mardi 22 janvier 2019

Dialogue avec un sage qui prêche pour sa paroisse



On peut prophétiser l'autodestruction prochaine du capitalisme sur fond de révolution numérique et de robotisation. Le système capitaliste mondial est bel et bien entré dans la phase terminale de sa crise structurelle. Ce système pourtant fondé sur le principe d'une accumulation sans limite se heurte désormais à trois limites majeures : La limite morale, car il détruit progressivement les bases anthropologiques de toute vie commune. La limite écologique, car une croissance infinie est évidemment impossible dans un monde fini. Et la limite systémique car la financiarisation de l'économie conduira à terme à l'explosion d'une gigantesque bulle planétaire. 

Lui : « On peut certainement en finir avec le libéralisme le capitalisme et la démocratie, trois choses qui ne sont pas sans rapports. Il est exact que ça ne convient pas très bien avec la nature humaine, qui semble préférer les rois dieux, la magie et le despotisme .
Quelques siècles de libéralisation et de rationalisme ont plus fait pour le bien être de l'humanité que les dix millénaires qui ont précédé depuis l' invention de l'élevage et de l'agriculture. La durée de la vie humaine a augmenté de plus de cinquante ans, on a lutté contre la souffrance la maladie et la misère, on a arraché les basses classes de la société (c'est à dire les neuf dixièmes) à sa misère, à son avilissement, à son abrutissement, on lui a donné une vie infiniment moins cruelle et la possibilité de s'instruire. reste à savoir si c'est ce que souhaite l'humanité et ce qui lui convient. L'extrême droite, de Platon aux dictateurs modernes, a toujours dit : non. Elle a peut être raison.
Le nazisme, le stalinisme, l'islamisme, donnent aux hommes ce que le libéralisme ne pourra jamais lui donner : des dieux vivants, le devoir de retomber à quatre pattes, la possibilité de battre ou de tuer les plus faibles, la joie de se prosterner, de ne pas penser, d'obéir, de torturer, de se sacrifier et d' offrir sa vie, des dieux tels que les hommes les ont toujours connus qui veulent du sang humain. C'est peut être cela qui convient le mieux aux humains. Il est parfaitement possible que la civilisation soit une erreur. Il est vrai que les joies de la sauvagerie et du primitivisme ont un prix, la souffrance, une vie courte, la terreur et l' horreur, et la démence. Beaucoup de nos contemporains semblent prêts à payer et à retrouver la servitude la misère et le sacrifice humain.
L'humanité fera son choix.
Je rappelle seulement qu'au bon vieux temps, qui dure encore dans une grande partie du monde, plus de la moitié des enfants mouraient avant l'âge adulte, que le destin habituel d'une femme était de mourir en couches, et que peu de gens vivaient jusque à cinquante ans. »

Moi : « Vous caricaturez franchement, vous mettez le Bien d'un côté et le Mal de l'autre, n'êtes vous pas un peu manichéen ? Disons simplement que l'homo oeconomicus ne pourrait-il pas mettre un peu d'eau dans son vin et accepter la nature métaphysique de l'Homme, qui ne se réduit pas seulement à des considérations économiques. Franchement vous ne trouvez pas choquant que 26 milliardaires possèdent autant que la moitié la moins riche de l'humanité et que ces inégalités augmentent ?
Pourquoi faut-il que l'Homme soit toujours aussi radical, que ce soit d'ailleurs du côté de ce que vous suggérez être le Mal absolu : le populisme, l'extrême-droite, la religion, le paganisme... ou du côté de ce que vous sous-entendez être le Bien absolu : l'économie, le libéralisme, le néo darwinisme, le calcul, l'humanisme, la volonté de puissance par l'argent...
Le nihilisme ne se trouve-t-il pas au bout du chemin de tous ceux qui ont des idées radicales, de la radicalité des idées plus que des idées elles-mêmes ? Assimiler Platon à Hitler, je trouve ça franchement excessif ! Dans ce cas là interdisons... disons toute littérature antérieure à Marc Lévy ! »

Lui : « Je n'ai jamais dit que je proposais le choix entre le bien ou le mal, ni que j'assimilais Platon à Hitler, ce qui serait absurde.
Au temps de Charlemagne, une vingtaine de familles aristocratiques (Arnulfiens, Pippinides, Etichonides, Robertiens, Rorgonides, Bosonides, Widonides, Agilolfings...) devaient posséder 90 % ou plus de la richesse, c'est à dire la terre. Il existait une petite aristocratie d'hommes libres qui étaient propriétaires et qui devaient le service militaire, pas grand monde. 98 % ou plus de la population n'avaient que ce qu'ils portaient sur le dos. C 'était une situation assez ordinaire dans le monde.
Nous sommes bien obligés de faire un choix : ou on obéit à nos instincts, comme nous le demandent fascistes, communistes, verts, islamistes, DH Lawrence et Jean Jacques Rousseau, ou on choisit de respecter une loi et la rationalité, comme nous le demandent Soloviev, Orwell, Taine, Jefferson. Je sais bien qu'on est obligé en pratique de trouver un compromis, mais on penche toujours d'un côté et c'est de ce côté là qu'on risque de tomber. Et franchement nous sommes immunisées contre le risque de rationalité. Le côté ou on risque de tomber, c'est l'autre, et nous avons sous le nez communisme, nazisme et islamisme. Il peut parfaitement nous arriver la même chose, et d'ailleurs ça a ses avantages, comme je l'ai dit. »

