jeudi 25 janvier 2018

Précisions sur le terme complot


L'ingénue : « Nous payons donc le prix de notre démocratie excessivement cher, car son pendant est une manipulation organisée et qui complote, totalitaire, qui prend les airs d'un libéralisme de plus en plus sauvage et débridé, et Macron en est le fleuron, le produit quasi parfait et abouti. »

Moi : « Non il ne s'agit pas d'une "manipulation organisée et qui complote", la démocratie est effectivement sensée découler de l'idéal des Lumières, et de sa mise en œuvre par la Révolution française.
Cependant n'oublions pas que ce fut une révolution bourgeoise. Les bourgeois en France sont donc au pouvoir en France depuis 230 ans. Ce sont leurs intérêts qui sont représentés, c'est avant tout à eux que profite la croissance économique, l'innovation et la baisse des dépenses publiques (la "sainte" trinité de l'orthodoxie financière qui ne saurait être remise en question). La démocratie est donc en réalité une oligarchie (une forme de gouvernement où le pouvoir est réservé à un petit groupe de personnes qui forment une classe dominante), et Macron est effectivement le représentant de cette oligarchie en France. Mais tous les pays développés économiquement, y compris en Asie, sont des oligarchies, où le pouvoir et l'argent sont aux mains d'une petite minorité de richissimes (à lui tout seul l'homme le plus riche du monde Bill Gates possède 100 milliards de dollars, soit plus que le PIB d'un pays comme la Bulgarie)
Le "complot" est le fruit d'une logique qui n'a cessé de se développer depuis que les théoriciens du libéralisme, dont le plus fameux fut Adam Smith ("vice privé, vertu publique", "la main invisible"), ont élaboré leur doctrine (du libéralisme) voilà maintenant 300 ans environ. La première révolution industrielle a commencé en Angleterre entre 1730 et 1750. C'est exactement sur les mêmes principes  (innovation, croissance et dérégulations) que se déroule désormais la mondialisation, une révolution industrielle globale, dorénavant basée sur les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle (IA).
Donc il ne s'agit pas d'une manipulation organisée, ni d'un complot mais d'une logique qui se déploie et où l'idéal des Lumière démocratique a été un peu trahi, au profit du seul libéralisme, qui est cependant un de ses aspects, mais un seul parmi d'autres, et les autres ont été occultés (comme l'égalité entre les hommes, le combat contre les injustices sociales...). Le dogme de l'orthodoxie financière (croissance, baisse des dépenses publiques, innovation) fait tenir tout le système. Il y a un peu de démocratie, car à peu près tout le monde, à condition de réussir ses études, peut devenir un acteur du système bien rémunéré : ce qu'on appelle être un nanti. Ce système a un aspect totalisant car il a bouleversé les mœurs du monde entier qui reposaient traditionnellement sur des coutumes et des religions ancestrales, pour les remplacer par le modèle publicitaire (on veut ce que son voisin a, qui est représenté par l'image idéale publicitaire, comme maître étalon du désir, et suivant le principe de la rivalité mimétique) et le politiquement correct (il faut être antiraciste, féministe, ne pas être antisémite ou islamophobe, et même ne pas manger trop de sucre et ne pas grignoter entre les repas...). Cet aspect totalisant en France est très prégnant depuis les années 80 (boom de la publicité et du modèle libéral représenté par exemple par une icône comme Bernard Tapie...), et la publicité par ses injonctions subliminales (ne pas grignoter entre les repas par exemple), « nous veut du bien » (à condition de jouer le jeu et d'être performant). C'est pour cela que l'on peut appeler aussi la société libérale accomplie, l'Empire du Bien.
J'ai utilisé le titre "Le libéralisme est un complot matérialiste sur le long terme, contre toute forme de croyance religieuse" dans mon billet précédent, mais si j'avais voulu être rigoureux et ne pas faire de provocation, j'aurais dû dire : "Le libéralisme est un projet matérialiste sur le long terme, contre toute forme de croyance religieuse."
Sinon oui, Macron est le fleuron, le produit quasi parfait et abouti du projet libéral, qui grâce à mai 68, et depuis les années 80, a retrouvé une seconde jeunesse en France, ainsi qu'à peu près de la même façon, et en même temps, dans tout le monde occidental. Macron représente un idéal libéral-libertaire qui trouve sa source idéologique parmi les figures de mai 68, qui durant les années 80 ont renié en masse leurs idéaux maoïstes et/ou communistes, pour se convertir aux bienfaits de l'économie de marché.
L'idéal libéral-libertaire a en outre un aspect totalisant politiquement et pas seulement au niveau sociétal (l'aspect publicitaire, l'aspect destructeur des modes de vie ancestraux et des rites religieux), puisqu'il bouscule le clivage gauche/droite. Gauche et droite depuis les années 80, font strictement la même politique libérale une fois au pouvoir. Macron est la réponse à ce constat : la droite et la gauche ne signifient plus rien puisqu'elles sont identiques sauf sur des nuances. Macron n'est donc ni de droite ni de gauche, ou alors il est de gauche, et en même temps il est de droite.
Macron en lui-même est une épiphanie, il est insignifiant de caractère, mais comme la dernière pièce d'un puzzle, il a toutefois le mérité de dévoiler l'essence du projet libéral-libertaire dans sa globalité ; et ce projet est effectivement totalisant, car il pour but rééduquer le genre humain suivant des valeurs monolithiques/conformes/globales, celles que dégagent la publicité et la propagande politiquement correcte, et non pas pluralistes/plurielles/singulières. »



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