vendredi 19 janvier 2018

« Est ce la fin de notre civilisation ? »


« La rencontre entre le philosophe Michel Onfray et l'essayiste Eric Zemmour prévue à Chalon le 25 janvier prochain a été annulée faute de réservations suffisantes. »

Moi : « Ça y est tout le monde est dans le rêve libéral-libertarien de Macron, qui pour l'instant ne saurait être remis en question... Jusqu'à ce que la belle unanimité artificielle s'effrite, et que le rêve se transforme en cauchemar, ce qui probablement va arriver... d'une façon ou d'une autre. »

L'anarchiste de deuxième génération en partant de mai 68 : « La lutte entre la raison et le pognon n'est pas près de s'arréter... »

Moi : « Les gens veulent rêver à Macron et à son optimisme apaisant. Les libéraux se réclament de la raison (historiquement ce n'est pas faux), et en même temps ne pensent qu'au pognon. Car le commerce est le support théorique de toute leur argumentation. Je devrais dire état d'esprit d'optimisme béat qui domine l'opinion aujourd'hui. Mais je doute que cela dure très longtemps. »

L'anarchiste : « "Est ce la fin de notre civilisation ?" Voilà une question qui restera en suspens... J'adore! La raison veut l'écologie, la transition énergétique, le partage.... très loin de l'idéal libéral économique. »

Moi : « Ce sont en partie des idéaux communistes qui ont été discrédités par l'histoire. Il faut réinventer le socialisme désormais, qui lui n'a jamais été mis en place, et dont l'idéal a été totalement trahi par Mitterrand. »

L'anarchiste : « La raison qui devrait nous orienter au minimum vers la survie, l’instinct de conservation devrait gagner à la fin... Un peu comme en ex-Yougoslavie... Mais le culte de la personnalité de Tito était un pharmakon. »

Moi : « Il faudrait un socialisme de la raison rompant avec l'idéal communiste. Idéal trop monolithique. Le socialisme doit réellement s'inspirer de sources diverses et variées, sans volonté violente de rééducation de la bourgeoisie, ou autres catégories de la population. Mais la bourgeoisie, et surtout l'oligarchie résistent très puissamment, avec une volonté de manipuler les foules. Ce qu'ils réussissent aujourd'hui très bien avec Macron en France, pur produit marketing de l'oligarchie. »

L'anarchiste : « Ça ne peut se régler qu'avec un bain de sang, les possédants par définition sont déraisonnables autant que les pauvres. »

Moi : « "Un bain de sang", ce n'est pas avec de tels arguments que tu emporteras l'adhésion de tes contradicteurs. »

L'anarchiste : « Ce ne sont pas des arguments, je n'ai personne à convaincre et je ne le souhaite pas, mais la violence des possédants est sans limite, que lui opposer ? La raison ? »

Moi : « Les sociétés traditionnelles reposaient sur la religion et sa violence, la nôtre sur le commerce et sa violence. Ce ne sont ni la religion ni le commerce qui sont en soi violents, mais l'homme. Et ils ne sont évidemment pas assez raisonnables pour constituer une société reposant sur la raison, c'est-à-dire une société de philosophes, mais ce fut une utopie platonicienne. Des théoriciens du libéralisme ont cru qu'une société reposant sur le « doux commerce », qui est aujourd'hui le business, modèle aussi bien de l'oligarchie que de la pègre actuels, abolirait les guerres. Or les guerres récentes furent encore plus violentes que celles de l'ancien régime. À la base des guerres mondiales il y avait non des problèmes de conflits religieux, mais des dysfonctionnements de l'économie, que les guerres et les purges en hommes les accompagnant, aboutirent à réguler. Les guerres ont aujourd'hui cette fonction de régulation de l'économie comme moteur sous-jacent, même si les arguments invoqués pour les faire tournent généralement aujourd'hui autour des droits de l'homme : les apparences sont trompeuses. La guerre est aussi un moyen de dépenser, une purge ou catharsis émotionnelle, dans une société libérale où le but ultime est d'accumuler des richesses sans jamais réellement les dépenser, puisque toujours les dépenses servent à investir en vue de créer de nouvelles richesses. Dans la guerre les richesses accumulées sont dépensées, dilapidées, détruites, avec la même jubilation qu'un enfant éprouve lorsqu'il détruit un château de cartes qu'il avait mis des heures à réaliser. En gros pour ceux qui n'y périssent pas et pour l'ensemble de la société reposant sur le commerce, la guerre est une catharsis qui soulage et fait du bien. Mais ce n'est pas très raisonnable je te l'accorde.
N'y aurait il pas un moyen d'imaginer au moins à défaut de la créer véritablement, une société capable en même temps qu'elle accumule des richesses et les investit en vue de la création d'encore plus de richesses, de soulager et de faire du bien à ses citoyens ? Pour l'instant une telle société n'a jamais existé et reste de l'ordre de l'utopie. Cependant si elle devait exister, cela pourrait être une société socialiste, plus égalitaire que la nôtre, et où les êtres humains pourraient purger leur instincts bestiaux de violence dans une sexualité plus épanouie et la sublimation du reste de leur violence intrinsèque dans la création philosophique, artistique ou même artisanale. Aujourd'hui les hommes sont encore moins créateurs que sous l'ancien régime, et sont des moutons consommateurs, qui consomment selon le principe de la rivalité mimétique, « je veux ce que l'autre a, et ainsi je pense que je serai heureux ». Il vaudrait mieux vouloir créer ce que l'autre crée, comme ce fut les cas aux époques les plus florissantes du catholicisme et notamment dans les villes italiennes ou autres florissantes, comme Venise ou Florence ou autres... »

