En flânant sur les réseaux
sociaux, je tombais sur ce texte intéressant que je retranscris littéralement :
« Pour l'abolition des Droits de
l'Homme et le rétablissement de l'esclavage !
Avant, il y avait les esclaves.
Et puis, leurs propriétaires calculèrent que c'était du travail trop cher : il
fallait les nourrir et les loger de la naissance à la mort, eux et leurs
chiards. Mieux valait leur payer un salaire – le minimum nécessaire à l'entretien
et à la reproduction de la force de travail – proportionné au nombre d'heures
effectivement travaillées. Ils virèrent leurs esclaves et leurs chiards. Les
niais appelèrent ça "Émancipation" et se réjouirent de cette avancée
des Droits de l'Homme.
A partir de là, les propriétaires
ne cessèrent de réduire toujours davantage ce "minimum nécessaire" en
reportant sur l'État la charge des coûts annexes : l'éducation, la santé, la
famille, le chômage, la retraite... Les niais appelèrent ça "Progrès social"
et se réjouirent de cette avancée des Droits de l'Homme.
Ensuite, Monsieur Gattaz au nom
des propriétaires exigea qu'on aille plus loin dans le "Progrès
social" en supprimant toute contrainte sur le travail, comme les limites
au licenciement ou la notion même de "minimum nécessaire". Les niais
appelèrent ça "Émancipation des entrepreneurs" et se réjouirent de
cette avancée des Droits de l'Homme.
Aujourd'hui, Monsieur Macron
décide de viser hardiment le stade ultime du "Progrès social" en
supprimant toutes les aides à la personne et aux ménages – allocations
logement, chômage après la première année, RSA, aides pour l'emploi, etc. – et
en les remplaçant par une allocation unique largement insuffisante pour assurer
l'entretien et la reproduction des "bénéficiaires". Les propriétaires
pourraient ainsi disposer d'un réservoir de gueux prêts à accepter à n'importe
quel prix n'importe quel job précaire, pour compléter leur allocation au niveau
nécessaire à leur survie et à celle de leur famille. Les niais appellent ça
"Revenu universel d'activité" et se réjouissent de cette avancée des
Droits de l'Homme.
Stop au Progrès social !
Exigeons l'abolition des Droits
de l'Homme et le rétablissement de l'esclavage ! »
Je mettais en commentaire le
texte suivant : « On ne peut taxer ce texte de réactionnaire, car la forme
humoristique l'emporte sur le sérieux du fond... Pour moi qui ai une nostalgie
des temps révolus je ne le prends pas avec humour, mais très sérieusement... »
Son auteur Jean-Michel, me
demandait alors de développer : « Développez,
svp ! »
Et je lui répondais alors : « Merci de
vous intéresser à mon cas particulier, si des lecteurs de votre page ou
vous-même aviez envie de développer, je ne peux que vous inviter à jeter un
coup d’œil sur mon blog.
Pour faire court, je ne pense pas du tout que nous vivions dans « le meilleur des mondes possibles », mais je ne rejette pas totalement la modernité qui nous a donné effectivement la liberté affranchie du féodalisme et de l'absolutisme monarchique (mais la liberté pour faire quoi ?) et une certaine liberté d'expression. À condition que l'on soit capable de saisir cette chance dans le brouhaha qui caractérise l'époque et rend inaudible le plus souvent toute tentative de synthèse globale du présent, noyé dans des impératifs d'efficacité, de rentabilité, de rapidité toujours plus rapide (désolé pour la redondance) !
Pour faire court, je ne pense pas du tout que nous vivions dans « le meilleur des mondes possibles », mais je ne rejette pas totalement la modernité qui nous a donné effectivement la liberté affranchie du féodalisme et de l'absolutisme monarchique (mais la liberté pour faire quoi ?) et une certaine liberté d'expression. À condition que l'on soit capable de saisir cette chance dans le brouhaha qui caractérise l'époque et rend inaudible le plus souvent toute tentative de synthèse globale du présent, noyé dans des impératifs d'efficacité, de rentabilité, de rapidité toujours plus rapide (désolé pour la redondance) !
