vendredi 14 septembre 2018

Petite discussion sur la perception du réel...



Pour me résumer, il y a peu je disais que « le monde tel qu'il est » est une construction métaphysique : Descartes ; et c'est aussi une construction idéologique : Adam Smith !

Un contradicteur nommé François que je cite me répondait alors : « Non ce sont des faits, multiples qui entrent en coordination et qui font le présent, la seule entité palpable dans nos vies. Certes, ce présent, dans sa complexité, est impossible à appréhender d'une façon instantanée et intelligible. Mais il est. En général, on parle de métaphysique quand on ne peut pas comprendre ce que l'on voit, entend, sent, touche. Mais personne ne comprend vraiment bien ce qui se passe dans le réel instantané, alors on opte pour la métaphysique. C'est facile. Cela permet de s'élever au dessus de la science et de la conscience à bon compte, et c'est gratuit. Cela ne fait de mal à personne. Sauf quand des connards nous disent qu'un Dieu a fabriqué cela en 7 jours ou a envoyé son message à travers son archange, et que si on ne croit pas à ce Dieu, et bien on sera exterminé. Là, la métaphysique nous fait chier, et nous enlève notre liberté, notre libre arbitre.
"Et pourtant, elle tourne..."
Un détail, si l'on peut parler ainsi : ces faits continueraient si nous n'étions pas présents sur cette Terre. L'erreur fatale est de ramener l'intelligence à l'anthropologie. »

Oui effectivement il est probable que d'ici peu nous ne soyons plus présents sur cette Terre malheureusement, à cause du scientisme dont vous semblez être un adepte, et de la disparition du sacré qui mettait un frein anthropologique à la volonté de puissance innée chez chaque individu.
Maintenant que tous les citoyens du monde sont de petits Descartes à la puissance 1000, vous imaginez le résultat explosif ! Vous croyez vraiment que la planète supportera encore des générations de fous furieux, qui pensent pouvoir accomplir tous leurs désirs au nom de la démocratie et des droits de l'homme, qui saccagent au passage leur propre descendance, car ils n'ont plus d'autres boucs-émissaires à se mettre sous la dent ?
Nous vivons des temps de révolution technologique et scientifique, on ne peut le nier, mais hormis un nouveau monde à découvrir et exploiter comme au temps de la Renaissance, l'Amérique, je ne vois pas ce qui pourrait nous sauver ; car nous n'aurons jamais le temps d'accéder à une technologie qui nous permette, avant la destruction de notre planète par nos excès, de pouvoir émigrer vers de nouvelles planètes à découvrir et à exploiter, je le crains...
À moins que vous ayez une autre idée ?

Un intervenant : « Je préfère largement la dévotion de François à la science que la vôtre à Marx ! »

Vous ne m'avez pas compris, et pourtant je pense qu'il y a quelque chose à comprendre dans ce que je dis. Marx est malheureusement globalement toxique, même si sa critique du capitalisme et son matérialisme historique sont certainement la réponse la plus pertinente apportée à l'hégémonie capitaliste au moins aussi calamiteuse. La preuve en est qu'il est cependant néfaste, dans le résultat que sont les idéologies totalitaires qui ont découlé de l'interprétation de ses écrits, et je ne pense pas que c'était juste une mauvaise interprétation. Ce que je reproche à Marx c'est son ton messianique et hégélien, comme si sa théorie était l'aboutissement de l'Histoire du monde, et la réponse à tous les conflits que peut générer l'Histoire.
Le héros historique peut, comme Napoléon, agir en transgressant les lois de la morale et du droit, il peut écraser « mainte fleur innocente », « ruiner mainte chose sur son chemin », mais son action est justifiée parce qu'en poursuivant son but, il contribue à l'actualisation de l'Absolu : l'Histoire du monde est aux yeux de Hegel, le tribunal du monde. Et Hitler et les nationaux-socialistes, ainsi que Marx et Engels et à leur suite Lénine, Trotsky puis Staline souscriront à cette vision totalisante, que d'aucuns pourraient aujourd'hui qualifier de profondément cynique, car dans le temps de l'après-coup on a pu en mesurer les résultats désastreux : avec les camps d'extermination nazis, les chambres à gaz et le Goulag, sans que nul Absolu n'en surgisse, sinon l'absolu dégoût !
Or moi je plaide pour une idée socialiste toute simple et pourtant si complexe à mettre en oeuvre : placer la décence commune d'origine populaire au cœur des relations humaines (Common decency, George Orwell)

François : « L'évangile parle de cela presque 2000 ans avant Orwell ! Le socialisme est une vague escroquerie, qui ne sait que distribuer la misère.
Scientiste ? Moi, jamais. J'ai juste dis que le réel était supérieur à notre conscience de son existence. Et qu'à cause de notre très faible intelligence face à celle, sans volonté centralisée, de l'univers, nous ne pourrons jamais l’appréhender. Est-ce clair désormais dans votre tête ? Je ne parle ni de référence philosophique, ni de science. Pour moi, la science humaine tente de boucher les trous de la connaissance, mais, complexe de Sisyphe, c'est comme si chaque grain de sable supplémentaire de la connaissance avait pour objectif de remplir une plage vide... Je parle de perception du réel. Vous faut-il une autre explication ? »

