mardi 18 septembre 2018

Pour l'abolition des Droits de l'Homme et le rétablissement de l'esclavage !



En flânant sur les réseaux sociaux, je tombais sur ce texte intéressant que je retranscris littéralement :

« Pour l'abolition des Droits de l'Homme et le rétablissement de l'esclavage !
Avant, il y avait les esclaves. Et puis, leurs propriétaires calculèrent que c'était du travail trop cher : il fallait les nourrir et les loger de la naissance à la mort, eux et leurs chiards. Mieux valait leur payer un salaire – le minimum nécessaire à l'entretien et à la reproduction de la force de travail – proportionné au nombre d'heures effectivement travaillées. Ils virèrent leurs esclaves et leurs chiards. Les niais appelèrent ça "Émancipation" et se réjouirent de cette avancée des Droits de l'Homme.
A partir de là, les propriétaires ne cessèrent de réduire toujours davantage ce "minimum nécessaire" en reportant sur l'État la charge des coûts annexes : l'éducation, la santé, la famille, le chômage, la retraite... Les niais appelèrent ça "Progrès social" et se réjouirent de cette avancée des Droits de l'Homme.
Ensuite, Monsieur Gattaz au nom des propriétaires exigea qu'on aille plus loin dans le "Progrès social" en supprimant toute contrainte sur le travail, comme les limites au licenciement ou la notion même de "minimum nécessaire". Les niais appelèrent ça "Émancipation des entrepreneurs" et se réjouirent de cette avancée des Droits de l'Homme.
Aujourd'hui, Monsieur Macron décide de viser hardiment le stade ultime du "Progrès social" en supprimant toutes les aides à la personne et aux ménages – allocations logement, chômage après la première année, RSA, aides pour l'emploi, etc. – et en les remplaçant par une allocation unique largement insuffisante pour assurer l'entretien et la reproduction des "bénéficiaires". Les propriétaires pourraient ainsi disposer d'un réservoir de gueux prêts à accepter à n'importe quel prix n'importe quel job précaire, pour compléter leur allocation au niveau nécessaire à leur survie et à celle de leur famille. Les niais appellent ça "Revenu universel d'activité" et se réjouissent de cette avancée des Droits de l'Homme.
Stop au Progrès social !
Exigeons l'abolition des Droits de l'Homme et le rétablissement de l'esclavage ! »

Je mettais en commentaire le texte suivant : « On ne peut taxer ce texte de réactionnaire, car la forme humoristique l'emporte sur le sérieux du fond... Pour moi qui ai une nostalgie des temps révolus je ne le prends pas avec humour, mais très sérieusement... »

Son auteur Jean-Michel, me demandait alors de développer  : « Développez, svp ! »