Or la réflexion exige le temps long et l'abri d'une maison, la temporalité mais
plus encore la spatialité, ce que la modernité rend difficile en exaltant le
darwinisme social. Grossière erreur et mauvaise interprétation de Darwin selon
moi, car consistant en une généralisation sur l'espèce humaine d'une théorie
qui se voulait explicative de l'évolution et de la sélection au sein des
espèces animales et exclusivement animales. Et là je rejoindrais plutôt
Heidegger quand il affirme que précisément l'homme n'est pas un animal comme
les autres (ce qui sous-entend qu'il est tout de même un animal, mais
foncièrement différent !), car il a besoin d'un abri, d'une maison, d'une
clairière, pour le développement de son esprit ! Ce que la modernité a oublié,
favorisant les développement tous azimuts de la volonté de puissance, qui ne
peut effectivement qu'aboutir sur le nihilisme contemporain, caractérisé par
toutes sortes de phénomènes plus absurdes que tragiques (comme ma propre
histoire au sein de ma famille, que je développe aussi dans mes blogs). Longue
histoire donc que la mienne, que je ne peux pas résumer en quelques phrases et
qui par ailleurs est susceptible de n'intéresser personne, mais plus longue
encore celle de l'humanité. Pour ce qui est de l'histoire de l'humanité, elle
est l'histoire de la quête de la position debout etc., mais aussi de la
spatialité, à l'abri d'une maison, d'une « clairière », qui jusqu'à aujourd'hui
a toujours rendu possible l'activité contemplative (regarder par la fenêtre de
sa maison) qui est aussi la matrice des arts et de la philosophie.
Ces activités hautement spirituelles dont s’enorgueillissait l'espèce humaine
en y voyant le propre de l'homme, ont cependant été rendues possible par la
religion et donc les régimes monarchiques et absolutistes, mais le seront-elles
encore longtemps par l'idéologie néolibérale, qui aujourd'hui sert de matrice à
des notions comme la démocratie ou les droits de l'homme ? Voilà en quoi
s'explique cette phrase énigmatique effectivement : « Pour moi qui ai une
nostalgie des temps révolus je ne le prends pas avec humour, mais très
sérieusement... ».
Mais je n'ai que peu, voire aucune nostalgie pour la monarchie française, par contre j'en ai une réelle pourla
Grèce antique et la mythologie qui structurait religieusement
ce monde foisonnant spirituellement, et avec lequel nous sommes bien incapables
de renouer malgré le mouvement historique de la Renaissance en Europe,
et plus récemment la pensée d'Heidegger et son souhait d'un retour aux philosophes présocratiques. C'est pour cela que le thème de l'esclavage (que
vous évoquez avec humour certes) propre à discréditer surtout le mode d'être
des Grecs antique et des Romains (que j'admire moins), m'a interpellé. »
Mais je n'ai que peu, voire aucune nostalgie pour la monarchie française, par contre j'en ai une réelle pour
Jean-Michel m'avait demandé de développer, mais il avait évidemment sa petite idée derrière la tête, et c'est bien normal : « Votre admiration
pour la Grèce
antique vous aveugle, je ne suis pas sûr que les ilotes l’aient partagée. Et
l’esclavage n’est pas l’apanage de l’Antiquité, voyez les traites négrières des
17ème et 18ème siècles. Mon texte ne fait que souligner le retour du refoulé
dont nous sommes à la fois acteurs, complices et témoins, avec les multiples
formes d’esclavage contemporain, dont la plus récente : celle en train de
s’installer au cœur même des démocraties occidentales. Il n’y a là aucune «
nostalgie ». »
Je lui répondais : « Je sais bien
que pour un esprit éclairé, toute forme de nostalgie s'apparente à une forme de
réflexe réactionnaire, condamnable en soi sans autre forme de procès. Vous
m'avez mal interprété, je n'ai jamais sous-entendu que vous ayez une
quelconque forme de nostalgie pour l'esclavage, ni moi non plus je n'en éprouve
aucune sur cet aspect là.