Même une huître a effectivement une perception du Réel...
J'ai compris que vous mettez le Réel bien au dessus de toutes les connaissances humaines. Je pense que les interprétations mythologiques et religieuses du monde semblaient plus confortables et plus conformes à l'esprit humain dans son désir de totalité et d'absolu : toujours ma nostalgie des temps révolus !
Les progrès des sciences et techniques nous mettent effectivement face à l'aspect fragmentaire et relatif de la connaissance, donc sans volonté centralisée. Savoir qui peut se diviser en domaines de compétence propres à des spécialistes de leurs branches respectives, mais c'est très déstabilisant pour un esprit humain.
Ce qui est intéressant c'est que l'esprit humain ne se décourage pas malgré l'aspect répétitif de la tâche dans la progression des connaissances, comme dans le mythe de Sisiphe effectivement. Tâche qu'il doit recommencer chaque jour, puisque l'esprit n'a plus une vision globale du monde qui pourrait lui permettre d'éprouver une forme de détachement et de sérénité, Hegel est définitvement dépassé.
Il n'y a plus de vision globale et panoramique, on ne perçoit plus dans nos activités respectives que des fragmentations de la réalité qui n'englobent plus le tout. C'est peut-être pour cela que nous devenons aussi insensibles à la dégradation par l'action de l'homme, des paysages.
Chacun se voit assigner le rôle le plus souvent de spécialiste d'un domaine de compétence, au sein du grand système techno-scientifique de compréhension du monde. Plus aucun cerveau humain ne peut faire la synthèse de toutes les connaissances comme au temps de l'âge d'or des systèmes philosophiques, c'est pour cela que le temps de la métaphysique est révolu. La science a supplanté sans doute définitivement la métaphysique, et ce fut aussi le rôle par exemple de la métaphysique kantienne de préparer le terrain à la science, et de définir ses critères de validité.
On passe sans doute peu à peu à autre chose, mais cela ne révoque pas les philosophes du champ de la réflexion. Il y en aura toujours je pense mais plus modestes par la force des choses dans leurs intentions, puisqu'ils savent désormais qu'ils ne pourront plus jamais englober le tout.

Eh je crois bien que pour une fois je me suis fait un ami ! Puisque François me répond : « J'aime bien votre analyse résumée. Elle se rapproche de ma perception. Après, chacune de vos phrases pourrait me faire partir dans un délire littéraire, soit pour la contredire, soit pour l'augmenter. C'est un texte à mettre de côté pour un sujet de baccalauréat.
Les domaines de compétence, j'en ai écrit quelques chapitres dans un de mes livres, et la division artificielle de la connaissance en sciences et disciplines (vous remarquerez que l'univers - définition de l'uni - ne divise pas la connaissance de son ciel en secteurs ou disciplines - "tout est un") me rappelle souvent la technique médicale, qui divise chaque spécialité en domaines qui se combattent ardemment, alors que le sujet de leur étude commune en question se déroule dans un seul corps. Je suis compositeur, je fais des mathématiques par profession, sans m'en rendre compte, alors que la philosophie est centrale dans le déroulement de ma création. Tandis que la nage et la connaissance de l'eau me permet d'être liquide dans ma narration, (Bach - ruisseau - oblige !). Quand dans le même temps la nature du ciel, le surf, les forces du vent m'apprennent à écrire les instruments homonymes. Un syncrétisme naturel parcours mon cerveau... Et à mon âge, je serais bien en peine de dire de quelle discipline je suis le plus proche, dépendant et/ou esclave !
Je me contente d'être et d'accepter le réel tel qu'il se présente à moi. Sans titre de gloire ni doctorat.
Être, vivre, vibrer, comme une corde d'instrument !
Remarquez que vivre et vibrer ont la même étymologie latine.
Avant la science, la prescience a pressenti que la vie et le réel étaient vibrations... »

2 commentaires:

  1. Lavacheàlaitquirit15 septembre 2018 à 11:01

    Vous ne connaissez ni la Science, ni Descartes, ni la méthode scientifique, et vous en parlez à votre aise. Nous vivons en ce moment une course folle de la technologie mais une régression terrible de la Science et de la culture scientifique, sauf dans quelques rares domaines comme la physique des particules, et encore. Ce que nous vivons, ce sont des applications de la physique du 19ème et du début du 20ème, contrairement à ce que disent les journalistes ignares, et l'imagination s'est tarie,comme dans tous les autres domaines.
    La méthode scientifique n'est pas opposée à l'idéal, loin de là. C'est même le contraire, puisque la méthode scientifique consiste toujours à idéaliser les lois de la nature.
    C'est d'ailleurs l'idéal scientifique qui a seul la capacité de sauver le monde, et c'est pourquoi les sbires du système le détestent tant.

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    1. « L'imagination s'est tarie, comme dans tous les autres domaines. » oui car l'excès d'images que produit notre système de formatage et de conditionnement idéologique tue l'imagination. C'est à tout un déconditionnement de l'espèce humaine qu'il faudrait désormais réfléchir, pour un usage raisonné des moyens modernes de communication, aujourd'hui malheureusement par l'image exclusivement au détriment de l'écrit voire même des chiffres. Il faudrait songer à une réhabilitation des signes, de la culture, de la mémoire, des phénomènes de la nature... Mes enfants préfèrent par exemple rester planter devant une machine à produire des images, plutôt que de profiter de la nature tout autour d'eux. Qui leur enseignera le goût de l'observation des phénomènes naturels, comme savait si bien le faire encore la génération de nos grands-parents, les miens en tout cas, ceux qui étaient nés au début du XXème siècle ? Moi ?
      Tout déconne, tout dysfonctionne, mais surtout il ne faut pas effrayer les masses, ne pas réveiller la bête immonde forcément qui sommeille éventuellement en elles, alors divertissons-les surtout, avec des images, toujours plus d'images, du spectaculaire, du bruit, du « pain et des jeux », pour les maintenir dans un état de coma artificiel, où elles rêvent passivement sans agir. Car c'est du réveil et de l'action du peuple, la vie quoi ! dont l'idéologie néolibérale au pouvoir, se méfie et a peur.

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