Les Occidentaux ont totalement
remplacé la raison pratique (la morale) par la raison hypothétique (le calcul
d'intérêts), malgré les avertissements de Kant. La raison chez Kant est une
faculté de demander. La raison exige. Dans La
Critique de la Raison pure, elle intervient au moment où elle pose son
exigence : elle demande l’inconditionné. Dans la mesure où la raison est une
faculté qui demande, elle peut éprouver un besoin. Et son besoin, c’est la foi.
Elle a besoin de croire. Sinon la raison s'effondre sur elle-même, elle n'a
plus de vitalité, elle devient purement formelle, instrumentalisable. Et on le
voit aujourd'hui, beaucoup de musulmans éduqués et intelligents
instrumentalisent la raison des Occidentaux au profit de leur religion, ils
retournent contre les Occidentaux leurs propres armes, toujours au nom des
droits de l'Homme. Une telle attaque n'est possible que parce que la plupart
des Occidentaux n'ont plus aucune espèce de croyance.
C'est aujourd'hui le relativisme
absolu qui anime les Occidentaux : il n'y a plus de bien et de mal. D'où ce
monde qui peut nous apparaître comme « fou », où il n'y a plus de dialogue,
plus de débat, mais juste du buzz,
des polémiques toutes plus violents les unes que les autres et aucune sérénité.
C'est aussi un point qui peut
permettre de comprendre l'islamisation de la société : ce n'est pas la volonté
des musulmans pris en particulier, individuellement, c'est même peut-être moins
la volonté de l'islam que la revanche de la raison pratique (la morale) sur la
raison hypothétique ou calculante, issue du néolibéralisme triomphant et par
lequel les Occidentaux ont perdu toute leur vitalité, y compris raisonnable, en
oubliant de nourrir la raison à sa racine ; qui est son besoin de croire.
Il y a un dualisme selon Kant
entre raison hypothético-déductive propre à la science et raison pratique
propre à la morale, or aujourd'hui nous nageons en pleine confusion avec le
libéralisme libertaire, l'islam servira-t-il d'arbitre ? C'est un peu
l'hypothèse de Houellebecq. Au passage ce qui donne toute sa force à Zemmour
c'est sa foi profonde en la France et la raison fulgurante qui en résulte car
elle s'en nourrit, foi qui peut être contagieuse ; d'où le danger qu'il
représente à la fois pour les islamistes qui défendent une cause avec une foi
profonde et pour les libéraux, accessoirement marchands d'armes indifférents au
bien et au mal et à l'étiquette idéologique de leurs acheteurs, qui ont aboli
en eux toute croyance depuis plus de deux siècles de travail souterrain de leur
idéologie mortifère, sans cause à défendre hormis faire du commerce. La
question du bien et du mal étant laissée en Occident à quelques bateleurs de
foire caricaturaux dans leur outrance, tels BHL, Kouchner, Goupil ou à un degré
moindre Marek Halter !
La question que devrait se poser le lecteur moyen de Causeur, ou le Français moyen franchouillard tout court attaché à son mode de vie, c'est-à-dire à son litron de vin, à son match de foot et à sa feuille de paie ou son alloc, est qu'est-ce qui dans la chaîne de causalité explique la foi profonde et radicale de Zemmour pour son pays ? Plutôt que de chercher à y adhérer avec ferveur. Car de toute façon, une telle ferveur que comprend Driss Gahli de son point de vue musulman, est inatteignable pour un Occidental moyen, miné de l'intérieur par le travail de sape du libéralisme depuis plus de deux cents ans ou de ce qui revient au même ; le relativisme le plus absolu. Voilà pourquoi nous sommes si démunis face au « péril islamique », si tant est qu'il existe vraiment aux yeux de ceux qui veulent nous l'imposer alors qu'il n'existe qu'à l'état de fantasme aux yeux de la plupart des Européens qui ne peuvent même plus concevoir un acte radical de foi profonde, comme un attentat terroriste - plutôt l'occulter de leur conscience tandis que les musulmans radicaux en sont privés -, pour ne retenir que l'atteinte aux droits de l'Homme faite aux musulmans pris individuellement qui vaut condamnation pénale pour Zemmour.
Kant n'est pas libéral car il
nous mettait en garde d'évacuer la croyance, la foi, la morale, de la raison.
Pourtant c'est bien le travail de sape qu'a opéré le libéralisme pendant plus
de 200 ans, et qui a abouti au pur relativisme ou nihilisme contemporain chez
la plupart des gens, que certains idéalisent en pensant qu'ils ont encore foi
en nos valeurs, notre civilisation ou notre culture, ils sont devenus
globalement trop cynique pour ça, surtout nos élites qui se veulent sécessionnistes
du petit peuple, jugé moisi et nauséabond...
