samedi 7 août 2021

Sade, précurseur des capitalistes ?


Justice, loi, loi juste, dans la bouche de Sade ça sonne complètement faux. Sade a plutôt l'habitude d'inverser totalement les termes de la loi morale. Il instaure dans ses bouquins des rituels pervers constitués d'ingestion d'excréments, de sévices sexuels, de tortures physiques, très dogmatiquement réglementés ; des lois très rigoureuses auxquelles les victimes choisies généralement au sein d'un petit éventail de jeunes gens innocents, doivent se soumettre catégoriquement sous peine de châtiment pouvant aller jusqu’à la mort (il a un peu anticipé l’impératif catégorique d’obéissance de Kant, ce qui a fait dire à Onfray que Sade était le chaînon manquant entre Kant et le nazisme), et dont les principes sont l'immoralisme et l'injustice absolus, pour le plaisir d'une petite caste d'aristocrates jouisseurs et voyeurs. Sade très jeune était convaincu de sa supériorité en tant qu’aristocrate, et qu’il pouvait abuser de ceux qui n’avaient pas les mêmes droits.

Chez Sade il me semble que le faible qui n'a rien d'autre que son innocence doit se soumettre à celui qui a tout ; le puissant pervers, et que cela constitue la voie de la nature. L’injustice est le principe de la loi sadienne parce qu’elle est conforme à l’ordre du monde tel que Sade le conçoit. Je pense que Sade méprisait profondément tout idéal de justice, cela devait lui paraître totalement niais et contre-nature comme la religion. Du point de vue de sa vision du monde considéré comme destructeur par essence, il a tiré un immoralisme existentiel qu’il pensait conforme aux lois de sa conception de la nature. Et je crois qu’il faut prendre tout ce qu’il dit au premier degré, et non pas comme du second degré provocateur.

Alors que les philosophes de son siècle évoquaient les effets bénéfiques de la providence, il en décrit avec une certaine complaisance les effets délétères (il décrit une anti-providence) : des gens qui perdent leur âme, l’innocence systématiquement bafouée, l’impossibilité d’arriver à une quelconque forme de salut ; et de ce spectacle, il tire une forme de jouissance.

Sade était tout sauf un naïf, le reproche que l'on peut faire aux autres philosophes du XVIIIème siècle. Il y a bien des similitudes entre la conception du monde de Sade et celle des capitalistes : ces derniers ont une vision très pessimiste de la nature humaine et pensent qu'ils peuvent bafouer l'innocence et détruire le monde.



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