement de droite, socialement néodarwinien et capitaliste comme jamais, et le monde des valeurs est sociétalement de gauche (néoféminisme, militantisme LGBT, wokisme…) : c’est un cocktail assez fatal. Pour moi ça devrait être radicalement l’inverse. Je suis conservateur au niveau des valeurs : il faut protéger tout ce qui est encore susceptible de l’être, surtout la famille, le couple hétérosexuel, les valeurs morales de la société reposant sur l’altruisme, le don de soi, la communauté, voire les traditions et les coutumes, et même la religion catholique.

Hypothèse optimiste : Zemmour est un premier pas pour nous sortir du système actuel absolument délétère et nous conduisant tout droit au transhumanisme et à la marchandisation du vivant (Onfray a raison sur ce plan-là), et nous engager à terme dans la voie du matérialisme historique. Il faut prendre Zemmour, trop humaniste, croyant trop au libre arbitre, comme un jalon au sein d'un processus dialectique matérialiste. Zemmour marxiste ? Non pas, mais il ouvre une possibilité au marxisme de retrouver quelques lettres de noblesse, et de renouer avec une vision matérialiste de l'humain et de l'Histoire. Car le plus grand mérite de Zemmour est de réhabiliter l'Histoire et de prôner la déconstruction de la déconstruction par le rétablissement du roman national et de l'apprentissage de la culture à l'école. Je ne suis pas non plus comme Marx qui pense que l’on pourra accéder à un paradis sur terre à l’achèvement du capitalisme sur le modèle du paradis des chrétiens, ici et maintenant ; il ne faut pas se bercer d’illusions.

Pour ce qui est du libéralisme voire même du néolibéralisme de Zemmour, je le rejette totalement, et je prône une déconstruction progressive du capitalisme à partir de l’enseignement à l’École de toute l’aliénation et des crimes qu’il a commis. Vous voyez je ne suis pas violent, je ne suis pas si méchant, je ne parle pas d’une destruction du capitalisme, mais d’une déconstruction progressive - évidemment je rêve, le capitalisme ne laissera jamais faire et même actuellement il s’implante peu à peu à l’École. Et selon moi Heidegger que vous décriez tant, qui sert à déconstruire tant de chose (peut-être selon vous la démocratie), pourrait être utilisé avec Marx pour déconstruire le capitalisme et le devenir-monde de la Technique (mondialisation), nous aliénant parce qu’il se fait par l’arraisonnement (gestell) de la nature sur le mode la provocation. Non seulement la nature mais l’homme lui-même au sein de cette nature y devient fonds disponible au service de cet arraisonnement, étant un mode de dévoilement du monde annihilant peu à peu tout autre mode de dévoilement : artistique ou religieux. Cela aboutit à l’enlaidissement du monde.

Seulement voilà, comment faire entendre raison à ceux qui en profitent, qui nous exploitent ? Le beau fauteuil d’intellectuel - pas si beau d’ailleurs, pas si prestigieux, mais vous faites ce que vous pouvez à votre modeste niveau ; défenseur de la démocratie où vous êtes assis, « ils » sont en train de le ronger peu à peu, et sont déjà en train de réfléchir à comment nous faire sortir de la démocratie pour obtenir des résultats aussi efficaces que la Chine.

Là où vous avez peut-être raison, c’est que des gens comme Zemmour pourraient bien nous être imposés pour servir ces sombres desseins, là aussi comme vous je doute et il convient de rester vigilant.

Je le répète je suis philosophiquement matérialiste au sens d'Épicure, Lucrèce, Marx, et pourtant, peut-être paradoxalement, je crois aux valeurs morales pour se construire. Pour l'avoir éprouvé dans mon corps, je ne suis pas sûr que le gauchisme culturel issu de mai 68 et le wokisme actuel déconstructeur de toutes les valeurs de nos ancêtres depuis le baptême de Clovis en France, permettra aux futures générations de se construire sereinement.

