mardi 1 novembre 2016

La crise de l'autorité, puis de la culture et de l'éducation

Jean-Frédéric Poisson, candidat à la primaire de droite a prononcé la formule "lobby sioniste", puis il s'est excusé, pour ne pas être ostracisé. Oui il a prononcé le mot qui tue. Parce que la suspicion d'antisémitisme est la pire des tares, dans une société qui a vécu récemment l'épisode hitlérien, auquel nous avons tous été sensibilisé durant notre parcours scolaire, aussi superficiel fut-il. L'opprobre était déjà tombé de façon spectaculaire sur Dieudonné, et sur des penseurs marginalisés et ostracisés du débat public, comme le disait Patrick Cohen ; les "cerveaux malades". Zemmour est un penseur paradoxal, qui semble avoir la nostalgie d'une société française unie sous la bannière de l'autorité patriarcale d'origine catholique au fond, sans comprendre peut-être pleinement que la première minorité à avoir revendiqué pleinement sa différence en France et obtenu des droits, est la communauté juive, là où les protestants avaient échoué quelques siècles auparavant. Communauté juive à laquelle Zemmour appartient, alors que la communauté musulmane qu'il stigmatise tellement revendique son droit à la différence, sur le modèle de la communauté juive, mais d'une façon beaucoup plus virulente et conflictuelle, propre à toute rivalité mimétique (René Girard) : un exemple la plupart des musulmans ne donnent même pas un prénom français à leurs enfants, à la différence de la plupart des Juifs, jusqu'à récemment en tout cas. Il y a aussi le problème du nombre, la communauté musulmane est beaucoup plus nombreuse que la communauté juive en France. Même au sein d'une communauté comme la juive il existe des différences, et des différences énormes, comme entre un Zemmour ou un Finkielkraut attachés à l'identité française, et un BHL, plus enclin au cosmopolitisme. Et donc parler de "lobby juif" est trop réducteur et simplificateur, et dans des esprits simples peut générer des amalgames : ce que ne cessent d'ailleurs de nous rappeler les médias et la pensée politiquement correcte. Maintenant toutes les minorités s'engouffrent dans la brèche laissée par le renoncement de l'autorité patriarcale d'origine catholique à affirmer sa suprématie sur la société française. Renoncement qui s'explique aussi par l'américanisation des mœurs, donc la libéralisation aux sens économiques et sociétaux de la société, et surtout par la perte de la foi causée surtout par le progrès des sciences et techniques, qui prouve quasiment radicalement et définitivement, la non-existence de dieu. Renoncement de la notion d'autorité en général, au nom du droit à la différence, qui finira par tuer la nation française, dont la racine finalement était catholique, et dont les ancêtres furent gaulois, même si pour la plupart des Français contemporains n'ont pas d'ancêtres gaulois, il s'agit d'un mythe fondateur républicain destiné à faire consensus, unité et autorité. D'où la résurgence de débats aussi conflictuels et clivants, que la question de l'identité, puisque ce sont à leur tour les Français de souche à se poser comme victimes à l'instar des Juifs et musulmans : ce que montrent les manifestations de policiers se posant en victimes, alors qu'ils sont sensés représenter l'autorité. Mais quelle autorité représenteraient-t-ils, puisqu'il n'y a plus d'autorité en France ? Conséquence sur la durée, des effets de mai 68, entre autre.
Ce que ne savait pas la République, c'est que le principe même de son autorité se trouvait dans la sécularisation du modèle d'autorité transmis par la religion catholique, et qu'avec l'extinction et dissolution de sa racine catholique, elle perdait par là même tout principe d'autorité. Donc la République ne fait plus autorité, et toutes les minorités ou différences revendiquent des droits. Une précision, Zemmour a la nostalgie d'une époque révolue où la République était plus autoritaire, comme sous de Gaulle. "Nos ancêtres les Gaulois" est un de ses mythes fondateurs, que tout le monde acceptait par esprit de consensus. La République s'est fondée sur un modèle d'autorité qui faisait consensus et unité, sur le modèle autoritaire du catholicisme, qu'elle a tout de suite vidé de son sens spirituel, pour n'en garder que le modèle autoritaire et hiérarchique : par analogie c'est pour cela que je dis que Zemmour a la nostalgie "d'une autorité patriarcale d'origine catholique", alors que paradoxalement il est d'origine juive, et qu'une telle nostalgie uniformatrice d'origine catholique de l'époque gaulliste, ne devrait pas le toucher, puisqu'il devrait en toute logique revendiquer sa différence. Peut-être a-t-il conscience, par une lucidité particulière, à l'instar d'un Finkielkraut, que la société française privée de tout principe d'autorité, risque rien de moins que la fragmentation, puis par un jeu de dominos, l'effondrement, et que la seule autorité susceptible de faire consensus en France, sous un habit républicain, est au fond d'origine catholique ; alors qu'aujourd'hui ce sont les prédateurs libéraux libertaires, les fauves de wall street, de la City et de la finance en général, qui nous infligent leur réussite arrogante et méprisante, qui font autorité ; ou encore l'idole fric, qui fait autorité, et qui influence les moeurs décadentes et déculturées de nos contemporains. Emmanuel Mousset par exemple, je pense, mais ce n'est qu'une hypothèse, est quelqu'un qui a une vision catholique du fonctionnement de la République, son admiration pour elle consiste en une métamorphose de son admiration enfantine, pour les rites de la religion catholique : à l'échelle d'un individu, son exemple montre la nécessité d'une racine catholique, comme principe nécessaire de l'autorité de la République.

