mardi 20 décembre 2016

De Saint-Quentin à Palo Alto


Maxime, je vous conseille la lecture de l'ouvrage de votre professeur de philo consacré à Saint-Quentin, Les Saints-Quentinois sont formidables, apparemment votre terroir local regorge de vie intellectuelle, culturelle et politique... A condition de s'impliquer à l'instar de votre prof. Mais il faut pour cela du temps, de la patience, de la persévérance, et une bonne position sociale susceptible de vous ouvrir toutes les portes. Après comment expliquer cette passion de l'implication de la part de notre ami philosophe ? Peut-être parce que comme il le dit lui-même il est nietzschéen, et que ce dernier préconise de faire en sorte pour chacun, que sa vie ne soit pas "un préjugé de faible", et cela ne peut venir que de soi, pas des autres. De plus Emmanuel n'est pas un "tendre", je me rappelle encore de la façon dont il marquait son territoire à la Sorbonne, quelquefois ça déménageait un peu (j'étais à l'époque bien trop "sensible"). Emmanuel c'est un peu un personnage tout droit sorti d'un film de Scorsese, un peu voyou, un peu violent (moralement, jamais physiquement, il répugne à toute forme de violence physique), aimant avoir des adversaires plus que des amis d'ailleurs, mais toujours dans le respect des règles et de la loi républicaine. Emmanuel est un ambitieux, un "dur", c'est effectivement un personnage à contre courant, "mécontemporain", dans notre époque si encline au consensus mou, au compromis qui rime avec compromission, à la psychologisation qui rabaisse chacun à son individualisme et à son égoïsme. Pour toutes ces raisons, Emmanuel Mousset n'est pas un contemporain, il est aussi le fruit d'une époque où l'idéologie du libéralisme n'avait pas encore ravagé cette belle idée du socialisme, qui est que les Hommes à plusieurs peuvent faire mieux que lorsqu'ils sont isolés (par le pouvoir de façon délibérée, un "complot" idéologique de la part de ceux qui se disent appartenir au "cercle de la raison", et qui pensent que globalement les Hommes ne sont pas raisonnables et ne souhaitent pas faire le pari de leur éventuelle éducation collective à la raison). Comme je l'ai déjà dit (mais tout le monde s'en fout, j'en ai conscience), le retour aux sources adam smithiennes du libéralisme engagé dans les années 80, est responsable du sommeil (espérons le provisoire) de son père spirituel : l'idéal des lumières. Et nous vivons une époque de sommeil de la raison qui engendre fatalement des monstres, comme le populisme. Même si ce dernier en tant qu'il exprime une aspiration des peuples à retrouver leur souveraineté politique et donc spirituelle, ce qui est la véritable définition de la démocratie, est préférable, et même largement plus souhaitable, que la fuite en avant dans l'ultralibéralisme. Ultralibéralisme, dont le conflit autour des VTC et leur employeur Uber (dont le propriétaire possède quand même 6 milliards d'euros de fortune personnelle environ), n'est que l'un des nombreux avatars ; genre de conflit d'un type nouveau amené à se généraliser dans l'avenir, si nous ne rompons pas de façon radicale avec ce modèle oligarchique et profondément injuste et inégalitaire dans ses fondement idéologiques (adam smithiens, je le répète).
L'enjeu spirituel de demain va être selon moi de fournir une idéologie et une assise intellectuelle et culturelle au populisme, plutôt que de s'opposer vainement et de façon non démocratique à lui, comme cela se passe actuellement aux Etats-Unis avec toutes les tentatives d'invalider une élection présidentielle qui fut démocratique. Tout comme le fruit du vote contre l'Europe des "technocrates", fut volé au peuple français (mais ce dernier a perdu toute capacité de révolte, en renouant avec un esprit de capitulation, propre au pétainisme). Et tout comme on essaya de voler au peuple britannique son vote pour la sortie de l'Union européenne, nommé "Brexit". On assiste aujourd'hui à la coalition des élites mondialisées et milliardaires, contre les peuples. Or les élites mondialisées et milliardaires sont selon moi les "ennemis du genre humain" et participent même à la destruction de la planète, dans l'appât du gain non régulé et non réglementé. Qu'elles s'enrichissent outre mesure est un problème, mais que par dessus le marché elles contribuent à la destruction de la planète est criminel pour les générations futures, qui je le répète n'ont pas mérité ça, sont innocentes. Et pourtant nous faisons déjà peser sur leurs têtes le poids de nos crimes passés. Je veux dire que nous faisons supporter aux enfants le poids de nos crimes passés, et aujourd'hui accessoirement celui d'un marché dérégulé, d'un marché fou, que personne ne contrôle, mais que certains utilisent pour régler leurs comptes avec le passé au détriment de l'insouciance. Et donc aussi aujourd'hui le poids des excès d'une oligarchie milliardaire, qui refuse toute régulation, toute limitation à l'économie de marché, donc à son enrichissement personnel qui se fait de façon sauvage et... criminelle pour les salariés (cf le film La loi du marché, de Stéphane Brizé)
Ce que je préconiserais dans un premier temps si j'avais un quelconque pouvoir, c'est un plafond décent d'enrichissement personnel, qui ne dépasse pas par exemple mille fois un salaire minimum. Or pour l'instant avec Bill Gates, nous sommes dans un rapport de 1 à 70 000 000, et ce n'est pas fini, cela ne fait que croître d'années en années. Bill Gates sur le plan de la fortune personnelle pèse autant que 70 millions de smicards théoriques, soit la population environ d'un pays comme la France, si il n'était peuplé que de smicards. Or Bill Gates n'est pas un dieu, contrairement à ce qu'il voudrait nous faire croire et contrairement à ce que voudrait nous faire gober l'idéologie dominante (un libéralisme au carré), qui nous vient directement de la Silicon Valley, où les fonctionnaires faute d'avoir les moyens de se loger décemment, en sont réduis à dormir dans leurs voitures ou dans des tentes, pour servir d'esclaves à l'oligarchie des magnifiques et bientôt nous dit-on "immortels" (ce n'est pas une blague, c'est dans le programme du transhumanisme) milliardaires de cette zone (de non-droit ?). Tant que les gens accepteront ça, tant qu'ils se conduiront comme des moutons, ils seront dans un rapport de servitude volontaire à l'oligarchie.


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