Moi : « Je me souviens que lors d'un échange précédent vous faisiez état des lourdes charges qui pèsent sur vos épaules, imposées par l'État... « Mon argent »... Rien n'est proprement à vous en réalité ni à moi, ni le fruit de « votre » travail ou du mien : vous jouissez de ressources communes qui appartiennent à tous, et dont vos parents vous ont peut-être mal éduqué à tenir pour « vôtres » exclusivement ! Nous vivons un destin commun sur une planète commune, désolé de vous l'apprendre, et la plupart des gens de bonne foi je n'en doute pas, ne font qu'attiser constamment les divisions et la haine entre « bons » entrepreneurs et « mauvais » assistés tels que sont le plus souvent considérés les salariés (sans parler des chômeurs !), vous feriez mieux de prêcher l'harmonie dans « votre » paroisse - spirituelle. Tout comme moi, je n'ai pas de leçons à donner, je constate !
Si les entrepreneurs ne se comportaient pas le plus souvent comme des individualistes égoïstes et cupides niant tout sort commun, il y aurait moins de souffrances, du boulot pour tout le monde, et l'équilibre de la planète ne serait pas menacé d'implosion comme il l'est aujourd'hui... Mais bien sûr les gens s'en foutent « après moi le déluge ! »
Tout l'enjeu dans l'avenir sera selon moi de responsabiliser les Hommes à leur destin commun, c'est-à-dire en les y incitant en les faisant participer par la redistribution des richesses communes. Il ne faut pas croire que certains sont supérieurs aux autres, parce qu'ils travailleraient plus ou seraient plus efficaces, ça c'est du néodarwinisme, pensez-vous réellement que le travail d'un Jeff Bezos et de 25 autres milliardaires valent autant que celui de 3,8 milliards d'individus, pensez-vous réellement que cela soit rationnel ? Non c'est culturel, une culture libérale et capitaliste dans le monde occidental qui s'est diffusée dans le monde entier et dont l'origine n'a que 250 ans environ, et cela s'inscrit dans une chaîne de causalité dont l'origine nous échappe à tous les deux : car on peut la faire remonter aux calvinistes mais eux-mêmes s'inscrivent dans une chaîne de causalité plus vaste etc. (Schopenhauer) ; mais qui a abouti in fine a des écarts abyssal de fortune entre les Hommes.
Personnellement je trouve ça totalement absurde !
C'est un contresens opéré sur la théorie de l'Évolution de Darwin par Herbert Spencer, un faussaire de génie, alors que son auteur Charles Darwin préconisait la sympathie comme moteur des relations humaines. Effectivement la compétition, la concurrence généralisée, et la malveillance qui transparaît globalement dans chacune des interventions de la plupart de nos pairs sur les réseaux sociaux, traduit le plus souvent un esprit prosaïque. La plupart des gens ne sont que le produit de notre époque nihiliste pas du tout originale mais très conforme, et qu'ils tiennent pour rationnelle. »

Lui : « Ce que j'ai gagné en 42 ans de travail, ce n'est pas beaucoup, et soit ! c'est le bien commun de l'humanité et on peut me prendre ce qu'on veut. Mais je ne vous conseille pas d'appliquer votre théorie sur le mépris de la propriété privée sur un marché d'Afrique ou dans une banlieue française. Vous n'en sortiriez pas vivant.
Mon argent, ma fortune, mes trésors... J'avais trente mille euros d'économies au début de l'année, je n'en ai plus que vingt neuf mille, et je n'ai pas dépensé ça au Casino ni au turf ni au poker ni en entretenant des créatures pour me vautrer dans le stupre et la luxure, je le regrette d'ailleurs, c'est perdre ses sous d'une façon agréable que de se faire pomper non par une dame aimable mais par le Trésor Public. J'avoue, je suis attaché pour des raisons sentimentales à mes économies, je voudrais pouvoir laisser quelque chose à ma fille, ce qui est parfaitement sordide.
Quant à la Planète, elle ne nous a rien demandé. »

Moi : « Merci pour votre patience, je crois moi aussi assez paradoxalement avec mes thèses qu'il faut encourager l'instinct de propriété, le sentiment d'appartenance et le goût de la transmission chez l'enfant, c'est son assurance-vie pour l'avenir. »

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