L'anarchiste : « Ce sont les artistes et les savants, émancipés de la chape catholique qui ont permis la Renaissance... La religion ne laisse pas libre à penser... »

Moi : « Une société de libres penseurs n'a jamais existé et n'existera sans doute jamais, à moins que les développements de l'IA ne se fassent pas exclusivement au service du profit. Aujourd'hui et cela remonte maintenant à 300 ans, le commerce comme fondement de la société a totalement supplanté la religion. La majorité des citoyens en régime libéral de nos sociétés occidentales, vit par et pour le profit, bien davantage que par et pour la raison. De plus comme la nature a horreur du vide, la religion musulmane est en voie de supplanter en France, ce qu'il restait de religion catholique (bien davantage détruite par l'idéologie du commerce, que par l'islam d'ailleurs), c'est-à-dire des lambeaux de religion. Concernant l'art, le remplacement par le commerce de la religion, a entraîné un déclin évident. Concernant la raison je ne suis pas sûr que l'on ait gagné au change. Par contre les progrès technologiques sont indéniables, spectaculaires et même exponentiels, ça je veux bien te l'accorder. Mais les progrès de la technique n'entraînent pas forcément un progrès de la raison, je dirais même bien au contraire. Contrairement à ce que voudrait nous faire croire la doxa libérale, durant la Renaissance, les acteurs intellectuels (philosophes, scientifiques, écrivains, artistes... ), furent majoritairement croyants et pratiquants, même si ils furent aussi ouverts à des influences extérieures, notamment venant de l' Antiquité, au moins jusqu'au siècle des Lumières. Certes certains scientifiques notamment de la Renaissance furent persécutés en raison de leurs opinions qui heurtait le dogme religieux issu du Moyen-Âge, mais ce dogme aussi a su se moderniser, pas assez vite aux yeux des esprits éclairés.
Le siècle des Lumières, le XVIIIème siècle, où les acteurs intellectuels surtout en France et beaucoup moins en Allemagne, se dressèrent contre le dogmatisme religieux, essentiellement issu du catholicisme, et beaucoup moins du protestantisme, est le fruit de la frustration de philosophes croyant pouvoir faire reposer la société sur la raison comme sur son fondement. Dans les pays à dominante protestante, il n'y eu pas cette contestation "éclairée", peut-être parce que la religion y était beaucoup moins dogmatique. On dit d'ailleurs souvent que le protestantisme constitue une démocratisation de la religion catholique, cette dernière ayant un mode de fonctionnement plus aristocratique. »

L'anarchiste : « Toute la création qu'elle soit artistique ou scientifique s'est faite contre le dogme religieux souvent au péril même de la vie des créateurs. »

Moi : « Et Pascal, qu'est ce que tu en fais ? »

L'anarchiste : « Il se posait beaucoup de questions justement, son pari était un pari de pleutre... »

Moi : « Le dogme catholique est tout à fait compatible avec la création dans tous les domaines, je suis totalement en désaccord avec toi. Le dogme s'est démocratisé avec le protestantisme, ce dernier a favorisé l'émergence d'un nouveau dogme, qui est aussi le dogme actuel, ou "croyance aveugle" dans le progrès. C'est cela le dogme du progressisme, une croyance aveugle qui ne peut pas être remise en question, telle est bien la définition d'un dogme. Pourquoi "un pari de pleutre", explique toi ? »

