La situation est simple,
l'économie s'oppose à la culture et à la mémoire, car l'économie repose sur ce
que Schumpeter appelle la "destruction créatrice". Il faut détruire
constamment des pans entiers de l'économie ce qui détruit des emplois, pour que
se créent de nouveaux pan économiques, plus innovateurs, plus performants, à
leur tour créateurs d'emplois. Et cela se fait à un rythme de plus en plus
rapide, calqué sur celui de l'innovation technologique, que nous ne maîtrisons
plus, que nous ne domptons plus, qui croît à une vitesse exponentielle. C'est
ce qui fait la différence entre le capitalisme des origines et l'actuel : la
vitesse à laquelle se font les destructions, même si elles sont suivies de
constructions souhaitables. Mais le rythme des destructions va plus vite que
celui des créations, surtout en France ou contrairement aux Etats-Unis et
aussi en Chine, nous avons un train de retard en matière d'innovations
technologiques.
Le problème que pose cette destruction
permanente sur le fond, est que la mémoire est l'élément indispensable de la
construction de notre identité. Ce n'est donc pas un devoir, ni même un
travail, c'est une nécessité biologique. La folie est un grave trouble de la
mémoire, c'est-à-dire de l'identité. En réalité peu importe les causes,
génétiques ou relationnelles, les conséquences sont les mêmes : la folie. Notre
société hyper individualiste, basée sur la "destruction créatrice"
aboutit à dissoudre tout lien, toute permanence, fait éclater les familles
entre parents et enfants, entre mari et femme, entre frères et sœurs. Notre
société hyper compétitive, et hyper destructrice fait de l'individu le centre
de toute "morale", et fait de sa réussite individuelle, de sa
performance, le critère de tout "jugement moral" : "morale"
qui n'en est plus une. Pratiquement tout le monde est complice de cet état de
fait. C'est pour cela que je dis qu'un nouveau type humain ne va cesser de
croître et de se répandre dans nos sociétés libérales hyper compétitives, un
individu adapté, fort au sens de Darwin : c'est le pervers narcissique, pour
qui se ce qui compte c'est de dominer pour dominer, d'exploiter pour exploiter,
pour sa propre gratification narcissique, non pour en faire retomber les
bienfaits sur le reste de la société. Notre monde lui donne raison, et il est
évident qu'un tel type d'individu est l'ennemi de la culture et de la mémoire,
et n'est fasciné que par la destruction et le chaos de l'entropie.
Du point de vue de la
construction de l'identité le capitalisme fondé sur la "destruction
créatrice" ou "l'innovation destructrice" est donc pire
qu'amoral, il est immoral. Notre économie, donc ce qui d'un point de vue
matérialiste nous détermine, fonde notre conscience dans nos rapports entre
personnes, entre individus, est immorale. Il est logique qu'à terme, un tel
système qui aura usé les individus jusqu'à la corde, et détruit des générations
entières d'enfants et de jeunes, s'effondre de lui-même, victime de sa propre
perversion. Il est clair que Macron est au taquet pour accompagner le mouvement
de la destruction créatrice, et même l'accélérer si possible, alors que
Montebourg est un brave homme qui a des scrupules : il doit bien voir que la
logique économique du capitalisme accéléré est en contradiction avec les
fondements du socialisme et notamment la notion de solidarité, et fait de plus
en plus de victimes pour de moins en moins de victorieux. Victorieux qui en
raison de la nature du système sont fatalement eux-mêmes dans leur majorité des
pervers, donc des pourris.
Quand j'étais petit, je regardais
des films américains à la télé, des westerns notamment : à la fin, le pourri finissait
généralement par périr, victime de la morale. Puis les années 80 sont arrivées
avec "Dallas", qui a renversé la morale classique. Aujourd'hui il
faut bien reconnaître que le monde est devenu plus compliqué, mais que
globalement c'est le pourri qui dégage un maximum de profit, le plus rapidement
possible, contre l'intérêt de tout le reste de la société, qui gagne. Je suis
fondamentalement un naïf qui a trop regardé de films américains des années 50
et 60, étant petit. Je croyais que le monde était bon et moral et que l'histoire
se terminait toujours bien à la fin.