Oh bien sûr il y aura des survivants, que ce soit d'ailleurs du côté de la culture ou de la barbarie (j'appelle peut-être abusivement barbarie tout ce qui est de l'ordre de la gestell), et ils seront même peut-être plus beaux qu’ils ne l’ont jamais été, mais ils seront souillés du crime de nombreux de leurs petits camarades. Car savez-vous qu’il y a beaucoup de morts-vivants en France ? Ces fameux 44% qui s’apprêtent à voter pour les extrêmes car on leur a ôté tout espoir. Moi c’est pour eux que je veux lutter et pour moi aussi, et pas contre eux, et surtout pas seulement pour les Ouïghours chinois parce que quand je sors de chez moi je préfère penser idéalement à eux plutôt que de voir le mendiant français qui gît à mes pieds (victime du néolibéralisme), ou mon voisin qui vient de se suicider parce qu’on l’avait abusivement collé en prison pour violences conjugales imaginaires (victime du néoféminisme).

Oui en France, aujourd'hui, ici et maintenant, le capitalisme tue, le gauchisme culturel parce qu'il est devenu abusif tue (Finkielkraut a parfaitement raison de pourfendre le néoféminisme abusif qui ne vise plus l'égalité mais l'hégémonie) ; et les deux marchent main dans la main, pour la plus grande joie des exploiteurs du genre humain qui se frottent les mains d'une telle alliance, à l'abri dans leurs bureaux feutrés au dernier étage d’un building high-tech de la Défense, en comptant non plus en millions mais en milliards de bénéfices, et dont vous êtes peut-être à votre insu, l'idiot utile.

Vous essentialisez les Juifs, tous ne sont pas subtils, généreux, drôles, fiers. C'est de l'angélisme presque aussi caricatural que de dire qu'ils sont tous exploiteurs, cupides, profiteurs, poltrons (clichés barbares des années 30, heureusement révolus). Il y a de tout parmi eux comme chez tous les autres peuples, à condition qu'on laisse les peuples s'épanouir. Pour les Juifs ça a toujours été les montagnes russes dans ce domaine, subissant, faisant subir. Globalement je dirais qu'ils ont beaucoup subi dans leur histoire, depuis l'Antiquité, la haine des autres peuples, voire parfois la haine de tous les autres peuples, et qu'ils y puisent, plus que tout autre peuple, le courage d'être en vie et d'affirmer encore plus la vie (conatus spinoziste). Par contre je crois que l'on peut dire sans caricaturer que les Juifs sont du fait de leur histoire et de leur expérience hors du commun qui remonte à presque 3000 ans, la conscience du monde occidental - Israël pose d'ailleurs problème car il est une enclave occidentale au sein du monde oriental ; ce qui faisait dire à Nietzsche qu'ils seraient amenés à devenir les guides et les maîtres spirituels de l'Europe.

Pour ce qui est des talibans, concernant la religion je n'ai pas du tout une approche théorique, mais intuitive, qui se base sur mon expérience d'enfant. Il y a des points communs entre le catholicisme breton que j'ai connu dans mon enfance, et un genre de collectivisme communiste faisant passer la communauté avant l'individu, puisqu'il est un animal social et politique avant d'être le produit d'une idéologie des Lumières (libérale) qui l'individualise. Le mouvement naturel de l'homme est le partage, le don et la communauté. L'individualisme à la base du capitalisme est le produit d'une construction qui s'oppose à sa nature profonde qui recèle certes une part d'égoïsme mais non exclusive ; c'est un non-sens anthropologique et écologique. D'où la très grave crise actuelle et le colossal mal être contemporain (suicides, antidépresseurs, anxiolytiques, antipsychotiques...), sans parler des dégâts collatéraux qui n'affectent pas seulement son "âme" : destruction de la nature, enlaidissement du monde, explosion démographique, disparition de l'art classique au profit d'une sous-culture made in US... Non désolé, non seulement je ne peux pas souscrire à la postmodernité, mais je n'y puis non plus adhérer. Les hommes qui s'y épanouissent et s'y enrichissent, parfois totalement outre mesure, sont des hommes pollués de l'intérieur par de fausses valeurs.

À tout prendre les talibans me paraissent moins toxiques que ceux qui adhèrent au néolibéralisme et à sa barbarie (qui est de l'ordre de la gestell ; Heidegger).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire