mercredi 18 mai 2016

Qu'est-ce que le bien aujourd'hui ? Détruire !

La situation est simple, l'économie s'oppose à la culture et à la mémoire, car l'économie repose sur ce que Schumpeter appelle la "destruction créatrice". Il faut détruire constamment des pans entiers de l'économie ce qui détruit des emplois, pour que se créent de nouveaux pan économiques, plus innovateurs, plus performants, à leur tour créateurs d'emplois. Et cela se fait à un rythme de plus en plus rapide, calqué sur celui de l'innovation technologique, que nous ne maîtrisons plus, que nous ne domptons plus, qui croît à une vitesse exponentielle. C'est ce qui fait la différence entre le capitalisme des origines et l'actuel : la vitesse à laquelle se font les destructions, même si elles sont suivies de constructions souhaitables. Mais le rythme des destructions va plus vite que celui des créations, surtout en France ou contrairement aux Etats-Unis et aussi en Chine, nous avons un train de retard en matière d'innovations technologiques.
Le problème que pose cette destruction permanente sur le fond, est que la mémoire est l'élément indispensable de la construction de notre identité. Ce n'est donc pas  un devoir, ni même un travail, c'est une nécessité biologique. La folie est un grave trouble de la mémoire, c'est-à-dire de l'identité. En réalité peu importe les causes, génétiques ou relationnelles, les conséquences sont les mêmes : la folie. Notre société hyper individualiste, basée sur la "destruction créatrice" aboutit à dissoudre tout lien, toute permanence, fait éclater les familles entre parents et enfants, entre mari et femme, entre frères et sœurs. Notre société hyper compétitive, et hyper destructrice fait de l'individu le centre de toute "morale", et fait de sa réussite individuelle, de sa performance, le critère de tout "jugement moral" : "morale" qui n'en est plus une. Pratiquement tout le monde est complice de cet état de fait. C'est pour cela que je dis qu'un nouveau type humain ne va cesser de croître et de se répandre dans nos sociétés libérales hyper compétitives, un individu adapté, fort au sens de Darwin : c'est le pervers narcissique, pour qui se ce qui compte c'est de dominer pour dominer, d'exploiter pour exploiter, pour sa propre gratification narcissique, non pour en faire retomber les bienfaits sur le reste de la société. Notre monde lui donne raison, et il est évident qu'un tel type d'individu est l'ennemi de la culture et de la mémoire, et n'est fasciné que par la destruction et le chaos de l'entropie.
Du point de vue de la construction de l'identité le capitalisme fondé sur la "destruction créatrice" ou "l'innovation destructrice" est donc pire qu'amoral, il est immoral. Notre économie, donc ce qui d'un point de vue matérialiste nous détermine, fonde notre conscience dans nos rapports entre personnes, entre individus, est immorale. Il est logique qu'à terme, un tel système qui aura usé les individus jusqu'à la corde, et détruit des générations entières d'enfants et de jeunes, s'effondre de lui-même, victime de sa propre perversion. Il est clair que Macron est au taquet pour accompagner le mouvement de la destruction créatrice, et même l'accélérer si possible, alors que Montebourg est un brave homme qui a des scrupules : il doit bien voir que la logique économique du capitalisme accéléré est en contradiction avec les fondements du socialisme et notamment la notion de solidarité, et fait de plus en plus de victimes pour de moins en moins de victorieux. Victorieux qui en raison de la nature du système sont fatalement eux-mêmes dans leur majorité des pervers, donc des pourris.
Quand j'étais petit, je regardais des films américains à la télé, des westerns notamment : à la fin, le pourri finissait généralement par périr, victime de la morale. Puis les années 80 sont arrivées avec "Dallas", qui a renversé la morale classique. Aujourd'hui il faut bien reconnaître que le monde est devenu plus compliqué, mais que globalement c'est le pourri qui dégage un maximum de profit, le plus rapidement possible, contre l'intérêt de tout le reste de la société, qui gagne. Je suis fondamentalement un naïf qui a trop regardé de films américains des années 50 et 60, étant petit. Je croyais que le monde était bon et moral et que l'histoire se terminait toujours bien à la fin.
"C'est le pourri qui dégage un maximum de profit, le plus rapidement possible, contre l'intérêt de tout le reste de la société, qui gagne.", encore qu'un libéral dirait qu'un tel type d'individu est évidemment souhaitable, puisque les effets de son égoïsme privé, rejaillit en bienfaits sur le reste de la société, par le jeu de la destruction créatrice. Cela est conforme à l'état d'esprit anglo-saxon - "vice privé, vertu publique". Mais en France étatiste, cela ne passe pas, nous avons besoin d'hommes admirables auxquels nous identifier comme De Gaulle, et pas d'individus de type Mark Zuckerberg ou Bill Gates qu'en France nous ne parvenons pas à admirer, alors qu'un seul d'entre ces 62 milliardaires qui possèdent autant que 4 milliards d'individus les moins riches, et dont font partie au moins trois Français, a désormais bien plus d'importance ou d'influence qu'un Macron ou même un Hollande, ce qui explique tout simplement le pessimisme et le déclinisme ambiant : notre manque de foi et d'admiration pour les milliardaires, comme le déplore Macron. C'est juste une question de point de vue, les Français n'ont pas le bon angle de vision, qui permet aux Anglo-Saxons, eux, de voir les choses, surtout les Américains, sous un angle plus pragmatique, ce qui les rend plus optimistes. En France nous ne parvenons pas à saisir le côté positif de la destruction nécessaire, nous admirons les constructeurs, pas les destructeurs, nous admirons les solidaires, les partageurs ; pas les égoïstes, et nous avons tout faux. Il est évident aussi que lorsqu'on dirige le navire et que l'on est sur le pont, comme les Américains, on a un état d'esprit moins fataliste et plus alerte que lorsqu'on est coincé dans la soute, comme les Français, même si le bateau coule. Nous vivons dans un milieu et une époque hostiles comme jamais, la nature aura sa revanche ou bien l'humanité périra. 