Pour ce qui est de l'esclavage, il est effectivement possible que la mondialisation et le néolibéralisme immodérés et incontrôlables en suscitent de nouvelles formes. Mais c'est peut-être tout simplement parce que le grand impensé de la philosophie des Lumières et dela Révolution française
qui font grand cas de la
Liberté , est la question de la religion qui par retour du
refoulé dont nous sommes à la fois acteurs, complices et témoins, avec les
multiples formes d’islamisation contemporaine, dont la plus récente : celle en
train de s’installer au cœur même des démocraties occidentales... »
Pour ce qui est de l'esclavage, il est effectivement possible que la mondialisation et le néolibéralisme immodérés et incontrôlables en suscitent de nouvelles formes. Mais c'est peut-être tout simplement parce que le grand impensé de la philosophie des Lumières et de
Jean-Michel : « « Sur cet aspect
là », précisez-vous. Mais cet aspect sombre est-il vraiment dissociable de
l’aspect lumineux, objet de votre nostalgie ? N’en est-il pas au contraire la
condition de possibilité ? Que vaut une pensée née de l’exploitation, la
souffrance et la mort d’autrui ? À cet égard, votre référence à Heidegger n’est
pas innocente... »
Je lui répondais : « Bon écoutez,
je ne vais pas entrer avec vous sur une vaine et stérile polémique sur
Heidegger, penseur « pestiféré » en raison de son passé/passif nazi
indiscutable. Je vais juste vous citer une excellente réponse sur Heidegger que
me donnait un interlocuteur, alors que je me livrais à une de mes habituelles
diatribes contre le néolibéralisme : « L'Occident a une idéologie : le
libéralisme. On peut comme moi préférer vivre en Occident et adhérer (peut-être
par dressage) à cette idéologie, on peut aussi en constater les failles et s'en
inquiéter.
La démocratie, les Lumières,
l'humanisme, les droits de l'homme sont indissociablement liés au libéralisme.
C'est là que sont ses fondements idéologiques. Churchill disait que « La
démocratie est un mauvais système, mais [qu'] elle est le moins mauvais de tous
les systèmes. » On retient généralement la seconde partie , et on a trop
tendance à en oublier la première.
Il est bien sûr difficile aujourd'hui (sauf pour qui aime la provocation) de
critiquer l'humanisme, la démocratie, et les Lumières, alors on se lâche sur le
libéralisme, le néo-libéralisme, l'hyperlibéralisme, etc. On évite ainsi les
sujets difficiles, et ceux qui fâchent vraiment.
Nous pouvons tous constater que l'Occident traverse une grave crise morale, il est normal que beaucoup cherchent des causes : homo festivus, relâchement des moeurs, perte des valeurs, nihilisme.
Il y a eu deux grands penseurs du nihilisme Nietzsche et Heidegger. Pour Nietzsche le nihilisme c'est la haine du monde tel qu'il est pour lui préférer des mondes tels qu'ils devraient être. Il oppose à ce nihilisme le volonté de puissance, pour Heidegger le nihilisme c'est la volonté de puissance elle-même justement.
Tous deux s'accordent sur l'idée que la métaphysique des modernes (en gros les philosophes d'après la renaissance) est à l'origine du nihilisme, en particulier Descartes.
On peut facilement trouver des exposés clairs de ces idées, par exemple ce remarquable texte d'Alain de Benoist. Il y a aussi, à propos de l'humanisme, le livre de Peter Sloterdjik : Règles pour le parc humain.
Dans un cours consacré à Heidegger, Luc Ferry montre de façon très claire comment le capitalisme débouche sur la volonté de puissance au travers du benchmarking. La concurrence pousse les entreprises à se comparer les unes aux autres et à sans cesse s'améliorer. Ce processus est aveugle la seule justification aux efforts consentis est de rester compétitif, la seule raison à l'oeuvre est la raison hypothétique (pour arriver à faire ceci il faut faire cela), la raison pratique (il faut faire ou ne pas faire ceci ou cela) est absente. Il ne s'agit pas de rendre le monde meilleur, ou toute autre chose, il s'agit seulement d'être efficace. Ce modèle s'est imposé partout, à tous les niveaux de notre société. Nos politiciens cherchent seulement à être élus, nos artistes à acquérir de plus grandes parts d'audience, nos scientifiques à obtenir des fonds pour leur recherche, etc. Nous sommes entrés dans un monde ou la volonté de puissance domine chaque aspect de la vie des hommes. Cette course effrénée à l'efficacité en tout sans autre objectif qu'elle-même est l'expression même du nihilisme.