"C'est le pourri qui dégage
un maximum de profit, le plus rapidement possible, contre l'intérêt de tout le
reste de la société, qui gagne.", encore qu'un libéral dirait qu'un tel
type d'individu est évidemment souhaitable, puisque les effets de son égoïsme
privé, rejaillit en bienfaits sur le reste de la société, par le jeu de la
destruction créatrice. Cela est conforme à l'état d'esprit anglo-saxon -
"vice privé, vertu publique". Mais en France étatiste, cela ne passe
pas, nous avons besoin d'hommes admirables auxquels nous identifier comme De
Gaulle, et pas d'individus de type Mark Zuckerberg ou Bill Gates qu'en France
nous ne parvenons pas à admirer, alors qu'un seul d'entre ces 62 milliardaires
qui possèdent autant que 4 milliards d'individus les moins riches, et dont font
partie au moins trois Français, a désormais bien plus d'importance ou
d'influence qu'un Macron ou même un Hollande, ce qui explique tout simplement
le pessimisme et le déclinisme ambiant : notre manque de foi et d'admiration
pour les milliardaires, comme le déplore Macron. C'est juste une question de
point de vue, les Français n'ont pas le bon angle de vision, qui permet aux
Anglo-Saxons, eux, de voir les choses, surtout les Américains, sous un angle
plus pragmatique, ce qui les rend plus optimistes. En France nous ne parvenons
pas à saisir le côté positif de la destruction nécessaire, nous admirons les
constructeurs, pas les destructeurs, nous admirons les solidaires, les partageurs
; pas les égoïstes, et nous avons tout faux. Il est évident aussi que lorsqu'on
dirige le navire et que l'on est sur le pont, comme les Américains, on a un
état d'esprit moins fataliste et plus alerte que lorsqu'on est coincé dans la
soute, comme les Français, même si le bateau coule. Nous vivons dans un milieu
et une époque hostiles comme jamais, la nature aura sa revanche ou bien
l'humanité périra.
Petit résumé de la philosophie de M.Blesbois: tous ceux qui ont de l'argent sont d'affreux pervers alors que les casseurs sont de vertueux anticapitalistes, seuls vrais représentants de la culture. En ce qui vous concerne, j'hésite entre rire et pleurer...
RépondreSupprimerNon je ne dis pas ça : les pervers sont utiles d'un point de vue libéral, c'est-à-dire notre paradigme : puisqu'ils font tourner la baraque. Dans un système où la destruction devient finalement autant voir plus vertueuse que la création, les pervers sont effectivement rois. Il suffit Max de lire Schumpeter et son concept de "destruction créatrice", qui est le vrai paradigme de notre société. Les casseurs et le mouvement nuit debout sont insignifiants. Quant aux grands prédateurs capitalistes, interrogez vous pourquoi ils sont tant attirés par l'art contemporain tout aussi insignifiant : parce que l'art contemporain est à leur image et représente le chaos de l'entropie et de la destruction, ou encore le rien, le néant, ce qu'est finalement le fric amassé au maximum et le plus rapidement possible. Si Finkielkraut ne cesse de geindre, c'est qu'il constate à juste titre la destruction de "sa" belle culture, et cette destruction de la culture va croître exponentiellement, car elle n'est plus en accord avec le monde. Le système capitaliste n'a pas changé depuis son origine, c'est juste une question de vitesse, la vitesse des changements dans le cadre de la troisième révolution industrielle que nous vivons, ne rend plus possible la lenteur et la méditation exigée par la réflexion ou la création artistique, seul l'art contemporain arrive à représenter la notion de "destruction créatrice" au rythme effréné où elle s'effectue désormais. De toute façon Max, tout votre confort matériel ou/et moral éventuel, n'empêchera pas le fait que nous vivons dans un milieu et une époque hostiles comme jamais, la nature aura sa revanche ou bien l'humanité périra.
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