L'anarchiste : « Le dogme en général n'est compatible avec aucune création, il n'est qu'obéissance aveugle... »

Moi : « La création s'est faite en accord avec le dogme jusqu'au XVIIIème siècle. Penser le contraire est le fruit de notre éducation, orientée vers la condamnation du dogme religieux d'origine catholique en France. J'ai reçu la même éducation que toi, d'origine libérale, en vue de nous conditionner à une obéissance aveugle au culte du progrès. »

L'anarchiste : « Pascal a fait le choix d'être croyant par peur de la damnation, les religions ne sont fondées que sur la peur de la damnation... Tout dogme qu'il soit religieux ou économique est un danger pour l'humanité. Je n'ai pas de dogme, juste de la curiosité d'esprit. »

Moi « Le progressisme est fondé sur la peur de l'exclusion sociale qui nous guette tous, ce n'est pas mieux ; c'est même peut-être pire. La majorité des gens n'est pas libre en régime libéral-libertaire, mais esclave de ses conditions de travail, parfois épouvantables. Rien en tout cas de ce qui est diffusé par les médias dans le domaine privé ou public ne nous incite à réellement réfléchir, mais bien plus à consommer et à avoir un comportement conforme. Tout nous incite à avoir un comportement grégaire de mouton. »

L'anarchiste : « Notre libre arbitre peut nous en préserver. »

Moi : « Tout tourne autour du bon fonctionnement du libre marché. Les « ratés » du système qui sont des ratés tout court (au sens péjoratif et populaire du terme), sont impitoyablement mis sur la touche (chômage, pauvreté, déclassement...), ceux qui ne réussissent pas financièrement sont considérés comme des pestiférés au sein de leur propre famille, avec un plus ou moins haut degré de tolérance. La réussite sociale est devenue le nouveau critère de reconnaissance par ses pairs ou sa famille, et d'intégration dans la société. Mais les bases de cette réussite ne sont pas saines car elles reposent souvent sur l'égoïsme, la vénalité et l'indifférence au sort des autres moins chanceux. Je pense que le dogme religieux avait au moins le mérite de nous préserver de ça : l'égoïsme, la vénalité et l'indifférence. »

L'anarchiste : « Tu me fais trop rire, il n'y a rien eu de plus décadent que le pouvoir religieux. »

Moi : « Par contre le dogme religieux freine la libre entreprise, il a été mis sur la touche progressivement uniquement pour cette raison, non pas parce qu'il gêne la libre pensée. Je le répète une société reposant sur la raison n'a pour l'instant jamais existé, même chez les Grecs, qui sont certainement ceux qui s'en rapprochèrent le plus cependant. On tolère et même encourage l'esprit scientifique parce qu'il soutient et nourrit la libre-entreprise par l'innovation, et non pas on encourage la libre-entreprise parce qu'elle fait avancer la science. Notre société n'est même pas scientiste, le but ultime n'est pas la curiosité scientifique, mais bien le profit et toujours plus de profit. De plus le scientisme n'est pas non plus l'exemple d'une société reposant sur la libre pensée ou la raison. La raison a besoin de spiritualité que ne recèle pas la science, cette dernière s'appuyant plutôt sur une pulsion irraisonnée de voyeurisme. »

L'anarchiste : « Aucun mérite à aucun dogme, le mot porte sa propre pestilence. Tu ne me convaincras jamais de "que dalle", pourquoi tu t'échines ? Bien sûr que si pour la deuxième partie de ton laïus, la spiritualité du mystère et de l'infini, derrière chaque découverte il y a de nouvelles questions, c'est cette quête sans fin la spiritualité scientifique... »