Accuser les riches ou les puissants n'a aucun sens ils ne maîtrisent pas plus que les autres la volonté de puissance, ils en sont tout autant les marionnettes que les autres. Il est illusoire de croire que des changements de régime ou des révolutions parviendraient à changer le système ce ne seraient que de nouveaux recours à la volonté comme moyen d'y parvenir. Le plus inquiétant finalement est que la volonté de puissance est nichée au cœur même de notre idéologie, dans l'idée cartésienne que l'homme retranché dans son ego a vocation à dominer le monde, dans la métaphysique du sujet, dans l'affirmation humaniste que l'homme est la mesure de toutes choses. Les moyens mêmes de la critique de notre idéologie sont eux-mêmes contaminés car ils se basent sur la volonté du sujet. C'est ce qui faisait dire à Heidegger que le nihilisme est le destin de l'Occident. » »
Nous pouvons tous constater que l'Occident traverse une grave crise morale, il est normal que beaucoup cherchent des causes : homo festivus, relâchement des moeurs, perte des valeurs, nihilisme.
Il y a eu deux grands penseurs du nihilisme Nietzsche et Heidegger. Pour Nietzsche le nihilisme c'est la haine du monde tel qu'il est pour lui préférer des mondes tels qu'ils devraient être. Il oppose à ce nihilisme le volonté de puissance, pour Heidegger le nihilisme c'est la volonté de puissance elle-même justement.
Tous deux s'accordent sur l'idée que la métaphysique des modernes (en gros les philosophes d'après la renaissance) est à l'origine du nihilisme, en particulier Descartes.
On peut facilement trouver des exposés clairs de ces idées, par exemple ce remarquable texte d'Alain de Benoist. Il y a aussi, à propos de l'humanisme, le livre de Peter Sloterdjik : Règles pour le parc humain.
Dans un cours consacré à Heidegger, Luc Ferry montre de façon très claire comment le capitalisme débouche sur la volonté de puissance au travers du benchmarking. La concurrence pousse les entreprises à se comparer les unes aux autres et à sans cesse s'améliorer. Ce processus est aveugle la seule justification aux efforts consentis est de rester compétitif, la seule raison à l'oeuvre est la raison hypothétique (pour arriver à faire ceci il faut faire cela), la raison pratique (il faut faire ou ne pas faire ceci ou cela) est absente. Il ne s'agit pas de rendre le monde meilleur, ou toute autre chose, il s'agit seulement d'être efficace. Ce modèle s'est imposé partout, à tous les niveaux de notre société. Nos politiciens cherchent seulement à être élus, nos artistes à acquérir de plus grandes parts d'audience, nos scientifiques à obtenir des fonds pour leur recherche, etc. Nous sommes entrés dans un monde ou la volonté de puissance domine chaque aspect de la vie des hommes. Cette course effrénée à l'efficacité en tout sans autre objectif qu'elle-même est l'expression même du nihilisme.
Accuser les riches ou les puissants n'a aucun sens ils ne maîtrisent pas plus que les autres la volonté de puissance, ils en sont tout autant les marionnettes que les autres. Il est illusoire de croire que des changements de régime ou des révolutions parviendraient à changer le système ce ne seraient que de nouveaux recours à la volonté comme moyen d'y parvenir. Le plus inquiétant finalement est que la volonté de puissance est nichée au cœur même de notre idéologie, dans l'idée cartésienne que l'homme retranché dans son ego a vocation à dominer le monde, dans la métaphysique du sujet, dans l'affirmation humaniste que l'homme est la mesure de toutes choses. Les moyens mêmes de la critique de notre idéologie sont eux-mêmes contaminés car ils se basent sur la volonté du sujet. C'est ce qui faisait dire à Heidegger que le nihilisme est le destin de l'Occident. » »
Pour conclure : encore un de mes
billets provocateurs sur la question de l'esclavage moderne, de l'islamisation
de la société, et des droits de l'homme, sous un éclairage je dois le
reconnaître plutôt heideggerien. Mais je ne renie pas Marx pour autant, dont
j'avais cependant critiqué l'aspect hégélien susceptible d'expliquer les
dérives du communisme dans des billets précédents.
Heidegger même si il y a adhéré incontestablement est contemporain du nazisme, il ne peut donc constituer un lien de causalité dans son émergence (car une cause précède toujours l'effet et n'est pas simultanée avec cette dernière), alors que Hegel et le romantisme allemand, si !
Heidegger même si il y a adhéré incontestablement est contemporain du nazisme, il ne peut donc constituer un lien de causalité dans son émergence (car une cause précède toujours l'effet et n'est pas simultanée avec cette dernière), alors que Hegel et le romantisme allemand, si !
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