mardi 14 juin 2016

Discours à la jeunesse

De toute façon c'est fou l'effet des hormones sur la jeunesse. C'est pour cela que c'est seulement à partir d'un certain âge que le soupçon peut naître : la nature joue bien son rôle sur la jeunesse et la rend généralement enthousiaste, totalement inconsciente, sans esprit critique, sans le désir de dévoiler le voile que constitue l'apparence : apparence qui est attrayante pleine de charmes, pleines de pièges aussi, car en réalité les dés sont pipés dès le départ et certainement de plus en plus pipés, avec le règne de l'oligarchie qui resserre son emprise : je le dis, par la propagande publicitaire et le matraquage consumériste imposés, elle reprend de l'autre main, le peu qu'elle a donné d'une main. Sachez-le jeunes gens, les gens qui nous gouvernent ne vous aiment pas, ils n'aiment pas vos parents, et ils sont les fidèles serviteurs d'une toute petit élite pleine d'arrogance, de narcissisme, de perversion et de manichéisme. Que votre professeur admiré, admire lui-même, ce qui lui a permis d'être aujourd'hui devant vous et d'être payé pour ça : pour vous vendre l'acceptation d'un système qui débloque de plus en plus et de façon exponentielle, depuis la décision prise par un autre gouvernement socialiste d'accompagner le mouvement libéral, depuis 1983, mouvement qui a désormais sa propre logique et... mais bon vous êtes trop jeunes pour comprendre, regardez juste la souffrance de vos parents et vous comprendrez un peu !
Le monde d'aujourd'hui est un énorme piège pour la jeunesse, sans sens du sacré, sans valeurs supérieures, justes celles que véhiculent les médias, "liberté", "démocratie" disent-ils, "menteurs", "hypocrites", leur réponds-je. A traiter la jeunesse comme nous la traitons, ce que nous appelons "barbarie" n'est qu'un juste et logique retour des choses. Tout est désormais dans les mains des parents qui ne peuvent qu'essayer de protéger leurs enfants d'une société globalement malveillante. Oui notre belle démocratie, nos "valeurs", tout cela que par propagande nous cessons de vanter, est plutôt destructeur et méchant.
Plus tard on se rend compte qu'effectivement tout cela était absurde et que généralement, pour la plupart d'entres nous, la vie ressemble à une mauvaise blague absurde, voire un mauvais moment à passer. C'est pour cela que je conseille à la jeunesse de façon bienveillante, d'en profiter au maximum, avec modération cependant, car les excès sont destructeurs, cela fera de beaux souvenirs pour plus tard.
Il est évident que si j'appartenais à l'oligarchie, à l'élite bobo-chic parisienne ou des grandes villes de province, avec un salaire confortable qui me permette de jeter un regard de mépris et de dégoût sur mes semblables, je ne tiendrais pas le même discours. Je suis d'autant plus virulent que j'ai côtoyé ce monde durant toute ma jeunesse, donc c'est un monde que je connais bien. Pour des raisons de perversion propre à ma famille je n'ai pas pu y accéder, ce qui explique aujourd'hui, je l'admets, mon ressentiment démultiplié. Je le sais, les jeunes n'aiment pas les losers.
Max me répond : "La vie serait un mauvais moment à passer, même dans votre société démocratique idéale Erwan. Schopenhauer n'était pas vraiment de gauche et il disait bien que le bonheur cela n'existe pas. La vie d'ailleurs n'a aucun sens scientifique. Alors que tout a une raison dans ce monde, la vie n'en n'a pas d'autre que l'absurde hasard. A méditer."
Je lui répond que je suis schopenhauerien, Max, parce que c'est le premier grand philosophe du soupçon, des temps modernes bien sûr, disons de l'ère Descartes, car avant il y avait eu Montaigne qui était empreint d'un fort scepticisme, mais passons. Toujours est-il que j'apprécie beaucoup la misanthropie du personnage, dans laquelle je me reconnais. Et de plus du constat qu'il a émis, de la totale absurdité de la vie, il n'en a pas tiré toutes les délirantes et folles interprétations de Nietzsche, qui quoiqu'on en dise, ont influencé les nazis. Même si il s'agissait soi-disant, de mauvais lecteurs et de mauvais élèves de Nietzsche. La doxa officielle veut faire de Hitler un crétin congénital et impuissant, un quasi-illettré et artiste raté, afin qu'aucun jeune ne succombe à son charme sulfureux, comme ils peuvent succomber au charme de Napoléon ou de De Gaulle. Personnellement je pense qu'il n'y a pas beaucoup de différences entre Hitler et Napoléon.
Napoléon n'aurait jamais dû attaquer la Russie, et essayer de gérer son empire en bon père de famille, à la façon d'un De Gaulle. Voilà pourquoi la volonté de puissance est absurde, elle ne se situe pas dans un cosmos limité, ne vise pas la réconciliation avec soi-même, comme Ulysse lorsqu'il rejoint enfin Ithaque, mais est animée par l'ubris et vise le dépassement de soi permanent, la performance et la compétitivité. On le voit bien aujourd'hui, une telle conception de l'individu nous mène droit à l'extinction de l'espèce humaine. Nous nous sommes détachés de façon funeste et peut-être fatale, d'une conception gréco-latine du cosmos, du destin, du caractère, pour une conception de la démesure en tout : que vous Max appelez notamment "l'esprit de débauche". Quand on pense qu'une telle conception moderne de l'individu, basée sur l'autonomie de la conscience et la liberté, qui débouche finalement sur la démesure, part de l'austère Kant : c'est sûr qu'il n'aurait pas reconnu ses enfants ! Nous sommes tous un peu aujourd'hui les enfants ingrats du roi Lear, que représentait Kant.
Je réponds maintenant à Max sur le "sens scientifique". Si tout est explicable dans l’ordre des raisons, si tout semble obéir à une implacable nécessité, en réalité si l'on prend un peu de recul on s'aperçoit que la science elle-même n'a pas de sens puisqu’elle n'arrive pas à remonter à la cause première de l'explication ultime du monde : malgré la science, le monde demeure absurde, et peut très bien être la création d'un ou de plusieurs dieux, rien ne permet scientifiquement de l'infirmer. Dans une hypothèse absurde : ce sont peut-être les plus obscurantistes partisans de Daesh qui sont davantage proches de la vérité ultime, que nos fragiles sociétés matérialistes.

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