Et je lui répondais alors : « Merci de vous intéresser à mon cas particulier, si des lecteurs de votre page ou vous-même aviez envie de développer, je ne peux que vous inviter à jeter un coup d’œil sur mon blog.
Pour faire court, je ne pense pas du tout que nous vivions dans « le meilleur des mondes possibles », mais je ne rejette pas totalement la modernité qui nous a donné effectivement la liberté affranchie du féodalisme et de l'absolutisme monarchique (mais la liberté pour faire quoi ?) et une certaine liberté d'expression. À condition que l'on soit capable de saisir cette chance dans le brouhaha qui caractérise l'époque et rend inaudible le plus souvent toute tentative de synthèse globale du présent, noyé dans des impératifs d'efficacité, de rentabilité, de rapidité toujours plus rapide (désolé pour la redondance) !
Or la réflexion exige le temps long et l'abri d'une maison, la temporalité mais plus encore la spatialité, ce que la modernité rend difficile en exaltant le darwinisme social. Grossière erreur et mauvaise interprétation de Darwin selon moi, car consistant en une généralisation sur l'espèce humaine d'une théorie qui se voulait explicative de l'évolution et de la sélection au sein des espèces animales et exclusivement animales. Et là je rejoindrais plutôt Heidegger quand il affirme que précisément l'homme n'est pas un animal comme les autres (ce qui sous-entend qu'il est tout de même un animal, mais foncièrement différent !), car il a besoin d'un abri, d'une maison, d'une clairière, pour le développement de son esprit ! Ce que la modernité a oublié, favorisant les développement tous azimuts de la volonté de puissance, qui ne peut effectivement qu'aboutir sur le nihilisme contemporain, caractérisé par toutes sortes de phénomènes plus absurdes que tragiques (comme ma propre histoire au sein de ma famille, que je développe aussi dans mes blogs). Longue histoire donc que la mienne, que je ne peux pas résumer en quelques phrases et qui par ailleurs est susceptible de n'intéresser personne, mais plus longue encore celle de l'humanité. Pour ce qui est de l'histoire de l'humanité, elle est l'histoire de la quête de la position debout etc., mais aussi de la spatialité, à l'abri d'une maison, d'une « clairière », qui jusqu'à aujourd'hui a toujours rendu possible l'activité contemplative (regarder par la fenêtre de sa maison) qui est aussi la matrice des arts et de la philosophie.
Ces activités hautement spirituelles dont s’enorgueillissait l'espèce humaine en y voyant le propre de l'homme, ont cependant été rendues possible par la religion et donc les régimes monarchiques et absolutistes, mais le seront-elles encore longtemps par l'idéologie néolibérale, qui aujourd'hui sert de matrice à des notions comme la démocratie ou les droits de l'homme ? Voilà en quoi s'explique cette phrase énigmatique effectivement : « Pour moi qui ai une nostalgie des temps révolus je ne le prends pas avec humour, mais très sérieusement... ».
Mais je n'ai que peu, voire aucune nostalgie pour la monarchie française, par contre j'en ai une réelle pour la Grèce antique et la mythologie qui structurait religieusement ce monde foisonnant spirituellement, et avec lequel nous sommes bien incapables de renouer malgré le mouvement historique de la Renaissance en Europe, et plus récemment la pensée d'Heidegger et son souhait d'un retour aux philosophes présocratiques. C'est pour cela que le thème de l'esclavage (que vous évoquez avec humour certes) propre à discréditer surtout le mode d'être des Grecs antique et des Romains (que j'admire moins), m'a interpellé. »

Jean-Michel m'avait demandé de développer, mais il avait évidemment sa petite idée derrière la tête, et c'est bien normal : « Votre admiration pour la Grèce antique vous aveugle, je ne suis pas sûr que les ilotes l’aient partagée. Et l’esclavage n’est pas l’apanage de l’Antiquité, voyez les traites négrières des 17ème et 18ème siècles. Mon texte ne fait que souligner le retour du refoulé dont nous sommes à la fois acteurs, complices et témoins, avec les multiples formes d’esclavage contemporain, dont la plus récente : celle en train de s’installer au cœur même des démocraties occidentales. Il n’y a là aucune « nostalgie ». »

Je lui répondais : « Je sais bien que pour un esprit éclairé, toute forme de nostalgie s'apparente à une forme de réflexe réactionnaire, condamnable en soi sans autre forme de procès. Vous m'avez mal interprété, je n'ai jamais sous-entendu que vous ayez une quelconque forme de nostalgie pour l'esclavage, ni moi non plus je n'en éprouve aucune sur cet aspect là.
Pour ce qui est de l'esclavage, il est effectivement possible que la mondialisation et le néolibéralisme immodérés et incontrôlables en suscitent de nouvelles formes. Mais c'est peut-être tout simplement parce que le grand impensé de la philosophie des Lumières et de la Révolution française qui font grand cas de la Liberté, est la question de la religion qui par retour du refoulé dont nous sommes à la fois acteurs, complices et témoins, avec les multiples formes d’islamisation contemporaine, dont la plus récente : celle en train de s’installer au cœur même des démocraties occidentales... »

Jean-Michel : « « Sur cet aspect là », précisez-vous. Mais cet aspect sombre est-il vraiment dissociable de l’aspect lumineux, objet de votre nostalgie ? N’en est-il pas au contraire la condition de possibilité ? Que vaut une pensée née de l’exploitation, la souffrance et la mort d’autrui ? À cet égard, votre référence à Heidegger n’est pas innocente... »