2 commentaires:

  1. Petit résumé de la philosophie de M.Blesbois: tous ceux qui ont de l'argent sont d'affreux pervers alors que les casseurs sont de vertueux anticapitalistes, seuls vrais représentants de la culture. En ce qui vous concerne, j'hésite entre rire et pleurer...

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  2. Non je ne dis pas ça : les pervers sont utiles d'un point de vue libéral, c'est-à-dire notre paradigme : puisqu'ils font tourner la baraque. Dans un système où la destruction devient finalement autant voir plus vertueuse que la création, les pervers sont effectivement rois. Il suffit Max de lire Schumpeter et son concept de "destruction créatrice", qui est le vrai paradigme de notre société. Les casseurs et le mouvement nuit debout sont insignifiants. Quant aux grands prédateurs capitalistes, interrogez vous pourquoi ils sont tant attirés par l'art contemporain tout aussi insignifiant : parce que l'art contemporain est à leur image et représente le chaos de l'entropie et de la destruction, ou encore le rien, le néant, ce qu'est finalement le fric amassé au maximum et le plus rapidement possible. Si Finkielkraut ne cesse de geindre, c'est qu'il constate à juste titre la destruction de "sa" belle culture, et cette destruction de la culture va croître exponentiellement, car elle n'est plus en accord avec le monde. Le système capitaliste n'a pas changé depuis son origine, c'est juste une question de vitesse, la vitesse des changements dans le cadre de la troisième révolution industrielle que nous vivons, ne rend plus possible la lenteur et la méditation exigée par la réflexion ou la création artistique, seul l'art contemporain arrive à représenter la notion de "destruction créatrice" au rythme effréné où elle s'effectue désormais. De toute façon Max, tout votre confort matériel ou/et moral éventuel, n'empêchera pas le fait que nous vivons dans un milieu et une époque hostiles comme jamais, la nature aura sa revanche ou bien l'humanité périra.

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