Le libéralisme nous a enrichi
matériellement, mais considérablement appauvri spirituellement, c'est une école
du cynisme pour tous ceux qui pour s'enrichir, se font accessoirement marchands
d'armes indifférents au bien et au mal. Je pense que Kant n'était pas tombé dans ce piège par la définition
qu'il donne de la raison, et qu'il avait anticipé les ravages d'une raison
purement hypothético-déductive qui se voudrait sans morale. Ce lent travail de
sape s'explique par les origines du libéralisme : abolir toute trace de foi
religieuse pour mettre fin aux guerres de religion ; seulement voilà le
libéralisme n'avait pas prévu qu'une religion, la plus virulente, échapperait à
ce travail de sape et viendrait s'inviter et se répandre sur les ruines de la
foi chrétienne en Occident.
Le libéralisme est amoral au
départ, il a évacué la morale du champ de la raison par ses prémisses que l'on
trouve chez Adam Smith (vice privé, vertu publique), et ses conséquences que
l'on trouve dans le nihilisme contemporain particulièrement éclatant chez nos
élites bobos sécessionnistes du petit peuple de souche notamment. Dans le cas où
Kant serait à la source du libéralisme, il est inconséquent avec lui-même, ce qui
est possible.
Ou alors on l'a caricaturalement
simplifié : Kant avait prévu qu'il resterait un champ pour la raison pratique,
le côté le plus noble de la raison selon lui en faisant de chacun le
législateur de sa propre vie (liberté et responsabilité), or ce tout ce champ-là
a été totalement oublié, oblitéré par la modernité et les impératifs de vitesse
et d'efficacité de la Technique. Je ne nie pas que chez certains puristes ce
champ demeure toujours bien vivant, mais ils ne constituent pas la norme pour y
(sur)vivre et s'y adapter à ce monde, qui est le fruit de la pensée des
libéraux qui voulaient le changer et le rendre plus « doux » alors qu’il est
aujourd’hui ultra violent, désolé de vous le dire.
La question que devrait se poser le lecteur moyen de Causeur, ou le Français moyen franchouillard tout court attaché à son mode de vie, c'est-à-dire à son litron de vin, à son match de foot et à sa feuille de paie ou son alloc, est qu'est-ce qui dans la chaîne de causalité explique la foi profonde et radicale de Zemmour pour son pays ? Plutôt que de chercher à y adhérer avec ferveur. Car de toute façon, une telle ferveur que comprend Driss Gahli de son point de vue musulman, est inatteignable pour un Occidental moyen, miné de l'intérieur par le travail de sape du libéralisme depuis plus de deux cents ans ou de ce qui revient au même ; le relativisme le plus absolu. Voilà pourquoi nous sommes si démunis face au « péril islamique », si tant est qu'il existe vraiment aux yeux de ceux qui veulent nous l'imposer alors qu'il n'existe qu'à l'état de fantasme aux yeux de la plupart des Européens qui ne peuvent même plus concevoir un acte radical de foi profonde, comme un attentat terroriste - plutôt l'occulter de leur conscience tandis que les musulmans radicaux en sont privés -, pour ne retenir que l'atteinte aux droits de l'Homme faite aux musulmans pris individuellement qui vaut condamnation pénale pour Zemmour.
Et comme le dit aussi souvent
Zemmour pour sa défense citant Benjamin Constant : « Tout est moral chez
l'individu, mais tout est physique dans les masses. » On fait donc au passage
un faux procès à Zemmour en l'accusant de s'en prendre à des individus, alors
qu'il s'attaque au phénomène de l'islam qui est plus physique que moral car
impliquant des masses.
J'apprécie votre intervention mais je ne suis pas convaincu de l'intérêt de citer/développer Kant pour expliquer la différence de vitalité/conviction/engagement/sacrifice, etc entre croyant et relativiste.
RépondreSupprimerCette différence tombe sous le sens me semble-t-il.
Personne ne s'est jamais explosé pour l'athéisme et les lions n'ont guère dévoré de laïcs.
Mais j'ai peut-être tendance à trop simplifier.
Il ne s'agit pas d'un choix entre conviction et relativisme selon moi, c'est une idéologie du "doux commerce" ou libérale, qui s'impose à nous quasiment ataviquement sans nous laisser aucune liberté de choix. Le relativisme indifférent s'impose aux Occidentaux, fruit d'une idéologie libérale qui a presque 300 ans et avait vocation à détruire le ferment religieux des sociétés occidentales, tandis que l'islam est une religion de combat et de conquête sur laquelle le libéralisme n'a pas eu le temps d'opérer son travail de sape, et face à laquelle nous sommes totalement désarmés.
SupprimerEntièrement d'accord, c'est un point de vue qui m'a valu de me faire agresser sur d'autres sites mais on en revient tout de même au résultat : croire en quelque chose qui vous dépasse vous rend plus fort que quelqu'un qui ne croit qu'en lui.
SupprimerCette idéologie du doux commerce ne s'impose qu'à ceux qui le veulent bien et je ne suis pas persuadé que cette religion du combat soit plus puissante qu'une autre, sinon elle serait victorieuse depuis longtemps.
