samedi 28 mars 2020

La servitude volontaire



Nous vivons dans une oligarchie où les milliardaires sont les nouveaux aristocrates, libres et sont les premiers de cordée que vante Macron, les dirigeants politiques sont à leur service. Alors que le reste de la population est asservi et aliéné par la publicité, son travail le plus souvent abrutissant, la police qui l'éborgne quand il manifeste, et par son banquier ne lui permettant aucun écart de conduite. C'est un monde pervers et toxique, tout le contraire de ce que la majorité des gens pense ou feint de penser qu'il est : un monde démocratique au service des citoyens et transparent.

Il n'y aura pas d'après meilleur que l'avant, et ce sera même probablement pire. Je ne vois pas en quoi cette crise pourrait remettre en question d'un iota notre anthropologie reposant sur le logiciel de la destruction créatrice, libérale et perverse comme le montre la fuite des bobos vers les campagnes. À moins d'un effondrement, d'une catastrophe au moins équivalente à celle de la seconde guerre mondiale, qui avait permis l'élaboration d'une protection sociale, d'un service public et d'un État providence qui n'ont été réellement prioritaires et efficaces que pendant une quarantaine d'années.
Depuis les années 80, la priorité est l'axiome du néolibéralisme : croissance, baisse des dépenses publiques, innovation. Bref de favoriser l'initiative individuelle au détriment de l'action publique et de l'intérêt général, de ceux qui en ont les moyens et ne prennent en réalité aucun risque au contraire de ce que l'on veut faire croire à l'opinion. Puisque le pouvoir des riches vient en réalité de la crainte qu’ils inspirent au reste de la population, par les moyens de la propagande.
C’est ce qu’on appelle la fabrique du consentement, par les médias, la publicité et surtout la peur du chômage et de se retrouver du jour au lendemain sans rien pour subvenir à ses besoins, alors que jamais le monde n’a été aussi prospère… pour les riches !

Si le logiciel de l'être humain c'est méfiance, compétition, égoïsme, ego, jalousie ; alors le néolibéralisme est le régime le mieux en accord avec sa nature. On peut faire un autre pari sur la nature humaine, c'est ce qu'avaient fait Rousseau puis Marx. Vous me direz : on a vu les conséquences !
Cependant en observant les tribus primitives, les anthropologues y ont constaté que les relations humaines ne reposaient pas sur la compétition et l'égoïsme, mais généralement sur la coopération, la logique du don et du contre/don. Cette logique est une forme de contrat social, basé sur la réciprocité, pour appartenir à une société ; et c’est aussi une logique économique.

Hobbes considérant que les Hommes sont mauvais par nature, n'ayant aucune confiance en eux, privilégiait l'instauration d'un régime absolutiste, afin que la peur d'un souverain surpuissant leur face craindre des représailles s’ils s'en prenaient les uns aux autres. C'est contre une telle vision pessimiste de la nature humaine (le considérant comme un loup pour l'Homme) que se sont dressés les philosophes des Lumières, avant tout indignés par le caractère absolutiste et arbitraire du pouvoir royal (à sens unique et sans réciprocité). Je sens poindre chez pas mal de Français une petite nostalgie de ce type de régime autocratique qui nous rappelle les pages les plus glorieuses de l'Histoire de France, et que l'on retrouve peut-être dans le régime chinois. Au fond ce régime est peut-être mieux adapté à la nature humaine, puisqu'on ne peut pas en attendre grand-chose.

Pour ce qui est de Rousseau, je crois qu'il n'a jamais dit autre chose que son bon sauvage était un mythe et une fiction pour élaborer un contrat social fondé sur la confiance plutôt que sur la crainte. Pourtant les avancées en matière anthropologique montrent que son intuition était bonne et que les tribus primitives n'ont pas besoin d'un souverain absolutiste et autocrate et qu'elles fonctionnent sur le mode de la coopération et de la logique du don et du contre/don. Il me semble que Rousseau a eu cette intuition qui précède l'étude de cas anthropologiques : son contrat social se fonde sur la réciprocité de la relation, contre l'arbitraire de décisions à sens unique qui dépendent du bon plaisir du souverain.

Je suis bien d'accord que la fraternité et le vivre ensemble avec des gens avec qui on n'a rien en commun est très difficile voire impossible. Mais c'est une interprétation très libre du discours de Rousseau. Je ne suis pas sûr qu'il y aurait adhéré, lui qui privilégiait l'empathie pour ses proches et ses voisins, plutôt que pour des peuples éloignés, comme c'était déjà à son époque le vice de bien des intellectuels, qui pour s'abstenir d'aimer leur prochain, vouait leur charité et leur empathie à des gens à l'autre bout du monde qu'ils ne connaissaient pas (un peu comme un Glucksmann ou un BHL aujourd'hui, et tous les humanitaires comme Kouchner).




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