Le philosophe : "Oui, les policiers à leur tour, suivant la mode ambiante, posent en victimes, ce qui est un comble quand on a pour métier de protéger les victimes.
Le catholicisme, ou plus exactement l'Eglise comme modèle de structuration de la société française, c'est du Maurras, qui débouche non sur la République, toujours un peu bordélique, mais sur la monarchie absolue, ou plutôt son fantasme d'autorité. Ce même Maurras a d'ailleurs été condamné par le Vatican, y voyant à juste titre une instrumentalisation de la religion."

Le principe de l'autorité dans la société française contemporaine serait donc, le mérite. Il y a aussi la question de la vérité, puisque la philosophie pendant des siècles s'est posée la question de la validation de la vérité scientifique. Aujourd'hui finalement la vérité et le mérite font autorité, on ne peut plus mentir avec des fables comme la religion, qui imposent un dogme, une croyance, une autorité, de l'extérieur. Aujourd'hui l'autorité est sensée s'affirmer elle-même de l'intérieur, et ses principes de validation sont le mérite républicain, et la vérité. Ce qui semblerait constituer un progrès incroyable et fabuleux. Si on y regarde de plus près cependant, comment se fait-il que la vérité ne parvienne pas du tout à résoudre tous les problèmes qui se posent dans la société française, bien au contraire les exacerbe ? Qu'il y ait tant de frustrés qui ont la nostalgie du passé et de l'autorité, et souhaitent un retour en arrière ? Parce que la vérité ne se trouve pas en réalité dans la vérité scientifique objective, mais la vérité est propre à chacun, subjective, et vise à la réalisation de soi, par le bonheur et l'épanouissement personnel : un leurre bien sûr, personne n'y arrive. Hormis ceux qui marchent finalement scrupuleusement dans les traces du mérite républicain, et de la vérité validée par les sciences : d'où l'importance de l'éducation, qui sans autorité est malheureusement non opérante : on en arrive à un paradoxe, l'école voudrait se passer d'autorité, mais la vérité n'arrive pas à elle seule à avoir assez d'autorité pour rendre efficiente l'éducation, et l'autorité que l'on a voulu supprimer et évacuer par une porte, devra bien faire son retour par une autre porte, si l'on ne veut pas que l'ensemble du système s'effondre.
La société pourtant semble pleine de bonne volonté, tout le système semble bon et vise à l'épanouissement de chacun par l'école. Tout n'est qu'une question de bonne volonté et de mérite, et ceux qui sont "exclus", soit font preuve de mauvaise volonté, soit sont des malades. En réalité, je ne souscris pas du tout à cette vision républicaine de la laïcité, du mérite, de l'éducation, qui a voulu totalement évacuer l'héritage de l'autorité patriarcale, par la révolution de mai 68, qui aboutit aux violences que l'on connaît dans les établissements scolaires, et l'impossibilité d'enseigner dans certaines zones sensibles Je suis en désaccord avec le monde moderne, mais je n'ai effectivement rien à proposer en échange.


2 commentaires:

  1. Je suis un lecteur du blog d'Emmanuel Mousset, mais j'interviens ici, pour dire que la République est un mot-valise, polysémique qu'Erwan Blesbois emploie dans le sens et l'esprit de la IIIè République. C'est un concept apparu lors de l'antiquité grecque dans le cadre d'une cité notamment Athènes où les femmes, les étrangers ( métèques) et les esclaves n'avaient pas droit civiques.Donc l'autorité n'est pas l'apanage de la République, bien d'autres régimes sont détenteurs d'autorité sans être républicains.
    Les policiers sont de plus en plus sollicités alors qu'ils sont de moins en moins nombreux. Ils sont de plus en plus victimes de leurs devoirs puis qu'entre 2009 et 2015 le nombre est passé de 230 à 430. De même les enseignants sont de plus en plus victimes d'agression verbale, physique et morale. De la même façon le personnel hospitalier l'est aussi, dans les hôpitaux il est précisé par affiche que toute agression contre le personnel sera l'objet de poursuites civiles et pénales. Même chose à La Poste où toute personne agressive peut voir son compte chèque postal fermé d'office sur requête d'un responsable hiérarchique d'une agence. Que faut-il de plus à Emmanuel Mousset pour réaliser que quelque chose ne va plus dans ce pays? A Viry-Châtillon des policiers, qui, comble, se contentaient de surveiller des caméras de surveillance ont été délibérément agressés avec une claire intention de tuer des policiers. Déjà dans mon quartier parisien en 2002 que j'habitais alors, j'ai vu des policiers et des pompiers agressés alors qu'ils venaient éteindre un incendie. De plus en plus tout détenteur d'autorité est suspect pour une partie de plus en plus grande dans certains endroits de notre pays "les territoires perdus de la République".
    Face à cela la pire des politique est celle de Monsieur Mousset, la politique de l'autruche. La culture libérale-libertaire de nos élites ne leur permet pas d'affronter avec la lucidité requise les problèmes auxquels elle est confrontée. Il va de soi que ce problème est autant celui de la droite que de la gauche. Ou bien le réflexe pavlovien d'y voire la main du FN. C'est tellement plus confortable.

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  2. Quant à Maurras c'est notre "antéchrist français"... Il était agnostique alors qu'il était à la tête du plus grand mouvement monarchiste français. On connaît la suite : Dieu lui a barré la route grâce à Pie XI. D'une façon générale je ne souscris à aucune coterie monarchiste quelconque : ce sont des mondains qui font passer Dieu après leur "roi" ... No comment !

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