Je crois que la religion musulmane compte le plus grand nombre de pratiquants, de fanatiques, mais est toujours réduite à des actes guerriers isolés sur les territoires convoités, sauf leur tentative avortée de califat.
Je pense qu'une religion qui biberonne à la soumission ne fabrique majoritairement que des loosers.
Mais beaucoup de loosers représente néanmoins un problème.
Même si l'occident est bien critiquable, et on peut partager bien des détestations, je ne crois pas qu'il soit à proprement parler "désarmé".
RépondreSupprimerIl dispose précisément de ce que vous considérez trop vite comme des faiblesses: le véritable libéralisme élaboré pendant les lumières fut à la fois libre et national, et le libertarisme dégénéré que nous condamnons tous n'a rien à voir. Il n'est qu'une version du socialisme et Macron n'est pas du tout un libéral.
La destruction de la religion par l'athéisme va dissoudre aussi l'islam. Croyez vous vraiment que les enfants de musulmans vont continuer longtemps de croire à ce tissu lamentable de malédictions stupides qu'est le fond "spirituel" islamique ?
La conjonction du porno, de la mécréance systématique et de la violence (c'est là que nous devrions nous décider) poussée au delà de leur imagination de sous développés devrait les convertir, et cela sera le futur qui les attend.
Le libéral-libertarisme de Macron est la version française du néolibéralisme mondialisé contemporain, qui a des origines davantage anglo-saxonnes qu'allemandes ou françaises (cf. ma réponse à Kzomimil ci-dessous).
SupprimerVous voulez faire porter au libéralisme, aux Lumières donc, tout le poids du nihilisme occidental. Ce nihilisme est l’aboutissement de la métaphysique, le meurtre de Dieu a commencé bien avant les Lumières, votre acharnement contre le libéralisme vous aveugle, c’est dommage, il est humain de vouloir trouver des responsables, mais tout de même, un peu de détachement vous permettrait peut-être de réfléchir aux solutions plutôt que de pleurer sur le cheval mort. Identifier le coupable vous permettra-t-il d’orienter le cours des choses à venir ?
RépondreSupprimerLe problème n’est pas que nous soyons dominés par la raison instrumentale mais que ni Kant ni personne n’ait réussi à fonder une raison objective. Quelles solutions l’école de Francfort nous a-t-elle données ?
Dans La Fable des abeilles, plus connue par son sous-titre, Les vices privés font le bien public (1705), Bernard Mandeville prend le contre-pied de la pensée classique : ce n’est pas de la vertu mais de l’égoïsme de chacun qu’il faut attendre le bien public. Il préfère les maisons closes aux maisons de charité, fait l’apologie de la cupidité, de l’exploitation et de la malhonnêteté, et déconsidère l’altruisme, la frugalité et la mesure. La fable donne le principe de l’économie de marché, théorisé un peu plus tard par Adam Smith sous la forme de la « main invisible ». Le mouvement des Lumières anglo-écossaises a dévoilé les mécanismes d’autorégulation spontanée de la société, sur la base de comportements individuels orientés vers l’intérêt personnel. L’ordre social, comme la ruche, n’est pas le résultat d’un dessein rationnel et moral, mais l’effet d’une multitude d’actions individuelles non concertées et vicieuses.
SupprimerL'ordre social est amoral voire immoral, et l'on doit même encourager le vice car l'absence de moralité et de scrupules encourage l'action : une telle conception de l'ordre social est très visible à travers la propagande publicitaire d'aujourd'hui, qui encourage nos plus bas instincts. En même temps il s'agit tout de même d'un ordre à faire respecter, on fabrique donc le consentement à l'obéissance au vice par la propagande.
Voilà les bases du libéralisme tel que je l'entends, Kant est encore trop timoré, trop timide, il laisse une place à la croyance, à la raison pratique. Les Lumières allemandes et française font l'apologie de la libérté individuelle, pour que chacun soit le propre législateur de sa conduite, il y a une grande part d'idéalisme, de confiance en la nature humaine. L'Aufklärung laisse même une part à la religion, que globalement les philosophes français des Lumières vomissent sauf Rousseau.
Sous prétexte d'efficacité, de réalisme, les Anglo-Saxons sont beaucoup plus pessimistes sur la nature humaine et évacuent tout idéalisme, toute transcendance, tout dualisme entre raison pratique et raison instrumentale pour ne garder que la raison instrumentale. C'est cette version cynique du libéralisme appuyée sur le darwinisme social et la notion d'adaptation, qui a triomphé aujourd'hui à l'échelle planétaire. Mais elle repose sur une méconnaissance de la nature humaine et de la raison qui a besoin de la croyance pour s'en nourrir à sa source : d'où tous les dysfonctionnements contemporains du néolibéralisme, ce que j'appelle le nihilisme. Le nihilisme provient de deux effets conjugués : la volonté d'avoir voulu changer le monde et créer un Homme nouveau affranchi de la croyance et de la morale (alors qu'il s'agit d'un besoin de la raison), et la volonté de puissance qui découle de l'autonomie de la technique.