Moi : « La France a reposé pendant 1500 ans environ sur le dogme religieux. En France le fonctionnement de la société sur le commerce et uniquement sur le commerce est très récent et se fait toujours à l'heure actuelle progressivement. Les victoires de la laïcité sur le dogme religieux, sont en réalité autant de victoire du dogme de la croissance sur celui de la religion ; un conflit qui dure depuis un peu plus de 200 ans en France, et qui voit aujourd'hui comme dans tout le monde occidentale, la victoire totale du culte du profit. Mais cela ne signifie pas du tout une victoire de la raison, puisque la quasi-majorité des citoyens adhère à l'orthodoxie libérale de façon aveugle et dogmatique, sans même se poser la question de savoir si une croissance illimitée dans un monde fini est viable pour la planète. La durée de vie du dogme religieux dans l'ensemble du monde occidental, fut environ de 1500 ans, je ne suis pas sûr que la société ayant des fondements commerciaux qui remontent pour leurs origines, à environ 300 ans grand maximum, dure aussi longtemps. C'est sur le plan de l'équilibre écologique de la planète absolument impossible, ou alors il faudra apporter de très fortes régulations, et des contraintes inhibitrices dont l'orthodoxie libérale du marché dérégulé ne veut aujourd'hui pas entendre parler. »

L'anarchiste : « L'homme passe facilement d'un opium à un autre, la raison est la troisième voix et la seule qui vaille. Pour les religions aussi le monde est infini puisqu'il se prolonge par le paradis. »

Moi : « Les Anglo-Saxons d'Angleterre puis du nouveau monde furent les pionniers en matière de société libérale, dont les fondements théoriques ont 300 ans et qui aboutit à la première Révolution industrielle en Angleterre, qui commença entre 1730 et 1750... Les États-Unis et autres pays anglo-saxons du nouveau monde, aujourd'hui plus largement cosmopolites, mais à dominante encore anglo-saxonne, ont totalement achevé cette révolution industrielle. Les nouveaux rivaux, ne sont pas européens, eux qui fondèrent pourtant cette idéologie du profit ; mais asiatiques, eux qui ont des capacités d'adaptation extraordinaire et une spiritualité reposant encore sur une religion comme le bouddhisme (religion ou philosophie ?) ou l'hindouisme. Je sais, je répète souvent la formule "300 ans", mais la brièveté de notre civilisation du commerce qui semble proche de sa fin et d'un genre d'apocalypse écologique ou nucléaire, donne le vertige en comparaison des civilisations millénaires du passé reposant toutes sur la religion, ou tout du moins sur un type de spiritualité.»

L'anarchiste : « Tu l'as déjà répète 345 fois... »

Moi : « Le déclin de la civilisation occidentale tout du moins en Europe, beaucoup moins dans le nouveau monde, tel que décrit par Zemmour et Onfray, est réel, ce n'est pas un fantasme ; mais le fait que personne ne veuille participer à ce débat intéressant est plutôt le signe inquiétant d'un déni des problèmes de la part de nos contemporains, et d'une soumission au dogme du marché libre accompagné d'un optimisme béat, impulsé par Macron en France. »

L'anarchiste : « Ils cassent juste les couilles les réacs de leur espèce. Ce n'est pas en proposant le repli culturel qu'on s'en sortira. »

Moi : « Evidemment que je n'adhère pas à toutes les idées réactionnaires de Zemmour, qui pour un esprit logique devraient aboutir à un vote Le Pen ou Philippot. Je fustige les représentants de ces partis qui sont selon moi de droite radicale. Je le répète je me situe à gauche, mais une gauche socialiste respectueuse de tout ce qui peut favoriser des formes de solidarités, même si celles ci sont issues d'une religion dogmatique comme le catholicisme, ou ce qu'il en reste, c'est-à-dire pas grand chose aujourd'hui en France. Toute forme de spiritualité est selon moi préférable au nihilisme de la matière, lorsque celle ci n'est gouvernée que par de vils intérêts mercantiles : l'humain ne vaut plus guère mieux que le prix de ses organes. J'apprécie la pensée de Zemmour, qui a une liberté de ton tranchant avec le politiquement correct dominant actuellement tout le paysage médiatique. Je pense que l'islamisme constitue un danger pour l'Europe, et que la question migratoire et celle du contrôle des flux n'est pas une question tabou, vous plaçant de facto à l'extrême-droite de l'échiquier politique »



1 commentaire:

  1. Salut Erwan,

    On s'est croisés hier dans le cadre des commentaires de "Causeur", à propos de "bisbilles judéocentrées" ;>, mon attention a été attirée par tes commentaires, qui semblaient aller dans le même sens que les miens, et ça m'a donné envie de prendre contact avec toi, ce que j'ai pu faire aisément grâce à ce blog.
    [...]
    Avec la suite, mon message en entier est supérieur à la limite de 4096 caractères, il en fait 6550, et j'ai donc dû le monter sur mon hébergeur de fichiers habituels. Il est lisible pour toi.

    Bien amicalement,
    Lionel

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