Je lui répondais : « Bon écoutez, je ne vais pas entrer avec vous sur une vaine et stérile polémique sur Heidegger, penseur « pestiféré » en raison de son passé/passif nazi indiscutable. Je vais juste vous citer une excellente réponse sur Heidegger que me donnait un interlocuteur, alors que je me livrais à une de mes habituelles diatribes contre le néolibéralisme : « L'Occident a une idéologie : le libéralisme. On peut comme moi préférer vivre en Occident et adhérer (peut-être par dressage) à cette idéologie, on peut aussi en constater les failles et s'en inquiéter.
La démocratie, les Lumières, l'humanisme, les droits de l'homme sont indissociablement liés au libéralisme. C'est là que sont ses fondements idéologiques. Churchill disait que « La démocratie est un mauvais système, mais [qu'] elle est le moins mauvais de tous les systèmes. » On retient généralement la seconde partie , et on a trop tendance à en oublier la première.
Il est bien sûr difficile aujourd'hui (sauf pour qui aime la provocation) de critiquer l'humanisme, la démocratie, et les Lumières, alors on se lâche sur le libéralisme, le néo-libéralisme, l'hyperlibéralisme, etc. On évite ainsi les sujets difficiles, et ceux qui fâchent vraiment.
Nous pouvons tous constater que l'Occident traverse une grave crise morale, il est normal que beaucoup cherchent des causes : homo festivus, relâchement des moeurs, perte des valeurs, nihilisme.
Il y a eu deux grands penseurs du nihilisme Nietzsche et Heidegger. Pour Nietzsche le nihilisme c'est la haine du monde tel qu'il est pour lui préférer des mondes tels qu'ils devraient être. Il oppose à ce nihilisme le volonté de puissance, pour Heidegger le nihilisme c'est la volonté de puissance elle-même justement.
Tous deux s'accordent sur l'idée que la métaphysique des modernes (en gros les philosophes d'après la renaissance) est à l'origine du nihilisme, en particulier Descartes.
On peut facilement trouver des exposés clairs de ces idées, par exemple ce remarquable texte d'Alain de Benoist. Il y a aussi, à propos de l'humanisme, le livre de Peter Sloterdjik : Règles pour le parc humain.
Dans un cours consacré à Heidegger, Luc Ferry montre de façon très claire comment le capitalisme débouche sur la volonté de puissance au travers du benchmarking. La concurrence pousse les entreprises à se comparer les unes aux autres et à sans cesse s'améliorer. Ce processus est aveugle la seule justification aux efforts consentis est de rester compétitif, la seule raison à l'oeuvre est la raison hypothétique (pour arriver à faire ceci il faut faire cela), la raison pratique (il faut faire ou ne pas faire ceci ou cela) est absente. Il ne s'agit pas de rendre le monde meilleur, ou toute autre chose, il s'agit seulement d'être efficace. Ce modèle s'est imposé partout, à tous les niveaux de notre société. Nos politiciens cherchent seulement à être élus, nos artistes à acquérir de plus grandes parts d'audience, nos scientifiques à obtenir des fonds pour leur recherche, etc. Nous sommes entrés dans un monde ou la volonté de puissance domine chaque aspect de la vie des hommes. Cette course effrénée à l'efficacité en tout sans autre objectif qu'elle-même est l'expression même du nihilisme.
Accuser les riches ou les puissants n'a aucun sens ils ne maîtrisent pas plus que les autres la volonté de puissance, ils en sont tout autant les marionnettes que les autres. Il est illusoire de croire que des changements de régime ou des révolutions parviendraient à changer le système ce ne seraient que de nouveaux recours à la volonté comme moyen d'y parvenir. Le plus inquiétant finalement est que la volonté de puissance est nichée au cœur même de notre idéologie, dans l'idée cartésienne que l'homme retranché dans son ego a vocation à dominer le monde, dans la métaphysique du sujet, dans l'affirmation humaniste que l'homme est la mesure de toutes choses. Les moyens mêmes de la critique de notre idéologie sont eux-mêmes contaminés car ils se basent sur la volonté du sujet. C'est ce qui faisait dire à Heidegger que le nihilisme est le destin de l'Occident. » »

Pour conclure : encore un de mes billets provocateurs sur la question de l'esclavage moderne, de l'islamisation de la société, et des droits de l'homme, sous un éclairage je dois le reconnaître plutôt heideggerien. Mais je ne renie pas Marx pour autant, dont j'avais cependant critiqué l'aspect hégélien susceptible d'expliquer les dérives du communisme dans des billets précédents.
Heidegger même si il y a adhéré incontestablement est contemporain du nazisme, il ne peut donc constituer un lien de causalité dans son émergence (car une cause précède toujours l'effet et n'est pas simultanée avec cette dernière), alors que Hegel et le romantisme allemand, si !

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